12 Juin

Chronique de l’après (2) : « Effort de guerre »

Gagner moins ou réduire ses congés pour préserver l’emploi. C’est le principe des « accords de performance collective » prônés par la Ministre du Travail Muriel Pénicaud. Parallèlement, l’Etat revient en force pour relancer l’économie. Mais les salariés devront également contribuer à l’effort de guerre payé à la crise sanitaire.

Salariés du sous-traitant aéronautique Derichebourg à Toulouse, le 2 juin dernier. Photo MaxPPP/PQR Nathalie Saint-Affre.

L’exemple le plus marquant, et qui plus est dans notre région, est sans doute celui du sous-traitant aéronautique Derichebourg. Alors que l’Etat a annoncé ce mardi, un plan de sauvetage de 15 milliards d’euros pour la filière, cette entreprise prévoyait bel et bien de supprimer 700 emplois, soit un sur deux sur son site toulousain si ses salariés n’acceptaient pas un accord de performance. Autrement dit, ils devront s’asseoir notamment sur leur treizième mois.

Si l’on y ajoute leurs indemnités transport et repas, chaque employé pourrait perdre en moyenne 270 euros par mois. Dans cet entreprise, le syndicat Force Ouvrière, majoritaire, a accepté le principe de ce sacrifice financier. Ce qui valait sans doute à son secrétaire général cet aveu plus global et empreint de soupirs sur France Inter ce mercredi matin : « il nous arrive, nous syndicats de négocier des plans de sauvegarde de l’emploi qui sont en réalité des plans de licenciement parce que à chaque fois, à chaque endroit, on essaie de défendre au mieux les intérêts des salariés ».

On a aussi de très mauvais souvenirs. Tout le monde a en tête SMART. Deux ans plus tard, on délocalise en Chine. »

Et Yves Veyrier de revenir sur ces « accords de performance collective ». « Dans quelques exemples, on a pu passer le cap mais on a aussi de très mauvais souvenirs. Tout le monde a en tête SMART. Deux ans plus tard, on délocalise en Chine ». « Les promesses n’engagent que ceux qui y croit » dit le dicton populaire. Et sur ce point, je vous renverrai vers le remarquable film de Stéphane Brizé, « En guerre », où Vincent Lindon incarne un leader syndical victime justement d’y avoir cru.

Ce même acteur a proposé début mai ce qui a pris le nom de taxe Jean Valjean. Son principe serait de taxer de 1 à 5 % les patrimoines français de plus de 10 millions d’euros. La somme ainsi récoltée serait ensuite reversée aux plus de 20 millions de foyers « trop pauvres pour être assujettis à l’impôt sur le revenu ». L’idée donnera peut-être un jour un film, mais elle ne semble pas près de devenir une loi.

Les hauts revenus et les grandes propriétés doivent être taxés dans l’intérêt de la collectivité »

Dans la même veine, la conseillère régionale Ensemble-France Insoumise Myriam Martin propose, elle, une taxe d’urgence Covid. La tribune qu’elle a co-signé avec d’autres élus et militants de gauche européens développe « l’idée selon laquelle les hauts revenus et les grandes propriétés doivent être taxés dans l’intérêt de la collectivité ». Sans attendre un consensus à 27, les signataires demandent à ce qu’elle rentre en vigueur dès le 30 juin dans les pays qui décideraient de l’appliquer. Peu de probabilité là encore que le projet aboutisse, et encore moins dans les temps.

Parce que le temps presse. Je pense aussi en écrivant ces lignes à deux de mes connaissances qui, juste avant la crise sanitaire, avaient décidé de redonner un coup d’accélérateur à leurs carrières et à leurs projets professionnels. Trentenaires compétents, ils avaient démissionné pour rejoindre deux entreprises sur la région toulousaine, l’un dans l’artisanat, l’autre dans la recherche et développement. Les voilà aujourd’hui menacés par l’imparable logique du « dernier arrivé, premier licencié ».

Blocage partiel des dividendes

Malgré le prolongement du chômage partiel, les formation-reconversions, le prêt de main d’œuvre ou encore la mobilité interne, il y aura, quoi qu’il arrive, des licenciements. Mais, en même temps (comme dirait l’autre) qu’on demande aux salariés de se serrer la ceinture pourquoi ne pas solliciter aussi les actionnaires ?

