12 Oct

The Limiñanas et Laurent Garnier : un road movie musical trippant

C’est sans aucun doute l’un des albums les plus enthousiasmants du moment. « De película » s’écoute de bout en bout, sans sortie de route, oreille au plancher. Une rencontre improbable entre l’électro de Laurent Garnier et le rock psyché de The Limiñanas. Un album plus que parfait et bien présent.

The Limiñanas Photo : Darek SZUSTER via Maxppp

Les fusions, ça ne marche pas à tous les coup mais là, cette rencontre presque improbable donne un cocktail vitaminant plein de saveurs. Ce qui n’était au départ qu’un vague travail entre le Dj techno/électro Laurent Garnier et le rock suffocant de The Limiñanas est une vraie collaboration. Chacun a laissé tomber ses domaines respectifs pour se mettre au service de l’autre.

« De película », un album concept haut de gamme

The Limiñanas fait partie de ces groupes dont la renommée est plus forte à l’étranger qu’en France. Le duo Catalan avait bien fait un ou deux coups d’éclat mais sans secouer trop le landerneau musical. A vrai dire, je faisais partie des ignorants jusque-là imperméables. La secousse tellurique n'(en est que plus grande.

Car l’album est un road-trip, road-movie autant visuel que sonore. Le retour des bons vieux albums concepts avec une vraie-fausse histoire à l’intérieur. On pense de suite à « Histoire de Melody Nelson » d’un autre musicien cinéphile : Serge Gainsbourg. Une histoire prétexte, perdue d’avance entre Saul et une jeune mineure prostituée nommé Juliette. Et tel l’album de Gainsbarre, la production est soignée entre les boucles de bases et les riffs de Lionel et la batterie tantôt lourde tantôt légère de Marie. Un travail sur les sons assez impressionnants aussi de Laurent Garnier qui a su se mettre au diapason. Un gros son fait de plusieurs couches et terriblement efficace.

Perso, un morceau est à mettre au Panthéon : « Promenade oblique » où vrombit la basse et la batterie trace sur une route de nappes. Magnifique.

Instrumentaux, textes lâchés parfois chantés

Alors que le duo devenu trio prévoyait de faire seulement 2 ou 3 plages contemplatives, il y aura bien 11 stations dans l’album. Des instrumentaux comme « Promenade oblique » ou le très enlevé « Steeplechase » impeccablement produit. Idem pour Saul qui ouvre l’album et donne les prémices du voyages. Un titre dévoilé un peu avant la sortie du disque et joué en live sur France Inter.

Lionel Limiñanas n’est pas un chanteur mais tel Gainsbourg, il sait aussi poser ses mots comme sur « Juliette dans la caravane » ou « Tu tourne en boucle ». Et quand il s’agit de chant, il s’en réfère à d’autres. Tel le fin écrivain et lui même artiste Bertrand Belin pour l’un des morceaux des plus réussis (mais ils le sont tous!) : « Au début c’était le début ». Les premiers riffs et accords de guitare sont très « bashungiens » mais la ressemblance ne s’arrête pas là. Au niveau voix, la même fragilité, une sensibilité à fleur de peau. Vraiment très réussi.

Un volcan de transe

Au cœur du cratère, ça chauffe grave. Les sons en fusion pour mieux faire irruption. Tout est juste, sans faute de goût, sans effet de mode. Les guitares sont tenues, les riffs étourdissants, les sons grondants dans une culture de transe. Certes, il y a bien quelques pauses dans certains titres pour compléter la palette. Les plages sont immenses et on aime s’y perdre. Une musique très cinématographique où l’on repense à « Sailor et Lula » de David Lynch aux couleurs forcées. Les images viennent et nous retiennent, les sons nous enveloppent comme sur le très beau « Saul s’est fait planter » aux cordes claviers magnifiques.

