23 Déc

L’intégrale du réquisitoire dans le procès du policier meurtrier d’un lycéen

 

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Olivier Couvignou avocat général

Vendredi 16 décembre, après quatre jours d’audience, l’avocat général, Olivier Couvignou a prononcé son réquisitoire à l’encontre de Frédéric Herrour, un ancien policier, accusé de meurtre sur un lycéen de 19 ans. L’ex gardien de la paix avait tué, avec son arme de service, Yassin Aibeche, dans la nuit du 13 au 14 février 2013, à la suite d’une rixe. Le soir des faits, le fonctionnaire de police, n’était pas en service.

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Réquisitoire

Il est un peu plus de neuf heures, dans la salle d’audience de la cour d’assises des Bouches du Rhône à Aix en Provence. Dans un décor de bois blond, la présidente Anne Segond, donne la parole à l’accusation. Le représentant du parquet, se lève. Il s’adresse aux jurés :

Accorderez-vous à Frédéric Herrour, à la fin de vos délibérations un permis de tuer?

« Accorderez-vous aux parents de Yassin Aibeche, l’idée de se résoudre que leur fils, foudroyé par un projectile d’arme de guerre, soit victime d’un accident de voie publique?

Je vous rappelle, que dans le département des Bouches du Rhône, qu’il y a eu 1286 morts violentes entre 1996 et 2015. Souvent le pavé marseillais prend des allures de stand te tir. La société est confrontée à ces phénomènes de violence.

Ces policiers et ces gendarmes, garants de notre sécurité, accomplissent un travail, souvent méconnu, au péril de leur vie.

Ce procès, n’est évidemment pas celui de l’uniforme. 

Voici, un individu affranchi de son uniforme hors de ses heures de service, qui n’engage que lui même lorsqu’il échoue dans un troquet ou une supérette, l’arme de guerre en bandoulière. 

C’est le procès d’une solitude ancrée dans de mauvaises habitudes. 

Monsieur Herrour, c’est votre procès!

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J’aimerai que vous emportiez avec-vous la photographie de Fédéric Herrour, tel qu’il a bien voulu se présenter cette nuit dans la supérette. Un homme au visage marqué, qui porte trace de coups. C’est incontesté.

La photographie de vos addictions :

Le cannabis, quelques fois

L’alcool, souvent

Cette photo, je voudrais également que vous la complétiez avec le parcours professionnel chaotique, émaillé de sanctions administratives liées à quelques traits d’impulsivité, cette difficulté à vous maîtriser!

Je ne fais pas de vous un voyou.

Je constate dans le dossier de personnalité, une affaire de port d’arme, des violences conjugales.

Je souhaiterai, également, que vous complétiez cette photographie par les conclusions des experts psychologue et psychiatres qui font état d’un manque de confiance qui est compensé par des attitudes de prestance allant vers une certaine assurance par le port d’arme.

On a un homme seul.

On a coutume de dire qu’un homme seul est en mauvaise compagnie. Cette compagnie, se résume par quelques demis et canettes de bière, et, cette arme de service approvisionnée.

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Le port de cette arme en dehors des heures de service. Sur le plan déontologique, c’est une faute gravissime.

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L’homme qui entre dans cette supérette, de l’avenue Roger Salengro, ce soir là, n’est pas taillé pour gérer une altercation, ni un rapport de force qui va tourner en sa défaveur. 

Vous avez la clé de ce dossier. Qu’est-ce qui déclenche ce rapport de force? Cette clé, vous ne nous l’avez pas livrée, Monsieur Herrour. Qu’est-ce qui déclenche cette altercation? La cause est incertaine. Ces questions n’ont pas de réponse. C’est un profond regret. Car, il s’agit, au bout du chemin de la mort d’un enfant de 19 neuf ans.

J’aurais aimé entendre une explication

Aucun lien avéré entre Yassin Aibeche et ces faits d’extorsion (quelques semaines auparavant, le patron de la supérette avait été victime d’extorsion). Jamais, vous n’avez suggéré de quelconque liens entre ce qui vous est arrivé avec ce qui s’est passé un mois avant dans cette supérette. Aucun lien n’a pu être établi. Une instruction qui a duré près de trois ans. Toujours pas de lien avéré entre ces deux affaires. 

Alors un motif crapuleux? Non!

Le motif institutionnel? Ce sont vos explications. Ce seraient les conséquences de la haine orchestrée par des individus qui vous auraient immédiatement identifié comme étant un policier. J’ai beau chercher. Là encore, je n’ai pas trouvé de raison objective, qui démontre que tout a été déclenché par la haine du policier. Rien ne permet de le confirmer! Tout m’oblige à ne pas donner crédit à vos explications. 

Rien ne permet de déterminer que vous vous connaissiez avant.

Si j’avais le sentiment de ce qui vous est arrivé était déclenché par la haine du policier, je l’aurai bien volontiers admis. Je n’ai pas trouvé suffisamment d’éléments pour vous livrer ma conviction à décharge.

