Entre les frères Mortreux sur le Front, à l’arrière, et la famille, les courriers et les informations circulent beaucoup en ce mois de novembre 1914.
Dans cette nouvelle lettre envoyée par le Sergent Léon Mortreux à son oncle Fernand Bar à Béthune, Léon écrit que son jeune frère Pierre Mortreux affronte les allemands depuis un mois sur le Front des Vosges avec le 152è. Jules Mortreux, son frère aîné, a rejoint le Dépôt à Rodez avec la 30è Compagnie. Léon vient de recevoir des nouvelles de Jules alors qu’il écrivait cette lettre,
Ce vendredi 20 novembre 1914, Léon sait que Béthune a échappé aux allemands. Il l’a lu dans le journal.
Désormais, rétabli, le Sergent Léon Mortreux s’attend à partir de Vimoutiers dans les jours à venir pour rejoindre le Front.
Quand je pense à nos situations, mes 2 frères et moi et que je vois près de moi de pauvres types mariés je me félicite pour nous que nous n’ayons pas pris femme.
Dans cette nouvelle lettre envoyée à Fernand Bar, Léon Mortreux ne se fait pas d’illusion sur son destin.
Quelle chance n’avons-nous pas, nous pouvons ainsi mourir crânement comme ces beaux officiers de l’empire !
Léon prend des nouvelles de la famille, Flore, Martial, Paul, des uns et des autres. Il parle aussi du temps … il neige à Vimoutiers.
Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar envoyée le 20 novembre 1914
« L’enveloppe de la lettre m’est arrivée ouverte comme celle d’une carte de visite. »
Béthune bombardée tous les jours
En ce mois de novembre 1914, les obus allemands tombent sur Béthune où les britanniques ont installé leur cantonnement.
Les maisons, le collège, le théâtre municipal sont touchés par les bombardements. La ville compte déjà de nombreuses victimes dont des enfants. Léon n’a encore pas ces informations.
Je viens de lire dans le journal que l’ennemi avait pris récemment Béthune pour objectif et qu’il avait été arrêté. J’ai appris que vous êtes à court de tout là-bas, jusqu’au pain qui manquait …
Correspondance de guerre d’il y a cent ans …
Cher oncle,
Pierre m’envoie une carte m’annonçant qu’il est parti le 11 octobre pour le 152ème actif sur le front dans les Vosges. De Jules je n’ai pas l’adresse exacte à Coulommiers. Je viens de lire dans le journal que l’ennemi avait pris récemment Béthune pour objectif et qu’il avait été arrêté. J’espère que vous n’avez pas été éprouvés du fait de ce parti pris des allemands.
C’est avec douleur que j’ai appris combien vous aviez été à court de tout là-bas, jusqu’au pain qui manquait dis-tu, c’est terrible ! Avec grand plaisir je lirais que maintenant le train de vie y est sinon ordinaire du moins le moins anormal possible.
J’ai dit à Paris qu’ils pouvaient t’écrire et que les lettres te parvenaient. Pas d’autres nouvelles de mon oncle Paul sinon qu’il passera à Paris le 18.
Flore, son mari Martial Robert vont bien.
J’espère que malgré les mille soucis inhérents à l’état actuel de nos pays la santé résiste à la fatigue et que tu es bien portant. Je t’ai dit que j’étais presque guéri et partirais d’ici ce mois de novembre.
Quand je pense à nos situations, mes 2 frères et moi et que je vois près de moi de pauvres types mariés je me félicite pour nous que nous n’ayons pas pris femme. Ce pauvre Jules qui avait été déjà prêt de se fiancer ! Quelle chance n’avons-nous pas, nous pouvons ainsi mourir crânement comme ces beaux officiers de l’empire !
On va avancer notre départ d’ici car, parait-il, on n’y recevra plus que des malades non plus des blessés. Tu serais donc bien bon de m’envoyer tes prochaines lettres à mon dépôt 246e 20e Ct( ?) à Marvejols. Il est maintenant question de pouvoir aller à Paris, j’essaierai d’obtenir pour cette ville la courte permission que promet la circulaire ministérielle.
As-tu maintenant quelques détails sur nos parents au feu ? J’ai risqué l’envoi d’une carte à mon oncle Auguste à St-Aignan.
Je partirai d’ici sans regret. Il pleut depuis quelques jours c’est d’un monotone… il y a certainement plus de distractions sur le front !
Dans l’espoir de te lire aussi fréquemment que possible, je t’embrasse de tout mon cœur.
Ton neveu affectionné
Léon
20-11-1914
Souvenir à Marie
Nous avons eu de la neige le 18.
Jules m’écrit qu’il est au 276é à ??? 30é Cie Dépôt à Rodez.
L’enveloppe de la lettre m’est arrivée ouverte comme celle d’une carte de visite.