Et s’il fallait libérer le magma du cratère étourdissant, ce serait le bien nommé « Que calor » emmené par le chanteur franco-chilien Eduardo Henriquez. Avec cet album, The Limiñanas prend place. Tout simplement incontournable.

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Benoît Roux

@Benoit1Roux

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09 Avr

Delgrès : un trio blues-rock créole à la musique singulière

Le Trio Delgrès sort aujourd’hui son second album. Une formation singulière au son unique, où se croisent rock, blues aux nuances antillaises, le tout chanté en créole. Un album engagé, comme l’indique le nom du groupe en référence à Louis Delgrès figure de la lutte contre l’esclavage. Le trio a sorti le blues de chauffe.

4:00 le nouvel album de Delgrès

Un trio de blues caribéen

Nous sommes en 2014. Le musicien Pascal Danaë qui n’est pas à son coup d’essai (il était membre d’un groupe afro brésilien qui remporta une Victoire de la Musique en 2015) rencontre un batteur groovy (Baptiste Brondy) et un joueur de sousaphone (Rafgee). C’est déjà une singularité. Le sousaphone ou soubassophone joue le rôle d’une basse contrebasse dans un trio classique. Le blues, c’est évidemment la guitare et celle de Pascal Danaë est souvent le dobro. Guitare emblématique du blues, inventée aux States par les Dopyera Brothers (d’où le nom dobro). Le leader de Delgrès est d’ailleurs devenu l’un des maîtres de l’instrument, lui le bluesman authentique que l’on définit souvent comme « le Robert Johnson de la Guadeloupe ». 

Après plusieurs expériences, il lance le groupe avec son ancien batteur du groupe « Rivière noire ». Il est donc à la recherche d’une basse. Voici comment il présente cette quête sur le site officiel du groupe. « J’avais la vision d’une fanfare de carnaval, comme il y en a aux Antilles ou à La Nouvelle-Orléans, où le rôle est tenu par le sousaphone ». Après quelques recherches, il prend contact avec Rafgee, trompettiste diplômé du Conservatoire de Paris qui joue aussi de cet instrument apparenté au tuba-contrebasse. « Rafgee connaît mieux que moi la biguine et le quadrille, reconnaît Pascal. Il est le seul à pouvoir marier Moussorgski à la mazurka dans un orchestre mandingue. » 

Le premier album « Mo Jodi » sort en 2018, le titre de cette chanson éponyme fait référence à Louis Delgrès, personnage central de la lutte contre l’esclavage aux Antilles. Ce colonel d’infanterie de l’armée française s’est appliqué la devise révolutionnaire « Vivre libre ou mourir ». Il préféra mourir plutôt que de se soumettre aux troupes napoléoniennes qui venaient rétablir l’esclavage.

Nouvel album « 4:00 » en hommage à ces héros invisibles

Après le succès du premier, le nouvel opus était attendu. Les ingrédients et la singularité sont les mêmes : un blues original, chanté la plupart du temps en créole, des sonorités et des rythmes métissés, des paroles engagées.

On ne peut pas dire que les groupes de blues balisent la musique des Antilles principalement zoukée. L’originalité est déjà là. A l’écoute de ce nouvel album, le pont entre les Antilles et la Nouvelle Orléans fonctionne très bien. Rock bien noir, blues rustique et soul primitive rencontrent les rythmes antillais et les cuivres New Orleans. Les guitares sont toujours énergiques et énervées, les rythmiques complexes.

Sur Francetvinfo, le leader parle aussi de son engagement : « On est toujours dans le thème du héros, quelque part. Sur le premier album c’était un héros oublié, et là moi je parle plus des héros invisibles par le prisme de mon père qui a émigré de Guadeloupe en 1958. Finalement, les valeurs qu’on défend sont toujours les mêmes« .

Premier titre « 4:00 AM » (formule anglaise), « 4H00 du matin » en français, « 4 ed maten » en créole, très enflammé où le groupe est en tenue de bleu de chauffe. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt n’est ce pas?

