14 Mai

Le replay avec du recul : Bourgogne et Franche-Comté réunies, 1 an plus tard…

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Dans la rubrique « le replay avec du recul », on revient sur ce qui s’est passé dans les différents épisodes du feuilleton de la fusion entre Franche-Comté et Bourgogne. Retour sur l’annonce, le 14 avril 2014, de ce rapprochement par Marie-Guite Dufay et François Patriat : quels engagements ont été tenus ? Quel dossier a avancé…ou pas ? Quels sont les sujets qu’on n’avait pas vu venir ?

Le contexte de l’époque  : « J’ai téléphoné à Marie-Guite. Je lui ai dit « tu as vu ce qu’a dit le big boss, est-ce qu’on ne pourrait pas y penser ? » Elle a dit « regardons» ». 

 

Cette belle journée d’avril 2014, les présidents des régions Bourgogne et Franche-Comté se livrent à un exercice inédit. Ils ont décidé d’être volontaires pour rapprocher voire fusionner leurs deux régions. Six jours plus tôt, Manuel Valls, tout juste nommé Premier Ministre, a prononcé son discours de politique générale. Il veut diminuer le nombre de régions administratives. Le « big boss » dont parle François Patriat : c’est lui.

Mais depuis avril 2014, les choses ne se sont pas du tout passées comme le pensait alors François Patriat A l’époque, la fusion des deux régions est prévue pour….2020 ou 2021 : « Vous comprendrez que ce n’est pas pour moi, et que j’aurais rejoint le cycle du carbone » explique même le Bourguignon. Ce qu’ils avaient prévu de faire en 6 ans….il faudra le réaliser en 18 mois. La fusion des deux régions sera effective le 1er janvier 2016.

Le débat ? « Il y a des élections pour ça ! »

D’accord pour se rapprocher, Marie-Guite Dufay et François Patriat n’ont pas franchement le même avis  sur la façon de faire les choses. Alors que Marie-Guite Dufay propose de consulter les conseils économiques et sociaux, d’organiser un débat le plus large possible, François Patriat ne veut pas en entendre parler. Et c’est bien la façon dont cela va se passer. En Franche-Comté, une consultation sera organisée par le Conseil régional. Elle ne satisfera pas, pour autant, les partisans du référendum. Le président du département du Jura de l’époque, Christophe Perny, organisera même son propre sondage pour évaluer la popularité d’une fusion avec Rhône-Alpes. En Bourgogne, une consultation du Conseil Economique et Social suffira au président de la région.

Ce qui a été fait

Lors de cette conférence de presse, les deux élus donnent quelques exemples concrets des bénéfices attendus de la fusion.

Un seul aéroport pour la grande région. A quelques dizaines de kilomètres, les aéroports de Longvic et Tavaux coexistaient : « il faut clarifier la situation vite…très vite » disait alors François Patriat. et ça n’a pas traîné. L’aéroport de Dijon-Longvic a été transformé en plate-forme d’aviation d’affaires 5 mois plus tard. Mais à vrai dire, le projet était dans les tuyaux bien avant cette conférence de presse.

Le rapprochement des universités : la COMUE (communauté d’universités) Bourgogne Franche-Comté a bien vu le jour. Là encore, le projet était antérieur à la décision du rapprochement des deux régions. Le siège a été installée à Besançon et la présidente provisoire vient de Bourgogne. Il faut maintenant la faire vivre et rapprocher les diplômes des deux universités. C’est l’un des dossiers les plus délicats des années à venir dans le processus de rapprochement. Il échappe presque totalement aux présidents de régions, car le principe de l’autonomie des universités est sacré. Mais les contrats de plan Etat-Région en Bourgogne et en Franche-Comté ont été, sur ce chapitre, rédigés pour pouvoir fusionner.

Les deux exécutifs ont aussi avancés sur des dossiers plus modestes. L’année écoulée a surtout permis de comprendre que le chantier était titanesque. Ce sont des centaines de dispositifs en tout genre qu’il faut analyser pour les rapprocher ou pour supprimer les doublons.

Ce qui paraissait si simple…et c’est avéré beaucoup plus compliqué que prévu

Une seule Société d’Economie Mixte pour les projets de Center Parcs. Deux bases de loisirs du groupe hollandais doivent voire le jour, dans le Jura et en Saône et Loire. En avril 2014, consensus des deux présidents : il faut construire une seule société d’économie mixte pour les deux, ça permettra de tirer un meilleur bénéfice des investissements régionaux. Depuis les projets ont avancé mais de SEM commune, il n’y en a point. Le seul début de rapprochement se constate du coté de la commission du débat public : c’est la même pour les deux projets.

