31 Mar

Les esclaves de Tromelin : une histoire, une BD, une exposition…

Les esclaves de Tromelin : une histoire, une BD, une exposition…

Déjà évoquée en BD en 2015 dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis, l’incroyable odyssée des esclaves de l’île de Tromelin fait jusqu’au 3 juin l’objet d’une exposition à Paris, dans le cadre de la célébration par le Musée de l’Homme du 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Le 31 juillet 1761, le navire français « L’Utile » s’échoue sur une île désertique de l’Océan Indien. Après reconstruction d’une embarcation avec les restes du navire, les esclaves malgaches embarqués illégalement à Madagascar ayant échappé au naufrage sont abandonnés sur place. Quinze ans plus tard, Jacques Marie de Tromelin (qui donnera son nom à l’île) recueille les derniers survivants (sept femmes et un nourrisson) le 29 novembre 1776.

En 2015, Sylvain Savoia publie chez Aire Libre « Les Esclaves oubliés de Tromelin », après avoir accompagné l’une des quatre expéditions parties sur les traces de ces esclaves oubliés, sur une île hébergeant aujourd’hui une station météorologique.

Selon deux chartes distinctes, du dessin à la mise en couleurs, il raconte à la fois le quotidien des survivants et les recherches archéologiques… Mais au fil de la lecture, Savoia tisse des fils invisibles à plus de deux siècles d’écart : l’adaptation au quotidien à un environnement qui peut devenir très vite hostile, comment dompter celui-ci et comment il influence les convictions de chacun – notamment la manière dont les esclaves malgaches doivent remettre leurs traditions en cause pour survivre – l’organisation et la (re)constitution, entre fin du XVIIIe siècle et début du XXIe, d’une micro société… Ou comment l’histoire éclaire le présent… Et inversement. Une structure scénaristique qui n’est pas sans rappeler les savants allers-retours de Francis Ford Coppola dans « Le Parrain II ».

L’histoire des esclaves de Tromelin ne pouvait laisser insensible le Musée de l’Homme dans le cadre du 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Et l’exposition itinérante, qui a déjà accueilli 178000 personnes avant son arrivée à Paris, peut se visiter de manière totalement indépendante de la BD… Tout en offrant une troisième lecture simultanée de cette dernière, sous des aspects multiples : la géopolitique de l’esclavage dans l’Océan Indien, le quotidien des esclaves pendant leurs quinze années d’exil (habitations, repas, ustensiles divers) et aussi la mémoire intellectuelle et littéraire de l’esclavage.

De ce point de vue, l’album de Sylvain Savoia, qui bénéficie pour l’occasion d’une édition spéciale parue le 1er mars dernier, occupera désormais une place singulière dans les écrits comme dans l’imaginaire des histoires de naufragés, rejoignant Jules Verne, Daniel DeFoe, comme la réalité des écrits des opposants à l’esclavage.

©Jean-Philippe Doret

Exposition « Tromelin, l’île des esclaves oubliés »

Du 13 février au 3 juin 2019 au Musée de l’Homme à Paris

« Les Esclaves oubliés de Tromelin »

Scénario et dessins : Sylvain Savoia

Nouvelle édition en partenariat avec le Musée de l’Homme

128 pages couleurs (dont dossier spécial inédit 8 pages de dessins inédits présentant la chronologie de l’esclavage) + jaquette couverture spéciale

Aire Libre – Dupuis

25 Mar

« Sale temps pour les grenouilles », Isabelle Bourdial

Présentation de l’éditeur

Je m’appelle Hadrien Lapousterle et je dirige le département Histoire et Civilisations aux éditions Galvani. De l’avis général, je suis un type posé et pacifique. Pourtant il n’a fallu que 4 mois pour faire de moi un tueur.
Ma cible, c’est mon chef, Grégoire Delahousse. Il vient d’être nommé à la tête du pole Arts et Savoirs. un harceleur, un costkiller, un Pomme K … vous savez, le raccurci clavier qui supprime les blocs de texte sur les Mac.
Une comédie noire contre le harcèlement au travail et le burn out, un hommage aux séries télévisées et à la culture populaire.

