03 Sep

Tchernobyl, une ville touristique comme les autres

Pendant leur journée de visite dans la zone d’exclusion, les touristes ont quelques minutes pour se prendre en photo devant le sarcophage entourant le réacteur numéro 4.  Pripyat, Ukraine, 2013. © Gerd Ludwig / National Geographic Creative / National Geographic Magazine

Pendant leur journée de visite dans la zone d’exclusion, les touristes ont quelques minutes pour se prendre en photo devant le sarcophage entourant le réacteur numéro 4. Pripyat, Ukraine, 2013.© Gerd Ludwig / National Geographic Creative / National Geographic Magazine

Le photojournaliste allemand Gerd Ludwig se rend régulièrement à Tchernobyl depuis plus de 20 ans. Son travail actuel, exposé à Visa pour l’image, se concentre sur un aspect peu abordé : le tourisme nucléaire, pratiqué dès 2011 sur le site ukrainien.

Les Américains appellent cela le « ruin porn ». Autrement dit, la fascination pour les ruines et les paysages dévastés. Une tendance que revendique Gerd Ludwig. « En tant que journaliste, nous avons une attirance pour les scènes post-apocalyptiques », explique-t-il en déambulant le long de son exposition Tourisme nucléaire. C’est accidentellement que le photographe allemand a débuté un travail de longue haleine sur le site nucléaire de Tchernobyl et la ville fantôme de Pripyat. « En 1993, National Geographic m’avait chargé de réaliser un reportage sur la pollution en ex-URSS. J’ai passé plus de temps que prévu à Tchernobyl : c’est devenu une histoire dans l’histoire. »

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Edouard Elias : « Ils sont tous réunis autour d’une figure charismatique »

Durant le mois d’août 2014, Edouard Elias, photojournaliste français de 24 ans, a suivi la Légion étrangère en Centrafrique. Il a partagé le quotidien des soldats fait de combats mais aussi de moments d’attente, de réflexion et de partage. Il nous fait revivre son travail grâce à une photo prise en arrivant à la base de Bria.

STEPHEN CROZET et LUCIE PUYJALINET

Visa / World Press Photo : la réconciliation

Une des photo de la série :" la ville noire " de l’Italien Giovanni Troilo, accusé d’avoir eu recours à la mise en scène pour son sujet. L'homme sur l'image est le patron d'un bar de Charleroi

Une des photos de la série : « La ville noire » de l’Italien Giovanni Troilo, accusé d’avoir eu recours à la mise en scène pour son sujet. L’homme sur l’image est le patron d’un bar de Charleroi. © Giovanni Troilo

C’était un moment attendu de cette édition de Visa pour l’image. Jean-François Leroy face à Lars Boering, Visa face à World Press. Deux visions du photojournalisme se sont exprimées ce jeudi matin, au cours d’un débat courtois mais animé au Palais des Congrès. L’absence de prix World Press au festival perpignanais cette année ? « Ce n’est pas simplement l’histoire du reportage de Troilo sur Charleroi qui a motivé mon choix. Cela fait plusieurs années que le World Press Photo of the year n’en est plus un », explique Jean-François Leroy.

C’est la première fois que tous deux débattent autour de la polémique suscitée par le retrait du prestigieux prix de photojournalisme à l’Italien Giovanni Troilo, accusé de manipulation et distorsion de la réalité. Le directeur de Visa pour l’image a refusé d’accueillir l’exposition à Perpignan.

Jean-François Leroy reproche avant tout au World Press de ne plus faire la part belle à l’actualité : «  Pour moi, la photo de l’année aurait dû traiter de ce qui se passe avec Ebola, Daech. L’actualité ne se déroulait pas dans la chambre d’un homosexuel russe ». La foule rigole, Lars Boering encaisse.

Lorsque le directeur de Visa vante « le classicisme » des photographes exposés à Visa, Boering revendique une vision plus ouverte du photojournalisme : « La photo a changé et elle aura encore changé quand on aura 70 ans. Le World Press doit refléter cette évolution ».