Un seul FRAC, c’est bien suffisant. N’empêche qu’il y en a toujours deux…et que ce dossier là, non plus n’a pas beaucoup avancé. Il est vrai que les deux fonds régionaux d’art contemporain n’ont rien en commun…et que leurs deux présidents ne voient pas tout à fait les choses de la même façon.

Un seul comité régional du tourisme, c’est du bon sens ! Peut être..mais ce n’est pas si simple. Certes, Bourgogne et Franche-Comté ont fait stand commun au salon de l’agriculture. Mais les deux régions n’ont pas le même positionnement sur le marché international. Quand la Bourgogne peut séduire, essentiellement grâce à ses grands crus, une clientèle américaine ou asiatique, la Franche-comté vise une clientèle frontalière. Les axes de communication ne sont pas les mêmes…et participer à un salon à Osaka plutôt qu’à Lausanne n’a pas franchement le même coût !

La question qui n’était pas trop posée….mais qui a fait l’actualité de la fusion : quelle capitale ? Dijon ou Besançon ?

Curieusement, ce jour là, la question de la future capitale régionale n’est guère posée. Il est vrai qu’à l’époque nos élus pensaient avoir le temps de voir venir. Au tout début de la conférence de presse, Marie-Guite Dufay évoque le sujet : « j’entends des réticences, des craintes : il y a du passif » dit-elle, en parlant des déménagements de banques et de Réseau Ferré de France de Besançon vers Dijon. Et l’idée du pôle métropolitain est avancé. Mais les idées de développement « multi-sites », de « multi-polarités » vont disparaître progressivement, en tout cas du texte légal. La loi décide que le chef-lieu sera unique, qu’il sera fixé par décret. Depuis, tous les rapports, toutes les indiscrétions semblent promettre à Dijon ce statut. Bien sur, rien n’oblige à ce que toutes les administrations soient concentrées dans la capitale bourguignonne, et les conseils régionaux choisiront eux-mêmes ou ils voudront siéger.

 

L’affirmation qui est devenue bien discrète : « on va faire des économies ! « 

C’est surtout François Patriat qui multiplie les évocations d’économies attendues : « si on achète des logiciels ensemble, bien sur qu’on paiera moins cher ! », « On fait quoi ? On continue à être coûteux et inefficace ! »  Mais peu à peu, le terme d’efficacité va remplacer celui des économies. Dans un premier temps, la fusion des régions va incontestablement coûter cher. Du coté des conseils régionaux, les régimes des agents (ils sont 1767 en Franche-Comté) vont s’aligner sur le mieux-disant. Les syndicats y sont particulièrement attentifs. Du côté de l’administration, une étude estime à plus de 250 millions d’euros, pour l’ensemble du territoire, le coût de la mobilité des fonctionnaires de l’Etat. Bref, pour que le porte monnaie s’y retrouve, il va falloir quelques années.

Le bilan

Partis avec un bel enthousiasme, nos présidents de régions ont du faire avec un calendrier chamboulé… mais aussi avec un contexte difficile. Le gouvernement ne leur a pas facilité la tâche en multipliant les allers-retours sur la question des compétences et du maintien des départements.

L’ampleur de la tâche avait sans doute été sous-estimée, mais parties en avance, les deux régions sont certainement  mieux préparées que d’autres à la fusion.

Dans le débat parlementaire, l’alliance entre la Bourgogne et la Franche-Comté a été peu contestée. Sur le fond, deux mouvements d’opposition existent toujours : ceux qui craignent pour l’identité régionale, essentiellement en Franche-Comté, et ceux qui estiment que cette grande région reste trop petite.

Dès cette première conférence de presse, les différences de style entre Marie-Guite Dufay, plus technique et François Patriat, plus direct, sont manifestes. Depuis, la présidente de Franche-Comté a fait savoir qu’elle était candidate pour le Parti Socialiste aux prochaines élections régionales. Le président de Bourgogne a été réélu sénateur….et n’a pas fait savoir qu’il n’était pas candidat pour le Parti Socialiste à ces mêmes élections.