Ce week-end, vous l’apercevrez peut-être à côté des chapiteaux de la Comédie du Livre. Un carton posé sur un tabouret lui sert de stand. Il n’a pas réussi à se faire inviter sur le salon mais entend bien profiter de l’évènement. Viané est un chômeur montpelliérain de 37 ans passionné d’histoire africaine. Après avoir passé trois ans au Burkina Faso, il est revenu à Montpellier avec la ferme intention de raconter l’histoire de l’ancien président Thomas Sankara. En 2014, il sort sa première bande-dessinée, éditée à compte d’auteur.
Viané, de quoi parle votre bande-dessinée Sankara et Blaise ?
« C’est une oeuvre de quarante-huit pages qui raconte les quatre années de pouvoir de Thomas Sankara. De son coup d’état en 1983 à son assassinat en 1987. Un récit à travers l’amitié qui liait Sankara à Blaise Compaoré, celui qui a pris le pouvoir en 1987 et l’a gardé jusqu’en 2014. Cela ressemble à une tragédie grecque. Blaise Compaoré et Thomas Sankara sont comme deux frères mais l’un va assassiner l’autre pour le pouvoir. C’est ce côté très shakespearien qui m’intéressait. Et aussi le fait que Thomas Sankara soit un mythe au Burkina Faso. J’ai vécu trois ans là-bas, les gens le considèrent comme un héros. Lors de l’insurrection qu’a connue le pays il y a six mois, tout le monde portait des T-shirts à son effigie. La foule criait des slogans comme « La patrie ou la mort ! » qui était la devise du Burkina au temps de Sankara. Il est toujours très présent dans les esprits. Et puis il y a à peine trois jours, mardi dernier, les autorités ont exhumé le corps de Thomas Sankara pour faire des analyses ADN. Est-ce vraiment lui dans la tombe ? Depuis 27 ans, un mystère plane sur cet assassinat, ses commanditaires, et sur la façon dont il a été tué et enterré. Aujourd’hui ce mystère ressurgit. »
Pourquoi avoir choisi la bande-dessinée pour raconter cette histoire ?
« Si je l’avais pu, j’aurais bien aimé faire un film ! Mais la BD, c’est quelque chose qui ne demande presque aucun moyen. J’avais un ordinateur, une tablette graphique, et je me suis mis à dessiner. Au début, je ne maîtrisais pas très bien le dessin. J’ai fait comme j’ai pu et je pense qu’aujourd’hui ça tient la route. »
« Sans éditeur derrière soi, c’est difficile »
Pourtant vous n’avez pas trouvé d’éditeur…
« J’ai envoyé des mails, des courriers, ma BD aux éditeurs mais je n’ai pas eu de réponses positives. J’ai donc été voir un imprimeur, j’ai fait un devis, et j’en ai imprimé 200 avec mes propres moyens. Cela m’a coûté plus de 1 000 euros… soit un peu plus de cinq euros l’exemplaire que je vends aujourd’hui dix euros. Six mois après, je ne suis pas encore rentré dans mes frais. J’en ai vendu 75. J’espère en vendre une dizaine sur la Comédie. »
Comment vous débrouillez-vous pour les vendre ?
Et alors, que faites-vous ici, à côté de la Comédie ?
« Comme j’édite moi-même mon oeuvre, je n’ai pas pu avoir accès aux installations. J’avais envoyé un mail en février à la Comédie du Livre, on m’a expliqué que si je n’avais pas d’éditeur, ce n’était pas possible. Je n’ai pas insisté. Cela ne m’a même pas surpris parce que c’est aussi comme ça que fonctionnent les librairies. Je n’ai donc pas cherché plus loin… Mais quand la Comédie s’est rappelée à moi avec toutes les affiches qu’on peut voir en ville, je me suis dit que j’allais en profiter ».
« J’aimerais vendre quelques dizaines de BD ici. Et pourquoi pas, trouver un éditeur… C’est ici que ça se passe. C’est ce week-end. »
Vous qui êtes à quelques mètres à peine du salon, vous vous sentez indésirable ici ?
Comment vous voyez votre avenir ?
« Je me rends compte que ça va être difficile d’en vivre mais j’aimerais bien continuer de toute façon. J’ai déjà écrit une deuxième BD. Même si je sais que ça ne va pas me rendre riche, c’est toujours la passion qui me pousse. J’aimerais bien continuer dans le dessin ou le graphisme. C’est mon ambition. »
LEO TESCHER