17 Déc

Vive Calvi !

Il est de bon ton dans les milieux autorisés de dire qu’on ne regarde jamais la télévision. Je constate donc avec plaisir que je ne dois pas en faire partie. J’aime tout « dans le poste », à part le sport parce que rien que le voir me fatigue en me culpabilisant et surtout la télé-réalité puisqu’à mon sens ce n’est ni de la télé ni la réalité.

Quiconque possède un zappeur peut constater la variété incroyable des possibilités qu’offrent les « bouquets » (mot très bien choisi, vingt roses valent effectivement plus que cinq). Ayant beaucoup voyagé, je peux vous assurer que la télévision française est vraiment ce qui se fait de mieux. Ma préférence allant aux débats politiques dont certains vous dirons que ce n’est rien d’autre que de la radio filmée. C’est faux ! L’image change tout, les silences à la radio sont aussitôt une erreur technique, alors que devant les caméras le spectacle continue et une hésitation en dit parfois plus long qu’un interminable discours.

En soi la chose politique m’est assez étrangère mais je suis fasciné par sa comédie. Et dans cet exercice je fais partie de ces nombreux téléspectateurs qui affectionnent Yves Calvi.

Copyright Jean-Marie Périer

Copyright Jean-Marie Périer

Il pose souvent la question juste parce qu’elle ressemble à celle qu’on aimerait poser. Il n’a pas ce travers absolument insupportable de beaucoup de ses confrères qui consiste à systématiquement interrompre ses invités au milieu d’une phrase. Il ne s’adonne pas à des mimiques de désapprobation à coups de regard vers le plafond pour déstabiliser l’autre, bref il n’invite pas des gens à seule fin de se mettre en valeur. Et s’il lui arrive d’être espiègle ce n’est jamais malveillant ou vulgaire. J’avoue que, quelqu’en soit la raison, j’enrage quand son émission est déprogrammée le lundi soir sur France 2.

Bref, pour moi Yves Calvi est à la politique ce que Pivot était à la littérature.

Bon. Si ça ce n’est pas du compliment, qu’on me les coupe.

Jean Marie Périer

16 Déc

Que les Boutins aillent « boutiner » ailleurs !

J’entends à nouveau depuis deux jours parler d’euthanasie. Pourquoi en France sommes-nous si souvent en retard sur d’autres pays européens ?

Je ne veux pas vous infliger une fois encore mon parti pris sur ce sujet. Je vous laisse pour cela lire ou relire le billet que j’ai publié sur ce blog il y a quelques temps et je préfère laisser la parole à ceux qui, concernés, en savent plus que moi.

Mais attendu qu’à bientôt soixante-quatorze ans je vais, par la force des choses, cesser d’être un amateur pour devoir me rapprocher des spécialistes, j’aimerai entendre des médecins, des malades ou des familles, mais surtout pas des politiques ou des religieux.

Par pitié, que les Boutins aillent «boutiner» ailleurs.

Jean-Marie Périer

09 Déc

Belle semaine

Olivier Marchal © Jean-Marie Périer

Olivier Marchal© Jean-Marie Périer

Une émission de télévision traitant de l’automobile (Turbo) ayant souhaité m’interviewer avec Olivier Marchal. Plus emballé à l’idée de le rencontrer que de parler voitures, j’acceptai aussitôt. Acteur, scénariste ou réalisateur, ce type a tous les dons, il me fait presque regretter de ne pas avoir commencé ma vie dans la police. Derrière une apparence timide un peu bourrue, comme mon ami Dutronc c’est un vrai gentil. Mais un premier contact en présence d’une caméra freinant la simplicité des rapports, j’espère vivement le revoir un jour devant un pot au feu, attendu qu’en France toute chose sérieuse commence par un déjeuner.