Notre avis

Le burn-out, Isabelle Bourdial connaît bien !
Elle a choisi le mode roman pour en parler, sans tomber dans le pathos, mais plutôt sur un mode ironique, voire franchement comique.
Les grenouilles du récit sont les victimes collatérales d’un boss aussi incompétent que sournois.
« Sur le coup, je n’ai rien perçu de sa manœuvre. À la lumière des événements qui suivirent, je comprends aujourd’hui que le feu venait d’être allumé sous la casserole. Il fallait attendre que la température monte peu à peu, en occupant la grenouille, pour qu’elle ne s’aperçoive de rien. »
Et plus loin…
« En repensant à cette scène, je vois six grenouilles dans une marmite, le cerveau en ébullition. Sauteraient-elles a temps avant de cuire dans le bouillon ? »
Tout y passe : l’humiliation, la « remise en question », le doute, la culpabilisation, la peur de mal faire… pas assez… pas à temps…

L’homme a de la ressources : « Goût pour la manipulation », « cruauté gratuite », « humour au vitriol », « goût du massacre », « génie pour mentir, tricher et blesser »…
Le changement selon Delahousse est synonymes de nivellement par le bas.
Mais il ne faut pas sous-estimer l’instinct de survie des grenouilles.

Et puis un matin : « Mon instinct me disait que tout pouvait arriver : la suppression de l’open Space, la mise au placard de Gregoire, la fin des sèche-mains. Ainsi commença l’une des pires journées de mon existence… »

La solution s’impose alors : il faut tuer ce boss toxique !
La « Confrérie de l’Orient Express » attaque alors le « Clan des chacals »…
Avec une écriture vive et pleine d’humour, Isabelle Bourdial traite d’un sujet plus grave qu’il n’y parait. En fin des remerciements, elle rappelle d’ailleurs : « une page se tourne. Un dernier conseil, fuyez comme la peste les Grégoire Delahousse. Le burn-out n’est décidément pas une maladie à prendre à la légère ».
La dernier page du récit quant à elle se termine par « FIN (ou pas) », laissant entrevoir une suite possible à ce récit…
Un bon moment de lecture, et un remède efficace contre la dépression !

©Bob Garcia

 

20 Mar

« Animal », Sandrine Collette, chez Denoël

« Animal », Sandrine Collette

Présentation de l’éditeur

Dans l’obscurité dense de la forêt népalaise, Mara découvre deux très jeunes enfants ligotés à un arbre. Elle sait qu’elle ne devrait pas s’en mêler. Pourtant, elle les délivre, et fuit avec eux vers la grande ville où ils pourront se cacher.

Vingt ans plus tard, dans une autre forêt, au milieu des volcans du Kamtchatka, débarque un groupe de chasseurs. Parmi eux, Lior, une Française. Comment cette jeune femme peut-elle être aussi exaltée par la chasse, voilà un mystère que son mari, qui l’adore, n’a jamais résolu. Quand elle chasse, le regard de Lior tourne à l’étrange, son pas devient souple. Elle semble partie prenante de la nature, douée d’un flair affûté, dangereuse. Elle a quelque chose d’animal.

Cette fois, guidés par un vieil homme à la parole rare, Lior et les autres sont lancés sur les traces d’un ours. Un ours qui les a repérés, bien sûr. Et qui va entraîner Lior bien au-delà de ses limites, la forçant à affronter enfin la vérité sur elle-même.

Humain, animal, les rôles se brouillent et les idées préconçues tombent dans ce grand roman où la nature tient toute la place.

 

Notre avis

Sandrine Collette fait partie de ces auteurs qui savent embarquer le lecteur dans leur récit en quelques pages. Peu de description, pas de tergiversation, juste une mise en situation. On est instantanément dans l’action. La tension est ressentie dans les moindres phrases. Parfois trois mots suffisent  Impossible de ne pas tourner la page pour savoir ce qui va se passer. Pendant une trentaine de pages, on suit donc avec avidité le récit de Mara, qui recueille deux gamins.

Puis l’histoire bascule dans un autre univers, qui n’a apparemment aucun rapport.

Pas le temps de regretter Mara et ses déboires.

