28 Mai

Les sénateurs sur le chemin de l’école

Après l’Assemblée Nationale le 19 mars, c’est dans la nuit de vendredi à samedi dernier que les sénateurs ont adopté en première lecture le projet de loi de Refondation de l’Ecole. Le texte revient donc en seconde lecture devant les députés avec quelques modifications, notamment concernant les langues régionales. La veille du vote général, les sénateurs ont adopté un article qui n’a rien à voir avec la version provenant de l’Assemblée puisque l’accord préalable des parents pour utiliser une langue régionale en classe a disparu. Le Parti Occitan se réjouit du « pas très positif » fait par le Sénat et estime que cet article permet enfin « la reconnaissance par la loi de l’enseignement des langues, et dans les langues, puisqu’il consacre l’existence du droit à l’enseignement bilingue français-langue régionale. »

La version de l’article 27 bis adoptée par les sénateurs est la suivante :

Article 27 bis

I (nouveau). – L’article L. 312-10 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-10. – Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage.

« Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.

« Le Conseil supérieur de l’éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées à l’article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l’étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage.

« L’enseignement facultatif de langue et culture régionales est proposé dans l’une des deux formes suivantes :

« 1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ;

« 2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale.

« Les familles sont informées des différentes offres d’apprentissage des langues et cultures régionales. »

II. – L’article L. 312-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-11. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 121-3, les enseignants du premier et du second degré sont autorisés à recourir aux langues régionales, dès lors qu’ils en tirent profit pour leur enseignement. Ils peuvent également s’appuyer sur des éléments de la culture régionale pour favoriser l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires. »

 

Clément Alet.

16 Mai

Un asile et un jour symboliques

Faute de ratification de la charte européenne des langues minoritaires, faute de statut légal de ces langues, leurs défenseurs se sont retrouvés mercredi 14 mai à Paris devant l’UNESCO.

A l’initiative du collectif du 31 mars (date de manifestations survenues partout en France en 2012), occitans, basques, bretons, catalans, basques et créoles ont demandé l’asile culturel. Une requête symbolique pour que l’institution internationale fasse pression sur le gouvernement français afin qu’il défende un patrimoine linguistique menacé.
Ces militants associatifs -mais aussi des politiques- ont été reçus par un représentant de l’UNESCO qui a promis que sa Direction Générale enverrait un message au Président de la République. « Nous avons saisi les Nations Unies pour ce problème culturel que posent les langues de France aujourd’hui » affirme Jean-François Laffont, président de Convergencia Occitana de Toulouse qui a coordonné cette opération.
Une centaine de militants, de toutes les langues de France, réunis pour la première fois dans un même lieu, pour une même cause : « Nous sommes déterminés et pas encore désespérés… Ce n’est pas un aboutissement mais un jour de départ vers une reconnaissance » poursuit l’avocat toulousain.
Alors que François Hollande a enterré sa 56ème proposition (ratifier la charte européenne), alors que la place des langues régionale dans la loi d’orientation pour la refondation de l’école est toujours en discussion, les défenseurs ont tiré la sonnette d’alarme. Dans le même temps, et ce n’est sans doute pas un hasard, le député Jean-Jacques Urvoas annonçait sur France 3, que les députés socialistes bretons déposeraient une proposition de loi constitutionnelle sur les langues, si le gouvernement -comme c’est probable- ne le faisait pas avant la fin juin.

Benoit Roux

 

08 Mai

La chasse au patois à l’Ecole est-elle de retour ?

