01 Sep

Ce que deviennent les photos après Visa

Que deviennent les photos après le festival ? Photo T.C

Une des salles d’exposition du festival Visa pour l’image 2015, dans le couvent des Minimes. Photo T.C.

Les visiteurs les admirent, les scrutent, les décortiquent. Pendant deux semaines, les clichés des photojournalistes sont les stars du festival Visa pour l’image. L’heure de gloire avant les oubliettes ?

A la fin du festival, une fois que les photographies exposées retournent dans l’ombre, que deviennent-elles ? Les photographes, propriétaires de leurs fichiers, repartent tout simplement de Perpignan leur série sous le bras. « Je vais récupérer gratuitement les tirages après le festival », se satisfait Adrienne Surprenant, qui compte bien exposer sa série au Canada, chez elle. « On envoie aux photojournalistes les tirages deux semaines après la fin du festival. Ils en font ce qu’ils en veulent. Ils les exposent, les vendent, les déchirent », complète Jean-François Leroy, directeur général de Visa. Les doubles numériques, eux, sont conservés.

Pour la 27e édition du festival, plusieurs laboratoires ont tiré près de 1 500 photographies. L’entreprise Dupon Images est une habituée : cela fait vingt-six ans qu’elle travaille en partenariat avec Visa. Cette année, elle a imprimé une dizaine d’expositions. Si elle n’est pas supposée conserver les clichés envoyés par l’équipe de Jean-François Leroy, Dupon Images en garde certaines : « On est obligé d’en sélectionner. Tout ce qui est culturel ou historique, on conserve, au cas où… Avant, on devait rendre les négatifs, mais on les scannait », affirme Jean-François Camp, le PDG. L’entreprise organisatrice de Visa, Images évidence, conserve également les photos. « De quel droit, s’étonne un photographe français qui travaille en Argentine. S’ils le font, ils doivent nous en parler, nous payer, sauf si nous signons un contrat qui stipule qu’ils peuvent utiliser nos photos gracieusement. » La loi de 1997 sur la propriété intellectuelle autorise la conservation privée des photos, sans utilisation publique. « On sait que les clichés ne nous appartiennent pas », se presse d’ajouter Jean-François Camp.

La question de l’argent

Car oui, les clichés appartiennent à leurs auteurs seuls, selon le droit patrimonial. « Je suis propriétaire de ma série. Quand un journal propose de m’acheter des photos afin de les réutiliser plusieurs fois, je rature la ligne du contrat ou je ne le signe pas. Le métier est déjà assez difficile comme ça… », affirme Adrienne Surprenant. A tout juste 23 ans, la Canadienne expose pour la première fois au couvent des Minimes son reportage sur le canal du Nicaragua. « Il y a dix ans, au Canada, les photographes avaient fait grève pour conserver leurs droits d’auteurs. Cela reste un combat de tous les jours », poursuit la jeune femme.

La bataille est autant pécuniaire qu’idéologique. Tirer une série coûte cher. Le prix dépend surtout de la qualité du papier. Il faut compter « entre 3 000 et 5 000 euros », selon Jean-François Camp pour imprimer une exposition pour le festival perpignanais. L’argent est également au cœur de l’après-Visa, et il le sera encore plus après la création du Centre international du photojournalisme à l’automne, au couvent des Minimes. Jean-François Camp, qui est aussi l’un des instigateurs du projet, espère que « deux ou trois clichés, voire plus, seront offerts » par les reporters afin de créer un fonds d’images. Il compte d’ailleurs contacter tous les participants des vingt-sept éditions de Visa. Cela représenterait plus de 30 000 clichés.

ZOÉ BARBIER et THIBAUT CARAGE