21 Nov

Châlucet vu par Jean-Louis Paguenaud

Numérisation_20161121 (3)

Reproduction en noir et blanc dans le tiré à part

Paysages du Limousin

édité par la région du Sud-Ouest S.N.C.F. à l’automne 1948

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Jean-Louis Paguenaud, pseudonyme de Jean-Philippe Paguenaud, né en 1876 à Coussac-Bonneval  (87), et mort le en à Limoges (87), est un peintre français.

18 Nov

Agnès Clancier revient au lycée Gay-Lussac

Lire à Limoges 14 022

Agnès Clancier à Lire à Limoges 2014 (c) L. Bourdelas

Samedi 19 novembre à 17h, la romancière et haut-fonctionnaire, apparentée à Georges-Emmanuel Clancier, est l’invitée des Rencontres de Gay-Lussac organisées par l’association des Anciens Elèves au lycée. Son dernier ouvrage paru s’intitule Karina Sokolova (Editions Arléa, collection 1er/mille). Il est paru en 2013.

Le premier souvenir que je conserve d’Agnès Clancier au fond de moi est celui de notre classe de cinquième dans un collège de Limoges : le moment où l’on vint la chercher pendant un cours parce que sa mère venait de s’éteindre. Il est question de cela dans Karina Sokolova, livre double, qui raconte l’adoption de sa fille en Ukraine, puis l’apprentissage de la vie à deux – mère et fille –, mais aussi l’enfance et l’adolescence souvent douloureuses de la narratrice, dans ce qui est bien un récit et pas un roman. « Il est périlleux de vieillir lorsqu’on n’a pas eu le modèle de sa mère devant soi. » Les souvenirs surgissent naturellement à la fin du livre, lorsqu’il s’agit d’évoquer les parents disparus en s’adressant à la jeune fille : « Je m’aperçois que je t’ai peu parlé d’eux. » Et la douleur rétrospective affleure : « je n’ai vu, moi, que le plus sombre de leur vie. » Malgré de fugitifs instants de bonheur, Agnès Clancier évoque les disputes entre ses parents, leur divorce, la mort de sa courageuse mère – « Un jour, en lavant la vaisselle, elle a laissé échapper ce qu’elle avait dans les mains et s’est courbée en deux en se tenant le ventre. L’année suivante, elle est morte. » –, le retour chez le père – « Il avait commis une sorte de suicide lent, nous infligeant la vision d’une longue agonie, des années d’une errance aux enfers, où il ne pouvait s’empêcher d’essayer d’entraîner ses proches… » Il y a de très beaux passages sur les parents dans ces lignes, par exemple sur un fauteuil que la narratrice garde parce qu’il est taché par une goutte de sang de son père, homme vulnérable dont elle a perçu la faille. Temps « de fureurs et de larmes » où Agnès Clancier fit du karaté parce que son père estimait que « dans la vie, il faut savoir se battre. » Je me dis en parcourant ces lignes que j’étais tellement naïf, tellement « à côté », fasciné par cette jeune collégienne aux cheveux longs et aux si beaux yeux, lorsque quelques instants je marchais à ses côtés, sur les chemins du plateau de Millevaches, du côté de Pigerolles, où je n’ai jamais cessé d’aller, depuis.