4H, c’est l’heure à laquelle se levait le père du chanteur-guitariste, qui a quitté les Antilles pour venir travailler sur les docks du Havre. Delgrès est plus que jamais le porte voix et porte paroles de ceux que l’on n’entend pas : déracinés, classes laborieuses, minorités… Le dobro en gouvernail, les fûts bien agités et plein de pulsations du batteur, les cuivres improbables, ce second album vient confirmer l’originalité et le talent de Delgrès.

Le groupe organise une « release party digitale » ce vendredi 9 avril pour la sortie de notre nouvel Album 4:00 AM. Vous pouvez les suivre dès 19h30 pour échanger sur l’album et à 20h15 pour découvrir le tout nouveau clip « Aleas ». 

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01 Avr

Toulouse : Zoé une jeune artiste avec la flamme

Elle n’a que 13 ans. Zoé Morin est pourtant une artiste avec une personnalité artistique, engagée et mature. Elle écrit, elle compose et vient de sortir un nouvel album : « les flammes ». Un disque auto-produit qui dégage beaucoup de force.

Zoé Morin ©FTV

Du haut de ses 13 ans

Il faut laisser tomber les clichés. A 13 ans, Zoé Morin a déjà une vraie personnalité artistique, de l’assurance et du tempérament. Elle écrit, compose, interprète. On se dit alors que si elle fait de la musique, c’est certainement parce que ses parents en ont fait avant… Pas vraiment. Dynamique, surexcitée, « pour calmer le volcan mes parents m’ont inscrit dans une école de musique ». Elle a trouvé son domaine et un certain refuge.

Elle apprend tout d’abord la guitare car ces parents écoutent Tracy Chapman. Elle aime écrire, monter sur scène. Elle se met au piano il y  a 3 ans. Elle a déjà fait de la scène, 3 fois place du Capitole. Oui, elle assure. Elle aime Mano Solo pour la poésie, Bigflo et Oli pour les textes, Linda Lemay, Clara Luciani et Tracy Chapman pour la guitare.

La force des textes

L’album « Les flammes » qu’elle vient de sortir est le fruit de tout ça. Avec sa voix un peu nasale, elle balance ses textes avec une force assez incroyable. Une écriture pointu et directe et l’art de scander les mots qui fait beaucoup penser à Eddy de Pretto. La mort (« La dame en noir »), l’écologie, le féminisme (« les flammes »), ses textes parlent de l’air du temps, des convictions d’une adolescente avec l’aplomb et le culot d’une Greta Thunberg. Des mots lucides, teintés de noirceur ou d’optimisme où la poésie pointe son nez.

« Le but de mes chansons c’est de donner du plaisir à écouter, tout en prenant position ».

La vraie force de cet album et de Zoé Morin ce sont les textes et sa personnalité. Son disque auto-produit devrait rapidement lui permettre de trouver des personnes qui vont l’aider et l’accompagner dans son cheminement  musical. En tous cas les bases sont là. A découvrir dans la nouvelle émission de France 3 Occitanie « C’est pas en Playback ».

Zoé Morin – « Les flammes » & « Je repense à lui » #C’est pas en playback sur France 3 Occitanie

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30 Mar

Toulouse : la pop-rock rusée et sophistiquée de Renarde

Bruno Dibra, alias Renarde vient de sortir son premier EP. A l’écoute il y a pourtant beaucoup d’aisance et de maîtrise. De la pop matinée de rock indé bien léchée, produite et enregistrée. Le toulousain chasse sur les terres anglaises d’Arctic Monkeys ou Lloyd Cole, ou BB Brunes dans nos contrées.

