Dans cette lettre du 9 février 1915, Jules Mortreux, parle du froid, de la boue, de ce pays, « la Meuse qui nous est hostile. »
En première ligne, à Ville-sur-Cousances, Jules écrit à son oncle que son régiment va tenter une 3è fois l’assaut sur Vauquois. Ce village, dominé par une butte de 300 mètres de haut, est un lieu stratégique tenu par l’armée allemande.
Les Boches occupent des positions choisies et dures à enlever !
Le crapouillot, un mortier né grâce au système D – par Laurent Parisot de France 3 Lorraine
Entre deux attaques, Jules parle de sa guerre dans une tranchée de l’Argonne, de son régiment qui va devoir « retrouver la vaillance dans une grande action. »
mon rôle est dans la tranchée d’envoyer au moyen d’un obusier des projectiles dits « crapouillots » dans la tranchée ennemie.
Jules Mortreux écrit cette lettre de Ville-sur-Cousances dans la région de l’Argonne.
Lettre de Jules Mortreux à Fernand Bar, envoyée le 9 février 1915
« Je n’ai pas non plus de nouvelles de Pierre ????? »
Dans cette nouvelle lettre, Jules est très inquiet au sujet de son jeune frère Pierre …
Et l’inquiétude pèse de plus en plus dans la famille Mortreux, sans nouvelles de Pierre Mortreux depuis plusieurs semaines.
Ses frères, Léon Mortreux et Jules Mortreux savent que Pierre se bat en première ligne dans le secteur de Steinbach où les combats sont très violents. Dans cette nouvelle lettre, Jules ignore encore que Pierre a été tué par une balle allemande, dans la bataille de Steinbach, le 4 janvier 1915.
Correspondance de guerre, il y a cent ans …
9 février 1915, Ville-sur-Cousances (Argonne)
76 R.I. – 7éme Compagnie. Secteur 10Mon cher oncle,
J’ai reçu hier la bonne surprise de ton mandat carte et m’empresse de venir t’en remercier ainsi que des quelques lignes me donnant de tes bonnes nouvelles.
La demande que je t’avais faite était pour la maison, mais fut bien reçue quand-même ici, car étant toujours en seconde ligne il nous est encore possible d’améliorer l’ordinaire avec la bourse privée. A des prix un peu excessifs, mais il ne faut pas s’en étonner dans un pays « La Meuse » qui nous est hostile.
Pourtant ils eurent à subir l’invasion, et peuvent constater autour d’eux, ne serait-ce que par les nombreuses tombes qui parsèment la contrée, des sacrifices qu’a coûtés leur délivrance !
Le froid rigoureux a cessé, mais voici maintenant le dégel et la boue, qui ne valent pas mieux ! Vivement un peu de soleil !
A coucher et vivre dans des lieux mouillés ou humides je ressens mes rhumatismes, mais ici il est défendu de se plaindre de ces maux secondaires, on ne s’occupe que des poilus ne pouvant plus garder la position verticale, et encore !
Nous avons passé hier une revue sur le terrain par le Général, qui nous a fait une allocation, nous disant que malheureusement mon régiment avait dû une grande part de ses pertes à la vaillance, résistant quand ses régiments voisins cédaient.
Il nous a avertis que d’ici peu nous aurions à retrouver cette vaillance dans une grande action. Autant que l’on peut prévoir pour les événements, les choses et les dires je suppose que nous allons d’ici peu opérer un mouvement offensif de notre côté.
Nous en constituerions l’avant-garde (notre division) et cela se porterait sur Vauquois et Montfaucon dont, pour la 3é fois nous tenterions l’assaut. Les deux précédents ont dû cesser faute de combattants de notre part.
Les Boches occupent des positions choisies et dures à enlever ! Le canon tourne jour et nuit préparant l’action, puisse-t-elle être un peu moins meurtrière cette fois ! On ne pourra jamais évaluer nos pertes ! Mon régiment, malgré tous les nombreux renforts est de la moitié de son effectif réel.
Les Compagnies sont commandées par un seul officier, souvent un Sous-Lieutenant, il reste peut-être dans ma Compagnie 5 ou 6 poilus du début de la campagne. Il est vrai que mon régiment a toujours eu du travail difficile !
J’ai été homme crapouilleux, mon rôle est dans la tranchée d’envoyer au moyen d’un obusier des projectiles dits « crapouillots » dans la tranchée ennemie. Le poste est assez dangereux, car on vous vise particulièrement, mais il est un peu plus intéressant.
Avant mon départ, j’ai pu aller quelques jours à Paris, ayant vu M. Bidart il a parlé pour moi au Général Galliéni à propos de ma demande d’interprète. Mais j’étais parti quand a dû arriver sa recommandation ! Ça ne fait rien, nous essayons de parler allemand, avec notre fusil, je ne suis pas trop mécontent de mon tir !
Je suis très fatigué, et c’est dur, il faut souvent énergie et courage, nous en avons. De tout cœur mon cher oncle, merci et au revoir, je t’embrasse affectueusement.
Jules
Je n’ai pas non plus de nouvelles de Pierre ?????