Le directeur général de l’organisation, basée à Amsterdam, a fait part de son vœu « de revenir à Visa l’année prochaine ». Jean-François Leroy ne ferme pas la porte : « On serait très heureux de vous accueillir à nouveau (…) Il faut arrêter la course à la création de catégories. Pourquoi vouloir toujours réinventer le photojournalisme ? » Lars Boering évoque sa lassitude « face à la controverse ». « Les règles de notre prix vont changer en 2016. Il y aura bientôt une seule catégorie au World Press Photo, sur un projet à long terme », promet-il.

Alors, World Press de retour à Perpignan l’an prochain ? « Une collaboration devrait être possible », espère Lars Boering. La salle applaudit. Les deux hommes s’étreignent. Les flashs crépitent. Réconciliés ?

 

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« Le monde est complètement fou »

Un policier tente de protéger une policière accusée d’avoir tiré sur un manifestant. Elle a été pourchassée et rouée de coups par des manifestants s’opposant à la candidature du président à un troisième mandat. Quartier de Buterere, Bujumbura, Burundi, 12 mai 2015. © Goran Tomasevic / Reuters

Un policier tente de protéger une policière accusée d’avoir tiré sur un manifestant. Elle a été pourchassée et rouée de coups par des manifestants s’opposant à la candidature du président à un troisième mandat. Quartier de Buterere, Bujumbura, Burundi, 12 mai 2015.© Goran Tomasevic / Reuters

Chaque jour, les festivaliers découvrent des centaines de clichés et tentent de comprendre le message du photojournaliste. Sans la légende, la mission est compliquée. L’exercice porte aujourd’hui sur une image de Goran Tomasevic, tirée de « Burundi : trois fois, non ! » prise lors d’une manifestation contre la candidature de Joseph Nkurunziza.

« Plus rien ne m’étonne. » Jean-Pierre Ygrié ne regarde la photo que quelques secondes. « Le monde est complètement fou. » Le retraité, passionné de photos, ne s’attarde pas sur le contexte du cliché. Norma Maurice, elle, comprend très vite. « J’ai été en Afrique du Sud. Ce que je vois me fait penser aux tensions sociales post-Apartheid. » L’étudiante décrit facilement les protagonistes : « On dirait les policiers ou quelqu’un de l’armée qui se fait attaquer ». Roxanne Bertrand voit surtout « un homme qui a une paume de main apaisante » dans un contexte de « tension palpable ». La professeure d’anglais s’interroge pourtant sur la scène à droite de la photo. « C’est pas une pierre ? » Elle aurait aimé que le photographe Goran Tomasevic élargisse le plan pour une meilleure lisibilité.

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Eli Reed, en noir et blanc

Eli Reed avait déjà exposé à Visa pour l'image en 1993. ©Gwenaelle GERNIOUX

Eli Reed avait déjà exposé à Visa pour l’image en 1993.©Gwenaelle GERNIOUX

Visa pour l’image salue, par une rétrospective, le travail d’Eli Reed, géant américain de la photographie et premier membre afro-américain de l’agence Magnum photos.

L’allure décontractée, une amulette en corne et un appareil photo autour du cou, Eli Reed déambule devant les photos de son exposition A Long Walk Home. Il impressionne non seulement par sa carrure, mais aussi par ses multiples prix, parmi lesquels une deuxième place au prix Pullitzer en 1981 puis le World Press en 1988. Et malgré sa collaboration avec les plus prestigieux des titres de presse depuis ses débuts en 1977, le photojournaliste a gardé sa simplicité.

L’homme est loquace. A peine une anecdote racontée qu’il enchaîne sur une autre. « Regardez, votre objectif est sale, vous devriez le nettoyer », conseille-t-il avec bienveillance. D’un geste, il sort un mouchoir de sa poche et nettoie le zoom. Un réflexe, sans doute, pour ce professeur d’université qui enseigne à Austin (Texas) depuis dix ans. « J’apprends à mes étudiants à se faire confiance, à avoir leur personnalité. » Mieux se connaître pour avoir sa propre compréhension du monde.