Renarde ©Ezilda-PELISSIER

La voix bien placée sonne dans la douceur et l’élégance. Bruno Dibra est originaire d’Albanie mais c’est dans le sud-ouest qu’il a posé ses valises. Dans le Gers, puis Montauban et désormais à Toulouse. « Courts métrages » est son premier EP 5 titres. Il n’est pas sorti du bois par hasard. Un travail de production avec Jeremy Dune du label Nuances Records pour sélectionner 5 morceaux sur 20 maquettes et les produire comme il faut. Ils ont loué une maison dans le Gers transformée en studio d’enregistrement. Pour la partie cordes et cuivres, ils ont fait appel à Quentin Lachapèle, un arrangeur basé à Londres auteur lui aussi d’un très bon travail.

Premier extrait « Perdu d’avance » qui sonne à la fois un peu vintage et moderne. Les cordes sont là, rythmique efficace, chœurs nostalgiques et interprétation solide de la meute de musiciens.

Renarde – Perdu d’avance

Sous des apparences volontairement légères, tout est réfléchi, abouti avec des textes plus sérieux qu’ils n’y paraissent. Ca sonne Gainsbourg / Biolay pour les cordes et l’inspiration mais c’est très baroque dans l’esthétique y compris visuelle. « Courts Métrages » est effectivement très cinématographique et on n’a pas de mal à mettre des images dessus. Il faut souligner le talent de l’artiste (1er EP quand même !) et le travail de production et de mix de Jeremy Dune à la fois sobre, élégant et approprié, sans faute de goût.

Renarde – Une fin au silence

Nouvel extrait : « Une fin au silence » toujours rythmé par les cordes et les guitares, toujours sous influences orientales. Bassiste autodidacte à la base, Bruno Dibra a aussi fait beaucoup de guitares et batterie sur l’album.

Beaucoup d’assurance donc chez cet artiste nourri de musique traditionnelle albanaise (pas évident à l’écoute) et de variété pop-rock française des années 60-70 (là ça s’entend beaucoup plus). Un nouveau clip sortira en avril sur le titre « À L’ Envers ».

Renarde – À L’ Envers (Open Studio Session)


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Nuances records

24 Mar

Gaëtan Roussel : l’artiste aux gimmicks implacables et aux mots à fortes résonnance

Louise Attaque en pause, Gaëtan Roussel poursuit son exploration solo avec un quatrième album. Plus intimiste et acoustique, « Est-ce que tu sais » explore le monde intérieur. Plus que jamais il révèle le talent d’un artiste aux gimmicks implacables avec une production raffinée. Côté textes, ses mots ont toujours une forte résonnance avec le vécu quotidien.

Photo : site Facebook Gaëtan Roussel

Voilà plus d’un an que Gaëtan Roussel travaille sur cet album. Un an, début du confinement, propice à l’introspection, retour à soi, aux choses simples. Pourquoi pas sa vieille complice : la guitare acoustique. Des musiciens à la pointe, un orfèvre pour la production son et les mots de Gaëtan Roussel pour un disque qui fait du bien. 

L’efficacité des mélodies

A la fin de la première écoute, les mélodies sont déjà en tête. Gaëtan Roussel n’a pas son pareil pour marteler des phrases -musicales ou pas- qui vous resteront en tête. Dans les rythmiques comme dans les ballades, dans les choses tristes comme dans celles porteuses d’espoir, l’artiste touche. Petit bijou de son dernier album : Les matins difficiles.

Gaëtan Roussel – Les matins difficiles

Simples, efficaces, parfois un peu sophistiqués, les mélodies de l’artiste sont surtout touchantes et obsédantes. Le son est peaufiné par l’orfèvre Maxime Le Guil qui a travaillé pour Hans Zimmer, Morrissey, Melody Gardot, Justice… Du côté des musiciens, on retrouve l’excellent bassiste Laurent Vernerey, Reyn aux claviers, complété par les touches du complice de Cali : Augustin Charnet. On reconnaît bien la patte de l’artiste toulousain qui participe à plusieurs morceaux, ravi de l’expérience. « Je suis tellement content d’y avoir participé. J’avais carte blanche! J’ai enregistré des parties additionnelles qui ont été réalisés et mixées par Maxime Le Guil. C’était essentiellement des synthés, claviers, percussions. C’est un très bel album. Il y a une très belle variété des sources qui donne un côté très organique. Gaëtan Roussel est vraiment à part dans sa manière de travailler les thèmes, les gimmick qui reviennent et qui restent. Ca rend les morceaux immédiatement très populaires. »

Il participe au titre « Je me jette à ton cou », où l’on retrouve Daniel Auteuil pour le clip.