Etat, organisations patronales et régulateurs seraient désormais parvenus à un consensus sur un blocage partiel des dividendes. Enfin reste la question des banques. Répondront-elles présentes pour ses salariés et entreprises que le Covid a laissé exsangues ? Peu d’infos filtrent à ce sujet depuis la sommation du chef de l’Etat à leur encontre mi-avril. J’attends de voir si elles participeront elles aussi à « l’effort de guerre ».

Patrick Noviello (@patnoviello)

03 Juin

Chroniques de « l’après » : collapsologues !

Exode urbain, changement d’habitudes de consommation, alimentaires, de déplacement, redéfinition de nos conditions de travail, … Alors que certains, économistes notamment, nous annoncent un monde d’après pire que celui d’avant, d’autres, collapsologues, nous invitent à tout changer.

La circulation reprend sur le périphérique toulousain (Photo PQR/Nathalie Saint Affre/ MaxPPP)

Que serait-il advenu si le Covid, telle une peste, aurait été plus mortel encore ? Aurions-nous réussi à subvenir à nos besoins ? Aurions-nous eu accès si facilement à l’eau, à l’électricité ? Quelques questions nous viennent à l’esprit et voilà qu’un rétro-scénario glaçant s’ébauche.

Ces collapsologues, que nous voyons désormais un peu partout dans les médias, nous poussent à la sobriété mais aussi à une « reterritorialisation » ainsi qu’à une réduction de notre consommation énergétique. Bref au diable le superflu !

Quand j’y repense, je n’ai plus acheté de nouveaux vêtements depuis plusieurs mois. Le dernier en date était ce costume gris-clair que vous m’avez sans doute vu arborer lors d’un débat d’avant-premier tour.

Bon, je l’avoue, j’ai pêché. Je me suis fait livrer pas mal de bouquins à la maison pendant le confinement, moi qui défend pourtant corps et âme nos amis libraires.

Mais je vous l’assure : ma voiture est en train de sécher lamentablement dans la rue et mon vélo a repris du service, plus d’une fois par semaine (rythme auquel était monté auparavant mon fidèle destrier, un Peugeot de 1983).

J’avoue aussi avoir consulté plusieurs sites internet de …petites annonces de maisons de campagne à vendre, plus pour rêver (pour le prochain confinement ?) que pour vraiment quitter la ville.

Certes, Toulouse m’agace de plus en plus, dans cet entre-deux où l’on galère autant pour circuler en voiture qu’à vélo, comme dans bien d’autres grandes villes en évolution. Evidemment que, d’année en année, on y voit de plus en plus de monde en certains endroits (bords de Garonne, terrasses de café, rues piétonnes, métro, etc.) Mais je souhaite y rester.

Nul doute que la saturation, à tous les niveaux, nous guette, et que finalement, on ne peut donner tort, sur de nombreux points, à ces collapsologues que certains qualifient « de mauvais augures ».

Agnès Sinaï, dans un long entretien accordé à Libération, en appelle à la création de « biorégions » « définies non pas par des frontières administratives, mais par des caractéristiques naturelles – les plaines céréalières, les plateaux, les corridors forestiers. » Je sens que cet argument peut germer dans certains programmes des futures élections Régionales.

Mais suffit-il simplement de changer de paysage, d’environnement ou de lieu de résidence ? Bien sûr que non. Les collapsologues nous demandent d’élargir le champ de nos compétences.

Essayons par exemple, que l’on soit manuel ou pas, de réparer les choses et objets que l’on aurait autrefois jeté sans vergogne. Mon voisin, qui n’est pas collapsologue et encore moins un dangereux baba-cool autarcique, l’a compris depuis longtemps. Non content d’entretenir un potager qui le rend autosuffisant en légumes d’été, il vient de réparer ma tondeuse en un clin d’œil.

Il m’en a coûté un euro cinquante de roulement à bille. Sans mon voisin, l’engin aurait terminé sa vie dans une décharge. Quant moi, j’aurais dépensé deux-cent fois plus au magasin de bricolage. Sans compter les deux heures de queue de perdues pour accéder à chacun de ses endroits pris d’assaut en ce moment.