Le plus étonnant fut que le réalisateur nous donna rendez-vous dans une galerie de Saint-Germain des Prés où étaient exposées les photos d’un photographe que je ne connaissais pas. Vous allez entendre parler de lui en 2014, il s’appelle Roger Kasparian et son histoire est incroyable. Fils d’un opérateur qui faisait des portraits pour le studio Harcourt, il travaillait seul en free-lance, vendant ses images à différents journaux. Ca ne lui était sûrement pas facile parce qu’il ne bénéficiait pas comme moi d’une situation aussi exceptionnelle que non méritée grâce à « Salut les copains ». Daniel Filipacchi, voulant que je symbolise le journal, parlait sans cesse de moi dans son émission et me mettait ainsi en lumière pendant que Kasparian, lui travaillait dans l’ombre. Or son travail est formidable, car pendant que je rêvais des images destinées à être épinglées sur les murs des chambres des adolescents, lui faisait des photos de reportage qui montraient la réalité des années 60. Au début des années 70, reprenant le magasin de photos de son père, il abandonna le monde du show-business pour immortaliser des naissances et des mariages.

Et c’est un ami rencontré par hasard dans une brocante qui va lui proposer de ressortir ses photos oubliées depuis quarante ans dans des cartons. Je l’ai rencontré, il est très sympathique et merveilleux de simplicité. Selon lui il m’avait rencontré une fois dans les bureaux du journal pour vendre ses photos. Je lui en avais fait acheter une me dit-il, mais je ne m’en souviens pas. En voyant ses images je me rends compte que j’aurais dû l’engager à l’époque, mais j’avais déjà cinq photographes en staff. Avec moi ça faisait six pour un mensuel, c’était déjà beaucoup. Je suis donc passé à côté de lui, tandis qu’il devait se débrouiller tout seul parce qu’il n’avait pas les avantages dont je bénéficiais. Bon que voulez-vous c’est comme ça, je ne vais quand même pas m’excuser d’avoir eu de la chance… En attendant qu’il se rassure, les choses vont s’arranger pour lui, Philippe Manoeuvre prépare un livre sur son travail, il va avoir beaucoup de succès et je m’en réjouis parce qu’il a du talent. D’ailleurs je lui ai acheté une photo de Françoise Hardy, c’est vous dire, parce que franchement je n’en manque pas, mais la sienne est plus vraie, moins posée, elle ressemble merveilleusement à la jeune femme que j’ai connu. Bravo Roger !

Jean Marie Périer

01 Déc

Daniel Auteuil et mon père

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Cette photo date d’au moins quinze ans. Bien sûr j’aurais pu demander à Daniel Auteuil d’en faire une nouvelle puisque j’ai eu la chance de le voir cette semaine au théâtre de Paris en compagnie de Richard Berry dans la pièce «Nos femmes», leur incroyable succès du moment. Mais j’ai pour habitude de ne déranger les gens que lorsque c’est indispensable et comme j’ai sous la main ce portrait de lui que j’aime bien…

Je n’avais pas mis les pieds au théâtre depuis des années, il faut dire que ma désaffection pour ce genre de spectacle date d’il y a très longtemps. Attendu que c’était la passion de mon père, François Périer, je n’ai rien dit pendant cinquante ans. J’ai passé mon enfance dans les théâtres pour voir ce père extraordinaire mais si souvent absent. Les jours où il ne tournait pas un film, il ne fallait pas faire de bruit jusqu’à midi et les semaines précédant les «générales» de ses pièces la nervosité engendrée par son trac imprégnait les murs de la maison.

En pénétrant dans la salle où le public l’attendait, il y avait cette odeur lourde qui me rebutait, je trouvais que ça sentait  « le vieux », je ne comprenais pas pourquoi autant de gens toussaient et puis d’une certaine façon, ils me prenaient mon père.

Alors ma préférence allait aux coulisses, avec les actrices qui me chuchotaient des gentillesses comme dans une église, on m’emmenait jusqu’à sa loge dont les murs étaient recouverts de photos de nous ses enfants, puis une avec sa femme et une avec Louis Jouvet, son maître. Parfois dans le haut-parleur des couloirs j’entendais le son de sa voix monter de la scène où il jouait, mais lorsque son personnage se mettait en colère c’était mon père que j’entendais et ça me faisait un peu peur. Alors je descendais près du rideau ouvert et caché du public je le regardais évoluer à l’aise sur la scène en attendant qu’il me repère. Et là, généralement il me souriait et se dirigeait vers moi en faisant semblant de sortir, puis sans que le public ne le voit, il me caressait la joue en murmurant «Ca va mon grand ?». Alors j’étais content, il pouvait retourner distraire les spectateurs, maintenant c’était moi qui le leur prêtait.

