Un douanier jugé pour corruption par le Tribunal Correctionnel de Marseille.
La justice lui reproche d’avoir « laissé passer » des trafiquants de cigarettes, débarqués sur le port phocéen, en provenance d’Algérie.
Photo MaxPPP
Des billets dans les passeports ou sous les tapis de sol
Le mode opératoire était bien rôdé.
Les faits datent de 2009 au 21 mars 2013
Les conducteurs des voitures sortant des bateaux en provenance d’Algérie, notamment ceux qui transportaient des cigarettes et des contrefaçons, glissaient dans le passeport ou sous le tapis de sol de leur véhicule des billets. Les sommes pouvaient atteindre 500 €uros. Parfois, la rémunération se faisait plus tard sur un parking du marché au puces de Marseille par la remise d’espèces ou des cartouches de cigarettes.
Plusieurs trabendistes, ceux qui assurent les petits trafics entre l’Algérie et la France, venus dénoncer cette pratique devant les services des douanes, affirmaient que le fonctionnaire connu sous le pseudo « le Chinois » s’appelait en réalité Luc.
Sur la file de gauche
L’enquête a permis de constater que les véhicules des trafiquants après être sortis du bateau se dirigeaient directement vers la file de gauche, celle contrôlée par Luc Le Ray. Les surveillances ont permis de constater que l’agent semblait faciliter le passage de trafiquants.
Corruption passive
L’accusation a notamment retenu des faits de corruption passive à l’encontre du fonctionnaire. Il encourt au maximum 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende
Le Javanais comme langage codé
normalement je vais faire pavassaver mon gava et je pourrais récupérer les savous.
Les conversations téléphoniques entre Luc Le Ray et son épouse ont été enregistrées par les enquêteurs. Le couple parlait un langage codé. Ils employaient le javanais. Les services d’un expert en argot ont été requis pour assurer la traduction. La technique consiste à placer AV entre deux syllabes. Lors d’une conversation interceptée le douanier explique à sa femme que : »normalement je vais faire pavassaver mon gava et je pourrais récupérer les savous. » En clair : « je vais faire passer mon gars et pourrais récupérer les sous. » Le fonctionnaire annonçait systématiquement à sa femme tous les jeudis après-midi qu’il allait « laisser passer des personnes ». Or il s’avérait que ce jour correspondait à l’arrivée d’un bateau en provenance de l’Algérie.
avant je travaillais dans la forêt, les gens parlaient comme ça »
A l’audience de ce lundi, le fonctionnaire a expliqué aux juges qu’il a appris le javanais avant d’être embauché par les douanes « avant je travaillais dans la forêt, les gens parlaient comme ça ».
Contestation des faits reprochés
J’adore chiner, d’où mon surnom le « Chinois »
Durant toute l’audience, le fonctionnaire, aujourd’hui suspendu, a nié l’ensemble des faits reprochés. Il a expliqué aux juges que passionné de brocante il aime chiner, d’où son surnom de « Chinois ». D’autre part il dit vendre des fripes à des commerçant algériens qui viennent le payer sur le parking du marché aux puces de Marseille.
Réquisitoire : quatre ans de prison dont trente mois ferme
Le procureur Guillaume Katawanga, a requis contre Luc Le Ray considéré comme la pierre angulaire de ce dossier quatre ans de prison dont trente mois ferme. Contre l’épouse du douanier neuf mois de prison ferme, pour recel habituel. « Elle était parfaitement informée des activités de son mari ».
Maître Julien Blot, l’avocat du couple a plaidé la relaxe pour ses deux clients.
Un électron libre très impliqué
je fonctionne à l’observation et au comportement des voyageurs
Le fonctionnaire décrit par sa hiérarchie comme un électron libre, décrit sa technique : »je fonctionne à l’observation et au comportement des voyageurs. » Les responsables de la douane le décrivent aussi comme un agent « très impliqué » dans la lutte contre les stupéfiants, auquel les douanes marseillaises lui doivent quelques unes de leurs plus belles prises, comme par exemple, la saisie de 72 kilos de cannabis en 2006.
Le jugement sera rendu le 5 avril.