Le chanteur nous a donné rendez-vous chez ses voisins, à l’Auberge du Guéry. A notre arrivée, le patron nous demande si Jean-Louis s’est remis de sa blessure à la main, s’imaginant qu’on le connait aussi bien que lui. Pour ma part, j’allais rencontrer « Murat » pour la première fois et j’étais moyennement fier. Je savais que promouvoir n’était pas sa tasse de thé et mes collègues journalistes ne m’avaient pas tracé un portrait flatteur du chanteur: fuyant, rustre, hautain pour certains. De quoi m’enthousiasmer. Fuyant et rustre, Jean-Louis Murat l’est sans doute un peu comme beaucoup d’autres auvergnats du Puy-de-Dôme que je connais, hautain, en revanche, pas du tout. Le monsieur a été plutôt chaleureux avec nous et surtout, d’une très grande sincérité quand il a embrassé ses voisins, le petit couple de l’Auberge. »Je salue d’abord mes amis » s’est-il excusé à son arrivée et à le voir sourire, nous n’avions aucun doute sur cette amitié. Nous étions chez ses amis et ça au moins, le mettait à l’aise. Et puis Alex était là, Alexandre Rochon du Delano Orchestra sans qui cette interview n’aurait pas été possible. « Tu t’en souviendras » me lance ce dernier à son arrivée, devinant mon malaise. Mais pourquoi ce bonhomme m’impressionne autant? Je me dis qu’il a quelque chose d’une bête sauvage, celle qu’on rencontre au détour d’un chemin et dont la présence incroyable pourrait s’évaporer en un clin d’œil si on en fait trop. Alexandre Rochon a plein de projets post-Babel comme une série de concerts de poche dans les différents lieux du coin qui ont inspiré des textes au chanteur. Babel est le dix-neuvième album (si j’ai bien compté) de Jean-Louis Murat et cette fois-ci, il l’a co-signé avec un groupe de Clermont-Ferrand qui a déjà fait parler de lui au-delà de la capitale auvergnate, The Delano Orchestra, dont le leader est le trentenaire Alexandre Rochon.
Jean-Louis Murat: On a enregistré à Clermont-Ferrand, c’est un groupe local, je suis le chanteur local (rires)… On a décidé de travailler ensemble. J’allais pas bosser avec un groupe de Limoges alors ça tombait bien… En plus, comme c’est sûrement le meilleur des jeunes groupes, avec un admirable leader comme Alex… Enfin je réfléchis pas tellement la-dessus, c’était à l’instinct, tout ça s’est fait à l’instinct. Et puis le batteur du Delano, Christophe (Christophe Pie travaille avec Jean-Louis Murat depuis ses premiers albums, ndlr) c’est un ami que je connais bien, ça s’est fait sans réfléchir.
Et quelle est la part du Delano dans cet album de Murat?
JLM: ça c’est le représentant du Delano qui va répondre… T’es pas emmerdé là?
Alexandre Rochon: On a joué chacun notre tour et ce sont plus des individualités du Delano qui sont représentées finalement. En fait ça dépend des morceaux, des fois on retrouve ce qui peut représenter le Delano et des fois moins…
JLM: C’est ça, c’est à la fois un groupe mais aussi des individualités… C’est assez difficile à définir, je pense que les membres du Delano s’expriment davantage sur les compos d’Alex…
AR: On n’a pas eu envie non plus de coller du Delano sur les chansons de Jean Louis, on a travaillé les arrangements tous ensemble. Tout s’est fait très spontanément, plutôt facilement en fait, chacun a apporté sa touche aux chansons de Jean-Louis et chacun trouvant son inspiration qui n’était pas forcément une inspiration tirée du Delano.
Jean Louis Murat, vous avez l’habitude de travailler avec des artistes engagés artistiquement, Alexandre Rochon fait partie de ces gens-là?
JLM: Oui on trouve la même chose chez Alex c’est-à-dire qu’ils ne savent pas trop ce qu’ils ont à faire mais ils savent définir parfaitement ce qu’ils n’ont pas envie de faire et c’est ce que j’apprécie chez ces artistes. Ce qu’on n’a pas envie de faire est assez bien défini et c’est d’ailleurs plus simple de se définir comme ça plutôt que de dire, « j’ai envie de ceci ou de cela »… Tous les gens avec qui j’ai travaillé, j’ai toujours remarqué qu’ils fonctionnaient comme ça: ils n’avaient absolument aucune idée de ce qu’on allait faire mais ils savaient en tout cas ce qu’on ne ferait pas.
Dans vos textes, il y a une foule d’indications de lieux très précis de la région, c’est l’un de vos albums les plus auvergnats? (Babel comprend une vingtaine de chansons dont certaines ont pour titre Neige et pluie au Sancy, Col de Diane, Dans la direction du Crest, Noyade au Chambon… ndlr)
JLM: Oui je cite plus facilement des noms de lieux mais ce n’est pas forcément l’énumération des lieux qui fait le côté régional voire cantonal du disque… Mais ça m’a toujours plu, j’aime bien m’ancrer (comme vous dites les journalistes) dans une réalité régionale et géographique. Depuis le début, j’ai toujours fait ça, j’ai toujours écrit des chansons qui parlent des lieux où je vis.
Ces lieux ne vous inspirent pas des choses très drôles, Noyade au Chambon par exemple?
JLM: Une noyade, ce n’est qu’une baignade ratée, y’a pas de quoi en faire une affaire… Mais faut en parler à Alexandre, c’est lui le spécialiste de la baignade… (le leader du Delano est aussi l’auteur avec Emilie Fernandez du Cahier Bleu, une collection de livres sur la baignade dont le premier volume était consacré à l’Auvergne, ndlr) Voilà, Noyade au Chambon c’était un clin d’oeil à Alexandre… Non ceci est complètement faux, il faut retirer ça au montage… (Rires)
Vous pourrez voir cette interview samedi soir dans le journal régional à 19h sur France 3 Auvergne.
Babel, chez [PIAS], disponible à partir du lundi 13 octobre en téléchargement, en CD et en Triple Vinyle.
Clip du premier titre extrait de Babel, J’ai fréquenté la beauté réalisé par Alexandre Rochon, Production Éxécutive : Kütu Folk Records.
Photos: Julien Mignot.