25 Mai

« Mon cas spécial d’appartenir à une famille éprouvée ne me protège pas … s’il faut y retourner, on ira » Léon Mortreux

Il n’y a plus d’espoir pour Léon Mortreux d’éviter le front. Dans sa lettre du 25 mai 1916, le sergent Mortreux ne se fait plus d’illusion.

Enfin, s’il faut retourner, on ira.

Cela faisait plusieurs mois que la famille Mortreux demandait aux ministères et à l’armée de ne pas renvoyer Léon sur le front. Déjà éprouvée par la mort de 2 fils Pierre Mortreux et Jules Mortreux, la famille espérait protéger le 3è fils et éviter de nouvelles angoisses.

En vain. Léon n’est pas un cas unique. En 1916, de très nombreuses familles pleurent la mort de plusieurs enfants. Dans sa lettre, Léon précise  « Il y a sans doute eu trop de réclamants ! »

Déjà blessé une première fois en septembre 1914 à la Bataille de la Marne, Léon Mortreux espérait encore … plus maintenant. 

on cause toujours de départs imminents

Dans l’attente de ce départ imminent, Léon et le 1er Régiment de Zouaves 1ère Compagnie, multiplient les exercices à Tousson au sud de Paris.

Dans sa lettre, Léon écrit que les troupes du Dépôt de l’arrière s’entraînent avec masques et lunettes dans une salle à l’atmosphère saturée de gaz délétères.

Il sait maintenant qu’il va repartir sur le front. Où ? Verdun ?

En attendant, je ne sais pas si notre Régiment a été éprouvé dans ces attaques réitérées sur Verdun.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 25 mai 1916

En ce ce mois mai 1916 dans le Pas-de-Calais, les gaz asphyxiants allemands touchent les habitants proches de la ligne de front.

Des masques sont distribués aux Béthunois.

Léon ne semble pas inquiet pour sa famille. Dans sa lettre il répond à son Oncle Fernand Bar à Béthune : « la tentative allemande de suffocation par gaz délétères vous a peu impressionnés. »

Correspondance de guerre, il y a cent ans …

Tousson par Gironville (Seine-et-Oise)
1er Zouaves 1ère Compagnie

25 mai 1916

Cher Oncle,

Je ne me souviens plus si je t’ai avisé de la réception de ta bonne lettre du 8 mai me disant entre autres choses que la tentative allemande de suffocation par gaz délétères vous avait peu impressionnés.

Lundi, on nous a fait une conférence sur cette camelote qu’affectionnent les Boches.

Pas 1 jour, nous passons munis de masques et de lunettes dans une salle d’atmosphère fortement saturée de ces cochonneries, le séjour de quelques minutes que nous y fûmes n’indisposa personne.

J’espère néanmoins que tu n’auras plus à m’apprendre de nouvelles tentatives meurtrières de l’ennemi soit par obus soit par gaz.

Vu mon oncle Paul, la première fois depuis la guerre à L’Hay ce dernier dimanche chez les petites. Papa et Berthe étaient venus me rejoindre. Nous avons beaucoup parlé ou plutôt « mon Père » a beaucoup causé principalement sur les Zouaves.

Nous avons vu tout l’établissement Sainte-Geneviève en détails, c’est très, bien aéré et l’austérité des couvents.

Nous avons quitté mon Parrain devant la riche demeure de ton ami Mr Letouzey de Bourg la Reine.

La séparation fut courte, pressés que nous étions tous deux, moi pour l’heure de retour. Nous ici sachions que souhaiter si ce n’est … que la guerre finisse au plus vite.

Sur le chemin du retour Papa maugréait se morfondant de n’avoir pu traiter de plusieurs points avec son cousin. Mais il a du le revoir depuis et se dédommager en multiples explications.

Je suis un peu à sec, pécuniairement s’entend car ici il pleut beaucoup et profitant de l’aimable invite que souvent tu me rappelles, je demande à ta générosité de m’adresser un billet à Paris chez nous.

De cette façon, si je viens à partir, je passerai à la maison avant de prendre le train je pourrai me lester.

On cause toujours de ces départs imminents, cette semaine, le 4ème Zouave a envoyé je ne sais où ni à quel régiment de Zouaves en renfort assez rondelet et de plus comme peut-être Papa te l’a écrit récemment mon cas spécial d’appartenir à une famille très éprouvée ne me protège pas efficacement. Il y a sans doute eu trop de réclamants !

Enfin, s’il faut retourner, on ira.

En attendant, je ne sais pas si notre Régiment a été éprouvé dans ces attaques réitérées sur Verdun.

J’oublie de te parler de ta santé. Comment vas-tu ?

J’ai trouvé Berthe un peu mieux. Papa, mon oncle Paul, Augustine, Marie bien portants, principalement mon Oncle Paul.

Il m’a appris que mon Oncle Auguste avait été très enrhumé. Je vais demander des nouvelles directement.

Mon Oncle Paul ne paraissait nullement impressionné par les Zouaves, il riait en racontant leurs visites, mais était moins exubérant en parlant des gaz.

En effet Mr Pennequin de Beuvry lui a écrit qu’à Beuvry-Festubert, l’herbe était décolorée.

J’espère que ta confiance dans nos amis anglais ne diminue pas et dans l’attente de te lire je te renouvelle mes vifs remerciements et t’embrasse affectueusement.

Ton neveu qui t’aime bien
Léon

Souvenirs à Marie et à Jeanne