Sandrine nous embarque déjà dans une autre histoire, celle de Lior, une jeune femme fascinée par la chasse ; et son compagnon Hadrien qui tente de suivre le mouvement.

L’introduction est un modèle littéraire : « Il y avait une étrange lumière jaune au fond du ciel, qui vient après les orages, avant même que la pluie ait cessé de raviner les terres. Hadrien connaissait bien cette lumière, qui ne disait jamais vraiment si la tempête était passée ou si elle s’apprêtait à revenir, à faire demi-tour en s’arrachant au vent. A la fois cela le rassurait que le monde ne soit pas entièrement ténèbres, et à la fois le frisson persistait le long de son dos, tout n’est pas fini, pensa-t-il, c’est pour cela, il en reste encore : du vent et de la fureur.

Le malaise, sans doute, il le tirait de cette incertitude. Est-ce que la tempête s’abattrait sur eux ou non – ou au contraire, ce qui le troublait était la conviction que quelque chose allait arriver en même temps que la lumière jaune. »

Bonjour l’ambiance. Le lecteur est prévenu. C’est parti pour 282 pages de tension, de doutes, de course-poursuite effrénée. Le tout servi par une écriture subtile, où chaque mot est pesé, où chaque ambiance est calculée, chaque décor contribue à étouffer un peu plus le lecteur.

La chute arrive comme une délivrance. On retrouve Mara et ses deux gamins. Tout est tellement lié, tellement évident, que l’on s’en veut de ne pas avoir compris.

Ce livre ne se lit pas, il se dévore.

Courez l’acheter. Seul risque : vous allez devenir accro !

Sandrine Collette n’est pas seulement une formidable raconteuse d’histoire, c’est une styliste magistrale et une auteure surdouée.

Respect, Madame ! Vivement le prochain roman. Celui-ci va rafler quelques prix littéraires, sinon je n’y connais rien…

©Bob Garcia

 

08 Mar

Le combat des pères, de Raphaël Delpard

Bienvenue en misandrie !

La « justice » familiale est rendue quasiment exclusivement par des femmes.

La « justice » familiale est trèèèèès à gauche.

Le verdict est donc immuable : la mère est une victime. Le meilleur des pères du monde reste un bourreau. Les enfants sont la propriété exclusive de la mère. Le père a le privilège de payer la mère pour qu’elle puisse les élever dignement, mais n’a pas le privilège de les voir grandir.

 

Raphaël Delpard se bat contre les inégalités et les injustices. Autant dire qu’il n’est pas prêt de s’arrêter d’écrire…

Pour son dernier livre « Le combat des pères » (Le Rocher), il a enquêté pendant plus d’un an, et a rencontré des pères, des sociologues, des pédopsychiatres, des avocats, des membres d’association, des juges des Affaires familiales.

Il a mis en évidence les dysfonctionnements et les discriminations de notre système judiciaire : les pères convoqués arbitrairement au poste de police, les demandes exorbitantes de pensions alimentaires (accordées par les JAF), les mensonges et les coups tordus des mères en toute impunité, et au bout du compte la capitulation des pères devant un système pourri jusqu’à l’os.

Et un constat abjecte et inhumain : lors des jugements de divorce, la garde des enfants est attribuée à la mère dans 80 % des cas. Les pères sont systématiquement exclus et écartés de leurs enfants. 600.000 enfants ne connaissent pas leur père et grandissent sous la « protection » de la mère et sous les coups du beau-père.

Bien sûr, il y aura toujours la connasse de service pour éclairer le débat : Ah ben dans mon cas, c’est l’inverse. C’est le père que « ne veut plus voir » ses enfants et qui a refait sa vie… comme dans les bonnes fake news d’internet, où on ne te montre qu’une partie des images, et surtout pas l’historique, bien trop embarrassant.

« Le Combat des pères » ? Perdu d’avance.

Circulez, y’a rien à voir…

03 Mar

Capricorne Intégrale T1 Scénario & dessins : Andreas

Sous le(s) signe(s) du Capricorne

Ces deux dernières décennies, Andréas a développé deux grandes séries : Arq (éditions Delcourt) et Capricorne, que Le Lombard publie aujourd’hui en édition intégrale.

