À chaque campagne électorale son lot de polémiques. Pour ces municipales 2014, les tensions, divergences et autres conflits qui émaillent la vie politique en Poitou-Charentes font florès. Et, disons-le tout net, depuis quelques jours la crispation semble franchement avoir pris le pouvoir dans cette campagne. Talleyrand disait tout en cynisme : « La politique est une certaine manière d’agiter le peuple avant de s’en servir. » Ce qui est vrai au niveau national (Léonarda, Dieudonné, le couple présidentiel, les manifs d’extrême droite, etc…) l’est tout autant à l’échelon local avec, comme point commun, l’intensification d’une certaine crispation.
Crispation à Niort, où la gauche se déchire à nouveau. Cette fois, c’est Geneviève Gaillard qui porte plainte contre deux anciens militants socialistes, devenus blogueurs d’opposition. Ces derniers dénonçaient sur leur blog « la confusion de l’engagement politique avec les intérêts personnels de quelques uns et quelques unes, et la prise illégale d’intérêt sur laquelle le collectif ne manquera pas de revenir… » Sachant qu’aucune preuve n’est venue étayer le propos, on comprendra le dépôt de plainte en diffamation de la maire sortante.
Crispation également du côté de Bressuire, où le maire Jean-Michel Bernier envisage aussi de porter plainte. En cause, le Mouvement Citoyen Bressuirais qui s’oppose au projet municipal des Villages du golf. Vidéos à l’appui (façon journalisme d’investigation), on y voit un membre de la liste d’opposition dénoncer les dépenses jugées pharaoniques de la municipalité pour ce projet « inadapté » . Mais c’est surtout une attaque contre un adjoint au maire, accusé (entre les lignes) de traficoter la constructibilité de ses terres pour en tirer le plus grand profit, qui provoque l’ire de l’édile.
Crispation, une fois encore, à La Rochelle, où la découverte d’un trou de 700.000 euros dans les caisses de l’office du tourisme fait l’effet d’une bombe… Une affaire dont on n’a pas fini de parler d’ici les municipales.
Crispation à Poitiers où le maire Alain Claeys rate son dernier conseil municipal de la mandature en oubliant de donner la parole à l’opposition. Malgré un communiqué dans lequel Alain Claeys s’excusera de cette « faute » , nombreux sont ceux qui ne croient pas à la sincérité de ce mea culpa. Crispation toujours…
Nous sommes à sept semaines du premier tour des élections municipales. Nul doute que cette crispation va s’amplifier au fur et à mesure que nous approcherons du scrutin. Est-ce inévitable ? Oui. Nous sommes dans une société de médias (médiacratie), où l’information va très vite, trop vite (1). L’empressement provoque l’inexactitude, l’inexactitude les frustrations, les frustrations la crispation. Une réaction en chaîne imparable. À moins…
À moins de faire de la résistance. Chacun la sienne : résistance à l’emballement médiatique pour les journalistes, résistance au syndrome de la « petite phrase » chez les candidats, résistance aux critiques à l’emporte-pièce chez les opposants, etc… C’est avec ces « petites résistances » que les citoyens de ce pays parviendront à rétablir une sérénité oubliée. « La politique, disait Michel Crépeau, c’est d’avoir les pieds sur terre et le coeur dans les étoiles. » C’est exactement ce qui manque aujourd’hui au débat politique : de la rigueur et de l’imagination. Un ticket gagnant qui, avec un minimum d’effort, fera disparaître celui de l’empressement et de la crispation. N’en doutons pas un seul instant.
JV
(1) : Lire à ce propos l’excellent livre « L’horreur médiatique » de Jean-François Kahn, chez Plon.