Karina Sokolova est l’histoire, écrite sans pathos et dans un style travaillé mais léger, ponctué de traits plein d’humour et d’auto-dérision, de l’adoption d’une petite fille ukrainienne à qui la narratrice s’adresse. Désir d’adoption venu des tréfonds de l’enfance (la grand-mère paternelle d’Agnès Clancier avait elle-même été adoptée, mais elle ne l’apprit que bien plus tard), désir de maternité d’une femme vivant seule la plupart du temps. Adoption précédée par un émouvant passage dans une église orthodoxe de Kiev – presque un hasard, mais existe-t-il vraiment ? – où la narratrice assiste à la fois à la ferveur religieuse et à la détresse d’une femme pleurant et priant, projection possible de la mère de l’enfant qu’elle va adopter, projection possible d’elle-même ; une sorte d’autre baptême, de recommencement. Le livre est donc celui de l’apprentissage de la maternité, rendu encore plus fragile et sensible par le fait qu’il s’agit d’une adoption. L’apprentissage de la vie à deux, une fois dépassées les diverses et désagréables formalités administratives. Mère, fille. Apprentissage poétique de la parole : « tu as appris le français en commençant par la musique de la langue et par la fin des mots (…) Cet apprentissage à la fois tardif et accéléré a rempli notre vie de poésie. » Apprentissage de l’amour réciproque, du bonheur, avec cette petite fille qui dit à sa maman qu’elle est « jolie comme trois pommes ». Effarement aussi devant les incompétences de l’Ecole, qui pousse finalement à la fuite vers d’autres ailleurs plus hospitaliers, au gré des postes proposés à la mère : Australie ou Afrique – lieux de liberté et d’épanouissement. Les éclats de rire de la petite fille reviennent. Mais ce regret, peut-être : la fille de l’écrivain n’aime pas trop la littérature ! Alors l’écrivain décide de lui écrire ce livre, celui de leur histoire commune : « oui, c’est de toi, ma fille, que je parle, de toi, oui, qui regardes par-dessus mon épaule. Tiens, tu aimes lire maintenant ? » Agnès Clancier a gagné son pari difficile de mère puisque sa fille – puisqu’elle-même sans doute – n’a plus peur de l’avenir. Elle a gagné aussi celui de l’écriture de ce récit sobrement émouvant qui n’est rien d’autre qu’une histoire d’amour finissant bien.

13 Nov

La Monnaie : un exemple du réseau des écoles primaires à travers la ville

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(c) J.M. Bourdelas (circa 1973)

Lorsque sont promulguées les lois de la IIIème République sur l’obligation scolaire, la quasi-totalité des enfants de Limoges sont scolarisés dans les écoles municipales. En 1995, Pierre Delage et moi-même avons publié une histoire de l’Ecole de La Monnaie à laquelle je renvoie pour les détails et les précisions. Celle-ci trouvait son origine dans une école mutuelle ouverte en 1818, qui s’installa en 1848 dans le local de la Monnaie, rue Sainte Valérie, en bordure du quartier mal famé du Viraclaud. Le directeur demanda que les vitres soient dépolies « pour enlever à la vue des élèves le spectacle des scandales qui se renouvellent trop fréquemment dans la rue et les maisons voisines. » Cette école, dès sa création, était communale et laïque (même si on y enseignait le catéchisme). Originalité de la pédagogie (y compris par rapport à la notre): le fait que l’enseignement était individualisé à des groupes (les « cercles ») d’une dizaine d’élèves, sous la direction d’un élève « plus avancé », âgé de douze à dix-sept ans : le moniteur. Les cercles se formaient et se déformaient selon la progression de chaque individu dans chacune des disciplines principales : lecture, écriture, calcul. Le maître veillait à l’organisation générale. 162 élèves de 6 à 8 ans acquéraient les bases avant d’entrer dans le monde du travail en apprentissage. Certains – les plus doués et les moins impécunieux – poursuivaient leurs études pour devenir moniteurs ou instituteurs. L’Ecole Normale d’Instituteurs avait été crée en 1833.

La loi du 19 mai 1875 permet aux enfants de rester à l’école jusqu’à douze ans mais s’ils travaillent dans un atelier, ils doivent suivre les cours du soir – mais après une journée de travail de 10 à 12 heures, l’absentéisme est général… Progressivement, les salaires des maîtres s’améliorent. En 1880, l’Ecole devient entièrement gratuite, ce qui nécessite un gros effort de la part des communes. Les programmes se diversifient et des activités périscolaires se développent, comme les promenades à la campagne, au-delà de la Vienne, qui permettent aux petits citadins de découvrir d’autres horizons. C’est le temps du manuel d’histoire de France d’Ernest Lavisse, instrument d’éducation civique et morale au service du « Roman national ». On y lisait par exemple : « Il vaut mieux être venu au monde en ce temps-ci, qu’autant des Gaulois. » Il faut néanmoins attendre les années 1910 pour que l’ensemble des Limougeauds soient alphabétisés.

En 1911, l’école de La Monnaie est transférée route d’Ambazac (Aristide Briand), dans une école de filles – ces dernières migrant au Grand Treuil. Bordant les voies de la ligne Paris-Limoges, elle devient l’école des cheminots pour plusieurs décennies, tandis qu’en 1907 est construite l’église Saint-Paul Saint-Louis (sans toutefois assez d’argent pour financer le clocher) à destination de cette même population. L’écrivain limougeaud Georges-Emmanuel Clancier a raconté dans ses Mémoires ses souvenirs du quartier.

