Le photojournaliste croit au travail en amont et à l’immersion sur ses lieux de reportages. De la Révolution iranienne aux printemps arabes, trente-sept ans de métier qui en font l’un des incontournables de la profession.
Manoocher Deghati, 61 ans, est une pointure du photojournalisme. Son CV impressionne autant que son humilité. Départ du Shah, soulèvement nord-irlandais, guerre civile au Salvador ou printemps arabes ont jalonné la carrière de ce Franco-iranien. Il est de ceux qui savent être au bon endroit, au bon moment. Le 1er juillet 1994, au retour de Yasser Arafat, une foule s’était rassemblée à la frontière de Gaza. Les organisateurs avaient prévu chaises, bancs et tapis rouge. « Je connaissais le peuple, il était impossible que les Palestiniens restent statiques. » Manoocher Deghati s’est levé, a grimpé sur sa chaise pour capturer la photo la plus emblématique du fondateur de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) sur sa terre natale.
« Je ne veux pas être quelqu’un de l’extérieur »
Le photographe parle sept langues. Une maîtrise indispensable, estime-t-il, quand on travaille dans de multiples pays. Au Kenya, près des côtes de l’Océan Indien, les habitants parlent surtout le swahili. Un Kényan lui en a appris quelques mots. « Sur place, les gens étaient étonnés que je parle un peu leur langue. Ils changent d’attitude et sont plus à l’aise. Cela change tout et ouvre les portes. » Même s’il a essentiellement couvert des conflits, la violence n’est pas le sujet de Manoocher Deghati. Il cherche « l’humain, l’espoir, et non les cadavres. » Aller à la rencontre des gens qui partagent parfois leur pain avec lui, même dans les pires des situations. « Les photographes sont comme des chats, ils retombent toujours sur leurs pattes. »
Une école de photo en Afghanistan
A Kaboul, le photojournaliste souhaitait partager son savoir avec les jeunes hommes et femmes afghans. Au moment de la chute du régime taliban (2002), Manoocher Deghati y a ouvert l’école de photographie « Aina » (« miroir » en français) avec son frère, Reza, également photographe. Dès la première année, cinq cents personnes se sont disputées les cinquante places disponibles. En plus de la technique, il leur enseigne l’histoire, la géographie, la psychologie et les langues. « Être un photographe, ce n’est pas seulement faire des photos. Nous sommes ceux qui ont le plus de connaissance du monde. »
LUC GALLAIS et HELENE SOUDANT