L’autre soir dans les coulisses je suis allé féliciter Richard et Daniel pour leur formidable performance. Ce dernier m’a parlé avec émotion de la pièce qu’il avait joué jadis aux côté de mon père (« Coup de Chapeau », à la Michodière il y a trente ans), ça m’a vraiment touché, car ce soir-là en regardant Daniel Auteuil évoluer sur la scène, c’est mon père que je revoyais.

Jean-Marie Périer

25 Nov

Mort douce

© Jean-Marie Périer

© Jean-Marie Périer

Cette photo faite dans mon jardin aveyronnais il y a deux jours m’a fait penser à ce que je viens de lire dans «Aujourd’hui en France». Le titre : «Bernard et Georgette voulaient une mort douce»

On voit ce couple en photo lorsqu’ils étaient jeunes et beaux. Ils ont réussi le miracle de vivre ensemble toute une vie et désirent ne pas être séparés par la mort. Quand je pense qu’ils ont dû se cacher dans un hôtel luxueux de la Capitale et utiliser un sac en plastique sur leur tête pour avoir le droit de partir en se tenant la main, j’ai honte.

Comment en 2013 peut-on encore en France interdire l’euthanasie ? Comment ose-t-on encore accepter les dogmes des religions dont je ne nie pas les bienfaits ou l’utilité mais dont on sait depuis des lustres qu’elles sont responsables de la plupart des ennuis de la planète, à commencer par les guerres.

J’ai trois enfants, ils sont le centre de ma vie et je suis très fier d’eux. Mais je ne suis pas pour autant fier de moi de les avoir mis sur terre, je ne leur ai même pas demandé leur avis et ils n’auraient pas le droit de choisir l’heure de leur mort ?

Moi qui ai eu toutes les chances et une vie des plus enviables, lorsque je vois le monde, ses horreurs, ses injustices, d’accord il y a la musique, la littérature, les vins du Languedoc et la terrine de foie de volaille, mais si on m’avait posé la question je ne suis pas certain que je n’aurais pas préféré rester au chaud dans le ventre ma petite mère ou même une idée dans ses rêves de jeune fille.

Par pitié, que les extrémistes de tous bords se prennent par la main pour nous foutre la paix. Je prie Georgette et Bernard de m’excuser au nom de l’inhumaine humanité et je leur souhaite le plus beau des voyages possible.

Jean-Marie Périer

17 Nov

Françoise Hardy et Jacques Dutronc

Vous avez peut-être vu sur France 2 mercredi 13 novembre l’émission de Laurent Delahousse «Un jour un destin» consacrée à Françoise Hardy et Jacques Dutronc. L’émission était très bien faite mais je n’ai pu m’empêcher d’avoir un soupçon de gêne en pensant à mes deux amis. Comme ce doit être étrange de voir sa vie racontée, disséquée et en fin de compte résumée par «les autres».

Faisant partie de ces derniers, je n’étais pas très fier. De quel droit osai-je claironner tout haut ce qu’ils auront passé leur vie à garder dans le non-dit, quitte à distiller des messages discrets dans des chansons ? C’est le lot des gens célèbres parait-il, alors vive l’anonymat !

Copyright Jean-Marie Périer

Copyright Jean-Marie Périer

Mais là où ils sont tous les deux très étonnants, c’est qu’aux SMS de félicitation que je leur envoyai après le générique de fin, ils ne répondirent que le lendemain matin.

Le SMS de Françoise : «J’étais très fatiguée hier et ai éteint à 22h 15. Je regarderai après-demain, car ce soir je veux absolument voir sur Arte les 3 derniers épisodes de la série de Jane Campion Top of the Lake».

Le SMS de Jacques : «Je le regarderai peut-être dans trois semaines !»

Je crois les connaitre suffisamment pour savoir que c’est vrai. Avouez qu’il est assez singulier de ne pas regarder tout de suite deux heures de télévision qui racontent votre vie.

Ils sont la famille que je me suis choisie

Voilà une des raisons principales pour lesquelles ils sont la famille que je me suis choisie. Ils touchent beaucoup de monde mais ne ressemblent à personne.