Des fiacres libidineux à Limoges?

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« A Limoges, par exemple, une femme qui se respecte n’oserait monter en fiacre, ces véhicules étant, paraît-il, dans la Haute-Vienne, essentiellement libidineux. Voilà un menu fait qui pousse à la rêverie! Combien mornes ces existences mal aérées, prenant, à la longue, l’odeur moisie des appartements trop clos. La laideur, talion nécessaire, ne tarde point ainsi que l’hébétude juste fruit des ignobles pensers et des vils comportements! »

Terre latine / Laurent Tailhade ; préface de M. E. Ledrain , Paris, 1898.

Une ville en mutation

Hôtel de ville 005-4 -  (circa 1940-1945) - Photothèque Paul Colmar

Hôtel de Ville de Limoges (c) Paul Colmar et Limoges années 1950, 60, 70 (Geste Editions)

Les historiens ont noté que – faute de véritable réflexion à propos de l’urbanisme – Limoges se développe de manière désordonnée : il s’agit de loger une population qui s’accroît rapidement, passant de 30 000 habitants environ en 1841 à 75 000 à la fin du siècle, puis 98 000 en 1926). L’incendie du quartier des Arènes en 1864 permet une rénovation urbaine plutôt modeste. « Inventeur du Limoges moderne », Ernest Ruben (1818-1900), entrepreneur et mécène, passionné par l’émail, trace néanmoins les plans d’une dizaine de quartiers : Beaupeyrat, avenue du Midi, secteur de la gare, de la place Carnot, de la place de la Céramique, du square des Emailleurs, des Halles Centrales (le petit marché Dupuytren est transféré place Carnot). Ces dernières – magnifique exemple d’une architecture de fonte conçue par deux ingénieurs, élèves des techniques d’Eiffel, Levesque, qui travailla longtemps avec le directeur des études d’Eiffel, et Pesce – sont décorées par une frise de 328 carreaux en porcelaine de la manufacture Guérin, représentant des animaux et des végétaux vendus in situ. Lors de l’inauguration du 15 décembre 1889 par le maire Emile Labussière, une salve d’artillerie est tirée, une distribution de bouillon, pain et café est organisée pour les pauvres, la musique municipale joue son répertoire et le soir, un banquet est donné à l’Hôtel Vialle pour les propriétaires, constructeurs et collaborateurs. L’Hôtel de Corps d’Armée est construit en granit place Jourdan, entre 1865 et 1867. En 1879, l’architecte parisien Charles-Alfred Leclerc, grand prix de Rome, construit le nouvel Hôtel de Ville, symbole du pouvoir municipal républicain, grâce au legs d’Alfred Fournier – avec un soubassement en granit des Monts d’Ambazac et une partie supérieure en pierre de Lussac-les-Châteaux. Sa façade s’orne de figures allégoriques de l’orfèvrerie et de la porcelaine, et de médaillons en céramique représentant quatre Limougeauds célèbres : Limosin, D’Aguesseau, Vergniaud et Jourdan. L’inscription « Lemovices », au-dessus de l’horloge, rappelle le passé gaulois. Y figure aussi le blason de la ville. Au milieu du square situé devant l’entrée du bâtiment se trouve une belle fontaine de porcelaine, bronze et granit construite entre 1892 et 1893. Initialement prévue pour la place de la République et voulue par Auguste Louvrier-de-Lajolais, directeur de l’École nationale d’art décoratif de Limoges, elle est l’œuvre de Charles Genuys, architecte en chef du dôme des Invalides. Mêlant le granit doré, le bronze et la porcelaine, elle met en scène quatre garçonnets incarnant les différentes phases de l’industrie porcelainière : dessinateur, mouleur, sculpteur et peintre de décor.