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02 Sep

Omar Havana : « La vie revient au Népal »

Omar Havana présente son exposition "Séisme au Népal" au Couvent des minimes.

Omar Havana présente son exposition « Séisme au Népal » au Couvent des minimes.

Photojournaliste pour Getty images, Omar Havana a travaillé à Cuba puis au Cambodge pour s’installer ensuite au Népal. En avril 2015, un séisme ravage le pays. Il présente à Visa pour l’image une série de photos prises dès les premières minutes de la catastrophe jusqu’au début de la reconstruction. 

« J’étais en train de dormir, quand tout a tremblé. Je suis sorti dans la rue avec ma femme, les murs tombaient, les Népalais criaient. Là, j’ai su. J’ai pris mon appareil. Il y avait une photo devant moi, une à côté, une derrière. Et j’appuyais, j’appuyais… Je suis passé en mode automatique », se souvient Omar Havana alors qu’il présente son exposition aux visiteurs. Le photojournaliste espagnol a été pris au cœur de la plus grosse catastrophe naturelle de l’année.

Ses photos relatent chronologiquement les premiers secours, le temps du deuil, la reconstruction. Au plus près des Népalais, les vrais héros de ce reportage, avec qui il entretient une relation privilégiée : « Ils venaient nous chercher pour nous montrer : « Voilà ma maison, ma famille est morte. Montrez ça au monde », et je photographiais tout. Il n’y avait pas d’armée, personne pour aider, juste des journalistes ». Très critique envers le traitement médiatique de la catastrophe, Omar Havana a vu arriver dès les premiers jours une horde de reporters : « Ils cherchaient les corps, gênaient les gens qui sortaient les morts des décombres. Je me suis dit : « Si c’est ça le journalisme, je ne veux pas en être » ».

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Bülent Kiliç : « On est forcément sensible aux événements de son pays »

Nord de Donetsk, 22 juillet 2014. Un séparatiste pro-russe à un poste de contrôle. © Bülent Kiliç / AFP

Nord de Donetsk, 22 juillet 2014. Un séparatiste pro-russe à un poste de contrôle. © Bülent Kiliç / AFP

Crise en Ukraine entre décembre 2013 et juillet 2014, manifestations en Turquie en mars 2014, catastrophe minière de Soma le mois de mai suivant, bataille de Kobané en 2015, réfugiés syriens… En deux ans, Bülent Kiliç a couvert une actualité brûlante aux portes de l’Europe. Mardi, le photographe turc, à l’Agence France Presse (AFP) depuis neuf ans, est au festival « Visa pour l’image » pour présenter son travail au public.

Bülent Kiliç suit le « news », l’actualité chaude, celle qui prend au dépourvu. « Quand la pluie tombe, c’est le moment de prendre des photos. Mon job est de relayer les mauvaises nouvelles », ironise-t-il face à un groupe d’une vingtaine de personnes, particulièrement réceptif à son humour pince-sans-rire.

« Chaque événement est différent. Ils ont tous leur singularité. Les gens, la langue et le contexte changent », ajoute-t-il. « À l’est de l’Ukraine, les gens sont plus froids et renfermés qu’au Moyen-Orient. Seulement, au Moyen-Orient, on peut se faire kidnapper ou mourir en deux secondes. On ne sait pas qui est qui. C’est plus délicat de faire confiance. Je ne peux pas me tenir près d’un combattant de Daesh. Il faudrait que je me défende. Ils tuent des journalistes. »

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Manoocher Deghati : « Comme des chats, les photographes retombent toujours sur leurs pattes »

ManoocherDeghati©LucGallais

Manoocher Deghati, après sa conférence au Palais des congrès de Perpignan, dans le cadre de Visa pour l’image, mercredi 2 septembre 2015. © Luc Gallais

Le photojournaliste croit au travail en amont et à l’immersion sur ses lieux de reportages. De la Révolution iranienne aux printemps arabes, trente-sept ans de métier qui en font l’un des incontournables de la profession.  

