16 Jan

Une partie de la valse des millions d’€uros blanchis transitait par le sud de la France

 

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Deuxième jour du procès à Marseille, de cette affaire de 83 millions d’€uros en espèces, blanchis. Des fonds « bancarisés », dans des banques slovaques, qui se sont ensuite « volatilisés » dans les méandres des banques chinoises ou de Hong-Kong

 

Après l’évocation, hier, de l’enquête ayant conduit les trois prévenus dans le box, deux d’origine hongroise et un de nationalité syrienne porteur d’un titre de séjour suédois et vivant en Hongrie. La journée de ce mardi a été consacrée aux explications.

Tous les trois doivent répondre notamment de blanchiment d’argent en bande organisée. Ils encourent au maximum dix ans de prison.

Aucun des trois hommes ne parle le français. Des interprètes assurent les traductions entre le box et le tribunal.

 

Des repérages commerciaux en Espagne

Le premier à s’exprimer, c’est Karoly Abdul-Karim Borbely. Cet homme de 52 ans, visage rond, portant des lunettes, né à Zirc en Hongrie, qui a fait des études de médecine en Russie, explique aux juges qu’il est allé plusieurs fois en Espagne, à Madrid et à Barcelone, pour faire « des repérages commerciaux » afin de voir des « endroits propices dans le tourisme » pour son ami Hasen El Abed, qui avait « de grands projets ». En même temps, cet homme dit avoir été l’un des chauffeurs du réseau, pour un salaire de 1000 €uros par mois.

Christine Mée, la présidente du tribunal s’étonne des réponses du quinquagénaire : « Dans le dossier, je ne vois aucune démarche effectuée pour créer une société, aucune démarche pour ouvrir un compte bancaire. Ça fait beaucoup de voyages pour pas grand-chose…et pour se rendre compte que Mr El Abed ne peut pas déposer 2 millions d’€uros en espèces sur un compte d’une banque espagnole. Tout ça pour ça ! »

Le Procureur, Ludovic Leclerc, s’étonne aussi des réponses imprécises du prévenu : « on a toujours du mal à comprendre la nature précise de ces projets. Vous avez parlé de bureau de change,, d’agence de voyages… »

Réponse : « il fallait que je vérifie la vivacité du tourisme dans ces villes, le reste n’était pas mon idée ni ma décision, je n’ai pas pris de photo… »

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« J’ai été énormément bête ! »

Puis c’est au tour de Zoltan Gyorgy Rötzer, le teint pâle, portant survêtement gris. Cet homme de 43 ans né à Budapest en Hongrie, exerçant la profession de gérant de société dit avoir été, lui aussi, chauffeur du réseau pour un salaire de 1000 €uros.

Première question de la présidente : « vous avez dit : je sais que les personnes qui apportaient l’argent étaient des religieux qui portaient la barbe fournie. Pour quoi avoir dit ça ? »

Réponse : « ce ne sont pas mes déclarations. C’est l’interprétation des policiers. Je ne sais pas voir si quelqu’un est religieux ou pas. »

Madame Mée, précise qu’il fait l’objet de l’équivalent de la fiche « S » dans son pays d’origine. Le prévenu se défend en indiquant avoir appris par le juge français qu’il faisait l’objet d’un tel fichage, et ne comprend pas pourquoi. La président rajoute, que sa sœur est mariée à un syrien.

Réponse « je connais les syriens, mais sans plus, je ne sais pas si le mari de ma sœur a des connaissances de terroristes ou quoi que ce soit… »

Le Procureur, demande si Monsieur El Abed était au sommet de l’organisation ?

Réponse : « je ne me suis pas posé la question Monsieur El Abed a dit ce qu’on avait à faire. Je ne me suis pas posé d’autres questions…je prends la responsabilité de ce que j’ai fait, j’ai été énormément bête… »

 

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« Je ne savais pas que l’argent liquide était contraire à la loi ! « 

Dernier à s’exprimer, Hasen El Abed. Ce syrien de 53 ans, trapu, les sourcils broussailleux portant des lunettes et un pull aux tons gris, est présenté comme le chef de ce réseau de collecte et de blanchiment de dizaines de millions d’€uros.

La Présidente s’adresse au principal prévenu : « vous avez beaucoup varié dans vos déclarations, on a du mal à retracer votre situation. »

Réponse : « Dans ma famille on travaille dans l’immobilier à Alep. Je suis parti en Hongrie en 1995, parce que je suis contre le gouvernement de Bachar El Assad et que j’ai participé à des manifestations. Pour les Syriens, venir en Hongrie, c’est plus facile pour travailler. »

Après les questions sur la personnalité du prévenu, Christine Mée, aborde l’aspect technique des faits reprochés. La Présidente pose des questions, les réponses sont évasives. Elle lit des procès-verbaux d’auditions. Hasen El Abed donne des réponses évasives, se contredit, dit le contraire dans la même phrase. Cette attitude exaspère la magistrate qui finit par dire »je crois qu’on va s’arrêter là, parce que ça va devenir n’importe quoi. » La juge pose encore quelques questions, notamment sur les propos d’Hasen El Abed tenus, au téléphone, dans sa cellule sonorisée, où le prévenu continue à gérer ses affaires. Hasen El Abed ne se souvient pas de ce qu’il a dit en février 2016.

Pour terminer Hasen El Abed s’adresse au tribunal : « j’étais de passage en France, je ne savais pas que l’argent liquide était contraire à la loi, ni un crime. Si j’avais su que c’était illégal, je ne serai pas passé. Je n’ai aucun rapport avec qui que ce soit qui travaille dans l’illégal. Ayez pitié ! J’ai cinq enfants, ça fait vingt-huit mois que je suis en prison. »

Le procureur, devrait prononcer son réquisitoire ce mercredi matin.

 

JFGiorgetti