Ce 20 janvier 1915, c’est une lettre douloureuse que les frères d’armes de Pierre Mortreux envoient à son père à Paris, Georges Mortreux.
Excusez-nous si nous vous annonçons son décès d’une façon aussi brusque mais nous avons tous estimé qu’il valait mieux vous prévenir de suite … soyez courageux et pensez que nous sommes tous unis dans les circonstances actuelles et que tous ses camarades le vengeront.
Tous les sous-officiers de la 10è Compagnie ont voulu écrire cette lettre pour témoigner du courage de Pierre et de sa témérité.
L’adjudant Pierre Mortreux, de la 10è Compagnie du 152è Régiment d’Infanterie est mort au combat le 4 janvier 1915 à Steinbach en Alsace.
c’est là que blessé grièvement il a pu pendant quelques minutes encore nous recommander de vous écrire.
Correspondance de guerre, il y a cent ans …
Weiler, 20 janvier 1915
Monsieur,
Quoique n’ayant pas l’honneur de vous connaître je me permets de vous écrire au nom de tous les sous-officiers de la 10é Cie du 152.
Nous avons eu comme camarade votre fils Pierre et nous avons considéré comme un devoir de ne pas laisser à d’autres le soin de vous donner de ses nouvelles.
Ce pauvre Pierre que nous aimions et estimions tous prit part à la bataille de Steinbach dont vous avez certainement connaissance.Hélas son courage et sa témérité le conduisirent au plus fort de la bagarre et c’est là que blessé grièvement il a pu pendant quelques minutes encore nous recommander de vous écrire. Vous pouvez être fier de lui, il a donné sa vie pour son pays et il est mort en brave.
Excusez-nous si nous vous annonçons son décès d’une façon aussi brusque mais nous avons tous estimé qu’il valait mieux vous prévenir de suite quelque peine que cela vous cause plutôt que de vous laisser longtemps dans l’anxiété pour finir par l’apprendre d’une façon quelconque.Nous sommes à votre disposition Monsieur pour vous donner tous les détails sur sa mort et le lieu où il a été enseveli.
Croyez, Monsieur, que nous sommes profondément désolés de vous écrire dans des circonstances aussi tragiques et que nous prenons une large part à votre douleur.
Votre fils avait toujours su se faire aimer et estimer de ses amis et croyez qu’il n’a laissé que des regrets.
Soyez courageux et pensez que nous sommes tous unis dans les circonstances actuelles et que tous ses camarades le vengeront.
Agréez, Monsieur, avec nos plus sincères condoléances l’assurance de notre considération distinguée.
P.S. Je vous adresse ci-joint la somme de cinquante francs montant de sa solde.