31 Mai

Littérature ibérique : où sont les femmes ?

Isabel Alba en dédicace. ©Lisa Melia

Isabel Alba en dédicace. © Lisa Melia

Isabel Alba, Alicia Giménez Bartlett, Lucía Etxebarria, Belén Gopegui et Sara Mesa. Parmi 33 auteurs ibériques invités, seulement cinq femmes. Que représentent les auteurs féminins dans la littérature espagnole ?

Lucía Etxebarria ne manque pas de chiffres pour parler du sexisme en Espagne : les femmes représentent 56 % de la population mais seulement 18 % des publications. L’Académie royale espagnole, dont le rôle est de normaliser la langue espagnole, compte une centaine d’hommes pour six femmes. Ce décalage, nous le retrouvons sur la Comédie du Livre, où les auteures sont en très nette minorité !

Pourtant, les femmes sont bien présentes dans la littérature espagnole. « Elles sont là et elles ont du talent, assure Sophie Savary », agent littéraire pour vingt auteurs espagnols.

Difficile de s’imposer. Lucía Etxebarria en a fait l’amère expérience. « Les premiers articles qui sont sortis sur mes livres ne parlaient que de ma beauté. Ce n’est jamais arrivé en France. En Espagne, ce fut très difficile. Je vais être très franche : je n’ai jamais couché avec un écrivain ou un critique et ils me l’ont fait payer. Certains journalistes auxquels j’ai dit « Non » ont écrit des horreurs sur moi en représailles. » L’auteur de Amour, Prozac et autre curiosités a une vision très pessimiste de la situation des femmes dans la littérature espagnole.

À lire : notre portrait de Lucía Etxebarria

Sophie Savary relativise ce tableau très noir. Oui, les écrivaines restent peu nombreuses à la Comédie, mais au début, elles n’étaient tout simplement pas là. « Elles sont pourtant connues en Espagne, mais elles sont très peu traduites, elles manquent de diffusion dans les librairies et les médias. »

Parmi les grandes absentes figurent Almudena Grandes, María Dueñas ou Dolores Redondo, saluées dans leur pays. « Belen Gopegui, que l’on a pu voir lors de cette 30e édition, reste une quasi-inconnue pour le public français. C’est pourtant l’une des plus belles plumes de l’Espagne d’aujourd’hui. »

Nombre de grands prix littéraires espagnols ont été raflés par des femmes cette année. Les deux grandes distinctions du polar, le Pepe Carvalho et le grand Prix Herralde, ont été décernés respectivement à Alicia Giménez Bartlett et Guadalupe Nettel. Chez Gallimard, le seul auteur espagnol traduit cette année est une femme, Milena Busquets.

Sophie Savary reste quand même optimiste. En tant qu’agent, elle s’emploie à faire connaître les grands talents espagnols, les femmes comme les hommes. Promis, les Français découvriront bientôt les grandes dames de la péninsule.

LISA MELIA

30 Mai

Lucià Etxebarria : quand son « Coeur perd la tête »…

Lucià Etxebarria

La romancière espagnole sur l’esplanade Charles-de-Gaulle à Montpellier ©Lisa Melia

Qui est Lucià Etxebarria ? Une romancière espagnole à l’apogée de sa carrière. Une femme de 48 ans rayonnante et engagée. Elle dévoile tout excepté son lieu de naissance.

Raconter sa propre vie n’est pas chose aisée. Publier 362 pages sur l’un des moments les plus compliqués de sa vie encore moins. Lucià Etxebarria n’est pas du genre à se laisser dicter une ligne de conduite. Dans son dernier ouvrage Ton cœur perd la tête, l’auteur espagnol relate une « relation toxique ». Son histoire d’amour avec son ex-mari.

« A la fin de notre histoire, j’étais physiquement malade avec un syndrome post-traumatique. Je voulais me suicider mais j’ai une petite fille, impossible de la laisser seule », explique l’auteur.

L’idée de ce livre viendra lors de séances de thérapie : « J’ai écris encore et encore sur mon expérience. Au départ, rien ne devait être publié. » Une histoire maquillée pour des raisons légales : « En Espagne, l’auto-fiction peut entraîner des poursuites. Cela m’aurait coûté une somme exorbitante si jamais mon ex-mari se portait en justice », précise-t-elle. Continuer la lecture