Cette correspondance de guerre datée du 10 au 11 septembre 1916 est la dernière lettre écrite par Léon Mortreux … son dernier témoignage sur l’horreur de la première guerre mondiale.
Depuis une semaine, le 3è Régiment de Zouaves de Léon multiplie les attaques sur le front de la Somme.
Attaques de tranchées, ripostes de mitrailleuses, tirs de barrage, les combats sont violents et très meurtriers. Léon Mortreux écrit c’est « le marmitage ». Le bombardement est dense et continu. Les allemands reculent.
Ici, ils se défendent de leur mieux mais perdent du terrain malgré la pétarade, le marmitage
Lorsque le sergent Léon Mortreux, chef de pièce de canon de 37, écrit cette lettre dans la nuit du 10 au 11 septembre, il se bat sur le front de la Somme près de Maurepas entre Amiens et Saint-Quentin.
L’objectif des troupes françaises sur ce secteur du Front de la Somme, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Claude Trapet, est d’enlever « la Ferme de l’Hôpital » tenu par les troupes allemandes et de prendre les tranchées de l’ennemi.
Léon et les Zouaves doivent franchir des réseaux de fil de fer et de petites tranchées, dans la boue, sous le feu allemand. Selon le journal de marche du 3è Régiment de Zouaves, « le temps est très mauvais avec des pluies violentes »
Le plan des opérations du 3è Régiment de Zouaves
Le journal de marche du 3è Régiment de Zouaves présente la carte des opérations du 10 au 12 septembre 1916 et la progression du régiment de Léon Mortreux..
Sur la carte, les lignes rouges indiquent la position des troupes françaises entre le 10 et le 12 septembre. Juste en face, en noir, les lignes allemandes. Le 10 septembre Léon et sa compagnie affrontent les allemands entre la tranchée de l’Ems et le Petit Bois dans le secteur de Le Forest, près de Maurepas.
Les bataillons avancent d’ouest en est, de Maurepas vers le Forest. Objectif, s’emparer du secteur « la Ferme de l’Hôpital »
Les bombardements s’enchaînent nuit et jour. L’artillerie allemande multiplie les tirs de barrage pour contrer l’attaque des troupes françaises.
Le journal de marche décrit la bataille, en détail au jour le jour. « De nombreux avions Boches survolent les lignes. » Près du bois de l’Hôpital, la progression du régiment est bloquée. En rampant dans la boue, les Allemands s’approchent des tranchées françaises. Ils sont repoussés par des jets de grenades et des tirs de mitrailleuses.
Depuis le lancement de cette attaque, le 5 septembre 1916, les pertes humaines du régiment de Léon Mortreux sont terribles
Mardi 5 septembre : 29 tués, 131 blessés et 62 disparus.
Mercredi 6 septembre : 29 tués, 177 blessés et 20 disparus
Jeudi 7 septembre : 9 tués, 41 blessés et 1 disparu
Vendredi 8 septembre : 4 tués, 26 blessés
Samedi 9 septembre : 24 blessés et 1 disparu
Dimanche 10 septembre : 2 tués et 31 blessés
Côté allemand, la bataille est tout aussi terrible et les victimes pas moins nombreuses.
Dans cette lettre, Léon Mortreux décrit l’horreur de la guerre et ce qu’il vit : « Triste spectacle pour un profane autour de nous »
Nous, soldats, nous n’en sentons plus la laideur. Cadavres nombreux, terre souillée partout, réseaux détruits, villages anéantis … c’est la guerre …
La Bataille de la Somme
Depuis le 1er juillet 1916, les Alliés français et anglais, mènent une grande offensive sur le Front de la Somme contre l’armée allemande.
Après les avancées en juillet et août et les succès français, les Généraux veulent poursuivre les attaques en septembre.
« La bataille des Français dans la Somme » – voir le reportage de la collection Histoires 14-18 et la playlist sur la Bataille de la Somme par France 3 Picardie – Dominique Patinec – Jean-Paul Delance
Nous restons le coeur allégé et nous sentons que leur résistance faiblit, mais elle est forte encore !
La Bataille de la Somme sera une des plus sanglantes. Lorsque Léon Mortreux écrit cette lettre le 11 septembre 1916, il ne sait pas que cette bataille sera une des plus meurtrières de la Grande Guerre.
Dans sa lettre, Léon semble ne pas avoir peur d’affronter le feu allemand. « Nous restons le coeur allegé » dit-il. Son moral reste bon malgré « la laideur de la guerre ».
Après cette dure bataille dans le secteur de Maurepas, Léon et sa compagnie du 3è Régiment de Zouaves comptent sur la relève. Du moins, ils l’espèrent.
Lettre de Léon Mortreux envoyée à son oncle Fernand Bar
« Je pense que tu me liras facilement à Paris puisque si j’en crois la rumeur par des camarades ici, Béthune est évacuée.Je pense toutefois que ce n’est qu’un faux bruit et que les Boches sont plus tranquilles là-bas. »
Correspondance de guerre, envoyée le 11 septembre 1916 …
10 au 11 septembre 1916
Cher Oncle,
Je pense que tu me liras facilement à Paris puisque si j’en crois la rumeur par des camarades ici, Béthune est évacuée.
Je pense toutefois que ce n’est qu’un faux bruit et que les Boches sont plus tranquilles là-bas.
Ici, ils se défendent de leur mieux mais perdent du terrain malgré la pétarade, le marmitage.
Nous restons le coeur allégé et nous sentons que leur résistance faiblit, mais elle est forte encore !
Triste spectacle pour un profane autour de nous !
Nous, soldats, nous n’en sentons guère plus la laideur. Cadavres nombreux, terre souillée partout, réseaux ??? détruits, villages anéantis, etc … c’est la guerre …