©MaxPPP

Pendant que certains députés ferraillent avec le gouvernement concernant la ratification de la Charte Européenne des Langues Régionales, des sénateurs vont désormais devoir prendre le relais sur une autre question : celle de l’enseignement des langues régionales. Le 15 mai prochain, le projet de loi de Refondation de l’Ecole arrive en seconde lecture et avec l’espoir d’une réécriture pour de nombreux enseignants. L’enjeu n’est autre que de faire modifier l’article 27 bis, voté à l’Assemblée qui remet clairement en cause l’enseignement des langues dites « régionales ». Jusqu’à ce jour, la loi laissait la possibilité aux maîtres de maternelle ou de primaire d’utiliser ces langues au profit de l’enseignement et notamment de l’étude du français. En clair, les enseignants pouvaient, s’ils le souhaitaient, utiliser l’occitan ou le breton en classe. Désormais, selon l’article modifié en première lecture, ils ne pourront le faire que si les parents en sont d’accord. Dans un courrier du 5 avril dernier, Philippe Martel, président de la F.E.L.C.O. (Fédération des Enseignants en Langues et Culture d’Oc) interpelle directement celui qui a soutenu cette modification, le Ministre de l’Education, Vincent Peillon lui-même : Actuellement et depuis 62 ans les enseignants étaient « autorisés »… Demain avec votre loi ils devraient demander une autorisation pour continuer de faire ce qu’ils peuvent faire aujourd’hui…? On serait ainsi plus près de la chasse au patois de jadis que de la « promotion des langues régionales » et de la diversité culturelle attendue aujourd’hui ! Cette « innovation » est catastrophique, et nous vous demandons solennellement de supprimer cet article quand votre projet de loi d’orientation viendra en débat au Sénat.

Engagés depuis plusieurs mois dans la bataille, les membres de FELCO ainsi que ceux de 17 autres associations de professeurs ou d’enseignants en langues régionales en France n’ont pas l’intention de lâcher maintenant. Depuis le début de la 14ème législature, près de 50 questions écrites ou orales ont été posées par des députés ou des sénateurs à propos des langues régionales. La quasi-totalité de ces questions concerne l’enseignement et sont le fruit du travail mené dans l’ombre par ces enseignants et ces professeurs. La prochaine interrogation est donc fixée au 15 mai et le gouvernent est prié cette fois-ci de relire sa copie avant de la rendre.

Clément Alet

03 Mai

Langues régionales : les nouveaux fronts de la bataille

Hémicycle de l'Assemblée Nationale

© MaxPPP

La bataille continue pour les défenseurs des langues régionales en France et le front semble même s’élargir. Sur le plan politique, des députés ne cessent d’intervenir depuis quelques semaines maintenant pour faire infléchir le gouvernement et en plus haut lieu, le chef de l’Etat, sur la question de la ratification de la charte Européenne des langues régionales. S’abritant derrière l’avis Conseil d’Etat, le Président de la République a renoncé, ce qui n’est pas le cas de certains parlementaires. Une première fronde « girondine » vise directement l’exécutif. Dans un courrier daté du 30 avril dernier, huit parlementaires socialistes de Gironde parmi lesquels on retrouve Vincent Feltesse mais également Noël Mamère ou encore Martine Faure, ont demandé à Jean-Marc Ayrault de revoir la copie afin de « permettre la tenue de l’engagement présidentiel », la fameuse promesse 56. Les girondins ne demandent pas moins qu’une loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Mais au-delà du front girondin, ce sont d’autres députés, réunis au sein du groupe d’étude sur les langues régionales à l’Assemblée qui ont interpellé le Premier Ministre dans un courrier commun le 26 avril dernier. En signant ce courrier, les députés Paul Molac, Jean-Jacques Urvoas, Marc le Fur, Martine Faure, Jean-Pierre Decool, Thierry Benoit et Paul Giacobbi,  représentant chaque groupe de l’Assemblée Nationale (sauf GDR Gauche Démocrate Républicaine) affirment qu’il existe une voie, une faille, dans laquelle le gouvernement pourrait s’engouffrer pour ratifier, malgré l’avis négatif du Conseil d’Etat : « Le groupe d’études [des langues régionales] estime que cet avis est contestable en droit et en fait et souhaite vivement que le Gouvernement n’empêche pas le pouvoir constituant de réviser la Constitution. Un pouvoir constitué ne saurait se substituer au législateur en lui imposant des normes supra constitutionnelles qu’il ne pourrait modifier ».

Si l’action politique bat son plein entre l’Assemblée, Matignon et l’Elysée, sur le terrain, le mouvement associatif semble également se remobiliser. C’est à Paris, le 15 mai prochain que les défenseurs des langues régionales ont rendez-vous à l’appel du collectif du 31 mars 2012. Sur le parvis de l’UNESCO, ils vont solennellement demander à cette institution l’asile culturel,  et la « mise sous protection » des langues de France.
Clément Alet