Tout est parti d’une photo. Il y a quelques jours, Gérard Colin, un amoureux de la Loue, nous envoie un cliché pris le 3 août au lieu-dit de Buillon, près du château du même nom, sur la commune de Chenecey-Buillon. Le pêcheur accompagne sa photo d’un commentaire : «Voici une image de la Loue prise la semaine dernière. Elle coule toujours dans un magnifique écrin de verdure, mais voici ce qu’en voient de près les touristes, notamment les amateurs de canoë-kayak: cette eau que boivent les Bisontins mousse à souhait et agrémente à sa façon les herbiers fleuris de la Loue!»
Intriguée, je cherche à savoir d’où vient ce phénomène. J’ai en mémoire un reportage tourné par mes confrères au mois de mai 2009 sur le Doubs en plein centre ville de Besançon. A cette époque, il faisait très chaud et les renoncules blanches avaient envahi la rivière. Grâce aux explications de Françoi Dehondt,directeur du Conservatoire botanique national de Franche-Comté, nous apprenions que «comme le printemps avait été sec, et le débit de la rivière quatre fois inférieur à la moyenne annuelle, l’eau était ainsi plus concentrée en minéraux, dont les renoncules raffolent. Mais il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. »
Gérard Colin précise qu’il a déjà observé ce phénomène et assure qu’ «il en rarement vus autant». Mais ce qui a fait réagir Gérard colin c’est «cette mousse en abondance et assez éloignée du barrage».
L’hydrobiologiste Marie Fortin me suggère de me rendre sur le site de la Commission de protection des eaux. Le phénomène des mousses est effectivement bien expliqué. «La formation de petits amas de mousses ou d’écume dans les rivières de surface ou souterraines, est le plus souvent naturelle. Elle est liée à la présence, toute aussi naturelle dans les eaux de matière organique en décomposition provenant des végétaux aquatiques mais aussi des végétaux terrestres, entraînées vers les cours d’eau par les eaux de ruissellement ou d’infiltration.» Jean-Pierre Hérold, le vice-président de l’association Loue Vive précise même que cette «mousse qui flotte en surface s’arrête sur un obstacle; c’est un phénomène naturel bien visible aussi au bord des lacs après une période de vent qui agite la surface.»
Il peut s’agir également de pollution : «Une abondance de matière organique dans les eaux ne peut que multiplier les phénomènes de moussage naturel. On peut donc fortement suspecter une pollution des eaux lorsque la présence des mousses est fréquente et beaucoup plus importante qu’habituellement dans une rivière dans des circonstances identiques (météo, débit, ..)»
Alerté par mes échanges de mail avec les spécialistes, un habitant de Chenecey, Julien Guyonneau, botaniste au Conservatoire botanique de Franche-Comté, est même allé vérifier si cette mousse photographiée sentait la lessive. «La mousse est bien prise, a une légère couleur brun vert et sent les algues d’eau douce. Pas d’odeur de lessive.» C’est ce que conseillait de faire Jean-Pierre Herold pour savoir si cela venait des lessives.
Me voilà rassurée ! Moi j’avais tout simplement imaginé que la Vouivre prenait son bain….
Isabelle Brunnarius