Les sons de l’album sont magnifiques. Les claviers notamment très « orgue de cathédrale », les cordes de Clément Libes qui portent à l’élévation, les rythmiques discrètes.

La justesse des mots

Si les mélodies restent, les mots s’entêtent. Rattachés à des thèmes de société, Gaëtan Roussel a l’art d’écrire avec beaucoup de résonnance. Des mots justes, qui parlent à beaucoup de gens, pétris d’humanité, tantôt empreints de mélancolies comme « La colère »

Chaque jour il faut s’y faire
Elle revient toujours la colère
Chaque jour elle nous effleure
Je crois qu’elle vient de l’intérieur

tantôt légers comme le bonheur dans Est-ce que tu sais

Est-ce que tu sais
Que quand les fleurs se fanent
Elles nous laissent leur odeur, leur amour
Là, ici et tout autour ?

Des moments contrastés, parfois au sein de la même chanson. Une sorte de mélancolie lumineuse. Mention spéciale pour le très beau « Tu ne savais pas ».

Gaëtan Roussel – Tu ne savais pas (version acoustique)

Rarement un artiste dégage autant de puissance et de fragilité. Des textes introspectifs d’une grande intensité auxquels on s’identifie. Ce quatrième album solo est un petit bijou musical et un joyau d’humanité.

Reportage France 2 : A. Le Quéré, J-P. Magnaudet, M. Petitjean, F. Cardoen 

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Benoît Roux

22 Fév

Sortie de l’album « Covers » : l’incroyable talent d’interprète de Bashung

En anglais, en français, du rock enflammé, des chansons lentes, le caméléon Alain Bashung possède cet incroyable talent de se glisser dans les chansons et de les faire siennes. Un album vinyle vient de paraître avec des reprises connues ou plus rares.

Crédit photo : pochette de l’album

Comment l’interprète un peu léger et quelconque de « Gaby oh Gaby » est devenu celui qui vous met la chair de poule sur « Les mots bleus » de Christophe ou sur ses chansons sublimes comme « Happe » ? Le parcours musical d’Alain Bashung est riche, peu répétitif et varié. Cet album de reprises qui vient de paraître en vinyle est du même acabit.

Une interprétation personnelle

Alain Bashung n’a pas son pareil pour reprendre une chanson, la restructurer, modifier le phrasé, sans trahir l’esprit de la chanson. Il installe des atmosphères, adapte sa voix en conséquence, tantôt grave profond, tantôt un peu nasillard. Parfois puissant, parfois fragile à l’extrême. Il sait amener une chanson sur d’autres voies, révéler d’autres lectures possibles, c’est sa grande force.

Tout en sensibilité et intelligence, il est l’un des rares à chanter du rock en français tout en restant crédible, l’un de ceux qui rentre direct dans une chanson sans avoir besoin de 36 000 prises. Son dernier album posthume « En amont » en est l’excellente preuve. Des titres qu’il avait enregistré, souvent en une seule prise, pour des maquettes, tester des arrangements, et qui se retrouvent sur un disque après sa mort sans que l’interprétation soit défaillante. L’aisance suprême.

Des « covers » qui ne manquent pas de reprise

Cet album « Covers » ne va pas surprendre les fans : les titres sont relativement connus, ils figuraient dans l’intégrale Alain Bashung ou dans le best-of « Osez Bashung » sorti en 2010. On y retrouve des chansons en anglais car l’artiste a toujours été fan de la musique anglo-américaine. Ca va de Presley (That’s All Right Mama), au plus country Harry Nilsson (Everybody’s Talkin’) jusqu’au très rock « Hey Joe » d’Hendrix. Avec à chaque fois, une voix de circonstance.

