28 Fév

AFFAIRE AIR COCAÏNE SNTHS(1) LE PAIEMENT DES VOLS ET LES FRAGILITÉS DU TÉMOIGNAGE

Au procès Air Cocaïne, la cour d’assises spéciale d’Aix en Provence examine le fonctionnement de SNTHS (1), la société qui a loué le Falcon 50, arraisonné en République Dominicaine en mars 2013.

A son bord 4 hommes dont deux pilotes et 700 kilos de cocaïne

 

 

 

Premier à la barre, ce mercredi matin, Martin Giraud. Il était le commercial de l’entreprise, aujourd’hui âgé de 29 ans. «… Je suis le neveu issu de germain du patron, Pierre-Marc Dreyfus. J’ai commencé à travailler, en 2011. J’étais stagiaire en alternance, par la suite je suis devenu salarié. Mon rôle était de trouver des clients, augmenter le portefeuille commercial, organiser et gérer les vols…» « Au sujet du premier vol (un aller-retour entre la France et la République Dominicaine NDLR), je n’étais pas rattaché au client final. C’est Monsieur Alcaud (l’un des trois associés dans SNTHS . NDLR) qui amenait ce client. C’était une personne interne qui nous amenait ce vol. De facto, nous avions facturé à sa société luxembourgeoise. Il agissait en tant que courtier, il demandait à SNTHS d’organiser le vol. »

Question du président de la cour d’assises spéciale :

« Monsieur Alcaud était un apporteur d’affaire ? »

Réponse de Martin Giraud :

« Vous avez raison ! »

« Ces vols n’ont pas été payés. »

Le Président :

« Vous dites que les vols n’ont pas été payés ? » (230.000 €uros chacun NDLR)

M.G :

« Le premier oui, le deuxième (Paris/Quito et retour NDLR), ce dont je me souviens, n’avait pas été payé. Le troisième allait partir, alors que le deuxième n’a pas été payé »

« C’est l’habitude de payer après le vol ? »

 

Le Président :

« C’est l’habitude de payer après le vol ? »

M.G :

«Un client connu et de confiance, on lui permettait de payer après. Dans ce cas Messieurs Dreyfus et Alcaud l’avaient permis. »

Le Président :

« Si je comprends bien, Monsieur Alcaud, se faisait payer et ensuite, il faisait un virement ?

M.G :

« Oui, c’est bien cela ! »

 

Le Président :

« Le troisième vol, a-t-il été payé ?

M.G :

« Non ! »

A la barre, depuis près d’une heure, les mains croisées dans le dos, le jeune homme se tortille de plus en plus les doigts

A la barre, depuis près d’une heure, les mains croisées dans le dos, le jeune homme se tortille de plus en plus les doigts. « Dans les faits, tous les jours, des sociétés paient pour les autres…Monsieur Dreyfus (Le Patron de SNTHS NDLR) voulait faire croître sa société et faire construire un hangar à Bron, il était moins dans l’opérationnel que nous. »

Le Président :

« Je comprends les préoccupations de de Monsieur Dreyfus. Ces vols transatlantiques, étaient les premiers pour la société ?

M.G :

« Oui ! »

« Je prenais à cœur mon travail dans la société. J’ai fait un contrat pour le troisième vol que j’ai envoyé à Monsieur Alcaud (L’associé de Mr Dreyfus NDLR) qui l’a envoyé au client final, Nicolas Pisapia (Nicolas Pisapia a été interpellé à Punta Cana en mars 2013. Il était le deuxième passager dans le Falcon 50. Nicolas Pisapia a été condamné à 20 ans de prison par la justice Dominicaine.)

L’audition du témoin continue, le Président Jean-Louis Tournier revient sur le premier vol Paris/Puerto Plata et retour Puerto Plata/Saint Tropez.

« Que savez-vous de ce vol ?

« Que savez-vous de ce vol ?

M.G :

« Pour moi, c’était un vol classique, à l’époque, je n’avais pas de doute à avoir.

Le Président :

« Pour ce vol on parle d’une caution en espèces ? »

« C’est l’habitude de payer après le vol ? »

M.G:

« oui, c’est exact ! C’est au détour d’une conversation que je l’ai appris. Pour ce vol, il y a eu une réunion préparatoire, à Paris, au cours d’un déjeuner. »

« Une caution supérieure à 1OO 000 €uros ?

Le Président :

« Une caution supérieure à 1OO 000 €uros ?

M.G :

« oui, j’ai été choqué ! Je n’avais jamais vu 100 000 €uros en espèces. A l’époque tout m’étonnais. Après, je n’ai jamais revu de paiement de caution en espèces. Jamais ! Pour moi, il y avait deux catégories de gens qui pouvaient utiliser autant d’espèces, c’est soit les émiratis, soit les trafiquants de drogue. »

Le Président :

« L’entreprise luxembourgeoise SAPS SA de Monsieur Alcaud, vous dites que c’est une boîte aux lettres ?