Les trois personnages principaux de Capricorne ont d’abord fait leur apparition dans la série Rork, dont le cinquième des sept volumes porte précisément le titre de « Capricorne ». Par un subtil jeu de miroirs, les quatre premiers volumes constituent une sorte de prologue qui connaît son premier aboutissement dans le cinquième album « Le secret » constitue le point de convergence, par un point de vue inversé par rapport à celui du cinquième tome de Rork… qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu pour plonger dans l’univers de Capricorne-la-série.

Capricorne est un astrologue qui, dès les premières pages de cette intégrale, perd son identité et ne doit surtout pas la retrouver, sous peine de plonger la ville de New York dans le chaos. Cette saga commence par une rencontre avec trois vieillardes qui ne sont pas sans rappeler Shakespeare et les trois sorcières du destin de la pièce « Macbeth ». Et la série de cartes tirées par les trois vieillardes seront autant de marqueurs des cinq histoires à venir.

Mais de ce jeu de pistes l’humour n’est pas absent. Capricorne, dont le signe zodiacal est désormais le nom, et ses compagnons d’aventures Ash Grey et Astor sont autant de personnalités complémentaires. Le flegme de Capricorne, l’impétuosité d’Ash Grey et la maniaquerie d’Astor rythment des aventures insolites où le trio croise (dans le désordre) une créature gorgée d’électricité, un gigantesque vaisseau sous-marin, un mystérieux cube, un épéiste mercenaire, une jeune femme qui perturbe la mise en scène pseudo-ésotérique de quelques charlatans… Au jeu de ces péripéties s’ajoute celui des références : Lovecraft, Jules Verne, les feuilletonistes du début du XXe siècle, les comics, sans oublier l’ennemi juré de grande tradition franco-belge, incarné dans ce premier cycle par l’inquiétant Mordor Gott.

Alors que les albums individuels étaient publiés en couleur, le choix du noir et blanc pour cette intégrale renforce l’aspect roman-feuilleton de ce premier cycle et – surtout – magnifie encore davantage l’originalité du découpage d’Andréas, qui deviendra toujours plus audacieux au fil des quatre volumes à venir de cette intégrale, dont le prochain sortira en mai prochain.

©Jean-Philippe Doret

 

Capricorne Intégrale T1

Scénario & dessins : Andreas

264 pages noir & blanc – Contient les albums « L’objet », « Electricité », « Deliah », « Le cube numérique » et « Le secret »

Le Lombard

20 Fév

Brian Wilson, vibrations autobiographiques

Brian Wilson, vibrations autobiographiques

Après avoir démultiplié le chant jusqu’au sublime, au sein des Beach Boys comme de ses propres albums, Brian Wilson laisse libre cours à sa propre voix dans une autobiographie où la grande histoire du rock croise l’intimité de l’un de ses plus grands mélodistes.

Ainsi, Brian Wilson évoque-t-il régulièrement les « voix » qui l’habitent.

Ainsi, on pourrait rapprocher « I Am Brian Wilson » du scénario écrit par Joel Olianski pour le film « Bird » de Clint Eastwood, au fil de l’esprit aussi bouillonnant que désordonné du saxophoniste Charlie Parker, ou alors, côté littérature, des courants de conscience tels qu’initiés par la romancière Dorothy Richardson, et dont « Les Vagues » de Virginia Woolf est sans doute l’un des plus beaux symboles, au fil d’un écrit suivant non pas une trame prédéfinie, mais le fil de la pensée des personnages.