Alain Bashung – That’s all right mama

Sur le magnifique album, « Osez Joséphine » enregistré en partie à Memphis, il y avait déjà 4 reprises dont « We all right » de Buddy Holly et « She belongs to me » de Dylan éclairé par les guitares magnifique de Sonny Landreth. 

Alain Bashung – She belongs to me

Côté français, on y retrouve évidemment du Gainsbourg avec lequel il a fait 2 albums, mais aussi Gérard Manset (dernier album « Bleu pétrole »), du Christophe dont il était très proche. Du classique. Mais il y a des choses beaucoup plus surprenantes dont sa version de « Les amants d’un jour ». Une valse réaliste qu’il habille à sa façon de manière simple et efficace.

Belle version également soutenue par mandoles, cordes et piano de « Céline » d’Hugues Aufray, le « Tango funèbre » de Brel, « Avec le temps » de Ferré qu’il a complètement déstructurée et « bashunguisée ». Mention spéciale pour le très beau morceau de Dick Annegarn « Bruxelles » où il est plus dans son univers.

Alain Bashung – Bruxelles

« Covers », un disque à ré-écouter pour les fans , à découvrir pour ceux qui connaissent à peine ce magnifique artiste et merveilleux interprète. Un sens inné pour faire chanter et donner une autre résonnance aux mots comme sur les bleus à l’âme de Christophe.

Extrait de l’émission « La Musicale » de Canal +

Benoît Roux

16 Fév

A Toulouse, la musique habitée de Slim Paul

Il suffit de quelques secondes pour voir à quel point Slim Paul respire la musique. Aux racines du blues, avec des ramifications rock-pop, gospel, l’artiste toulousain sort un second album « Good For You ». Résolument positif et riche, il vient confirmer toutes les bonnes sensations du premier opus.

Trio Slim Paul © Jesse Overman

C’est comme ça : certaines personnes ont un don. Et pour Paul, c’est la musique, comme une évidence. Un premier groupe « Scarecrow » métissé de hip-hop, les States pour le trip, de nombreuses tournées sur les plus grandes scènes (Woodstock). Le voilà prêt pour une carrière solo…en trio.

Ce n’est pas pour rien qu’il s’appelle « Slim », une référence au blues. Il a du sang blues dans les veines. Il suffit de le voir chanter et jouer du Robert Johnson pour comprendre. Tout y est : la voix, les tripes, les vibrations…

Slim Paul – cover « Crossroads » de Robert Johnson

« Good for you » nouvel album riche et positif

Des battements de cœur pour le premier morceau. « Good for you » démarre là où s’était arrêté « Dead already » le premier EP. « When you keep on grooving » donne le ton. Le rythme cardiaque, des bruits lointain, les cymbales de la batterie, des nappes de clavier et le morceau s’installe. Un petit prélude attrayant avant d’explorer les routes d’un blues plus musical que psychologique. Car après un premier album assez noir, « Good for you » porte bien son titre. « C’est plus positif dans l’ambiance sonore, moins dépressif; plus soul que blues triste ». Sur cet album, Slim a tout écrit et composé. Il a même créé son propre label pour sortir l’album.

Les morceaux sont assez différents, tantôt ballade acoustique, tantôt blues rock électrique, mais toujours habités par sa voix profonde faite pour chanter le blues comme sur « That line ».

Slim Paul – That line

« Le blues c’est le ciment, je m’en inspire beaucoup. Mais c’est plus une culture qu’une musique. J’aime aussi le hip hop. Je suis dans la culture afro-américaine : Ray Charles, James Brown, Hendrix, mais aussi les Pink Floyd. J’adore la culture de l’harmonie chez les Beatles. » Une diversité que l’on retrouve dans les 12 titres de l’album. Avec un art consommé des ruptures. Chaque morceau est construit minutieusement, allant vers plusieurs styles, où chaque instrument dessine une voie. L’harmonica qui s’envole sur « In the shadow », « Amazing You » qui commence comme « Amazing grace » pour se faire rhythm ‘n’ blues et presque rockabilly sur la fin. 

