Zinzin reporter 1 – Coronavirus 0
Dimanche 22 mars 2020 : Jour 6 du confinement.
Ce matin, c’est un grand jour. Je vais courir un marathon à domicile, sur ma grande terrasse de 58 mètres aller/retour. Ma résidence se situe à Castelnau-le-Lez, au 3ème étage. Je vais donc devoir effectuer 727 tours sur ce parcours dallé en forme de L.
C’est le comble pour un ultra Trailer amoureux de nature et de grands espaces. L’idée n’est pas de battre un record mais il y a un double message derrière :
J’ai pris la décision la veille au soir après avoir mis en ligne une cagnotte pour récolter des dons. Ma première idée est de récupérer de l’argent pour aider des structures locales à fabriquer des masques de protection. Tout le monde en manque cruellement.
Ensuite, je veux faire passer un message aux sportifs. On peut pratiquer de l’exercice, même à domicile. Il n’est pas nécessaire de sortir. Il faut respecter les règles du confinement pour lutter contre la propagation du coronavirus.
Comme Robinson sur son île
Heureusement, même confiné, je ne suis pas comme Robinson sur son île. Trois autres doux-dingues s’associent à mon idée, des amis fantastiques et entre zinzins, on se comprend.
À 20h00 la veille, ces trois coureurs d’ultra distance décident de s’élancer en même temps que moi dimanche matin, chacun dans son jardin respectif. Il y a les deux gardois, Fred Gil d’Orsan et Jean-Pierre Soler de Poulx, puis, plus au nord, le belge Mustapha El Idrissi.
Sur ma terrasse, à Castelnau-le-Lez (Hérault), je peux aussi compter sur ma compagne, Laetitia, enceinte de 7 mois. Elle va s’occuper de toute la logistique : compter les tours, faire l’animation, prévoir les ravitos, relayer les informations sur les réseaux sociaux, faire l’attachée de presse durant la course et … surveiller notre chat. C’est un matou de 4 ans, nommé Chatdo, assez imprévisible. Finalement, je n’avais qu’à courir.
727 tours sur ma terrasse de 58 mètres !
9h00. C’est parti pour 42km195 complètement plat. Comme la terrasse est en forme de L, mon parcours est facile à se rappeler. Il y a une ligne droite, un virage à l’équerre, une nouvelle ligne droite, un virage à épingle puis la même chose au retour pour une boucle de 58 mètres. Je vais devoir enchainer cette boucle 727 fois pour arriver à 42km195, la distance officielle des marathons.
De suite, je me mets dans ma bulle . Quand on part sur un défi aussi long et répétitif, il ne faut surtout pas visualiser l’ensemble du parcours. Il faut y aller étape par étape, 50 tours après 50 tours. On se moque des footballeurs qui disent « On va prendre les matchs après les matchs » mais c’est exactement ça.
Je suis en très bonne forme physique et les tours s’enchaînent, 50, 100, 200. Je fais attention de ne pas dépasser les 80% de la fréquence cardiaque maximum. En période d’épidémie, il ne faut pas fatiguer son coeur. Le mien bat à ce moment là comme une vieille horloge, à 177 pulsations par minute.
Les voisins comme supporters
Les voisins, que je ne connaissais pas avant ce défi, se prennent au jeu de l’autre coté du balcon. Ils m’encouragent, me prennent en vidéo ou en photo comme Melody ou Willy. Certains mettent des drapeaux rouges. La distance sociale nous rapproche. C’est cela aussi la magie du sport. En restant positif, et en allant au bout d’un projet, on peut se rapprocher et partager.
Ma compagne est partout à la fois. Je suis épaté par son activité. Son rôle le plus important est de compter les tours. Elle note tout. Il faut avouer qu’avec l’enchainement continuelle des boucles, mon esprit divague rapidement et n’est pas concentré sur le décompte fastidieux.
Semi-marathon en 2h40
Après 362 tours, j’atteins assez frais les 21 km premiers km aussi bien physiquement que mentalement. Je suis très heureux. La cagnotte est déjà à plus de 700 € , j’en espèrais 1000, donc c’est bien parti.
Je viens de répondre à une interview en direct dans l’émission « les Grandes Gueules du Sport » chez mes confrères de RMC. C’était très sympa de répondre aux questions des journalistes et cela m’a fait passer le temps encore plus vite pendant 6 minutes d’antenne.
Fantastiques
Un peu plus tard, vers le 25ème km, On parvient à faire un triplex avec mes copains fantastiques sur l’application WhatsApp. Nous courons, certes à des centaines de km de distance, mais nous sommes finalement ensembles grâce à nos smartphones. Tout va bien pour eux. Jean-pierre, qui a le plus grand terrain finira en 4h11, Mustapha en 4h23 et Fred en 6h et des poussières !
Au 25ème, je change de chaussures car je n’ai pas l’habitude de courir sur un sol aussi dur. Pour me préserver les genoux et les chevilles, je change aussi souvent de sens dans mes boucles. Cette technique est primordiale.
Comme je me sens bien, malgré des jambes un peu lourdes, je passe à une vitesse légèrement supérieure.
Laetitia sonne la cloche aux distances importantes, 25km, 30, 35, 40… Elle a aussi confectionné des petits panneaux «Ne lâche rien !», « Attention au mur » sous-entendu, du marathon, « Zinzin 1- Coronavirus 0 ».
Je ne suis toujours pas lassé par la multiplication des boucles. Je parle avec les voisins, je regarde le paysage au loin, je discute avec … mon chat de plus en plus imprévisible. Plusieurs fois, j’ai failli trébucher sur lui.
Une cagnotte de 2300€
La cagnotte en est maintenant 1300 €. Elle va atteindre 3010€. Incroyable ! Finalement la somme sera virée au Fonds Guilhem destinée à aider et soutenir le personnel du CHU de Montpellier.
Lien vers la cagnotte pour le personnel soignant du CHU de Montpellier
Je termine le marathon tout sourire en 5h10 sous les applaudissements de mes voisins, soit un peu plus de 8 km/h. Sachant que mon record sur cette distance est de 2h59, ce n’est pas une grande performance mais quel bon moment à vivre !
L’espace d’un dimanche confiné, de 9H00 à 14h10, j’ai oublié le surréalisme de la situation.
Ma compagne me fait une dernière surprise : une médaille en carton où l’on peut lire :
« Finisher du marathon du balcon – 22 mars 2020 – Castelnau-le-lez – France ».
Cela restera certainement comme mon plus beau souvenir de course à pied. Comme quoi, il y a toujours du positif à trouver même en étant confiné.