Omar parle et nous on se regarde ! Mais il est fou ou c’est du sérieux ?
– il a dit qu’il ne ferait rien ce soir, ouf, je vais pouvoir boire le Chasse Spleen que j’ai amené !
– alors bois-le vite Antoine, car moi, il va peut-être enlever mon heure et on se retrouvera dans le vestiaire le jour où je t’ai fait un nez en virgule et où tu as mouchė rouge, tu te rappelles Mérignac Sbuc en junior ?
– parce que je t’avais laissé un bristol dans la poche en marquant mon troisième essai, mauvais joueur Olivier !
Odile (toujours voulant recentrer les débats) : Arrêtez les garçons, vous n’allez pas recommencer, laissons Omar nous expliquer.
– ça me fait peur moi tout ça ! buvons le Chasse et oublions le Spleen !
– rassurez-vous mes amis, dit Omar ! on est là pour passer un bon moment et je ne ferais rien ce soir mais on peut à tour de rôle imaginer ce que serait votre vie avec cette heure de moins.
Geoffroy, le premier, essuyant ses lunettes machinalement avec sa chemise :
– moi, je sais !
– tu sais quoi ?
– l’heure que j’enlève ! Celle où ma mère m’a mis sur la plage en plein soleil alors que j’avais la varicelle, j’avais 7 ans !
– et alors ? Tu as eu des cicatrices ?
– non mais mes yeux ont été abîmés et mon nerf optique touché !
– c’est là où tu as acheté ton premier labrador ?
– arrêtez, ne rigolez pas, je ne serais pas ce pauvre décorateur de film, je serais Truffaut, Spielberg Woody Allen, Lelouch… si je pouvais seulement regarder dans l’objectif de la caméra sans mes lunettes à la Suzanne Boyle !
– tu sais, tu as quand même super réussi ta vie, combien d’intermittents du spectacle aimeraient avoir ton cursus ! Passer de « la vie est un long fleuve tranquille » à « Vidocq », « Maupassant », sur le dos « Tatie Danielle » ?
– peut-être ! Mais quand je vais chez l’ophtalmo, je ne vois que le ZU.
(Odile toujours aussi éveillée)
– Pourquoi tu dis ZU ? Chez nous à Bordeaux, on prononce le T on dit zut.
– C’est ça Odile, continue de fumer la moquette et laisse-nous entre grands…
– Tu vois Geoffroy moi, je ne suis pas d’accord, tu pourrais certes y voir mieux, tenir une caméra, regarder par le petit objectif, mais filmer n’importe quoi, être nul et te retrouver figurant sans lunettes dans une série TV !
– j’ai tellement d’idée dans ma tête, de scénario, d’histoires touchantes que je suis sûr de faire passer mes émotions à travers ma caméra.
– (Geoffroy) imaginons la scène : il fait très chaud devant la doucette, ma villa du Ferret, ma maman me réveille de ma sieste et va me poser sur la plage. Tes boutons de varicelles sècheront plus vite ! On dirait un Homard
– (notre indien au flegme et humour très colonie britannique avec un clin d’œil coquin) je vous en prie, chère Madame, une écrevisse pas un Homard, j’ai déjà si peur de finir en court-bouillon à Pinasse Café.
Tout le monde éclate de rire devant ce trait d’humour, sauf notre pauvre Geoffroy qui veut reprendre le cours de son histoire :
– alors au lieu de le mettre sur la plage, tu ferais mieux de l’amener manger une glace dirait ma tante Sylvie. Mais comme maman Geoffroy c’est une sorte de Ma Dalton c’est elle qui décide et donc bébé Geoffroy ira sur la plage !
Alors Mr Langoustine, vous me repositionnez au moment où ma tante Sylvie pousserait ma Dalton et m’emmènerait chez Frédélian ? Ou je reste miro à tout jamais ?
Imaginez, cher Monsieur De Bouillon (c’est de l’humour d’une langoustine légèrement vexée) ce que serait votre vie avec cette glace absorbée et ce nerf optique respecté.
– je suis sûr que j’aurais pu filmer ce mélange de couleurs, fait de bleu de vert et de jaune qui sont dans ma mémoire chaque fois que je pense au Ferret, mais cette fois si je pouvais voir enfin le détail d’une main, la ride des yeux d’un vieux marin buriné, l’étoile de mer coincée dans la jagude.
– (Antoine) mais certes, tu y verrais mieux mais serais-tu un bon cinéaste pour autant ? Ta description que tu nous fais de ce vieux pêcheur ramassant ses filets où se débat une Stella Maris est encore plus belle car elle vient de ton imaginaire et non parce que tu l’as vue.
-Tu as peut être raison Antoine, mais cette frustration aujourd’hui a 60 ans elle est parfois difficile à digèrer. J’ai bien envie d’appeler notre Fakir la semaine prochaine …
– (Nathalie) mais moi, tu ne m’aurais pas connue ? tu serais le mari d’Arielle Dombasle ou de Sophie Marceau tes copines des films où tu as décoré les scènes !
– voulant copier l’autre Antoine (de Saint-Exupéry) : tu sais on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.
D’accord ! Je reste avec mes lunettes, mes décors et toi, ma chérie !