La Comédie du Livre fête cette année son 30e anniversaire à Montpellier. Si les stands de cette librairie à ciel ouvert se sont installés en 1986 place de la Comédie, c’est avant tout grâce à une femme : Mia Romero.
« Il n’y avait que des hommes, j’étais la seule femme ». En 1979, Mia Romero, journaliste à l’Est Républicain à Nancy, fait « descendre le livre dans la rue » comme elle dit. Ces hommes, des politiques ou des journalistes qui l’entourent à l’époque, la regardent avec « des yeux ronds » avant de lui jeter un «Débrouille-toi !». Mia s’est débrouillée. Aujourd’hui, le festival « Le livre sur la place » envahit toujours la place Stanislas.
Quelques années plus tard, Mia est mutée au journal Midi Libre, à Montpellier. La journaliste constate avec dépit, « y a rien sur le livre ici. En tout cas, y a pas grand chose ». Alors, elle recommence. En 1983, lors d’un reportage, Mia attrape le député-maire de Montpellier, Georges Frêche, et voilà ce qu’elle lui dit.
« Ca ressemblait à une librairie, à une bibliothèque à ciel ouvert »
Pour cette première édition, Mia Romero récolte onze libraires, près d’une centaine d’auteurs, et moins de 350 000 francs. Un petit budget pour un pari sur l’inconnu.
1986, 1987, 1988. En feuilletant l’album de ces années là, Mia Romero se rappelle avec une pointe de nostalgie
C’était quelque chose. Quelque chose de merveilleux, le public s’est révélé intéressé, donc c’était la fête du livre, avec une bibliothèque à ciel ouvert. Y avait de la musique de l’animation, des échassiers notamment : c’était la fête du livre et de la population.
« Les gens venaient voir les têtes qu’ils voyaient à la télévision ! »
Pourtant à l’écouter, ce n’était pas gagné. Dans les années 80, les gens n’étaient pas enclin à entrer dans une librairie. « La librairie c’était un peu le temple du savoir. A l’époque, c’était même un peu confidentiel. Les gens n’osaient pas trop. » Les premières éditions de la Comédie du Livre, auraient donc incité les Montpellierains à tourner les pages d’un bon bouquin. Et la télévision a contribué à cet engouement.
Les gens venaient voir les auteurs. Alors, bien sûr les libraires s’arrangeaient pour faire venir des têtes d’affiche. Tous ces gens-là amenaient du monde, parce que vous les voyiez à la télévision !
Le projet s’est épanoui. Selon les éditions, entre 200 et 300 auteurs sont invités. « Aujourd’hui, c’est une grosse machine », explique Mia Romero. Et avec un ancien adjoint à la culture pour nouveau maire, Philippe Saurel, elle reste optimiste. Mais aujourd’hui, « son bébé », Mia l’a un peu abandonné.
Quand on met un enfant au monde, on y est très attaché, on le couve, c’est la prunelle de vos yeux. Ensuite, on est content de le voir grandir et s’épanouir. Et puis après… Y a des années où je n’y suis pas allée parce que ça fait un petit pincement au cœur.
Cependant pour Mia Romero, la bonne fête entre copains, s’est transformée en table ronde trop bavarde. Finis les échassiers, place aux débats et aux conférenciers. « Par rapport à la toute première année, elle s’est intellectualisée ». Dans un rire à peine gêné, la fondatrice de ce festival jette un « si je dis ça, les écrivains vont me tuer ». Mais en réalité, cette grande dame de caractère s’en fiche. La Comédie, elle le dit, c’est trop sérieux, plus assez popu. Elle ne s’y retrouve plus. La fiesta de ses débuts, a disparu.
Valentine LETESSE