Manoocher Deghati, 61 ans, est une pointure du photojournalisme. Son CV impressionne autant que son humilité. Départ du Shah, soulèvement nord-irlandais, guerre civile au Salvador ou printemps arabes ont jalonné la carrière de ce Franco-iranien. Il est de ceux qui savent être au bon endroit, au bon moment. Le 1er juillet 1994, au retour de Yasser Arafat, une foule s’était rassemblée à la frontière de Gaza. Les organisateurs avaient prévu chaises, bancs et tapis rouge. « Je connaissais le peuple, il était impossible que les Palestiniens restent statiques. » Manoocher Deghati s’est levé, a grimpé sur sa chaise pour capturer la photo la plus emblématique du fondateur de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) sur sa terre natale.

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[#VISA OFF] Une communauté gitane de Gérone dans l’oeil de Carles Palacio

Des visiteurs devant l'exposition de Carles Palacio à la médiathèque. © M.L.

Des visiteurs devant l’exposition de Carles Palacio à la médiathèque. © M.L.

Carles Palacio n’aurait pas pu choisir meilleur lieu que le quartier gitan de Perpignan pour exposer « Polvorins », dans le cadre du Off, le festival amateur en marge de Visa pour l’Image. Son exposition, visible à la médiathèque Emile Zola, traite du quotidien de la communauté gitane dans le quartier des Pedreres, à Gérone, en Espagne. Un travail documentaire riche avec des clichés pris à la volée.

Des repas au feu de camp, des scènes de vie dans la caravane, des enfants qui font des batailles d’eau, sont autant d’instants gravés sur la pellicule du jeune photojournaliste Carles Palacio. Ce natif de Gérone, qui excelle dans les jeux d’ombre et de lumière, a voulu donner une image plus noble d’un quartier mal connu de la ville catalane.

Mais, surtout de la communauté formée autour de la famille Amador, y vit depuis des années. Cette exposition est à découvrir jusqu’au 19 septembre, aux horaires d’ouverture de la médiathèque Emile-Zola de Perpignan.

MARINE LANGEVIN

« Pour une fois à Visa, ça n’a pas l’air d’être un conflit »

La vie à bord du bateau JCM-Services (Jésus-Christ Merveilleux Services) et sur la rive du fleuve après Mbandaka, 100 km avant Lisala. Les gens du village viennent vendre crocodiles (25 dollars), poulets, canards, et acheter des marchandises. © Pascal Maitre / Cosmos / National Geographic Magazine

La vie à bord du bateau JCM-Services (Jésus-Christ Merveilleux Services) et sur la rive du fleuve après Mbandaka, 100 km avant Lisala. Les gens du village viennent vendre crocodiles (25 dollars), poulets, canards, et acheter des marchandises. © Pascal Maitre / Cosmos / National Geographic Magazine

Chaque jour, les festivaliers découvrent des centaines de clichés et tentent de comprendre le message du photojournaliste. Sans la légende, la mission est plus compliquée. Certains visiteurs se sont essayés à l’exercice avec une image de Pascal Maître, un reportage sur le fleuve Congo.

« Au premier plan, il y a un alligator ligoté, qui vient sans doute d’être chassé, avec des animaux de la ferme ! On ne sait pas trop ce que va devenir l’alligator. » Martin Grimaldi est un Nimois de 20 ans venu faire les vendanges. « Il y a ces deux jeunes qui rament. Ils essaient peut-être de gagner leur vie. On se trouve sans doute dans un pays africain. » Juste au moins sur la région.

Gérard Chaumeron, originaire de Loupian (Hérault), hésite, et se lance : « Pour une fois à Visa, ça n’a pas l’air d’être un conflit. C’est peut-être une opération de sauvetage d’animaux.» Il est vite repris par son épouse, Marthe. « C’est étonnant que tu penses ça, toi, qui est si pragmatique. Je crois plutôt que les deux hommes transportent les animaux jusqu’à un marché. La scène pourrait peut-être se dérouler en Guyane. »

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