Jean-Marie Périer

Un homme qui déjeune seul

Pourquoi le spectacle d’un homme qui déjeune seul est-il si triste ? Le nez plongé dans ses journaux, arborant l’air concerné par les rumeurs du jour, il tourne les pages des magazines sans même en lire une ligne. Il y a bien longtemps qu’il n’accorde plus de crédit aux babillages des gazettes, comme du temps où il pensait sincèrement forger son opinion grâce aux journalistes, alors il se console en continuant de dévaliser les kiosques, renvoyant ainsi l’ascenseur à une profession dont l’avenir ressemble à un naufrage.

Depuis l’arrivée d’internet, la presse est prête à tous les « bashings » pour se maintenir la tête hors de l’eau, courant ainsi le risque de confondre les mensonges avec la réalité, car le danger est grand de penser que si c’est dans le journal c’est que c’est vrai.

Je me souviens de ce journaliste croisé dans les années 50 travaillant dans un hebdomadaire dont je tairai le titre qui avait inventé un fait divers de toute pièce, photo trafiquée à l’appui. Tandis qu’il se gaussait auprès de ses confrères d’avoir berné tout le monde avec son canular. Voilà qu’il se mit tout à coup à y croire sincèrement le jour où son article fut imprimé.

Ignorant le bruit du restaurant, l’homme seul prend l’air concentré, la tête dans la main afin d’oublier la chaise vide qui lui fait face et les regards désolés des autres, de ceux-là qui sont deux ou alors en famille.

Peut-être aujourd’hui n’aurais-je pas dû déjeuner seul, le problème c’est que j’aime beaucoup ça.

Jean-Marie Périer

09 Nov

Sandrine Kiberlain

Cette photo a quelques années, vous donner sa date ne serait pas très élégant. Si je vous la montre aujourd’hui, c’est parce que je me souviens du jour où Vincent Lindon m’avait invité à dîner en ajoutant entre deux tics : «Je vais te faire rencontrer celle qui sera un jour la plus grande actrice française».

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Copyright Jean-Marie Périer

Effectivement à l’époque elle était inconnue et effectivement Vincent avait raison comme souvent. Vous pouvez juger par vous-même en allant voir «9 mois ferme» d’Albert Dupontel, à mon sens le meilleur metteur en scène français depuis Bertrand Blier, ou « Violette », que je n’ai pas vu mais dans lequel je peux vous affirmer les yeux fermés qu’elle est extraordinaire attendu qu’elle l’est à chaque fois. (Qu’est-ce que les frères Cohen attendent pour l’appeler ?)

Je vous vois venir, roucoulant «Il en pince le vieux ?», aussi rassurez-vous, aujourd’hui je n’ai d’yeux que pour ma chienne Daffy. Néanmoins vous cacher que j’en ai pincé lorsque je l’ai rencontré serait mentir. Aujourd’hui j’ai le privilège de l’avoir pour amie, si tant est que dans cette profession ce mot veuille dire quelque chose. Disons qu’entre nous il y a peut-être de la tendresse et en tout cas de l’estime, ce qui a plus de chance de durer.

Le spectacle que je préfère étant celui de l’intelligence, plongez dans «Naissance» le livre de Yann Moix c’est un chef-d’oeuvre. Armez-vous d’humour et laisser-vous aller à flirter avec le désespoir et je vous promets l’éblouissement. Bien sûr pour ceux qui comme moi aiment à lire allongés le poids de l’objet pose problème (1200 pages !). C’est pourquoi je l’ai aussi acheté en version numérique afin de pouvoir le lire sur mon indispensable iPad.

Pour finir, j’ai vu sur France 3 un sujet au JT qui montrait des gens déversant les cendres d’un être aimé dans la mer en écoutant des chansons de Michel Sardou. Il y a quelques années cela m’aurait énervé puisque je considérais qu’il m’avait volé ma soeur Anne-Marie en la prenant pour femme, mais depuis que j’ai pu constater à quel point il a su la rendre heureuse, je suis touché de voir une famille célébrer le départ de quelqu’un au rythme de « la maladie d’amour ».

Jean-Marie Périer

01 Nov

Albert Estival

Il y a quelques mois, en me promenant dans Paris, je suis frappé par ce slogan : « J’ai seize ans et je veux une retraite ». L’idée me semble étrange, comment peut-on déjà penser à ses vieux jours en plein milieu de son adolescence ? Moi qui ne suis plus de la première jeunesse, je ne me suis pas encore vraiment penché sur la question.

