17 Sep

« J’avais à la jambe droite 2 trous en béton … » écrit Léon Mortreux hospitalisé à Argentan

Fin septembre 1914 la bataille de la Marne se poursuit. Léon Mortreux, blessé le 6 septembre lors d’une attaque contre l’armée allemande dans le secteur d’Iverny, écrit qu’il est « transbahuté » de ville en ville, Varreddes, Rosny, Meaux.

En ce mois de septembre 1914, la contre-attaque des armées française et anglaise fait reculer les allemands. L’offensive de l’armée allemande passant par la Belgique et le Nord de la France pour atteindre Paris est un échec… l’échec du « plan Schlieffen ». En septembre 1914, les allemands battent en retraite. Ils abandonnent prisonniers et matériels.

Léon Mortreux emmené par des brancardiers allemands

« Blessé à la Marne », Léon Mortreux a été emmené par des brancardiers allemands le 6 septembre. Mais après la retraite de l’armée allemande, Léon Mortreux est retrouvé à Varreddes par l’armée française.

Léon est ensuite transporté à l’hôpital d’Argentan. Sur le billet d’hospitalisation le 17 septembre 1914, on peut lire que le médecin major a écrit que le Sergent Léon Mortreux est admis à l’hôpital : « Eclat d’obus à la jambe droite »

« Ma blessure tend à s’agrandir sans s’aggraver cependant » écrit le sergent Léon Mortreux dans une lettre du 21 octobre 1914 envoyée à son oncle Fernand Bar à Béthune.

Billet-hospitalisation-Léon

 

J’avais à la jambe droite 2 trous en béton, occasionnés par l’entrée et la sortie d’un éclat d’obus

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Hospitalisé le 17 septembre 1914, Léon Mortreux passe 22 jours à Argentan. Il ressort le 9 octobre 1914 pour être soigné par les soeurs de la société de secours des blessés militaires du comité de Vimoutiers dans l’Orne.

Dans sa lettre du 21 octobre 1914 envoyée à Fernand Bar à Béthune, Léon Mortreux parle de sa blessure, évoque l’avenir et déjà « son retour au feu ».
Léon parle aussi, avec jalousie, de son frère Pierre, nommé « Adjudant sans avoir vu le feu »

21 octobre 1914
Cher Oncle,
(…)
Sachant le Nord envahi je croyais qu’un courrier n’arrivait qu’avec des retards extrêmes chez vous c’est pourquoi j’ai toujours préféré que les lettres partissent de Paris. Je regrette donc de n’avoir pas adressé une missive cachetée à Papa en écrivant sur l’enveloppe : pour Mr Fernand Bar de Béthune.

Nous avons tellement été transbahutés à Vareddes, Lagny, Meaux, Noisy-le-Sec, Rosny , Argentan, Vimoutiers que d’ailleurs je n’aurais su quelle adresse te fixer pour m’écrire. Enfin je suis ici pour quelque temps je crois que nous pourrons faire au moins un échange de courrier ! Afin de me justifier – je m’engage sur l’honneur à ne pas prévenir à Paris – je te demande de les prier de te dire si dans mes lettres je n’ai point parlé de toi et manifesté le regret de ne t’écrire vu les difficultés de poste. Le temps je l’ai bien hélas, je n’ai que ça à faire, écrire. Pour lecture, du Balzac, tu penses si c’est distrayant et puis je suis saoul des histoires de batailles bien qu’intéressantes je n’ai plaisir qu’à correspondre.

Sur le chapitre de santé, ma blessure tend à s’agrandir sans s’aggraver cependant. J’avais à la jambe droite 2 trous en béton occasionnés par l’entrée et la sortie d’un éclat d’obus, Le pont de chair  qui sépare ces trous ovales tend à se fendiller, j’aurais alors une plaie de 5 centimètres environ.
Aucune odeur de sérosité tant que j’étais à Argentan, ici on ne me soigne pas de la même manière, mais il paraît que c’est à Vimoutiers qu’on s’y connaît mieux. Ma plaie suppure. Il y a pus, enfin il ne faut pas s’étonner, me dit-on, c’est la marche du mal vers la guérison, alors j’attends et me résigne.

Nous avons ici un climat très humide, gare aux rhumatisants (il y en a qui sont ici pour rhumatismes !)

Hier visite du Général X accompagné du Préfet, un homme charmant ; le Général un bon vieux père dont la poignée de main réconforte. 
La maison où nous sommes appartiendrait au Baron de Mackau, doyen de la Chambre des Députés et tous les jours nous nous avons la visite de Mlle Lanielle la fille du député de Lisieux.
La population est avenante on voit tous les lundis de ces bonnes vieilles à tête de poire cuite apporter victuailles pour les chers soldats blessés. Braves gens qui ont toutes les chances de ne voir aucun Prussien.

Nous sommes soignés par les sœurs, les autres sont convalescents, je suis donc le moins guéri… Que la patience me coûte sapristi ! Nous recevons tous les jours les journaux… avec un peu d’habitude et ayant vu le feu nous ne sommes pas trop maladroits à éloigner les canards envolés de la plume des journalistes, ils en sont si prodigues que ça en est dégoûtant !

Ravi de savoir Pierre Adjudant sans avoir vu le feu. Il y avait dans l’histoire un personnage célèbre qui, lui, devint Maréchal de France sans aussi avoir combattu et pour l’époque c’était inconcevable. Il s’appelait Concini, mais Pierre est plus brave que Concini. 
C’est égal, je lui en veux d’avoir conquis un grade avant moi, mais quand je retournerai au feu, je ne tarderai pas à passer sous-lieutenant. Je me conduirai de façon à m’en rendre digne.
( … )
Reçois mes affectueux baisers.
Léon