Cher Saint Pierre,
À l’heure où le Limoges CSP flirte de nouveau avec les sommets du basket hexagonal, tout bon Limougeaud se veut supporter exemplaire de ce bastion du basket français, souvent copié mais jamais égalé.
Or, que ce soit dans les travées de Beaublanc, à flanc de zinc, sur les forums, sur les réseaux sociaux ou même au cœur des commentaires des articles de Beaublanc.com, le débat fait souvent rage : dis nous, Saint Pierre, qu’est-ce qu’un bon supporter ?
À quoi se mesure donc ce titre si précieux aux yeux de certains, tout aussi désuet aux yeux d’autres ? On ne peut s’empêcher de penser au bon chasseur et au mauvais chasseur… En effet, à quel étalon doit-on se référer pour avoir le droit de se dire « supporter » ?
Faut-il avoir connu les épopées vertes des années 80, les déplacements en train à Padoue ou à Grenoble ? Faut-il posséder religieusement au fond de son armoire en formica un authentique bob CSP / Crédit Agricole pour être accepté ? Ou avoir pris une murge avec Don Collins dans une boîte limougeaude lors d’une de ses légendaires virées précédant des cartons offensifs toujours admirés aujourd’hui ?
Mais Brassens nous l’a appris : le temps ne fait rien à l’affaire…
Les Phénix, Eagles ou autres Ultras seraient-ils dépositaires du sésame à grands coups de grosse caisse et de chants plus ou moins coordonnés ? Nombre de Limougeauds viennent à Beaublanc pour apprécier du basket sans pour autant y laisser un poumon ou leurs cordes vocales sur une base bimensuelle. D’autres ont depuis longtemps fait une croix sur ce genre de prouesses et réservent leurs forces pour une bonne bordée de sifflets à l’endroit des hommes en gris ou d’un Eïto, ersatz moderne des Fauthoux et autres Gadou qui ont su nourrir notre palais des sports de rivalités fédératrices.
Si seuls les muets semblent en mesure de résister à un « Limoges, ohé ohé ohé », le volume sonore ne semble pas non plus être LA clé pour se targuer du titre de supporter.
Et c’est là que les interactions numériques prennent toute leur saveur, la distance et l’anonymat de l’écran révélant les plus noirs instincts de certains talibans de la pensée cercliste, brandissant le crime de lèse-CSP à la moindre critique de leur équipe chérie (mais ont-ils le bob au fond de l’armoire… et connaissent-ils Don Collins ?). Le supporter devrait-il donc se réduire à l’image nauséabonde renvoyée par le foot où certains se tatouent aveuglément le logo de leur club et aiment d’amour chacun de leurs joueurs ? Le « bon » supporter serait-il donc une sorte de lobotomisé tapant des mains et se nourrissant des victoires de son équipe pour aller faire honte à tout le limousin en trollant abondamment sur le web-basket français ? Celui-là même qui se fait si discret les soirs de défaite (après tout il a beuglé comme d’hab et a rempli son rôle ?!) si ce n’est pour fustiger ceux qui vont « refaire le match » ou modestement tenter de comprendre le pourquoi du comment d’une branlée ou d’un crève-cœur au buzzer.
Doit-on exiger le BE1 à l’entrée de Beaublanc pour ne laisser entrer que les élus dignes d’apprécier le spectacle technique, et donc dignes d’en débattre par la suite ? Si la maîtrise du step-out ou du pique-ze-piqueur (en Dupraz dans le texte) conférait une quelconque supériorité parmi les supporters, les travées de notre palais des sports préféré seraient bien calmes et souvent bien vides (ben oui, les coachs diplômés en activité sont souvent sur un banc eux aussi au moment où les Limougeauds croisent le fer avec leurs homologues de ProA). Non, il n’y a définitivement pas besoin d’être « calé » en basket pour être un bon supporter (même si Beaublanc a toujours eu la réputation de public « connaisseur »). Nombre de fidèles abonnés ou spectateurs récurrents peinent à discerner défense individuelle ou zone mais ils ne boudent pas pour autant leur plaisir et seuls les extrémistes sus-cités seraient en mesure de leur reprocher leur candeur technique.
Que s’autorise le mauvais, que le bon n’oserait imaginer ? Qu’accomplit le bon alors que le mauvais s’égare ? On entend souvent que les vrais sont ceux qui sont là par vents et marées, mais pour autant faut-il rejeter ceux qui se sont égarés quelques années, le temps de rencontres moins savoureuses face à Bayonne, Liévin ou encore lors de ces années de disette où les arroseurs faisaient rougir le public tout autant que le climat faisait verdir le paysage limousin ?
Au fur et à mesure de cette réflexion, les clins d’œil et les références religieuses se multiplient, et à bien y réfléchir… le supporter serait-il un fidèle et le CSP serait-il son culte ? On s’y tromperait parfois ! Après tout, Beaublanc ne porte pas le surnom de Cathédrale du basket français pour rien ! Les croyants… enfin pardon les supporters auraient donc leurs modérés, leurs pratiquants, leurs prophètes voire leurs extrémistes… Vénérant les icônes de l’ancien testament (Qui n’a jamais été ému par le linceul de Dacoury ?) comme les cardinaux actuels candidats potentiels à la canonisation en cas de miracle (non je n’ai pas dit qu’un titre serait un miracle, je file simplement la métaphore, alors messieurs les lapidateurs, rangez vos cailloux et on reprend !).
La vérité résiderait donc dans la spiritualité, chacun ayant le droit de vivre sa foi de sa propre façon et le « mauvais » supporter serait donc l’intolérant qui ne respecte pas la façon dont son prochain encourage le CSP.
Voici donc notre vérité : les supporters ont de multiples visages. De la « petite vieille » touchante qui pointe à Beaublanc depuis 30 ans, à l’illuminé torse-nu peint en vert qui va « tout donner » pendant cinq quart-temps, en passant par la dame blonde des porcelaines MP Samie en transe comme tous les samedis ! Le gamin qui balaye le parquet, le secouriste qui a appris à aimer le basket alors qu’il n’y connaissait rien, le gamin de 8-10 ans traîné par son père et piqué du virus, la midinette qui adore les shorts serrés et les muscles acérés des athlètes ou encore le VIP qui vient se montrer parce que Beaublanc est aussi un lieu pour faire du business… Chacun trouve son compte à « supporter » le CSP, tous composent ce public unique et cosmopolite que toute la France du basket nous envie (enfin, au moins tous les responsables de billetterie !) et tous sont supporters à leur façon.
Paradoxe ultime : il ne faut pas parler religion entre amis, et pourtant le CSP est le sujet favori de bien des Limougeauds autour du repas familial ou d’une pause café au boulot… comme quoi, Saint Pierre, tu accomplis toujours des miracles !
Et vous, lecteurs, ou devrais-je dire fidèles… quel « croyant » êtes-vous ? Pratiquant ? Modéré ? Athée ? Mystique ?… Allez, dites nous… confessez-vous et n’oubliez pas votre AMEN… enfin ALLEZ LIMOGES !