Début janvier 1916, Léon Mortreux vit mal sa situation à l’arrière, à 150 kilomètres de la ligne de Front.
Le sergent Léon Mortreux est instructeur de la Classe 17 au Dépôt de Fontainebleau. Cela fait plusieurs mois qu’il encadre les jeunes appelés d’abord à Fontvannes dans l’Aube et depuis fin décembre à Fontainebleau en Seine-et-Marne.
Gené, il redoute les questions des autres soldats sur sa situation de « planqué à l’arrière du front ».
Dans son courrier du 7 janvier 1916, Léon semble répondre à une lettre de son Oncle Fernand Bar au sujet d’une citation pour un fait de guerre.
Je ne connais même pas la guerre de tranchées ! On me demanderait ici, si c’est pour mon long séjour au dépôt que je suis décoré ! Et le Commandant, que penserait-il de voir que l’on s’occupe ainsi de moi, lui qui me croit un déshérité de la terre.
Depuis sa blessure à la bataille de la Marne en septembre 1914, Léon Mortreux n’est pas retourné sur le Front. Il semble vivre sa situation comme un déshonneur.
Dans la lettre, Léon fait part de son malaise à son Oncle. Il souhaiterait retourner à Varreddes, là où il a été blessé sur le champ de bataille à la Marne … pour rappeler à tous qu’il a connu le feu.
Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 7 janvier 1916
En janvier 1916, Béthune n’est pas sous le feu allemand.
Léon est rassuré pour sa famille à une quinzaine de kilomètres de l’ennemi, pour l’instant épargnée par les obus.
Je t’espère en bonne santé et pas inquiété par les projectiles boches ?
Correspondance de guerre … il y a cent ans
Fontainebleau
26è Compagnie 46è Régiment Infanterie7 janvier 1916
Cher Oncle,
Je te remercie de grand coeur pour ton mandat de cinquante francs que tu viens de m’envoyer.
J’ai aussi ta bonne lettre de l’an dernier que j’ai eue à mon retour de permission.
A vrai dire, je puis me demander à quémander une citation quand je vois des soldats ayant été des 10 et 15 mois au front et qui sont connus de tous pour avoir accompli des faits de bravoures splendides, rester sans distinction aucune
Je ne connais même pas la guerre de tranchées ! On me demanderait ici si c’est pour mon long séjour au dépôt que je suis décoré ! Et le Commandant, que penserait-il de voir que l’on s’occupe ainsi de moi, lui qui me croit un déshérité de la terre.
Ce que j’aimeras c’est un voyage à Varreddes et une bonne poignée de mains des braves habitants qui y étaient demeurés et que j’ai vus. Si alors le maire veut signaler ma conduite à l’autorité militaire … peut-être l’en autoriserais-je, bien qu’à la vérité il n’y a rien de sublime en ce que j’ai cherché des nourritures pour els soldats alors que des civils s’en occupaient eux aussi.
Je t’espère en bonne santé et pas inquiété par les projectiles boches ?
Merci pour les guêtres que je recevrai avec grand plaisir.
Affectueux baisers
Léon