Je photographiai donc cette affiche en la gardant de côté, certain que je m’en servirais un jour. C’est là qu’intervient Albert Estival, plus connu sous le nom de « Bébert le coiffeur ». Albert est une figure de Capdenac-Gare dans l’Aveyron. Il a travaillé toute sa vie, depuis son apprentissage à l’âge de douze ans, jusqu’à il y a quelques années. Après avoir commencé par faire des stages à Saint-Céré, à Brive puis à Lacapelle-Marival, c’est enfin à Capdenac-Gare, qu’en stage dans un salon pour hommes, il va rencontrer Paulette, une jeune femme qui travaille dans le salon d’à côté, un établissement réservé aux dames.

Il voudrait bien l’épouser, mais c’est la guerre et certains Français bienveillants à l’égard de l’occupant l’envoient aussi sec aux chantiers de jeunesse.

De longs mois passent, il lui faudra un peu d’imagination et beaucoup de chance pour obtenir une permission et c’est grâce à une appendicite chronique et à un médecin conciliant qu’il pourra enfin épouser Paulette. Plus tard, grâce à l’estime de clients fidèles qui l’aideront à se financer, il pourra prendre en gérance le salon pour hommes pour lui et celui réservé aux dames pour sa femme. C’est là que naitra la légende de « Bébert », le prince de la coiffure de la région grâce à ses deux boutiques situées sur le même trottoir et séparées par seulement quelques mètres. C’est pourquoi j’ai voulu le faire poser, lui et ses soixante années de boulot, devant une affiche dont le message, certes empreint de bons sentiments, devient forcément ridicule si vous regardez Albert dans les yeux.

Copyright Jean-Marie Périer
Copyright Jean-Marie Périer

Que l’UMP me pardonne, je n’éprouve aucun intérêt pour les bisbilles gauche/droite, je vous prie donc de ne voir aucun message politique dans cette photo. Mais voilà un homme veuf depuis bientôt dix ans, qui aura travaillé toute sa vie, et qui se retrouve à quatre-vingt-dix printemps dans une époque où des gamins se permettent de penser à la retraite au lieu d’essayer de réinventer le monde.

JMP

Laurent Baffie

Vous je ne sais pas, mais personnellement je ne supporte plus les chroniqueurs qui font les malins sur les ondes à longueur d’année en dénigrant les artistes, les politiques et les gens en général. Dire du mal est devenu le passe-temps favoris de ces pigistes de la raillerie systématique. C’est pourquoi dans le marigot médiatique, un des rares humoristes à me toucher vraiment c’est Laurent Baffie, car si vous regardez son travail de près, vous réaliserez que malgré le mal qu’il se donne pour être à la hauteur de sa réputation de « sniper », il a à mes yeux la qualité la plus rare : il est gentil. Mot terrible, à ne pas répéter dans les salons où il est de bon ton de ricaner en affichant un implacable cynisme menant souvent à la plus grande vulgarité. Contrairement aux idées reçues dans les hautes sphères de l’intelligentsia médiatique, j’ai toujours trouvé que la preuve la plus aiguë de l’intelligence était justement la gentillesse.

Copyright Jean-Marie Périer

Copyright Jean-Marie Périer

Contrairement à ceux qui ont copié son équilibrisme en flinguant les autres pour mieux parler d’eux-même, Laurent Baffie ne se dévoile jamais. Est-il marié, a-t-il des enfants, personne ne sait ? Il ne se répand pas. Il est doté d’un cerveau qui tourne à une vitesse hors du commun, particulièrement quand il se retrouve dans une émission en direct, autrement dit dans la situation la plus propice au dérapage, là il est certainement le plus rapide de tous. En plus, sa nonchalance cache une obsession du travail bien fait, par exemple les pièces de théâtre dont il est l’auteur sont drôles, originales et dénuées de prétention.

Il les a écrites comme ça, sans fanfaronner. Se payer le luxe d’avoir l’air d’un dilettante demande beaucoup de sérieux et une aptitude naturelle à l’élégance, car comme chacun sait, l’élégance c’est ce qui ne se voit pas.

Ainsi que vous l’aurez compris, j’aime beaucoup ce type-là et pour plein de raisons, dont une en particulier : derrière son sourire franc, si vous regardez bien ses yeux, vous y lirez l’inquiétude de ceux qui ne sont dupes de rien et qui préfèrent en rire pour éviter de pleurer.

JMP