18 Avr

Affaire Air Cocaïne Pourquoi les juges ont condamné les pilotes

Autopsie d’un verdict

Le 5 avril, après à 11 heures de délibéré, les cinq magistrats de la cour d’assises spéciale des Bouches du Rhône ont condamné sept des neuf accusés, à des peines allant de 5 ans de prison à 18 ans de réclusion criminelle. Les deux pilotes, Pascal Fauret et Bruno Odos, se sont vu infliger 6 ans de prison. Le procès a duré sept semaines.

 

 

Dans un document de 25 pages, signé le 8 avril, le président de la cour d’assises spéciale des Bouches du Rhône, explique par le menu, pourquoi, il a décidé, avec ses quatre assesseurs, de condamner sept des neuf accusés.

Les premières pages de la « feuille de motivation », sont consacrées à la reprise des éléments réunis pendant l’enquête judiciaire, les deux allers et retours, en Falcon 50, entre la France , la République Dominicaine, et l’Equateur, entre décembre 2012 et début mars 2013, ainsi que l’arraisonnement de l’avion, le 19 mars 2013 sur l’aéroport de Punta Cana en République Dominicaine. Le jet privé, était en partance pour le petit aéroport de la Môle-Saint Tropez ; à son bord, la police dominicaine saisit 26 valises contenant 680 paquets de cocaïne, pour un poids total de 700 kilos.

les magistrats, font très peu état des déclarations des nombreux témoins et experts

Tout au long de la lecture de «la feuille de motivation », les magistrats, font très peu état des déclarations des nombreux témoins et experts, qui se sont succédé à la barre de la cour d’assises durant les sept semaines du procès, notamment les experts aéronautiques.

valises étaient anormalement boueuses

Les principales infractions

Les pages suivantes sont consacrées aux « principales infractions », notamment l’importation, la détention et le transport, à l’occasion du premier vol, le 9 décembre 2012 entre Puerto Plata et le petit aéroport de La Môle-Saint Tropez. Pour les magistrats « il ne fait aucun doute » que des valises anormalement boueuses et lourdes ont été déchargées sur la piste et que l’un des pilotes (Pascal Fauret) a aidé au déchargement. « Ce déchargement était d’ailleurs apparu, à ce point anormal qu’un signalement anonyme a immédiatement était fait aux services de la protection de la Défense et qui a ensuite été transmis à la Gendarmerie. Il (le témoignage anonyme (Ndlr))mentionnait que les valises étaient anormalement boueuses, ce que confirment MM Odos et Fauret».

L’enquête n’a pas permis de savoir ce que contenaient les « lourdes valises » (Ndlr).

La tentative d’importation,

le 19 mars 2013, pour le vol prévu entre Punta Cana et la Môle-Saint Tropez.

 

Fabrice Alcaud et Bruno Odos

Pascal Fauret

Pierre-Marc Dreyfus

 

 

Sur la culpabilité

Les magistrats exposent les nombreux arguments démontrant la culpabilité de chaque accusé, pour ensuite terminer par Pascal Fauret et Bruno Odos et les patrons de la société d’aviation SN-THS.

Dans un premier temps, les juges indiquent que « les quatre accusés avaient intérêt à ce que ces vols transcontinentaux se réalisent…que Bruno Odos et Pascal Fauret ont contesté avoir touché la moindre commission occulte …On constate par ailleurs le dépôt par Bruno Odos, de 6500 euros en espèces sur son compte entre le 11 décembre 2012 et le 14 mars 2013…et les débits statistiquement inférieurs à la moyenne sur le compte joint de Pascal Fauret en décembre 2012, février et mars 2013, outre la saisie à son domicile le 3 avril 2013 d’une somme de 6950 euros…) Au sujet du vol en Equateur : » le 26 février 2013 Pascal Fauret…a consulté depuis son ordinateur, les thèmes «Justice en Equateur »… »Trafic de drogue en Equateur »… »Un pilote en prison ») A propos d’une conversation téléphonique entre Bruno Odos et Fabrice Alcaud (l’un des deux patrons de la compagnie aérienne) après le retour de l’Equateur:

  • « Fabrice Alcaud : voilà bon, donc heu, donc vous êtes allé veni vide vici quoi…
  • Bruno Odos : moi heu, tout ce qui se passe autour de ça, ça ne m’intéresse pas, ne me regarde pas…
  • A : moi non plus…
  • O : voilà, donc euh on a amené…
  • A : le vol, il a été payé, heu…c’est tout ce qui compte…
  • O : voilà, on a fait ce qu’on devait faire, voilà, c’est bon… »

Au sujet de cette conversation, les magistrats précisent « La nature même de cette conversation et les termes employés démontrent que les deux hommes agissaient en connaissance de cause et n’avaient qu’une seule préoccupation, le paiement des vols. »

« je n’ai pas été assez prudent sur les barrières que je me fixe d’habitude. » B. Odos

Au sujet de Punta Cana, les cinq juges expliquent que les pilotes ont assisté au chargement des valises et relèvent que Pascal Fauret a admis avoir supervisé le chargement et que Bruno Odos a déclaré « je n’ai pas été assez prudent sur les barrières que je me fixe d’habitude. »

En conclusion, la cour estime que « les quatre hommes (les deux patrons de la société d’aviation d’affaires et les pilotes ») ne peuvent dès lors dissimuler derrière l’affirmation, selon laquelle, ils auraient respecté les règles en vigueur dans l’aviation civile, le fait qu’ils connaissaient la nature du chargement qu’ils ont convoyé ou qu’ils devaient convoyer. »

particulière gravité des faits commis

En dernière page, les juges « estiment devoir prononcer des peines d’emprisonnement sans sursis, à l’exclusion de toute autre sanction manifestement inadéquate, en raison de la particulière gravité des faits commis, qui ont constitué pour chaque condamné, en sa participation à un trafic international de cocaïne, sur plusieurs mois… »

Pascal Fauret et Bruno Odos ont été condamné le 5 avril à six ans de prison et à payer solidairement avec les cinq autres condamné trois millions d’euros d’amende aux douanes.

Les deux pilotes et les dirigeants de la compagnie aérienne ont fait appel du verdict le 8 avril, soit le même jour que la rédaction de la feuille de motivation.

Le procès en appel pourrait se tenir dans moins d’un an.

Le procès en appel pourrait se tenir dans moins d’un an.

En attendant, pilotes et dirigeants ont déposé une demande de mise en liberté qui devrait être examinée au courant du mois de mai.

JFGiorgetti