Un bémol cependant… Vous vous doutez bien que j’avais d’abord moi-même désossé cette fichue tondeuse sans apercevoir la moindre once de panne. Je ne vais donc pas devenir mécanicien et agriculteur du jour au lendemain…

Le chemin que nous recommandent les collapsologues est donc encore long et semé d’embûches. Mais y réfléchir, c’est déjà commencer à l’emprunter, chacun à son rythme.

Patrick Noviello (@patnoviello)

04 Avr

Edito : Européennes, l’impossible débat ?

Combien seront-ils ce soir en plateau sur France 2 ? Qui aura gagné ou pas devant la justice le droit d’être là ? Impensable de se poser ce type de question et pourtant… Sous couvert de pertinence éditoriale ou de démocratie, l’exercice du débat devient de plus en plus difficile face à un échiquier politique éclaté.

Les journalistes Thomas Sotto et Alexandra Bensaïd, le 3 avril 2019, pendant les répétitions du débat qui se tiendra le 4 avril 2019 sur France 2. (FRANCE TELEVISIONS)

Pour ceux à qui cela aurait échappé, les Européennes constituent désormais un scrutin de liste nationale. Ne vous étonnez donc pas de ne pas voir de débat ou de soirée électorale organisée sur notre chaîne régionale. Aux confrontations d’idées et de programmes directes, nous avons donc choisi de vous proposer, depuis un mois, des émissions « thématiques » sur la PAC, le Brexit et la politique migratoire au regard de notre territoire.

Plus de dix candidats et 2 h d’antenne

Mais revenons au débat sur le débat. France2, avec 12, 13 ou 15 candidats, n’aura pas assez de 2h30 pour aller au fond des choses, sans parler de la forme et du rythme. Alors imaginez notre « Dimanche en Politique » régional sur 27 minutes (créneau qui nous est octroyé au milieu d’une grille de programme nationale). Prenons un exemple. Nous avons longtemps envisagé de proposer un débat « Européennes » entre les différentes forces politiques de gauche.

Ainsi nous aurions pu envisager d’inviter à minima des représentants des listes suivantes : PS/Place Publique, Génération(s), le PC (avec une députée européenne sortante), E.E.L.V, La France Insoumise. Soit 5 candidats en plateau qui auraient dû confronter leurs idées en moins de 30 minutes, et ce uniquement pour les forces de gauche. Sans évoquer les autres listes, plus modestes, en cours de constitution, qui auraient pu, elles aussi, nous attaquer devant des tribunaux pour participer. Bref une équation impossible que nous avons renoncé à résoudre.

A qui donner raison ?

Alors à qui donner raison ? A ceux qui se lancent dans la campagne sous une étiquette que le CSA n’oblige pas à prendre en compte, puisque vierge de tout scrutin précédent, et qui souhaitent participer au débat démocratique comme les autres ? Aux journalistes qui défendent le droit de choisir librement leurs invités ? A ceux qui disent que le modèle du débat télévisé est éculé et n’intéresse plus personne ?

Selon moi cet exercice est encore vivant et reste un bon moyen d’opposer un programme à un autre et d’argumenter sur des idées. Mais il reste clairement de plus en plus difficile à organiser, et ce bien évidemment à condition qu’il garde du sens et que tous les critères soient réunis pour le rendre intelligible. Une question qui ne va pas tarder à se poser à nouveau. Les Municipales arrivent dans un an.

Patrick Noviello (@patnoviello)

22 Mar

Parité : le faux-procès et le coup de communication de Mickael Nogal

Dans un tweet et une vidéo relayés notamment par la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, le député LREM de Haute-Garonne Mickael Nogal nous reproche de n’avoir invité que des hommes sur le plateau de notre émission du 24 mars. Nous avons choisi de lui répondre et de vous expliquer pourquoi nous estimions que ce procès d’intention est nul et non avenu.

Mickael Nogal. Député de la Haute-Garonne. Photo MaxPPP/Isorel

Tout d’abord, nous n’avons de leçon de parité à recevoir de qui que ce soit. Nous n’allons pas faire ici la liste des élues ou personnalités de la société civile invitées à participer à nos débats, pas plus que celle des émissions consacrées à cette même thématique de la parité. Nos fidèles téléspectateurs, et les autres, se feront eux-mêmes leur opinion. Et elle ne nous sera pas défavorable, je n’en doute pas.