Un trio qui va chercher l’essentiel

Pas de fioriture, aucun effet de mode, pas de concession sur cet album. De « Scarecrow », Paul a gardé un musicien : le bassiste Jamo qu’il a mis… à la batterie! Il y a aussi Manu Panier à la basse et Paul qui joue plusieurs instruments sur le disque (guitares, basse, claviers, percussions…). Des musiciens qui ne sont pas en démonstration mais qui font juste monter la sauce, qui donnent du son. Intelligent et sensible.

Slim Paul – Good is gonna come

« Rarement, je suis sorti du studio d’enregistrement pleinement satisfait. Pour cet album j’ai halluciné. J’ai fait exactement ce que je voulais faire. Je suis très fier des arrangements, de la couleur du son. C’est de la musique ancienne sixities-seventies. Mais travaillée de manière moderne. »

Mention spéciale au morceau « Bury me deep » avec un gros son, des guitares déchirées, où l’on ressent les influences de Pink Floyd. Sur un autre registre, « Dear neighbor ». Un titre composé lors de la série passionnante de Jeremy Dunne « From play to rec » dans un esprit live pour le documentaire, plus légère, folk et acoustique dans l’album.

From Play To Rec – réalisation Jeremy Dunne

Un look Tom Novembre ou Fred Chichin des Rita, la puissance d’un Joey Star, Slim Paul est aussi une bête de scène. « Il n’y a pas mieux que la scène pour se sentir vivant. » Le magazine Rolling Stone vient de désigner « Good for you » comme « disque de la semaine ». On le retrouve en interview : « La scène manque à tous les zicos, j’ai moi aussi hâte de retrouver mon public. Mais pour l’instant, je travaille avec ce que je peux donc on va continuer à faire parler de cet album, faire des lives sur les réseaux, tourner des clips, et on va garder la foi en se serrant les coudes. Et quand le temps sera venu de monter sur scène, je serais prêt ».

Slim Paul – Welcome (Live @ OZ – Zénith de Toulouse)

« Good for you » est l’album de la maturité, de la sérénité, de la générosité et de la simplicité. Un LP un peu à contre-courant, sans fard ni artifices, mais bien éclairé.

SLIM PAUL

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Benoît Roux

 

07 Fév

La sensation folk Anna B Savage qui sort un premier album magnifique

Personne n’a vu venir cette jeune londonienne et ses chansons intimes et écorchées. Anna B Savage signe un premier album qui ne ressemble à rien d’autre tellement elle ne s’interdit rien. Un sens innée des émotions musicales et une voix tantôt puissante tantôt susurrée. Elle n’a pas encore atteint les 800 abonnés sur sa chaîne Youtube mais ça ne saurait tarder. Découverte.

Pochette album « Common Turn »

Ne cherchez pas de la sophistication mais plutôt de la spontanéité chez Anna. Ca commence toujours tout simple, anodin et tout d’un coup, vous êtes pris d’une indicible émotion. Avec sa guitare à la Joni Mitchell, la jeune anglaise sait distiller les moments de grâce et ceux où l’orage gronde. Des petites mélodies, une base folk acoustique et soudain, le morceau se tire vers des ailleurs improbables. On frémit, on pâlit, on renaît, on s’accroche, en passant par tous les états. Des émotions transmises aussi par la voix, tantôt Hannah Reid de London Grammar, un peu (beaucoup !) de Kate Bush et un zeste peps de Beth Gibbons.

