10 Juin

L’escale Borely, une zone fantôme ?

Parc balnéaire du Prado © Photo Jean-François Giorgetti

Dans le cadastre de Marseille, une partie du grand Parc balnéaire du Prado ne figure pas sur les plans. Nous avons mené notre enquête pour tenter de résoudre cette énigme. 
Gaston Defferre rêvait de faire une croisette Marseillaise dans les quartiers sud de la ville.
Grâce aux déblais des grands chantiers des années 70 à 80 notamment ceux du métro de Marseille, le rêve du maire a pu s’accomplir. Son nom : le parc balnéaire du Prado.

Un parc de 70 hectares

Le parc balnéaire du Prado comprend :
– 7 plages
– près de 3 kms de littoral
– 70 hectares (sur lesquels se trouvent entre autre des espaces verts)
– le centre municipal de voile
– des aires de jeux
– des parkings
– un complexe regroupant des boutiques, des restaurants
– un skatepark (l’un des meilleurs d’Europe).

En 1976 et 1984, ce site artificiel gagné sur la mer, a été concédé par l’Etat à la ville de MarseilleLe Domaine Public Maritime est inaliénable et imprescriptible, cette règle est en vigueur depuis 1566. C’est l’Edit de Moulins signé par le roi Charles IX.

Des images différentes

Sur les images satellite on voit deux avancées sur la mer.
La première tranche au nord, s’étend du bas du quartier du Roucas Blanc jusqu’à l’Huveaune. La seconde tranche au sud, part du fleuve jusqu’à la vieille chapelle.

Image satellite © Image Géoportail

© Image Géoportail Image satellite

Sur le plan cadastral, cette deuxième partie a disparu !

Image du plan cadastral © Image Géoportail

© Image Géoportail Image du plan cadastral

Les 50 hectares du parc balnéaire Prado sud n’existent pas sur le cadastre de Marseille.

 

Une énigme urbanistico-administrative

L’énigme urbanistico-administrative commence quelques centaines de mètres après avoir dépassé la statue de David qui trône au bout de l’avenue l’avenue du Prado.
La route enjambe l’Huveaune qui se jette dans la méditerranée. Juste après l’embouchure, on voit la mer, une plage. Les véliplanchistes friands de ce lieu l’appellent « épluchure beach ».

La plage "épluchure beach" © Photo Jean-François Giorgetti

© Photo Jean-François Giorgetti La plage « épluchure beach »

Sur cette surface gagnée sur la mer, se trouvent notamment des espaces verts. Au milieu, le bowl un lieu mythique pour les skateurs. Et l’Escale Borely : près de 25 000 m² dédiés au commerce de loisirs avec des restaurants, des bars, des boutiques, et des plages privées. La gestion de cet espace commercial balnéaire a été confiée par la ville de Marseille à la Sogima .
Dans ses comptes de l’exercice 2013, la Société de Gestion Immobilière de la ville de Marseille, provisionne prudemment un million d’euros en raison de l’incertitude sur la reconduction de la concession en 2014.

Parc balnéaire du Prado

L’absence du parc balnéaire du prado sud sur le plan cadastral de la ville pose la question de la fiscalité appliquée notamment auprès des commerces de l’escale Borely. Didier Réault, conseiller municipal délégué à la mer et aux plages, explique que la Sogima exploite la concession directement avec les restaurateurs (les baux commerciaux et les redevances) et les plages privées. En ce qui concerne le vide sur le plan cadastral, l’élu indique :

«On n’est pas dans une logique de non droit. On est juste dans une retranscription qui n’a pas été faite sur des plans.

En tout cas nous, maintenant, à la ville on souhaite depuis plusieurs années faire en sorte que sur nos plages nous ayons la capacité de les gérer. Nous ville de Marseille avec l’Etat qui est propriétaire, nous sommes dans une logique de régularisation… » Plus loin le conseiller municipal précise : « qu’un plan littoral a été voté fin 2010 par le Conseil Municipal qui comprend entre autre un alignement de l’ensemble des concessions (du Roucas Blanc à la Vieille Chapelle). Dans la délibération du 6 décembre 2010, il est indiqué qu’il a été convenu avec la Direction Départementale des Territoires et de la Mer, que le renouvellement des concessions et la modification interviendront au 1er janvier 2015″.

L'embouchure de l'Huveaune © Photo Jean-François Giorgetti

© Photo Jean-François Giorgetti L’embouchure de l’Huveaune

Au Conseil Municipal de Marseille du 25 mars 2013 une nouvelle délibération est prise. Elle précise qu’il est demandé à l’Etat le renouvellement au bénéfice de la ville de Marseille au 1er janvier 2015 des concessions du Parc Balnéaire du Prado en y incluant la plage de la Pointe Rouge.
Au cours de notre entrevue, Didier Réault indique que le renouvellement des concessions ne se fera pas avant 2017 ou 2018. Le Conseiller Municipal explique que d’autres priorités ont été traitées notamment la réhabilitation de la plage des catalans « la plage du centre-ville, mondialement connue ! »
32 ans après la concession du Parc Balnéaire du Prado Sud, par l’Etat, l’administration fiscale ne l’a toujours pas répertoriée.

12 Mai

Les South Winners ciblés dans l’affaire OM

En Marge de l’affaire de transferts douteux de l’Olympique de Marseille appelé aussi « Dossier Mercato » la Brigade Nationale de Lutte Contre la Criminalité Organisée Corse, installée à Paris,s’intéresse aux South Winners.