La constitution d’un plateau d’invités en télévision n’est pas chose simple. Ce faux-procès qui nous est aujourd’hui  fait est l’occasion de vous en parler. Ce qui prévaut dans nos choix est avant tout la cohérence éditoriale par rapport à un thème de débat de réserver une place à une telle ou un tel. Il est évident que face à la réflexion sur la place des femmes dans notre société qui s’est légitimement instaurée ces dernières années, nous ne restons indifférents et ce depuis longtemps déjà.

Faut-il pour autant enfreindre les principes déontologiques qui nous guident ? Je ne le pense pas. Quels sont ces principes ? Priorité à la légitimité et aux compétences de l’invité par rapport au thème abordé, priorité à son implantation sur notre zone de diffusion, respect de l’équilibre de l’échiquier des formations politiques sur notre territoire et surtout indépendance dans les choix que nous faisons.

Alors reprenons une par une les accusations qui sont portées à notre encontre par le député Nogal. « Aucune femme n’a été invitée ». C’est faux. Nous avions convié notamment Brigitte Barèges, la maire Les Républicains de Montauban qui n’a pu être parmi nous pour des raisons d’agenda. Qui mieux qu’elle dont sa ville d’élection a été frappée de plein fouet par le terrorisme pouvait débattre, à nos côtés, dans cette émission consacrée aux mesures mises en place après les attentats qu’a connu notre région ?

Mickael Nogal explique ensuite que nous n’avons pas accepté qu’il soit remplacé par une autre élue. C’est vrai. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas aux femmes et hommes politiques, quels qu’ils soient et quelles qu’en soient les raisons, de composer nos plateaux d’émission. De plus, l’élue qu’il nous « proposait » ne l’est pas sur notre zone de diffusion. Là encore autre principe que nous essayons de ne pas enfreindre sauf raison éditoriale majeure.

De son côté, Monique Iborra, députée En Marche de Haute-Garonne, habituée de notre émission, a également été sollicitée par Mickael Nogal « mais trop tardivement » dit-elle. Nous l’avons eu au téléphone avant l’enregistrement de l’émission. Elle n’était plus disponible, comme elle l’explique également sur twitter. Elle dénonce d’ailleurs sur ces mêmes réseaux sociaux « une polémique inutile ».

 

Le député de Haute-Garonne met également en avant notre responsabilité parce que dit-il « la parité, et plus globalement la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, ce n’est plus une option, ce n’est plus un sujet secondaire et que l’on peut tous agir, et que l’on peut faire de cette égalité entre les femmes et les hommes une réalité ». Nous sommes bien d’accord avec lui. Mais à l’heure actuelle il y a également une autre responsabilité qui est la nôtre, celle de notre indépendance en tant que média, notamment de service public, qui est de ne pas se laisser dicter nos choix.

Comme nous n’avons pas l’habitude ici de mâcher nos mots, et comme notre parole est libre, nous nous permettons donc aujourd’hui de qualifier cette fausse polémique de « coup de com’ » du député Nogal dont ni la classe politique ni la parité ne sortent grandies. Pour notre part nous continuerons à faire vivre le débat, la liberté de la presse ainsi que la parité, en toute indépendance.

Léo Lemberton (@leolemberton) et Patrick Noviello (@patnoviello)

19 Nov

[Edito] Gilets jaunes : combien de divisions ?

Manifestation des gilets jaunes au péage de Muret, en Haute-Garonne. Photo MaxPPP Frédéric Charmeux

« Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants » a reconnu Emmanuel Macron avant même le 1er jour d’action des gilets jaunes ce samedi. Mais la question après ce 17 novembre où près de 300 000 personnes ont manifesté est désormais : comment le peuple français va-t-il se réconcilier avec lui-même ?

Je ne parle pas ici de division entre classes sociales ou entre ruraux et urbains, bobos et prolos, écolos et consuméristes… Je parle par exemple d’une jeune femme insultée et moquée par ceux qui se réclament du « peuple » pour être  partie gagner, samedi dernier malgré les blocages, ses 1200 euros mensuels dans un supermarché de l’agglomération toulousaine

Mais qui est ce « peuple » d’ailleurs ? Que signifie encore ce mot dans notre société si individualiste, morcelée, corporatiste ou tout simplement « libérale » comme la qualifient certains ? Je n’aurais pas la prétention de répondre ici à cette question si vaste voire insoluble.

