C’est un texte tout ce qu’il y a de sérieux, juridique et assez peu folichon, publié le 17 juin. Son titre : étude d’impact sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions. Ce texte explique pourquoi, juridiquement, le gouvernement propose un projet de loi et pourquoi il retient certaines options. On y apprend donc pourquoi la voix de la consultation est écartée ou pourquoi le regroupement de Bourgogne et Franche-Comté semble « particulièrement cohérent et pertinent ». Bref, c’est la justification du projet de loi. Nous en avons retenu quelques grands axes .
Mise à jour du 26 juin : plusieurs groupes du Sénat (UMP, CRC, RDSE) ont jugé cette note insuffisante et imprécise. Ils ont donc demandé son examen par le conseil constitutionnel. Le projet de loi a, par conséquent, été retiré de l’ordre du jour de l’assemblée. Il ne sera pas examiné le 1er juillet.
Pourquoi faut-il moins de régions ?
L’argumentaire est classique, rebattu : les régions françaises sont trop petites. La preuve : elles sont plus grandes (ou plus peuplées, ou moins nombreuses) en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Les opposants à cet argument, rappellent que ces états ne fonctionnent pas du tout comme la France, et que la composante fédérale ou régionaliste est fort différente chez nos voisins. Mais pour le rédacteur « il faut s’adapter aux réalités géographiques » à l’Europe des régions et « relever le défi du redressement économique.«
Pourquoi on ne va pas trop demander leur avis aux régions existantes (ni aux départements) ?
Parce qu’il n’y avait qu’à utiliser la loi de 2010 et que personne ne l’a fait : et toc !
En 2010, le législateur introduit dans la loi la possibilité pour les régions de se regrouper à leur propre initiative. Les électeurs doivent être consultés. Au moins un quart des inscrits doit se prononcer pour que la refonte soit possible. « Force est de constater que la procédure volontaire de regroupement des régions, avec consultation obligatoire des électeurs et sans aucun dispositif d’incitation, n’a à ce jour été engagée par aucune région. » Autant dire qu’on ne peut pas compter sur les régions pour prendre leurs destins communs en main !
Et le rédacteur sort de sa besace le référendum alsacien. Le projet de nos voisins prévoyait de créer une collectivité unique regroupant les deux départements et la région. Mais les Haut-Rhinois ont voté contre et les Bas-Rhinois ne sont guère allé voter. Conclusion : « l’abstention peut être particulièrement élevée dans ces scrutins locaux. »
Donc, logiquement : « il faut procéder d’office, par la loi, à cette refonte des régions. Ce choix reflète la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’organisation territoriale de la République. »
Pourquoi on ne va pas commencer à changer les départements de régions… parce que sinon, on ne va plus s’en sortir.
Evidemment, ce n’est pas écrit comme ça…même si c’est clairement la pensée de nombreux élus et membres du gouvernement. Le rédacteur explique pourquoi le « droit d’option » n’est pas envisageable à court terme.
Le raisonnement est le suivant : seules les communes sont géographiquement bornées par des relevées topographiques. Un département est un assemblage de communes, une région rassemble des départements. Certes, les régions ont changé de nature depuis 1960, mais leurs périmètres géographiques n’ont pas évolués. Certes, il existe une disposition du code des collectivités territoriales qui permet à un département de changer de région….mais elle est écartée pour s’inscrire dans la continuité des textes depuis 1960 et » pour affirmer l’autonomie de l’échelon régional par rapport aux autres catégories de collectivités territoriales.«
Pourquoi faut-il rapprocher la Bourgogne et la Franche-Comté ?
Une pensée pour le conseiller juridique de l’étude d’impact : il doit justifier que Pays de la Loire est très bien toute seule, alors qu’il est urgent de rassembler Centre, Limousin et Poitou-Charentes. Il doit trouver une cohérence entre la Picardie et la Champagne-Ardennes, tout autant que dans le mariage Auvergne/Rhône-Alpes. Alors quand il en est arrivé à Bourgogne et Franche-Comté, il a du se servir un verre de Savagnin avec une lichette de jambon persillé, tant ça parait plus simple : les deux régions ont le même nombre de départements. L’une : la Franche-Comté est plutôt industrielle. L’autre : la Bourgogne serait plutôt agricole (notons les références aux vins de renommée internationale et au prestige de l’élevage charolais). Les deux ont une longue histoire commune….et des pôles de compétitivité dans des secteurs différents ( Nucléaire et agro-alimentaire chez les Bourguignons. Micro-technique, véhicules du futur et plasturgie chez les Francs-Comtois ) . Tout ça permettrait « de former une grande région industrielle autour d’activités industrielles diversifiées et complémentaires, permettant à la nouvelle entité de se positionner au niveau national, voire international dans des secteurs de pointe. »
Et en plus, ce regroupement permet à la Bourgogne d’avoir une frontière avec la Suisse ! Ce regroupement semble donc « particulièrement cohérent et pertinent.«
Pourquoi faut-il modifier le calendrier électoral ?
Les élections régionales et départementales auront lieu en décembre 2015 pour « préserver la sincérité du scrutin. » A cette date, les électeurs devraient tout savoir de la réforme territoriale et des compétences des uns et des autres. Les élections auront lieu, région, par région (les actuelles). Les présidents de Conseils Régionaux (Marie-Guite Dufay en Franche-Comté ) resteront en place jusqu’au 4 janvier 2016. Les nouveaux exécutifs se mettront en place ce jour là. Le projet de loi prévoit un dispositif pour que tous les départements soient représentés par au moins un élu dans les nouvelles assemblées
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