12 Oct

« Une famille de héros, trois frères morts pour la France » titre le journal Le Petit Béthunois

Le journal est jauni, abîmé, comme marqué par les blessures de l’histoire et du temps. « Le Petit Béthunois » du 16 novembre 1928 a pourtant été précieusement conservé par la famille Mortreux. Pourquoi ?

Parce qu’en page 3 du journal, dans la colonne « Béthune Lens », un article a réveillé les souvenirs douloureux de la famille. Cela fait déjà 10 ans que la Grande Guerre est terminée. Cela fait 12 ans que Léon, Pierre et Jules Mortreux ont perdu la vie lors de la Première Guerre mondiale de 1914-1918.

12 ans après, dans « Le Petit Béthunois », journal local du Pas-de-Calais, un article rend hommage à « Une famille de héros » et « aux trois frères morts pour la France » Jules, Léon et Pierre Mortreux.

« Le Petit Béthunois » est à l’époque un des journaux locaux les plus lus dans le Pas-de-Calais. Le journal se présente comme « l’hebdomadaire républicain de l’arrondissement de Béthune.

Médaille militaire à titre posthume pour Léon Mortreux « belle attitude au feu »

En novembre 1928, 10 ans après la fin de la Grande Guerre, la rédaction du « Petit Béthunois » repère une information dans « Le Journal Officiel » où sont consignés tous les événements, les lois, les déclarations et publications légales de la France.

« Le Journal Officiel » annonce qu’à la suite d’un décret du 5 novembre 1928, la médaille militaire est conférée à Léon Mortreux à titre posthume. Le sergent Léon Mortreux a été tué le 12 septembre 1916 lors de la bataille de la Somme.

Le journal reprend l’information dans ses colonnes et ajoute quelques commentaires supplémentaires.

La nomination parle de « belle attitude au feu » et rappelle les actes militaires du Sergent Mortreux. Cette information est publiée intégralement dans « Le Petit Béthunois ».

« 3è Régiment mixte de zouaves et de tirailleurs : Mortreux Léon Paul , matricule 01536, sergent, excellent officier, chef d’une section de canon de 37. Belle attitude au feu.

Blessé mortellement à Forest, au cours de la bataille de la Somme, en portant son canon dans les tranchées ennemies qui venaient d’être conquises »

Commentaire un peu critique ou ironique, « Le Petit Béthunois » souligne que « l’Officiel » est « incomplet ». Le journal rappelle que Léon Mortreux avait été grièvement blessé au début de la guerre, en septembre 1914, à la bataille de la Marne… ce que ne dit pas le Journal Officiel.

« Le destin s’est acharné sur la famille »

Pour illustrer son article, « Le Petit Béthunois » montre une photo-montage de Léon Mortreux en uniforme et casque, décoré de la croix de guerre. A ses côtés, son frère aîné Jules Mortreux tué le 15 mars à Vauquois en Lorraine. Entre les deux, le plus jeune, Pierre Mortreux tué à 25 ans dans « l’enfer de Steinbach » en Alsace.

Le journal commente « il semble que le destin se soit acharné sur la famille Mortreux-Bar ». Une famille connue et estimée à Béthune rappelle « Le Petit Béthunois ».

La famille Mortreux a conservé cette photo, marquée par le temps. La photo est dédicacée à Martial Mortreux, le plus jeune de la fratrie de 8 enfants. Martial avait 15 ans quand ses frères aînés sont « morts au champ d’honneur » sur le front en 1915 et 1916.

« Un peu de gloire … un peu trop tardivement peut-être »

« Le Petit Béthunois » rappelle que les trois frères avaient fait leur service militaire au 73è régiment basé à Béthune.

Plus anecdotique, on peut lire dans l’article que Jules était un dessinateur habile. « Il avait même décoré de panneaux la salle d’armes de la caserne Chambors à Béthune. » précise « Le Petit Béthunois »

Au-delà des faits, le journal « ose » un commentaire à cette actualité…

Un peu de gloire idéalise la mémoire – un peu trop tardivement peut-être – écrit « le Petit Béthunois »

… une pointe de critique adressée à l’Etat qui met 10 ans à rendre hommage, en quelques lignes, à ses hommes « morts pour la France. »

« Le Petit Béthunois » conclut cet hommage en adressant ce 16 novembre 1928 un message aux jeunes générations … un devoir de mémoire pour préserver l’avenir.