A la fin du siècle, on détruit aussi le quartier insalubre du Viraclaud, où l’on recensait près de 300 prostituées, légales ou non. Pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est au tour de celui du Verdurier. Plus tard sont édifiés les bâtiments abritant la préfecture et le Conseil général de la Haute-Vienne, constituant un ensemble représentatif de l’architecture classique. Construits entre 1900 et 1908 selon les plans de l’architecte Jules-Alexandre Godefroy (ancien élève de Gay-Lussac), ils résultent d’un concours lancé en 1897, à la suite de l’affaissement d’une partie de l’ancienne Intendance du Limousin où la préfecture avait été installée en 1800. L’ensemble des bâtiments est réalisé en granit : pierre de Faneix (Saint-Sylvestre en Haute-Vienne) pour les façades et pierre du Compeix (Royère en Creuse) pour les seuils et escaliers extérieurs. Les colonnes sont réalisées en syénite dite « granit des Vosges ». La cage d’escalier est éclairée par une verrière du parisien Albert Gsell intitulée « Les divinités antiques inspiratrices des anciens émailleurs se plaisent à jouer encore aux environs de Limoges » – ce qui est effectivement beau comme l’Antique. En haut de l’escalier, au plafond du vestibule, les lettres H et V forment le monogramme de la Haute-Vienne (elles sont peut-être aussi la signature discrète de l’auteur de la décoration sculptée de l’édifice, Henri Varenne). Le grand salon d’honneur, ou salle des fêtes, est une galerie de 27 mètres de long. De larges corniches en staff crémeux rehaussé d’or forment l’encadrement d’un plafond peint par Raphaël Collin, peintre de renommée nationale. Ce plafond divisé en trois compartiments est une peinture allégorique de la République, de la ville de Limoges, des arts du feu et de la prospérité. Douze portraits d’hommes célèbres en Limousin ornent également la salle. C’est encore Godefroy qui construit le bâtiment de la Poste centrale. La rue de la Préfecture marque le départ d’une rue centrale tant souhaitée, qui fut continuée dans les années 1920 par la rue Jean Jaurès (qui n’est pas exactement dans le même axe). L’architecte est aussi celui de l’école pratique de commerce et d’industrie (aujourd’hui lycée Turgot) et du pavillon de l’Exposition internationale des arts et de l’industrie, du commerce et de l’agriculture, des sciences économiques et de l’enseignement qui s’est tenue à Limoges en 1903 sur l’esplanade du Champ-de-Juillet et fut organisée par la municipalité.

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, les plus pauvres – en particulier les ouvriers –, vivent dans des logements (souvent des taudis) sans eau potable, parfois sans toilettes, entassés dans une ou deux pièces. Immeubles et ruelles étroites (souvent sans trottoirs ni caniveaux) sont par endroits totalement saturés, en particulier le long des faubourgs du nord de la ville ou dans les vieux quartiers du centre. Sur les bords de la Vienne, pavoisés par les draps mis à sécher par les lavandières, du pont Saint-Martial au pont Saint-Etienne, les « ponticauds » constituent comme une population à part, où les sociabilités sont fortes. Même si le régime alimentaire évite plus ou moins la sous-alimentation à la fin du siècle, l’espérance de vie des ouvriers de la porcelaine ne dépasse guère les quarante ans.

21 Oct

Poème champêtre limousin, 1901

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Croquis limousin

Pour Pierre Verlhac.

 

Lentement, l’angelus tinte au clocher lointain,

Égrenant dans le soir sa plainte harmonieuse,

C’est l’heure où la forêt livre, mystérieuse,

Ses arômes subtils de lavande et de thym.

 

Là-bas, dans la vallée, un murmure argentin

De clochettes, s’allie à la chanson joyeuse

Des moissonneurs; déjà, sur la plaine brumeuse,

La nuit laisse traîner des franges de satin.

 

Sous les châtaigniers verts, aux noueuses ramures,

Dans les gazons fleuris, jonchés de fraises mûres,

Les sources ont repris leur doux chuchotement;

 

Et la lune, accoudée au faîte des collines,

Baigne de son mystique et pur rayonnement

Les toits de chaume roux des maisons Limousines !