La réussite de « I am Brian Wilson » est donc de canaliser le flux de la pensée du cofondateur des Beach Boys, qui ne laisse de côté aucun des aspects de sa vie mouvementée, sans pour autant donner à celle-ci un cadre chronologique : son panthéon musical personnel, son père, ses frères, sa folie, la tyrannie exercée par le docteur Landy, qui le maintint sous son emprise pendant près de quinze ans, l’émulation entre les Beach Boys et les Beatles au mitan des années 1960, les relations – parfois très procédurières – avec son cousin Mike Love autour des Beach Boys, le miroir qui lui tendit le film « Love And Mercy », une famille recomposée et une épouse sans laquelle « dieu sait ce qu’il serait sans elle », paraphrase en forme de clin d’oeil à « God Only Knows », sans doute la plus belle de ses chansons…

Mais si sa vie est, comme on le voit, loin d’être un long fleuve tranquille, Brian Wilson la raconte avec un langage simple et direct, sans accent mélodramatique, avec une distance et une franchise qui laissent parfois pantois. Ainsi, il n’hésite pas à écrire qu’il peine parfois à domestiquer le flux continu des voix qui l’habitent. Et, à chacune de ses apparitions publiques, son regard porte la trace de voyages intérieurs dont il est loin d’être revenu intact.

Alors, à bientôt 77 ans, Brian Wilson a-t-il trouvé la paix ? « God only knows », serions-nous tentés de répondre. Et de laisser à chacun le soin de trouver la réponse à la lecture de ses mémoires, entre la sérénité de son écriture et le foisonnement de sa pensée…

©Jean-Philippe Doret

« I am Brian Wilson »

Brian Wilson, avec Ben Greenman

352 pages

Castor Music

21 Jan

Champignac « Enigma », Scénario de BeKa, Dessins de David Etien

Le Comte de Champignac entre mycologie et cryptologie

 

Dans le cadre de la collection « Le Spirou de », Emile Bravo, Yann et Olivier Schwartz ont choisi de confronter le groom le plus célèbre de la BD franco-belge à la Seconde Guerre mondiale. Avec « Enigma », c’est au tour de Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, Comte de Champignac, de relever à cette période de sa jeunesse un défi digne de ses capacités scientifiques… et où la mycologie ne sera pas absente.

Le duo de scénariste BeKa (alias Caroline Roque et Bertrand Escaich) et le dessinateur David Etien envoient le distingué mycologue en Grande-Bretagne retrouver un de ses grands amis, le professeur Black (vu notamment dans les albums de Spirou « Le dictateur et le champignon » et « Le voyageur du Mésozoïque »). Une fois arrivé au manoir de Bletchley Park, le Comte de Champignac se mesure à Enigma, la fameuse machine allemande à crypter les messages, aux codes réputés inviolables.

Au fil d’un récit solidement rythmé, quelques nécessaires séquences vulgarisatrices sur le décodage croisent des moments particulièrement cocasses. Citons en premier lieu la rencontre avec Winston Churchill, mise en scène avec un humour « quasi so British » savoureux.

Mais le Premier Ministre le plus célèbre de sa Gracieuse Majesté n’est pas le seul personnage historique que l’on croise dans « Enigma ». On retrouve aussi Alan Turing (première apparition en vélo, affublé d’un masque à gaz !), l’inventeur de la machine qui permettra de craquer les codes d’Enigma. Et aussi le futur créateur de James Bond (« Mon nom est Fleming, Ian Fleming ! »), qui soumet un soldat allemand à bombardement massif d’’œufs lors d’une incursion nocturne au château de Champignac.

« Enigma », c’est aussi la rencontre entre le Comte de Champignac et la pétillante Ecossaise Blair MacKenzie, pour l’un des arcs narratifs les plus séduisants de l’album : deux geeks avant l’heure, deux solitaires qui se retrouvent fort pris au dépourvu lorsque le temps de sortir de leur univers respectif pour exprimer leurs sentiments est venu.

Pour faire bonne mesure, BeKa et Etien offrent à Spirou une apparition furtive que nous vous laissons le plaisir de découvrir (et que n’auraient pas renié un certain Alfred Hitchcock, M Night Shyamalan ou Stan Lee). Point final d’un one-shot qui se savoure comme un épisode de « Chapeau Melon et Bottes de Cuir »… ou un film de James Bond !

 

©Jean-Philippe Doret

 

Champignac « Enigma »

Scénario : BeKa

Dessins : David Etien

64 pages

 

Dupuis

07 Jan

Blake et Mortimer, un « héritage immortel », par Jean-Philippe Doret

  

Blake et Mortimer, un « héritage immortel »

Au fil du temps, la sortie automnale d’un nouveau Blake et Mortimer est devenue l’un des best-sellers instantanés de la BD pour les fêtes de fin d’année. Mais en 2018, la parution simultanée du premier tome de « La Vallée des Immortels » et d’une nouvelle édition de « L’Héritage Jacobs » annonce bien des promesses dans les années à venir.