« Un cri d’injustice ». Voilà comment plusieurs de mes confrères qualifient le mouvement des Gilets Jaunes. Mais là encore, de quelle injustice parle-t-on ? De celle qui fait que de plus en plus de personnes ne peuvent plus habiter près de leur travail et sont obligées d’utiliser chaque jour leur voiture pendant des heures (et des litres) souvent au milieu des embouteillages.

Mais à qui la faute ? Aux maires qui ne tiennent plus les loyers de leurs villes et en donnent les clés aux promoteurs ? Aux Français qui veulent à tout prix leur maison, le carré de jardin qui va avec et le calme alentour ? Aux chefs d’entreprise qui ne font pas le pari de s’installer trop loin de la métropole ou de la ville préfecture ? A l’Etat enfin, qui voit (qui fait ?) s’envoler les prix du carburant et le coût de la vie, sans rien faire, ou pire en disant : « c’est pas moi » ?

Le prix de l’essence n’est pas la seule raison de la colère des gilets jaunes. Mais la voiture individuelle, après avoir longtemps été un symbole de liberté mais aussi un marqueur social, devient aujourd’hui plus que jamais clivante, entre ceux qui peuvent s’en passer et les autres. Clivante aussi entre ceux qui pourraient s’en passer et ceux qui leur font la morale à ce sujet. Perdre sa voiture ou la possibilité de l’utiliser quand on le souhaite, au mieux inquiète, au pire peut faire sortir de ses gonds.

Ce qui semble aussi irriter les gilets jaunes, et cela revient souvent dans les discussions, c’est ce sentiment, ou cette impression, que « tout le monde n’est pas logé à la même enseigne ». Une fois de plus « les pauvres paieraient pour les riches » c’est-à-dire pour ceux qui peuvent se payer une « hybride » ou encore ceux qui ne regardent jamais les prix à la pompe. Mais là encore qu’est-ce qu’un »pauvre » et qu’est-ce qu’un « riche » ? D’ailleurs les gilets jaunes ne se réclament-ils pas, pour beaucoup d’entre eux, de « la classe moyenne », là encore un terme de plus en plus flou par les temps qui courent.

Face à autant de questions et de manques de repères fiables, comment ne pas générer affrontements et rancœurs ? « Il ne faudrait pas se tromper de cible » vitupèrent ceux qui ont laissé leurs gilets jaunes dans la boite à gants. Ceux qui les ont sur les épaules leur répondent : « Si vous n’êtes pas avec nous, alors vous êtes contre nous ». Un réservoir de protestations qui pourrait bien faire le plein de divisions.

Patrick Noviello (@patnoviello)

 

16 Mai

[Edito] En visite demain à Toulouse : Elisabeth Borne, une ministre très attendue…

Elisabeth Borne, Ministre chargée des Transports AFP PHOTO / GERARD JULIEN

Faire venir ses Ministres au contact des citoyens pour répondre à leurs questions, c’est l’idée d’Emmanuel Macron appliquée par Edouard Philippe. Ainsi ce jeudi, pas moins de trois représentants du gouvernement débarquent en Occitanie. La plus attendue sera sans doute Elisabeth Borne, la Ministre des Transports.

Dès ce jeudi matin, pas impossible qu’un comité d’accueil de cheminots soit réservé à la ministre des transports pour le début de sa visite, à l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC). Des cheminots et des syndicats régionaux restés sur leur déception de ne pas avoir eu de représentants de la majorité, lundi après-midi, lors de leur débat sur l’avenir du ferroviaire. Mais que  pourront-ils vraiment se dire, s’ils se rencontrent ou si une délégation est reçue ? A quoi peut se résumer un tel échange, dans de telles circonstances ?

En début d’après-midi, c’est le dossier de l’autoroute Castres-Toulouse sur lequel Elisabeth Borne se penchera avec les parlementaires concernés. Le dialogue se déroulera dans le cadre plus feutré de la Préfecture de Région. Chacun rappellera ses doléances ou positions, et le serpent de mer qu’est devenu ce chantier routier devrait repartir dans la pile des grands projets en suspens.

Parmi ces derniers : la LGV Toulouse-Bordeaux. Elle ne figure pas au programme officiel de la Ministre mais elle sera sans doute abordée lors du déjeuner prévu avec la présidente de région, le maire de Toulouse et le président du département de Haute-Garonne. Ce projet a le tort de mêler deux dossiers chauds du moment pour la représentante du gouvernement : la SNCF et le TGV dénoncé comme un gouffre financier voire environnemental par ses détracteurs.