M.G :

« C’était une déduction ! »

Le Président :

« Le deuxième voyage de Quito, avez-vous quelque chose à dire ? »

M.G :

« Non ! »

« Il y avait un contrat ? »

Le Président :

« Il y avait un contrat ? »

M.G :

« Non ! »

C’est au tour de l’avocat général de poser des questions. Le représentant de l’accusation, veut savoir si les vols ont été payés ou non. Sachant que l’un des accusés, Franck Colin, avait indiqué, en début de semaine, à la cour, que les trois vols transatlantiques avaient été réglés en espèces, à hauteur de 230 000 €uros chacun.

Question :

« y aurait-il dû avoir un paiement avant le départ ?

« Le contrat permet de demander le paiement, si le vol n’a pas été payé. Les clients habituels, ne recevaient pas de contrat. »

M.G :

« Le contrat permet de demander le paiement, si le vol n’a pas été payé. Les clients habituels, ne recevaient pas de contrat. »

L’avocat général :

« La société rencontrait-elle des problèmes de trésorerie ? »

M.G :

« Je ne me souviens pas. On avait besoin de se faire payer »

« Peut-on engager un troisième vol à 100 000 €uros, sachant que les deux premiers n’ont pas été payés ?

L’avocat général :

« Peut-on engager un troisième vol à 100 000 €uros, sachant que les deux premiers n’ont pas été payés ?

M.G :

« Habituellement on permet aux clients de payer après… »

 

Sur le banc de la défense, maître Céline Alstofe, l’avocate de Fabrice Alcaud, s’agite. Elle demande au Président si elle peut confronter les propos du témoin avec les arguments de son client au sujet du paiement des vols et des versements en espèces.

Fabrice Alcaud prend place à la barre, à côté de Martin Giraud.

L’ancien dirigeant de SNTHS explique qu’il était très satisfait du travail du jeune homme, « c’était un vrai chasseur de client ! » « Monsieur Castany (Alain Castany, était le deuxième passager du Falcon 50 arraisonné en République Dominicaine. Il a été condamné à 20 ans de prison a été rapatrié en France pour purger sa peine. En février 2018 il a été libéré pour raison médicale. Cet homme de 71 ans rencontre de graves problèmes de santé qui l’empêchent de comparaître au procès. Il est considéré comme l’apporteur d’affaire pour les trois volsNDLR) nous le connaissions depuis des années. Les 100 000 €uros en espèces, je n’en ai jamais parlé à Martin. Cet argent avait été proposé par Mr Castany, pour moi, c’était non depuis le début ! Pour rassurer martin, je lui ai dit, que je connaissais Alain Castany depuis 15 ans et qu’il n’avait jamais planté personne, au Bourget. Il a eu une histoire d’assurances, enfin, c’est ce qu’il se disait. Il était assureur dans les avions, comme courtier. Dans cette histoire, il n’aurait pas payé de primes… »

A propos des modes de facturation Fabrice Alcaud, donne un exemple :

« on faisait aussi des vols pour le Marrakech du rire. Djamel Debbouze louait un avion par l’intermédiaire de sa boîte de production, au final, c’est M6 qui prenait en charge les paiements. Il n’y aucune malice là-dedans. »

Question du Président :

« A propos de votre société luxembourgeoise CAPS SA ? « 

« CAPS SA c’est une vraie société

Fabrice Alcaud :

« CAPS SA c’est une vraie société, avec une vraie activité, des prestations réelles, vols, achats et ventes d’avions. La société a été créée en 2010. CAPS était actionnaire à hauteur de 30% de SNTHS.

L’avocate de Fabrice Alcaud, Maître Céline Astolfe, s’adresse à Martin Giraud :

« Dans vos déclarations, vous dites avoir fait des déductions. Ne pensez-vous pas avoir fait des déductions un peu rapides ? »

Martin Giraud :

« Je ne suis pas habitué à la garde à vue. C’est vrai que j’ai fait des déductions. C’est vrai qu’à la fin, j’étais fatigué. »

Maître Céline Astolfe :

L’apporteur d’affaires pour les trois vols, est bien Monsieur Castany, on est bien d’accord ?»

M.G :

« En fait, j’ai tout dit et son contraire. Castany a apporté les vols et non Alcaud…Je ne me suis pas occupé de l’organisation de ces vols.

Maître Astolfe :

« Vous dites qu’il n’y a pas eu de contrat systématiques ?

Martin Giraud :

« Non c’est vrai ! »

Maître Astolfe, à l’adresse de son client:

« A propos du versement, interprété comme le paiement du premier vol. Que pouvez-vous nous en dire… »

Fabrice Alcaud :

«J’ai, par le biais de ma société CAPS SA, versé 88700 €uros sur le compte de SNTHS, c’était les frais du vol, à savoir le coût des charges fixes à régler aux prestataires et au propriétaire de l’avion (Alain Afflelou). En tant qu’actionnaire à hauteur de 30%, c’était pour préserver la santé économique de SNTHS. Cette somme n’est pas le prix du vol. »

Le procès va terminer sa deuxième semaine. Le verdict devrait être rendu le 5 avril.

(1) SNTHS Société Nouvelle Trans Hélicoptère Services (Aérojet Corporate), installée sur l’aéroport de Lyon Bron dont l’activité est de louer des avions.

 

JFGiorgetti