Les supporters South Winners au stade Vélodrome en 2007. © Maxppp

© Maxppp Les supporters South Winners au stade Vélodrome en 2007.

Les South Winners, leur vice-président et leur influence

Le groupe des South Winners, a fait l’objet d’investigations poussées. Les enquêteurs ont passé au crible le fonctionnement et l’organisation de l’association « aux amis du virage sud » fondée en 1987.

D’après le rapport de synthèse, Rachid Zeroual, vice-président des South Winners, entretient des relations ambigües avec les dirigeants de l’OM. Il est régulièrement présent dans les bureaux de la Commanderie (le siège du club), participe quelquefois à des réunions d’état-major ou participe à la préparation du journal d’OMTV. C’est un proche de José Anigo, le directeur sportif, il déjeune souvent avec Vincent Labrune.

Une rixe entre supporters

Le profil de Rachid Zeroual est détaillé. Six faits de violences sont répertoriés. On apprend qu’il a été salarié de l’OM en 2003. Son contrat est rompu au 1er trimestre 2004 suite à une rixe avec d’autres supporters dans le stade Vélodrome. Et une condamnation en 2012 à un an de prison et deux ans d’interdiction de stade.

Sous le chapitre « Les South Winners : un groupe de supporters pas comme les autres du fait de la personnalité de son vice-président Rachid Zeroual« , les enquêteurs parisiens relèvent l’influence exercée par les South Winners sur le club et ses dirigeants, notamment au travers d’écoutes téléphoniques. Le 22 octobre 2011, Didier Deschamps appelle Jean-Pierre Bernès (son agent). Au cours de la conversation, l’entraîneur parle de son entrevue avec Rachid Zeroual :

Et le Zeroual, là, tu sais ce qu’il me dit à un moment ? Tu sais le vrai Marseillais un peu quoi ? Il me dit : (Deschamps imite la voix de Zeroual) toi, au moins, tu es tranquille, tu vas pas te prendre une gifle comme Fernandez ! Toi, tout le monde sait qu’on ne peut pas t’approcher (rires)

Le  3 mai 2012, autre conversation téléphonique entre les deux hommes. Didier Deschamps reprend des propos tenus par Vincent Labrune concernant Rachid Zeroual et ses liens avec le trafic de drogue :

tu crois que moi je vais m’attaquer à lui après, je vais avoir des représailles, quoi…

Commentaire de Didier Deschamps :

Tu sais qui c’est Rachid ? C’est le seul qui tient par les couilles José, quoi…

 

José Anigo en 2014. © Maxppp

 

© Maxppp José Anigo en 2014.

La guerre Anigo/Deschamps et l’épisode de la banderole anti-Deschamps

28 mars 2012, l’OM reçoit le Bayern de Munich en quart de finale de Ligue des Champions. Une banderole portant l’inscription : Deschamps et tes joueurs cassez-vous est déployée dans le virage sud, la place forte des South Winners. La banderole restera en place pendant toute la première mi-temps du match. D’après les enquêteurs, Rachid Zeroual a apporté une grosse contribution à l’affichage de cette banderole tout en n’étant pas l’instigateur de l’idée. José Anigo aurait encouragé les supporters à se rebeller contre l’entraîneur, et savait, avant même le coup d’envoi du match, que la banderole allait être affichée à la vue de tous.

Deschamps et tes joueurs cassez-vous

La banderole déployée par les South Winners en mai 2012 lors du quart de finale de la Ligue des Champions contre le Bayern de Munich.

La banderole déployée par les South Winners en mai 2012 lors du quart de finale de la Ligue des Champions contre le Bayern de Munich.

La peur de Labrune

Suite à cet épisode, dans une conversation téléphonique du 3 mai 2012, Didier Deschamps rapporte à Jean-Pierre Bernès, que Vincent Labrune n’était pas intervenu immédiatement pour faire retirer la banderole parce qu’il craignait pour sa personne :

Non mais qu’est-ce que vous croyez que je vais aller là-haut moi, enlever cette banderole ! Je vais me prendre deux balles dans le dos

 

Les comptes bancaires des South Winners et de Rachid Zeroual

L’analyse financière laisse apparaître qu’entre 2008 et 2013 l’association South Winners a versé la somme de 370 533 euros en 10 paiements à la société Espagnole Cesar Editions Unipe SL. Cette entreprise édite notamment le magazine OM Plus. Le Magazine des supporters de l’Olympique de Marseille. Parmi les administrateurs de Cesar Edition se trouve un ancien patron de l’OM Jean-Michel Ripa. Selon le rapport de synthèse de la Brigade Nationale de Lutte Contre la Criminalité Organisée Corse, Jean-Michel Ripa serait le lien qui permettrait d’expliquer l’existence de flux financiers entre d’une part Rachid Zeroual et Cesar Editions et d’autre part entre cette même société et l’association des South Winners. Les policiers s’interrogent sur la réalité économique des flux financiers et se demandent si Rachid Zeroual n’aurait pas détourné des fonds à son profit au préjudice de l’association South Winners par l’intermédiaire de Cesar Editions.

 

 Reportage : JF Giorgetti, F Di Cesare, K Gibert, Ph Beauverger, A Paul