Et les citoyens dans tout ça ? Un créneau leur est réservé à partir de 19h30 en Préfecture. Quant à savoir quelles seront les personnes présentes ? Débattra-t-on des dossiers cités précédemment ou encore des fameux 80 km/h ? On le saura sur le moment, cette « réunion publique » étant ouverte à la presse. Puis la Ministre repartira vers la capitale…sans doute en avion.

Patrick Noviello (@patnoviello)

16 Mar

[Edito] Un printemps de colère ?

Manifestation de retraités le 15 mars dernier à Toulouse. Photo Max PPP Frédéric Charmeux

Voilà donc qu’on nous annonce 36 jours de grève des cheminots, sur trois mois, et à jours fixes. « Une mobilisation innovante » selon les syndicats. Au contraire, « une tradition française » que ces grèves au long cours vous diront d’autres. Calendrier encore : dans quelques semaines, apparaîtra la date symbolique des 50 ans de Mai 68.  Un souvenir qui s’exprimera peut-être dans la rue, en conditions réelles.

Que toute tentative de réforme puisse susciter la contestation dans l’hexagone, a priori, rien de nouveau. Les syndicats n’ont eu de cesse de brandir un étendard ces derniers jours : le conflit social de 1995 face au plan Juppé et la paralysie qu’il avait entraîné dans le pays. Mais ce qui change aujourd’hui, ce sont peut-être les méthodes, syndicale donc on vient de le voir, mais aussi gouvernementale. Emmanuel Macron avait annoncé qu’il irait au pas de charge, qu’il ne ferait pas dans le corporatisme et qu’il bougerait les lignes. Au risque de soulever une vague de mécontentement.

Pour exemple ces milliers de retraités dans les rues de Toulouse, Montauban, ou encore Tarbes contre la hausse de la CSG. Des femmes et des hommes qui, pour beaucoup, « manifestaient pour la première fois ». Dans les cortèges, leurs propos sont vifs, les insultes fusent à l’égard du gouvernement. « Pas touche à mon pouvoir d’achat, surtout si j’ai bossé quarante ans pour me le constituer ».

Les aînés en colère et les jeunes pas en reste, qui occupent depuis plusieurs jours la Fac Jean Jaurès de Toulouse pour protester contre une sélection suspectée à l’entrée des universités et la fusion de ces dernières. Là encore, comme une impression de déjà-vu avec une nuance toutefois, la voix de ceux qui veulent pouvoir étudier normalement qui se fait entendre.

Une colère sur les pavés des villes mais aussi dans les champs. Les agriculteurs d’Occitanie manifestent depuis deux mois contre l’Europe et l’Etat qui veulent leur supprimer des aides. Les élus ruraux, comme dans le Lot, veulent sauver leurs écoles et la vie qui va avec. Réduire la fracture numérique comme leur promet le gouvernement avec la fin des zones blanches ne suffira pas. La défense des services publics reste le mètre étalon de la contestation sociale.

Coca-Cola, Lafarge, Mac Donald, Carrefour, Bosch, Vallourec… Les conflits n’ont pas non plus manqué dans les entreprises privées dans la région comme ailleurs. Les travailleurs veulent leur part du gâteau sur les bénéfices, un salaire et des conditions de travail décents et à minima sauver leur emploi. Bref public-privé, jeunes ou moins jeunes, le printemps met du temps à arriver cette année mais un vent chaud de fronde semble déjà se lever sur le pays.

Patrick Noviello (@patnoviello)

09 Mar

[Edito] Cocktail des députés du Tarn à l’Assemblée : indécent ?

La coupe est pleine. Nous aurions dénoncé injustement des frais de cocktail de députés du Tarn de la majorité présidentielle. Dont acte. Tout cela sera expliqué en temps et en heure, sur ce blog ou ailleurs. Mais il y a des choses qu’on ne peut pas laisser passer. Alors de quoi parlons-nous exactement ? D’un cocktail donné à Paris, dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale par trois députés du Tarn, Marie-Christine Verdier-Jouclas, Jean Terlier et Philippe Folliot.

