30 Mai

Que rapporte la Comédie du Livre aux libraires ?

Sans forcément acheter de livres, les visiteurs découvrent de nouvelles librairies.

Sans forcément acheter de livres, les visiteurs découvrent de nouvelles librairies.

Pour cette 30ème édition de la Comédie du Livre à Montpellier, onze librairies de la ville ont installé leurs tréteaux. De la petite indépendante à la grande enseigne, aucune ne gagne vraiment d’argent sur ces trois jours . Peu importe, ce n’est pas ce qu’elles viennent chercher !

Jean-Marie Sevestre sur son stand Sauramps.

Jean-Marie Sevestre sur son stand Sauramps.

S’installer sur l’Esplanade, c’est l’assurance d’être vu. L’an dernier, la Comédie du Livre a drainé plus de 60 000 visiteurs, en trois jours, 15 000 livres ont été vendus, pour 200 000€ de chiffre d’affaires. Des retombées économiques pas vraiment à la hauteur des investissements des exposants.

Sauramps, par exemple, a dépensé cette année entre 250 000 et 300 000 euros pour ses cinq stands. Un prix qui comprend le transport des auteurs invités, leur restauration et hébergement, ainsi que la commande des livres. « Et encore ! Nous avons la chance d’avoir des délais supplémentaires de paiement laissés par les éditeurs », assure le PDG, Jean-Marie Sevestre. «  On ne paie rien avant la fin du salon et avant d’avoir renvoyé nos invendus. Ce qui nous coûte cher c’est de payer nos salariés ». Ils sont vingt-cinq vendeurs à tout donner pour cet évènement. Pourtant, à la fin du week-end, Sauramps sait qu’il ne dépassera pas les 80 000 euros de vente. Une goutte d’eau. Rien comparé aux 26 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Alors pourquoi revenir chaque année ? «  C’est un moment important pour rencontrer ceux qui ne viennent jamais dans nos librairies, explique Jean-Marie Sevestre. On ne l’analyse pas en terme de rentabilité parce que ce n’est pas un vrai enjeu économique ». L’enjeu est ailleurs. Déplier son stand sur l’Esplanade, c’est s’offrir une belle publicité.

Sans Sauramps, la Comédie finie ?

Le patron de la première librairie de Montpellier perd toute humilité quand il évoque l’avenir de la manifestation.

« On met cet investissement au service d’une manifestation qui sans Sauramps n’existerait plus », Jean-Marc Sevestre

 

Une belle publicité aussi pour Gibert Joseph

Se montrer. C’est aussi ce que recherche le numéro 2 des librairies de Montpellier, Gibert Joseph. Le temps d’un week-end, la librairie a descendu la rue de la Loge pour venir s’installer sur l’Esplanade. Sylvie Fontaine-Gibert, la responsable du magasin, le jure : ce n’est pas non plus pour les retombées économiques qu’elle est venue chercher à La Comédie du Livre. «  Il n’y en a aucune », assure-t-elle. 50 000€ investis sur ce salon ne représentent qu’ «  1% du chiffre d’affaires du magasin montpelliérain ». Et comme son concurrent Sauramps, ce qui lui coûte cher est la mobilisation de ses salariés sur le week-end.

« On ne peut pas ne pas être présent sur la Comédie. Pour nous, c’est de la publicité  », Sylvie Fontaine-Gibert

 

Ikoku, le petit poucet

Pikachu en dédidace à Ikoku.

Pikachu en dédidace à Ikoku.

Face à ces deux ogres de papier et leurs sept stands, neuf autres petites librairies tentent de se faire une place. Parmi elles, Ikoku. Cette librairie indépendante et spécialisée dans la bande dessinée japonaise a bonne presse sur le festival. Elle y est présente depuis 2012. Il paraît même que Pikachu fait partie des invités… Les jeunes lecteurs, et les moins jeunes d’ailleurs, y font la queue pour décrocher une dédicace. On ne voit pas vraiment la différence avec les stands voisins de Sauramps et Gibert. Et pourtant, elle est de taille. La dépense  n’est pas du tout la même, «  5 000 à 8 000 euros cette année » nous confie la libraire Corinne Douchet. «  C’est presque trois mois de mon chiffre d’affaires annuel ». Un autre monde. Pourtant Corinne vise la même chose que les mastodontes d’en face : « nous faire connaître ».

« Nous, les petits libraires, on est installé dans des petites rues. On a une clientèle assez fidèle mais on ne capte pas les gens de passage. La Comédie du Livre permet que ces gens-là viennent dans nos librairies ».

Comme pour Sauramps et Gibert, les petites librairies comme Ikoku recherchent « échanges » et « contacts ». « La Comédie du Livre, c’est un lieu où vous avez tous les acteurs du livre qui vont se retrouver », explique Corinne Douchet. « Du lecteur à l’éditeur. Ça peut ouvrir sur d’autres partenariats, d’autres festivals. Et puis surtout, en 4 ans ici, j’ai rencontré énormément de personnes qui reviennent régulièrement dans ma boutique ». Un autre monde, sur un même salon.

LEO TESCHER