Aucun cliché d’ordinateurs sur les photos de Doug Menuez. Des hommes et des femmes seulement, en noir et blanc. Au couvent Sainte-Claire, le photographe de 54 ans expose sa vision de la révolution numérique de 1985 à 2000. Steve Jobs en est l’un des héros.
La première photo de l’exposition « un génie audacieux » est un portrait du patron visionnaire de l’électronique, décédé il y a un an. On le voit, en réunion, parler avec ardeur et conviction à ses collaborateurs. « J’ai rencontré Steve Jobs alors que je revenais d’un reportage en Éthiopie. J’avais besoin de réaliser un sujet plus positif. Lui avait quitté Apple et était dans une quête de changement. Il avait déjà connu le succès et je savais qu’il pouvait recommencer. » Le fondateur d’Apple est présent sur près d’une dizaine de photos.
L’exposition retrace une aventure, avec ses bons et mauvais moments. « Les gens voient les hommes de la Silicon Valley comme des « geeks ». Ils font beaucoup d’argent, et on n’a pas vraiment envie d’en savoir plus sur eux. Mais il faut savoir que ce sont eux qui inventent notre futur. »
Parmi toutes les images prises en quinze ans de reportage dans la Silicon Valley, sa photo préférée est celle de douze personnes, autour d’une table, dans un entrepôt vide. « Cette image représente toutes les promesses et espoirs de Steve Jobs. » Monsieur Apple essaye de convaincre Ross Perot d’investir. Il décrochera finalement 20 millions de dollars. C’était en 1986, il vient de relancer son empire.
Quelques femmes apparaissent parfois sur des clichés. Présentes, quelquefois même avec leurs enfants, elles sont, selon le photographe, les oubliées de « la grande Histoire » de l’informatique. Comme Susan Kare, créatrice des icônes pour Mac et Microsoft, représentée dans une pièce immense, vide, seule. « C’est un monde sexiste, j’ai aussi voulu montrer cette réalité. »
La créativité et la motivation de ces hommes et femmes n’est pas le seul sujet de l’exposition. Dans la Silicon Valley, l’argent et le marketing sont omniprésents. « J’essayais de m’en tenir éloigné si la colère montait d’un cran. Il s’approche d’un cliché : « L’atmosphère était électrique. Samir Arora, fondateur de NetObjects avait 48 heures pour trouver 10 millions de dollars, sans quoi une centaine de personnes seraient virées. Il a trouvé la somme. Je ne l’ai su que quinze ans plus tard. »
Doug Menuez a vu l’exposition de Stanley Greene, « les cimetières de l’électronique ». La poubelle de tous les objets inventés et vendus par ceux qu’il a photographié. « C’est un travail exceptionnel. Mais je ne pense pas que les hommes de la Silicon Valley ont conscience des conséquences de ce qu’ils créent. Pour eux, c’est une constante course vers l’innovation. »
Sur la dernière photo, un homme, le visage tourné vers le ciel, ouvre grand la bouche dans un cri de victoire. Il est l’un des responsables d’Adobe. « J’ai voulu terminer l’exposition sur cette photo de cri. Ça résume toute l’intensité, le stress et la joie que ressentent ces hommes. Il ont dit que c’était impossible, et ils l’ont fait ».
Wallès Kotra et Solange van der Zwaag