22 Août

Un petit miracle

 

bébé

Mes journées se remplissent. Si je ne fais pas de visite, je vais faire mes courses et change tous les jours de boulanger, de boucher, et à chaque fois, je discute, je raconte mon installation, ma disponibilité 24/24 je donne mon numéro de télèphone personnel, mon adresse, tout, je donne tout! J’aime trop mon travail, j’aime les gens, j’aime aider, soigner, j’aime parler, j’aime démarrer fort. Je Je prends des gardes à tous les autres médecins bien contents de laisser les week-ends aux petits jeunes.

J’ai accepté la garde du 1er janvier ! Le premier appel à 7h ! Jusque-là rien de spécial, une gastro chez une jeune femme, elle a mal au ventre. Lendemain du réveillon, j’imagine bien le tableau …

C’est la voisine qui m’ouvre la porte de ce minuscule appartement du centre-ville. Il fait froid et le décor ambiant me rappelle mes années étudiantes. Christine est dans son lit et s’excuse du bazar ambiant. Je ne regarde rien sur les conseils de mon vieux pote Hippocrate, par contre je remarque les traits tirés de la patiente : elle souffre ! Elle m’explique que son mari militaire est en mission a Djibouti et que, comme je le suppose, ce n’est pas le réveillon festif qui provoque ce mal au ventre et ses vomissements mais une belle diarrhée. Soulevant les draps, elle est très gênée, elle m’explique honteuse qu’elle vient d’ avoir une petite fuite. Poussé par foi de sauveur, je lui explique que cela n’est pas grave mais je suis surpris par l’allure de la petite fuite. Elle est sanguinolente et la palpation du ventre est difficile car Christine présente une surcharge pondérale. J’examine et je dois faire un examen gynéco (ce n’est pas ma grande spécialité, je l’avoue) mais là, ma surprise fut totale : des cheveux, oui des cheveux sous mes doigts : Christine est en train d’accoucher!

C’est dingue, c’est fou ! Je lui demande si elle savait qu’elle est enceinte et elle ne le sait pas du tout, c’est un choc énorme. La tête est engagée ! Elle pleure, elle rit, pense à son mari qui est parti il y a trois mois et qui va revenir dimanche. Il a quitté sa femme seule et va se retrouver papa ! J’appelle le Samu de suite mais le médecin régulateur m’annonce qu’il ne peut pas envoyer une antenne avant 45 mn! Aucune ambulance libre ! Soit je l’accouche là dans ce petit studio, soit je l’emporte dans ma petite Ford Ka.

Il faut agir vite. J’amène la voisine et Christine et direction la maternité. Je préviens l’obstétricien de garde et je fonce …. J’ai bêtement la main sur le bas ventre comme si je retenais la tête du bébé. A l’arrivée un brancard nous attend et l’expulsion se passe juste à l ‘entrée du bloc. Je suis là, je souris, je pleure, je tremble. Christine me regarde, elle est anéantie, heureuse, paniquée, et me demande:

 » Comment vous vous appelez docteur ?

– Mareilhac, docteur Mareilhac.

– Non, votre prénom ?

– Antoine !

– Alors, il s’appellera Antoine !! Je vous demande juste d’être là dimanche quand mon mari reviendra ».

La suite est belle : le militaire arrive au studio ce dimanche de janvier. Il fait beau, le soleil illumine le séjour bien rangé, un petit couffin bleu pale est posé sur la table et, quand la porte s’ouvre, Christine, Antoine dans ses bras, se précipite dans ceux du soldat en lui chuchotant en pleurant « c’est ton fils mon Chéri ! Joyeux Noel ! »

Je vous promets que ce jour-là j’ai vécu le moment le plus émouvant de ma vie.

Mordu par l’Urssaf !

Les premiers mois de ma nouvelle vie sont essentiellement faits de longues attentes seul au cabinet où quelques patients se suivent, un par un, tout au long de la journée.

Il m’ arrive, parfois, en début d’après-midi, de faire même une petite sieste sur ma table d’examen!

Une après-midi, je suis réveillé par une vielle dame qui vient de se faire mordre par son petit chien. Je me lève précipitamment avec la marque du drap d’ examen inscrit sur mon front et je fonce  mettre ma blouse blanche afin de retrouver un peu de crédibilité médicale. La plaie sur la lèvre est importante et la pauvre mamie n’a qu un seul mot à sa bouche (ensanglantée) « Urssaf », « Urssaf » ! Je ne comprends rien, je me réveille d’une sieste ….médicale, du sang partout et une vieille dame qui hurle « Urssaf ». je dois rêver..

Pour moi, « Urssaf » c’est un mot tabou car tous mes vieux confrères m’ont toujours dit : « Méfie toi de l ‘urssaf, méfie toi de l’urssaf… », j’ai peur !

Alors, j’ose poser la question: « Pourquoi vous criez « Urssaf », Madame ? » « Ben, docteur c’est le nom de mon petit chien, mon pauvre mari l’a appelé comme ça pour ne pas oublier de payer ses cotisations ! »