« 36 euros 25 par invité » expliquent les trois députés tarnais dans leur « droit de réponse », « ce montant par personne est en dessous des prix en moyenne pratiqués dans le centre de Paris ». Ah bon ? J’étais la semaine dernière dans la capitale pour l’enregistrement de notre magazine de débat et j’ai invité trois de mes amis pour un apéritif dans un bar. J’ai déboursé moins de trente euros pour l’addition finale et certains d’entre nous ont même repris un verre.

Sans doute les trois députés tarnais trouveront un parfait contre-exemple à celui que je viens d’avancer et ainsi de suite. Mais là encore de quoi parlons-nous exactement ? « De fake news » comme l’ont écrit certains ? De secrets d’état ? Ne dramatisons pas voyons ! Il ne s’agit que d’un apéro après tout. Quoi que… Nous parlons quand même d’argent public, rappelons-le.

Qui étaient donc les « 109 » personnes que les députés tarnais déclarent comme « invités » ? Des citoyens comme vous et moi ? Non, des élus venus des circonscriptions des parlementaires tarnais. Ces derniers voulaient les rencontrer « pour échanger avec eux sur les problématiques de nos territoires » comme ils l’expliquent. Que Mme Jouclas-Verdier, MM Folliot et Terlier souhaitent les recevoir à Paris plutôt que sur leurs terres, c’est leur choix et je ne le critiquerai pas.

Toutefois, selon des parlementaires, que nous avons joints, l’addition reste « trop salée ». L’un d’eux nous dira notamment que « quand il invitait des élus locaux c’était à la buvette de l’assemblée et qu’un petit café suffisait. » A cinquante centimes l’unité, la facture ne dépassait jamais 20 euros. Une autre ancienne parlementaire de notre région nous explique également que « la questure pratique des tarifs préférentiels » qui, là aussi, auraient fait baisser la facture.

Mais revenons sur terre… A chacun d’estimer si 36 euros par personne pour un cocktail est une somme « indécente » ou pas. Pour ma part, j’estime que cet argent aurait pu être mieux utilisé. « C’est mon opinion et je la partage » comme disait l’autre. 36 euros, c’est la somme qu’a parfois une famille pour faire manger ses enfants pendant une semaine. 36 euros, c’est aussi le prix que peut payer un oligarque russe pour un verre d’eau de source. 36 euros c’est donc le prix d’un cocktail pour un élu tarnais invité à l’assemblée nationale. Indécent ? A chacun de se faire son opinion. La mienne est faite.

Patrick Noviello (@patnoviello)

29 Jan

Législatives partielles : la théorie du test

Photo MaxPPP/MBoyer

Photo MaxPPP/MBoyer

Val d’Oise, Territoire de Belfort, Loiret, Mayotte, Réunion et…Haute-Garonne. « Les partis d’opposition face au test des législatives partielles » titre ce vendredi matin Le Figaro, « un test pour l’exécutif » embraie Le Monde. Mais que représentent finalement quelques scrutins à l’échelle de la majorité écrasante de LREM à l’Assemblée ? Une goutte d’eau dans une mer d’huile électorale. Voilà bien longtemps que plus personne ne sent le vent. Présidentielle et Législatives l’ont bien prouvées. Pour gagner, l’heure n’est plus aux prévisions mais à l’alignement des planètes.

Revers et symbole »

Comme souvent oubliées, les sénatoriales de septembre dernier ont toutefois laissé des traces dans l’état-major de La République En Marche. Le mouvement macroniste ne pensait pas obtenir aussi peu d’élus. A scrutin différent, résultat différent. La vague « En Marche » s’est finalement ensablée face aux grands électeurs et au maintien des partis du « vieux monde » des jardins du Luxembourg.

En quoi l’élection partielle du Comminges, notamment, peut-elle donc être un test ? Sans doute, vaudra-t-elle pour savoir si le symbole du dernier bastion socialiste en Haute-Garonne tient encore ou pas. Elle prouvera, quoi qu’il arrive que la gauche, au sein de laquelle le PS n’est plus majoritaire, est plus que jamais divisée. Elle rappellera aussi que les éternels outsiders, FN et FI, gagnent encore du terrain et peuvent jouer les invités du second tour. Quant à la droite traditionnelle, elle fera acte de présence.

