02 Sep

Bülent Kiliç : « On est forcément sensible aux événements de son pays »

Nord de Donetsk, 22 juillet 2014. Un séparatiste pro-russe à un poste de contrôle. © Bülent Kiliç / AFP

Nord de Donetsk, 22 juillet 2014. Un séparatiste pro-russe à un poste de contrôle. © Bülent Kiliç / AFP

Crise en Ukraine entre décembre 2013 et juillet 2014, manifestations en Turquie en mars 2014, catastrophe minière de Soma le mois de mai suivant, bataille de Kobané en 2015, réfugiés syriens… En deux ans, Bülent Kiliç a couvert une actualité brûlante aux portes de l’Europe. Mardi, le photographe turc, à l’Agence France Presse (AFP) depuis neuf ans, est au festival « Visa pour l’image » pour présenter son travail au public.

Bülent Kiliç suit le « news », l’actualité chaude, celle qui prend au dépourvu. « Quand la pluie tombe, c’est le moment de prendre des photos. Mon job est de relayer les mauvaises nouvelles », ironise-t-il face à un groupe d’une vingtaine de personnes, particulièrement réceptif à son humour pince-sans-rire.

« Chaque événement est différent. Ils ont tous leur singularité. Les gens, la langue et le contexte changent », ajoute-t-il. « À l’est de l’Ukraine, les gens sont plus froids et renfermés qu’au Moyen-Orient. Seulement, au Moyen-Orient, on peut se faire kidnapper ou mourir en deux secondes. On ne sait pas qui est qui. C’est plus délicat de faire confiance. Je ne peux pas me tenir près d’un combattant de Daesh. Il faudrait que je me défende. Ils tuent des journalistes. »

Alep, un de ses pires souvenirs

Bülent Kiliç © Titus Holliday

Bülent Kiliç © Titus Holliday

Le photographe raconte « le pire » jour de sa vie en Syrie : « J’ai voulu éviter Alep pour ne pas être confronté aux violents affrontements. Les personnes qui m’accompagnaient m’ont promis une région plus calme en retrait de la ville. Ils m’ont amené à 500 mètres du centre de la ville en m’expliquant que ce n’était pas à Alep… « . Bülent Kiliç s’est retrouvé à courir d’immeuble en immeuble pour se protéger des tirs. 

La distance avec la population devient encore plus difficile à gérer quand le photojournaliste évolue en Turquie, son pays. « On peut se retrouver dans des situations familières. On reconnaît la langue. On peut côtoyer des gens, des lieux, des rues et des problèmes que l’on connaît et qu’on vit. On est donc forcément plus sensible. Qui ne le serait pas ? » Lorsqu’il évoque les manifestations de mars 2014, il laisse échapper un avis et évoque laconiquement « l’accumulation » de « mauvaises choses ».

Deux des photos de Bülent Kiliç ont été récompensées lors du concours World Press Photo 2015. La première est une colline bombardée par les kurdes. Il se souvient d’une stratégie « bizarre » : « Le bombardement a eu lieu après le départ des combattants de Daesh », initialement visés.

Le second cliché est une étudiante turque brutalisée par les forces de l’ordre lors de manifestations à Ankara. Une image sombre illuminée par le bleu de l’uniforme des policiers. « Cette teinte a duré quelques secondes, le temps de prendre la photo. Elle a disparu dans la foulée. » Un résumé de son travail : des sujets qui font l’actu avant qu’une autre s’impose.

Titus Holliday et Jonathan Demay