« La Vallée des Immortels » est le cinquième diptyque de la saga de Blake et Mortimer, après « Le Secret de l’Espadon » (paru à l’origine en deux volumes avant d’être redécoupé en trois tomes), « Le Mystère de la Grande Pyramide », « Les Sarcophages du Sixième Continent » et « La Malédiction des Trente Deniers ». Yves Sente en situe l’action immédiatement après la fin du « Secret de l’Espadon ». Et, après deux guerres mondiales (celle, bien réelle, de 1939-1945 puis celle, fictive, contre l’Empire Jaune), jette Francis Blake et Philip Mortimer dans une nouvelle poudrière asiatique.

Entre protection de l’enclave britannique de Hong Kong, tensions entre la Chine et Taïwan, découverte susceptible de bouleverser l’histoire de la naissance de l’empire chinois et ambitions – précisément impériales – d’un seigneur de la guerre, Yves Sente jongle avec les ramifications d’une intrigue dense, complexe, nécessitant une lecture immersive pour en saisir tous les rouages. Mais ceux-ci annoncent dans le futur deuxième tome un véritable feu d’artifice… Sans doute au sens propre, puisque « La Vallée des Immortels » remet aussi à l’honneur le Philip Mortimer inventeur, et même la mythique Aile Rouge du « Secret de l’Espadon » !

Côté dessin, André Juillard, compagnon de route d’Yves Sente sur tous les Blake et Mortimer qu’il a précédemment scénarisés, a décidé de faire une pause pour se consacrer à d’autres projets personnels. Mais la remarquable ligne claire du duo néerlandais Teun Berserik-Peter van Dongen fait écho à l’aventure suivante de la nouvelle continuité temporelle développée par Yves Sente autour des albums d’Edgar Pierre Jacobs… et qui n’est autre que « Le Mystère de la Grande Pyramide ».

Pour saluer l’arrivée de cette nouvelle équipe, les Editions Blake & Mortimer ont édité une version augmentée de « L’Héritage Jacobs », ouvrage en forme de « making of » des albums sortis depuis « L’Affaire Francis Blake », l’album du grand retour (1996). Au fil d’entretiens toujours passionnants, chaque scénariste et dessinateur (dont les nouveaux venus Berserik et van Dongen, et aussi Ted Benoit, disparu après l’interview publiée dans « L’Héritage Jacobs ») fait part de son regard, de ses doutes et même de ses souffrances. Le témoignage le plus émouvant est sans doute celui de Chantal de Spiegeleer, qui dut prendre la suite de son mari René Sterne, grand absent de ce livre, brutalement décédé alors qu’il travaillait sur le premier tome de « La Malédiction des Trente Deniers ».

Cette nouvelle édition s’achève sur un bouquet final d’informations concernant les albums à venir… que nous vous laissons le plaisir de découvrir, dessins inédits à l’appui ! Citons quand même (par ordre alphabatique) les noms d’Antoine Aubin, Teun Berserik, José-Louis Bocquet, Christian Cailleaux, Jean Dufaux, Jean-Luc Fromental, Thomas Gunzig, André Juillard, Etienne Schréder, François Schuiten, Yves Sente, Peter van Dongen, Jaco van Dormael, Jean van Hamme… En somme un « héritage immortel » en de très bonnes mains !

©Jean-Philippe Doret

 

Blake et Mortimer T25 « La Vallée des Immortels 1 – Menace sur Hong Kong »

Scénario : Yves Sente

Dessins : Teun Berserik & Peter van Dongen

56 pages

« L’Héritage Jacobs »

(Edition augmentée – Deux chapitres supplémentaires)

Jean-Luc Cambier & Eric Verhoest

280 pages 

Editions Blake et Mortimer

19 Déc

Treize, impair et double : XIII Mystery « Judith Warner » et XIII « L’enquête – Deuxième partie »

 

Treize, impair et double

La double parution de « Judith Warner » et de « L’enquête – Deuxième partie » voit le retour au scénario de Jean van Hamme, qui lève le voile sur les dernières questions laissées en suspens à la fin du premier cycle des tribulations de l’amnésique le plus célèbre de la bande dessinée.

