Les Sens du Beau, c’est le titre de la Biennale du Design de Saint-Etienne édition 2015 qui, une fois de plus nous montre le monde tel qu’il est, tel qu’il sera et aussi tel qu’il pourrait être si on faisait un petit effort d’imagination.
Il faut avoir vécu ces quinze dernières années à Saint-Etienne (j’y ai vécu une grosse dizaine d’années) pour croire en cette ville. Celle qui aurait pu pleurer sur les ruines de sa gloire industrielle passée a préféré prendre le virage du vingt-et-unième siècle à bras le corps comme on dit, et l’emblème de ce virage parfaitement contrôlé, c’est la Cité du Design, sa platine lumineuse et sa tour métallique qui… Ben non, qui ne domine pas la ville. C’est l’école des beaux-arts qui peut être considérée comme le Dieu sauveur de Saint-Etienne en créant il y a de cela presque vingt ans maintenant la Biennale Internationale du Design. En plus d’un succès populaire, la biennale a permis au territoire stéphanois d’accroître son attractivité et de renouer avec la compétitivité économique. Bref, même s’il reste sûrement un bon nombre de façades à rénover à Saint-Etienne, cette dernière n’est plus une ville à la traîne, bien au contraire et cette IXème édition de la Biennale montre encore à quel point la vie du point de vue des sept collines est fascinante.
Réorganiser le Monde
L’une des premières expositions que le visiteur est invité à découvrir, s’il commence sagement son périple par la platine, c’est celle qui s’intitule Hypervital, sorte de kit de survie pour l’humanité du vingt-et-unième siècle. Cette exposition fonctionne un peu comme un bouquin de Jérémy Rifkin, cet économiste qui passe son temps à nous foutre les « chocottes » en nous mettant face à notre inconscience: d’abord on te fait bien flipper, surpopulation, dérèglement climatique, immobilisme des pouvoirs publics (passé ce chapitre, tu prends généralement ta carte à Europe Ecologie les Verts) puis on te dit que quelques personnes ont des idées pour changer tout ça et ça te redonne le sourire pour enfin te faire comprendre qu’il reste à convaincre tout le monde et quand je dis le monde, ce n’est malheureusement pas une image.
Après un état des lieux très réjouissant du gaspillage en masse dont l’humanité fait preuve, on découvre le peuple de la vallée de l’Omo en Ethiopie, passion du photographe allemand Hans Silvester, peuple qui, au-delà de son talent pour peindre les corps et la peau, semble avoir tout compris en développant des techniques de survie sophistiquées dans des environnements hostiles. Sauf qu’aujourd’hui, ces tribus sont menacées par la construction d’un barrage dont le chef des travaux n’est autre que le gouvernement éthiopien. La survie de ceux qui vivent dans des contrées hostiles par nature ou rendues hostiles par l’homme a interrogé un certain nombre de Designers et d’organismes caritatifs comme par exemple, la fondation Ikea qui met au service des réfugiés son art du faire soi-même en créant le Better Shelter, une maison en kit protégeant à la fois des UV et offrant une protection thermique pour remplacer les tentes de fortunes dans lesquelles ces réfugiés finissent par s’installer définitivement. Comme tous les produits Ikea, ces maisons sont livrées dans des cartons.
Retour aux fondamentaux
Comme à chaque Biennale, on retrouve avec plaisir l’expo du design pour les nuls. Pour cette édition, c’est l’exposition No randomnes, la cohérence des formes qui relevait avec brio cette fonction. Pourquoi les bouches d’égout sont rondes? Pourquoi un mètre mesure un mètre? Tous ces objets si bien conçus qu’on en oublierait justement, qu’ils ont été conçus. J’ai pour ma part été fort intéressé par le verre à bière nonic et le pourquoi de ce renflement qui, nous explique-t-on, n’a été conçu que pour faire en sorte que lorsque deux verres s’entrechoquent, ils ne se brisent pas. Autre invention remarquable et dans le même domaine car je suis un peu « monomaniaque », les 21 dents que comptent la capsule de la bouteille de bière, un nombre impair de dents qui évite aux bouchons couronne de se coincer entre eux dans une chaîne de fabrication. Cette exposition nous montre que là où le design est le plus beau, c’est quand il ne se voit pas, que l’objet remplit sa fonction par le simple fait d’être au monde. Sans prétendre que cet article est beau, j’espère qu’il remplira néanmoins sa fonction: vous donner envie de profiter des derniers jours de cette « belle » biennale.
Biennale Internationale Design Saint-Etienne 2015, Les Sens du Beau, jusqu’au 12 avril 2015, Cité du Design et dans de nombreux lieux de la ville.