 

Fernand Vialle

Lemouzi : organe mensuel de l’E̛cole limousine félibréenne, Brive, 1901/12, p. 50

20 Oct

L’incendie de 1864 – un moment d’unité limougeaude face au malheur

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Les 15 et 16 août 1864, le quartier insalubre des Arènes, le pourtour des places d’Aine et de la Motte, aux rues étroites et aux maisons à l’ossature en bois et aux façades de torchis et de pisé, est la proie des flammes. Si de 1793 à 1864 on a déjà recensé 815 incendies et 5631 feux de cheminées, celui-ci est particulièrement violent, avec l’embrasement de 109 maisons et met à la rue plus de 2 000 personnes. Les quatre-vingt pompiers mobilisés, renforcés par ceux de Périgueux, Argenton, Saint-Marcel et Châteauroux, arrivés par trains spéciaux, ne sont pas assez nombreux et leur matériel n’est pas assez performant – on peine à trouver les clefs d’un réservoir d’eau, les camionneurs sont réquisitionnés pour aller puiser de l’eau dans la Vienne. Heureusement, s’il y a quelques blessés, personne ne périt.

Laforest en a fait le récit (118 pages émaillées de considérations religieuses et de citations grecques, sans oublier l’évocation de la ruine incendiée sous Néron, avec mentions des faits de bravoure), édité par Chapoulaud frères, à Limoges, dès 1864. Il raconte qu’une grande partie des Limougeauds se sont rendus le soir du 15 au Champ de Juillet pour assister à un feu d’artifice donné pour l’Assomption et la fête de l’Empereur et que lorsque la population arrive sur place, comme « une armée frappée dans les ténèbres », l’incendie bat son plein, attisé par le vent. La sécheresse a tari les fontaines. Le narrateur indique que c’est Madame Cance, habitant au bas de la rue des Arènes, qui a mal éteint un flambeau, pressée d’aller assister à la fête en compagnie de son époux. Le feu prend dans une corbeille de chapeaux de paille de leur boutique ; s’en suit une explosion de gaz. Lorsque l’incendie prend de l’ampleur, il faut aller chercher les pompiers, dont beaucoup sont au Champ de Juillet. C’est le capitaine Regnault qui prend la direction des secours, à l’arrivée des pompes à eau. Mais les tonneaux sont rapidement vides, il faut les remplir, alors que le feu se propage, se transformant en « un large fleuve » qui se nourrit de tous les produits inflammables des boutiques. Le 11ème Régiment de dragons, la gendarmerie, des agents de la sûreté, des hommes d’équipe de la gare, rejoints par le clergé, sont accourus. Ils enlèvent à dos d’homme 400 kg de poudre qui menace d’exploser chez l’armurier Geanty. De même évacue-t-on, sur ordre du maire Othon Péconnet, présent sur place, les tonneaux d’alcool d’un autre commerce ou les produits pharmaceutiques des officines Larue-Dubarry. Hommes, femmes et enfants qui voient progresser le sinistre tentent de sauver ce qu’ils peuvent chez eux. « Une lumière immense noyait la ville dans ses sinistres clartés […] l’incendie, par l’effet de la réverbération, formait au-dessus de la ville comme une coupole de feu. » Dans l’église Saint-Michel-des-Lions – comble – où l’on a sorti la châsse du chef de saint Martial, s’élève le Miserere, puis, vers sept heures du matin, une procession débute à travers la ville, conduite par l’évêque Félix : Limoges renoue avec sa tradition. Dans la matinée, les hommes du 3ème Régiment d’artillerie de Bourges arrivent pour déblayer les ruines fumantes – mais l’incendie couva encore près de trois semaines.

La France et la famille impériale s’émeuvent du drame ; des secours financiers sont envoyés. Le comte Reille, envoyé par Napoléon III, distribue ainsi, de la main à la main, 20 000 francs. Le roi d’Espagne envoie 5 000 francs, le prince Jérôme-Napoléon et la princesse Clotilde, 2 000 francs (tout comme le comte de Chambord). L’archevêque de Paris 30 000 francs recueillis lors de quêtes diocésaines. Le nonce fait parvenir 5 000 francs de la part du pape. Encouragés par les souscriptions ouvertes dans les journaux nationaux et régionaux, des particuliers ont adressé directement des secours au maire de Limoges.

Le sinistre est suivi d’une reconstruction avec trois rues parallèles percées entre la place d’Aine et de la Motte, bordées d’immeubles de trois étages en pierre. Vingt-cinq ans plus tard, une nouvelle rue relie la place de la Motte à celle des Bancs.

Lors des travaux de réaménagement de la place de la Motte, en 1995, une importante collection de porcelaines et de faïences fondues et déformées par le feu fut retrouvée à l’emplacement des caves incendiées.