Chronologiquement, ces deux albums se situent à cheval entre « Le dernier round », dernier volet du premier cycle, et « Le jour du Mayflower », premier album du deuxième cycle scénarisé par Yves Sente. Mais l’ordre de lecture est inverse à celui de la parution.

Ainsi, dans « L’enquête – Deuxième partie » (sorti le 30 novembre), le jeune journaliste Danny Finkelstein boucle les investigations amorcées par son frère Ron et Warren Glass. Comme dans le premier volet de l’enquête, textes, BD, photos et dessins s’entremêlent, certaines infos sur certains personnages sont complétées, d’autres font leur apparition… Avec une touche d’humour subtile, qui donne envie d’en savoir plus sur la secrétaire Mildred Brightlight, lointaine « cousine » de Miss Pennywinkle, l’assistante aussi distinguée que volcanique de Largo Winch. Les dessins de William Vance, décédé le 14 mai dernier, et de Jean Giraud, dessinateur de « La version irlandaise » disparu en 2012, s’entremêlent habilement à ceux du nouveau venu Philippe Xavier, qui se glisse dans cet univers foisonnant avec humilité et efficacité, d’autant plus que le lettrage des séquences dessinées est identique à celui de Vance dans le premier cycle.

Pour le treizième et ultime volet de la série XIII Mystery (basée sur le principe d’un album dessiné par une équipe différente travaillant ensemble pour la première fois), Jean van Hamme revient aux affaires, se réservant deux des dames les plus marquantes du premier cycle. « Judith Warner » (sorti le 19 octobre) éclaire certains dossiers de « L’enquête – Deuxième partie ». Il aurait d’ailleurs fort bien pu être baptisé « Jessica Martin », car nous en apprenons autant sur l’une que sur l’autre (le titre « Judith et Jessica » avait même été annoncé dans un hors-série de l’Express consacré à XIII). Autour de ces deux personnages forts, Jean van Hamme construit un véritable thriller au féminin, que n’auraient pas renié, jusqu’au dénouement final, un Paul Verhoeven ou un Clint Eastwood. Côté dessin, le trait d’Olivier Grenson anime idéalement Judith et Jessica, femmes de tête, mais aussi femmes blessées à la recherche de leur propre vie.

Au fil de ces deux albums, Jean van Hamme tire ainsi de nouveaux fils d’un univers qu’il connaît par coeur, tout en instillant la dose de distanciation ironique qui a fait sa marque, aussi bien sur XIII que Largo Winch. En somme, Jean van Hamme passe, impair… et gagne !

©Jean-Philippe Doret

 

XIII Mystery T13 « Judith Warner »

Scénario : Jean van Hamme

Dessins : Olivier Grenson

56 pages

 

XIII T13 « L’enquête – Deuxième partie »

Scénario : Jean van Hamme

Dessins : Philippe Xavier & William Vance

32 pages

 

Dargaud

02 Déc

Festival AngersBD 2018 : les lauréats sont…

 

Nos embellies

Gwénola Morizur (Auteur), Marie Duvoisin (Illustrations)

Lily apprend qu’elle est enceinte, au moment où son compagnon lui annonce qu’il va partir en tournée avec son groupe et lui demande de s’occuper de Balthazar, son neveu, qui arrive du Canada. Lily tente d’apprivoiser ce gamin qu’elle n’a jamais vu et qui traîne avec lui la tristesse de la séparation de ses parents. Sur un coup de tête, elle quitte Paris avec Balthazar. Sur la route, ils rencontrent Jimmy, un jeune homme en marge. Leur périple les mène jusqu’à Pierrot, un berger qui élève seul ses brebis avec son chien. Ensemble, ces âmes déboussolées vont retrouver un souffle de vie.

 

Et si l’amour c’était aimer ?