En campagne mais pour qui ? »

D’ici mars, cette partielle commingeoise devrait toutefois s’animer. Des têtes d’affiche y feront le déplacement comme dans les autres circonscriptions de France où élection il y aura. Les deux finalistes du scrutin annulé et leurs adversaires ont déjà repris leurs bâtons de pèlerins, non loin de Saint-Bertrand de Comminges. Iront-ils foulé, en campagne, le tapis rouge du festival de Luchon ? Une victoire est toujours bonne à prendre, un siège de député encore plus.

Seulement, les citoyens ont-ils la tête à voter ? Ils devraient toujours l’avoir me direz-vous… Mais la séquence électorale du printemps a été une fois encore celle qui a mis en avant les abstentionnistes, au pire totalement désintéressés, au mieux en plein doutes. Si cette forte abstention était à nouveau au rendez-vous, la théorie du « test » ferait flop. Et la victoire électorale serait une nouvelle fois attribuée à un bon alignement de planètes plus qu’à la volonté du peuple.

Patrick Noviello (@patnoviello)

08 Mai

Edito : Un Président, du renouveau, et maintenant ?

Emmanuel Macron, dimanche soir au Louvre à Paris. Photo AFP / POOL / Christophe Ena

Emmanuel Macron, dimanche soir au Louvre à Paris. Photo AFP / POOL / Christophe Ena

La France a donc élu un Président de 39 ans, « ni de droite, ni de gauche », issu d’un Mouvement et non d’un parti politique traditionnel. Emmanuel Macron a voulu faire bouger les lignes et il a littéralement fait exploser l’échiquier politique régional. Seulement la constitution étant ce qu’elle est, il va devoir maintenant bâtir une majorité présidentielle s’il veut gouverner efficacement.Premier élément attendu pour savoir quelle stratégie sera la sienne : les candidats aux Législatives. Seront-ils tous « nouveaux » en politique ? Que faire des ralliés venus d’autres horizons, sortants pour certains (Monique Iborra, ex-PS, Philippe Folliot, ex-UDI-Alliance Centriste) ? Quid des candidats sélectionnables actuellement encore affiliés à d’autres partis ? Va-t-on voir apparaître une étiquette « majorité présidentielle » ? L’équation est à plusieurs inconnues mais elle va devoir être clarifiée rapidement.

Dans notre région, comme ailleurs, le PS est encore souvent aux manettes mais clairement affaibli par cette Présidentielle. Que peut-il espérer ? Quelle sera sa position face aux candidats d’ « En Marche », le mouvement d’Emmanuel Macron n’étant pas dans une logique de négociation. A gauche toujours, Midi-Pyrénées est une terre fertile pour Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon. Mais la bataille s’annonce serrée sur la plupart des circonscriptions face à un éclatement d’une gauche irréconciliable qui a pourtant gagné, unie, les Régionales, il y a un an et demi à peine.

Pendant ce temps-là, et hier soir encore, le Front National effectue ses calculs. Cinq circonscriptions seraient jouables pour les frontistes au vu des résultats du premier tour de la Présidentielle (deux en Tarn et Garonne, une dans le Tarn et deux en Haute-Garonne). Rien de mieux que de rêver de victoire pour oublier la défaite de dimanche soir. Mais des triangulaires peuvent aussi réserver des surprises, pas seulement pour les candidats Bleu Marine d’ailleurs.

Avantage toutefois pour le FN, comme pour Les Républicains : la clarté de l’étiquette. Les Républicains qui ne nourrissent pas non plus d’espoirs débordants en Midi-Pyrénées entament une phase de reconquête nationale après avoir traîné tel un boulet leur candidat marqué par les affaires. L’Aveyron, et à moindre impact la Haute-Garonne, restent toutefois pour eux des terres hospitalières.

Après la première déflagration suscitée par cette Présidentielle, le plus dur reste peut-être à venir pour les partis « installés », d’autant que de nombreux députés sortants ne repartent pas en Midi-Pyrénées (pour les Socialistes, Philippe Martin dans le Gers, Marie-Lou Marcel en Aveyron, Patrick Lemasle en Haute-Garonne ou encore Frédérique Massat en Ariège). Les candidats « En Marche » comptent sur la dynamique de l’élection de leur leader à la tête de l’Etat. Mais les défaits du Premier Tour veulent leur revanche et présenter son leader à un scrutin uninominal n’est pas la même chose que de lancer 577 candidats dans autant de batailles.

 

Patrick Noviello (@patnoviello)