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Nous en sommes à l’altercation dans la supérette.

C’est la rencontre d’un homme chaud de 40 ans

et d’un jeune homme impétueux de 19 ans

L’agression que vous avez subi. Je ne la conteste pas. On ne s’explique pas, que vous êtes dans un étau. On ne s’explique pas, que vous restiez là. Je pense que vous êtes resté pour en découdre. Un homme de 40 ans, manifestement familier d’incidents de voie publique. Vous expliquez que l’altercation après avoir commencé dans la supérette, se poursuit à l’extérieur. Un coup de feu qui part accidentellement, à la faveur d’une seconde balayette (un croche patte) qui vous projette violemment au sol, alors que vous teniez l’arme.

Cette version que vous proposez, est la moins plausible.

La balle perdue, c’est peu dire. C’est une balle qui complote. C’est une balle complotiste.

Mesdames, Messieurs les jurés, vous allez dire que Yassin a succombé à deux circonstances malheureuses? Un tir accidentel. Une balle perdue qui complote dans le dos des uns et des autres!

Mesdames et Messieurs le jurés, vous allez dire que Yassin a succombé à un accident de voie publique?

Ce sera un déni de justice

Yassin

Yassin Aibeche

 

Vous livrez un récit dans un temps suspendu. Il n’est pas établi que vous avez sorti votre arme avant de tomber. »

L’avocat Général, se tourne vers les jurés : « Vous devez savoir comment Monsieur Herrour a saisi son arme avant de tomber. 

Tir accidentel ? Il y a pourtant dans le temps même de l’action, le caractère intentionnel du geste en posant le doigt sur la queue de détente. C’est le premier indice de l’intentionnalité de l’usage de l’arme. Je n’ai pas eu l’impression que le coup pouvait partir seul!

Vous êtes en réalité dans un sursaut de riposte vous êtes à vif!

Si c’est un accident, ce n’est pas de la légitime défense.

Il y a des indices qui tendent vers un caractère intentionnel du geste. Vous avez, bénéficié dans la journée d’une formation au maniement du fusil mitrailleur et aussi un rappel théorique concernant votre arme le Sig Sauer. 

Il y a aussi un détail qu’est la mise en joue d’un témoin de la scène. Un geste qui intervient immédiatement après le tir. Il me semble que votre comportement traduit la conscience du regret d’une participation à une scène qui n’a rien d’accidentelle.

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On s’explique mal la désertion de la scène. Le manque d’information en temps réel de vos collègues. Je n’ai pas l’impression que ces différentes fébrilités et maladresses me permettent d’être convaincu. Il y a une volonté d’effacer et d’oublier quelque chose d’autre qu’un accident! La dynamique de riposte qui vous anime au moment des faits, doit permettre d’invalider la thèse de l’accident

Ce n’est pas un tir accidentel. Ce serait un déni de justice!

L’accident est un déni de justice

Ne confondez pas l’intention homicide et la préméditation. Monsieur Herrour n’a pas prémédité cette rencontre.

Il ne s’est pas forgé une intention homicide

J’espère que vous n’avez pas considéré qu’il n’y a pas d’intention homicide parce qu’il était sous l’effet de l’alcool. L’alcool, libère la pulsion et desinhibe.

 

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Il y a l’arme, sa capacité vulnérable et létale. Ce n’est pas la pétoire du grand père qui surprend un cambrioleur dans son garage. La portée du Sig Sauer va jusqu’à cent mètres.

La distance de tir dans cette affaire, c’est huit mètres!

C’est le geste d’un individu qui connaît les caractéristiques de son arme. Et qui sait ce qu’il fait quand il l’utilise.

Ce n’est pas un tir défensif!

C’est un jeune homme de 19 ans, qui ne vous menace plus.

Qu’avez-vous voulu faire ? A quoi ça sert?

C’est un tir inutile. C’est un tir gratuit, suffisant pour caractériser

une intention homicide qui n’est pas un assassinat

Ce geste intentionnellement homicide, d’un tir volontaire, résolument orienté vers sa cible, dans une zone éminemment létale.

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Le verdict d’homicide volontaire, ne sera pas un verdict de vengeance ni de complaisance. Ce n’est pas un assassin préméditant son geste confronté à une séquence objective de violence. C’est la folie d’une riposte homicide, à la gravité d’un geste que rien ne viendra jamais réparer.

Je vous demande de condamner Frédéric Herrour à une peine allant de 13 à 15 ans de réclusion criminelle.

Défense

Les avocats de la défense, Maître Emmanuel Molina et Thomas Tapiero ont plaidé l’accident « c’est un acte dramatique mais non voulu ». Les deux défenseurs ont critiqué une enquête incomplète essentiellement basée sur des hypothèses et des incertitudes.

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Le délibéré a duré un peu moins de quatre heures. La cour et les jurés ont déclaré coupable de meurtre Frédéric Herrour, et l’ont condamné à 12 ans de réclusion criminelle.