Fabcaro (Auteur)

Présentation de l’éditeur

Sandrine et Henri coulent des jours paisibles dans leur villa. Henri est un patron de startup épanoui et dynamique et Sandrine l’admire. Mais hélas la vie n’est pas un long fleuve tranquille… Un beau jour, Sandrine tombe sous le charme de Michel, un brun ténébreux livreur à domicile et chanteur de rock à ses heures perdues. Une idylle merveilleuse va alors se nouer entre eux.

Sandrine et Henri coulent des jours paisibles dans leur villa. Henri est un patron de startup épanoui et dynamique et Sandrine l’admire. Mais hélas la vie n’est pas un long fleuve tranquille… Un beau jour, Sandrine tombe sous le charme de Michel, un brun ténébreux livreur à domicile et chanteur de rock à ses heures perdues. Une idylle merveilleuse va alors se nouer entre eux. Mais la vie est-elle toujours du côté de l’amour ? Les sentiments purs et absolus ne sont-ils pas qu’une feuille morte emportée par le vent ? Un arc-en-ciel ne finit-il pas toujours par disparaître derrière les nuages ?

Un hommage appuyé aux romans-photos et aux collections de romans à l’eau de rose. Si vous pensiez avoir fait le tour de la question sur ce genre de littérature de gare, laissez-nous vous proposer l’idée qu’on peut, en fait, aller beaucoup plus loin, grace à Fabcaro.

Un mot de l’auteur

Fabcaro, dessine depuis l’enfance et décide de s’y consacrer pleinement à partir de 1996. Il travaille pour la presse ou l’édition, pour différentes revues de bande dessinée telles : Fluide Glacial, FLBLB, Psikopat, Jade, Tchô !, L’Echo des Savanes, Zoo, Mauvais esprit et CQFD. Il a publié chez des petits éditeurs (comme La Cafetière ou 6 Pieds sous terre) comme chez des gros (Audie, Lombard avec la reprise d’Achille Talon) des ouvrages pleins d’humour ou il passe à la moulinette le compor-tement de ses contemporains, sans oublier de s’égratigner en premier lieu. Il est aussi l’auteur d’un roman publié en 2006 chez Gallimard, Figurec, dans la prestigieuse collection Blanche. Fabcaro multiplie les collaborations où il officie en tant que scénariste, avec James, Boris Mirroir (Amour, Passion et CX diesel) ou encore Fabrice Erre (Z comme Don Diego, Mars). Après Carnet du Pérou qui fut l’un des livres d’humour marquant de 2013, sélectionné pour les prix d’Angoulême en 2014, son précédent ouvrage chez 6 Pieds sous terre, Zaï Zaï Zaï Zaï, paru en 2015 est un énorme succès, tant public que critique, couronné par de nombreux prix : Prix du public Sud-Ouest/Quai des bulles à St-Malo,Prix RTL BD du mois, Album d’or Festival de Brignais, Mention spéciale du Président du jury du prix Landerneau 2015, Prix des Libraires de bandes dessinées 2016, Prix de l’association des critiques (ACBD) 2016, Prix SNCF du Polar 2016.

 

Feya, (tome 2)

de Marc Lataste (Auteur)

Présentation de l’éditeur

A la fin du premier tome (paru en mars 2018), nous avions laissé Feya avec un bien lourd secret : elle n’était qu’un être de synthèse parmi d’autres, construits par l’étrange Doc Bot, dernier véritable humain sur Terre. Marc Lataste poursuit son aventure pleine de fantaisie, de bagarres incroyables, entre magie, nature et technologie ! Cette fois-ci, nous ferons la rencontre d’Aban, le frère de Feya, d’un étrange et terrible robot et de bien d’autres visiteurs extra-terrestres… La série est avant tout à destination des enfants, conseillée à partir de 8 ans (même si tous s’y retrouvent !). À travers une aventure fun et revigorante, véritable hommage aux mangas de sa jeunesse, l’auteur continue de brasser des thèmes aussi riches que le métissage, les questions d’environnement, l’opposition Nature versus Technologie, mais aussi des thèmes plus humains comme l’amitié et la fraternité. Sans que jamais ces interrogations prennent le dessus sur l’aventure avec un grand A.