Ballon rond, transfert de joueur, commissions, tentatives d’extorsion, association de malfaiteurs et règlements de comptes
© Jean-François SOUCHET/maxppp
A peine descendu de l’avion en provenance d’Angleterre, le premier octobre 2020, 10h00, José Anigo entre dans les locaux de la PJ de Marseille, l’évêché, en compagnie de son avocat. L’ex directeur sportif de l’OM est immédiatement placé en garde à vue. Ses droits lui sont notifiés par l’officier de police judiciaire, de la brigade de répression du banditisme, ainsi que les raisons pour lesquelles il est retenu. La justice lui reproche entre autres des faits d’extorsion en bande organisée, participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un crime. Il peut être interrogé pendant 96 heures au maximum.
En cause, notamment, le transfert, pendant l’été, de l’Olympique de Marseille à Lille, d’Isaac Lihadji, pour un montant de 5 millions d’€uros. José Anigo l’avait recruté à l’âge de 12 ans, et suivi le début de carrière de ce jeune attaquant prometteur.
José Anigo est soupçonné d’avoir promis à un trio criminel, multiactivités, la bande de la Capelette, un quartier de Marseille, une partie d’une éventuelle commission, suite au transfert du jeune attaquant, qui s’élèverait à 1,5 millions d’€uros. En échange, « la triplette » vengerait la mort de leur ami, Adrien Anigo, fils de José, tué par balles, en 2013, au cours d’un règlement de comptes. Les trois hommes aurait dû récupérer la part promise auprès de Christian Bandikian, patron d’une boite de nuit aixoise, le Mistral. Ce passionné de foot, aurait suivi et chaperonné, Isaac Lihadji, depuis son plus jeune âge, jusqu’à son transfert pour Lille. Il aurait même choisi l’agent de joueurs qui a assuré l’opération.
Six auditions, 72 heures de garde à vue
Pendant 72 heures, l’ancien entraineur de l’OM, va subir un feu roulant de questions. Chaque audition dure en moyenne deux heures, sauf la sixième et dernière qui s’étend sur 4h45. José Anigo, nie les faits reprochés, chaque réponse est argumentée. L’homme est solide.
3 octobre, 14h40. Un capitaine de police mène l’interrogatoire récapitulatif. L’enquêteur revient sur les conditions du transfert d’Isaac Lihadji et la créance auprès de Christian Bandikian.
Question : Dans le cadre de l’enquête en cours, il y a eu plusieurs personnes en garde à vue et nous avons recueilli plusieurs déclarations de ces personnes qui ont évoqué l’existence d’une créance que vous détiendrez à l’égard de Bandikian dans le cadre du dossier Isaac Lihadji. Ces déclarations, illustrent parfaitement les éléments d’enquête recueillis, notamment via le dispositif de sonorisation installé au domicile de « X », les interceptions téléphoniques, ainsi que les surveillances physiques, autant d’éléments d’enquête mettant en évidence les manœuvres entreprises pour soutirer à M Bandikian de l’argent au titre de la créance que vous leur auriez cédé. A ce stade, vous êtes le seul à nier son existence. Qu’avez-vous à déclarer ?
Réponse de José Anigo : Je n’ai pas de créance. Mr Bandikian, ne me dois rien. Je suis peut-être, le seul dans l’histoire à ne pas avoir d’intérêt financier…Il ne me doit rien, et je ne revendique aucune créance auprès de Mr Bandikian.
Le capitaine de police revient sur le projet criminel envisagé pour venger la mort du fils de José Anigo et de l’ami du trio de la Capelette.
Question : Lors de l’enquête on comprenait que les jeunes de la Capelette se seraient engagés à commettre un assassinat à titre gracieux, en mémoire d’Adrien Anigo, dans un premier temps, et qu’ils s’y étaient préparés. Ils vous auraient demandé au préalable une avance d’argent pour la logistique, somme qu’ils auraient partiellement touchée, puis dans un second temps, s’étant rendu compte que ce « travail » allait leur couter cher, à savoir 30 ans de prison. Ils auraient envisagé de vous réclamer davantage d’argent en raison des risques encourus, et seraient prêts pour cela à vous motiver davantage, quitte à toucher vos proches pour vous pousser à aller jusqu’au bout de ce projet, en les sollicitant pour agir moyennant une rémunération plus conséquente…qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Réponse de José Anigo : Je n’ai absolument rien à dire. Je n’ai jamais versé quoi que ce soit. Je me sens plus victime, qu’instigateur, dans la mesure où ma famille risquait quelque chose. Je n’ai jamais donné quoi que ce soit dans ce but. On n’est pas dans la vérité, on est dans l’incohérence. Entre « on va le tordre », et « on va zinguer » quelqu’un de sa famille, ça fait beaucoup pour quelqu’un qui serait l’instigateur d’un projet.
3 octobre, 19h18. Avant de clore l’audition, l’enquêteur repose, en résumé, une dernière fois les mêmes questions, José Anigo répète qu’il n’a jamais remis d’argent pour venger la mort de son fils et se dit surpris de voir son nom dans ce dossier et n’a jamais rien demandé à quiconque.
Association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime
Le 4 octobre, à l’issue de sa garde à vue, José Anigo est mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime, commis en bande organisée. L’ancien directeur sportif de l’OM a échappé au mandat de dépôt, il a été placé sous contrôle judiciaire.
Le parquet de Marseille qui avait demandé son placement en détention provisoire a fait appel. Le 28 octobre la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé le contrôle judiciaire et multiplié par dix la caution, passant de 10 à 100 000 €uros.
Dans cette affaire, en plus de José Anigo, 17 personnes ont été mises en examen, certaines ont été placées en détention provisoire, dont Jean-Luc Barresi et Michel Campanella présentés comme des figures du banditisme marseillais. Ils seraient intervenus pour recouvrir la « créance » auprès de Christian Bandikian.