« Baby Grand », un morceau d’une puissance émotionnelle, incroyable, où les silences résonnent et la puissance l’emporte. « Baby Grand » raconte son premier amour de jeunesse, douloureux et sensible. Un hymne au doute et à la vulnérabilité. Le clip est réalisé par son copain de l’époque (7 ans en arrière). Une mise en abyme qui nous laisse le souffle coupé à la fin du clip.

Anna B Savage – Baby Grand

Pour son premier véritable album après un EP, Anna B Savage frappe fort et juste. Sa voix, comme un véritable instrument, en osmose totale avec sa musique. Souvent lyrique, parfois grave, allant chercher les aigus, non pas pour une démonstration technique mais pour un frisson. La chanteuse et musicienne possède un indéniable côté underground qui ne veut se plier à aucune mode, à aucun genre. Le mal de vivre enfermé dans sa guitare et qui fait vibrer les cordes sensibles.

Si sa musique est principalement folk, n’allez pas croire qu’elle se satisfasse d’une redite. Beaucoup d’influences électro viennent l’enrichir, un petit côté dance sur le titre « Two » où l’on retrouve aussi le côté expérimental d’une autre anglaise : Kate Bush.

Il y a aussi ce petit bijou « Corncrakes » qui sait prendre le temps, parfaitement équilibré avant la montée finale qui prend tout. Et dire que l’artiste n’est suivie pour l’instant que par à peine 800 abonnés sur sa chaîne Youtube !  Les compteurs devraient s’affoler même s’ils ne sont pas toujours gage de qualité.

Anna B Savage – Corncrakes

Telle une peintre, elle crée des palettes de couleurs musicales assez différentes d’un morceau à l’autre, le tout joliment enveloppé par un jeune électronicien anglais : William Doyle qui a publié plusieurs albums. C’est souvent barré, en équilibre sur un fil, avec de l’audace, puis de la retenue. Un dernier exemple de son talent : « A Common Tern ».

Anna B Savage – A Common Tern

Savage a cité Nick Drake et Ella Fitzgerald comme des influences clés sur son écriture. Mais à l’arrivé elle possède déjà son propre univers. Un album épuré, qui respire, une artiste qui ne cache pas sa fragilité, qui n’a pas peur de sa puissance. Des doutes et des certitudes profondément humains et touchants.

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Benoît Roux

30 Jan

La chanteuse soul Kimberose sort un second album réussi

Elle avait séduit avec son premier disque « Chapter One » sorti en 2018. Il n’est jamais facile de confirmer un talent brut. Beaucoup s’y sont plantés. Avec « Out », elle réussit son come-back. Une soul-pop plus riche et variée.

Photo extraite du clip « Back on my feet »

Dès les premières notes, on sent que quelque chose a changé mais que ce sera bien.

« Out », le second album de la rupture

Quand elle sort son premier album, derrière Kimberose se cache un duo : la chanteuse et son ami de l’époque guitariste. « Chapter one » a été écrit et composé ensemble. Depuis, le couple n’existe plus. Anecdotique? Non car ce nouvel album est résolument différent. Si l’on retrouve les ingrédients du premier, le second est un peu moins soul, égrainé de pop, de RnB et même de reggae.

Née dans l’Essonne d’un père anglais, scientifique qui travaille alors en France et d’une mère également anglophone, immigrée du Ghana à Paris. Kimberose a choisit ce nom d’artiste pour « Kimberly ose ». Et on peut dire que ce n’est pas usurpé.

Kimberose – Back on my feet


Si la voix est toujours aussi brillante, elle est un peu plus dans les aigus et le nasal. Kimberly Rose Kitson Mills est une interprète qui marche sur les traces d’Amy Winehouse (en moins jazz), Macy Gray ou encore Céleste qui sort elle aussi son album cette semaine. Elle fait partie des rescapées de l’émission de téléréalité « La Nouvelle Star » dont elle avait été éjectée très rapidement. Capable d’aller dans la force comme dans le plus intime. Un chant parfois maniéré mais toujours très assuré, dans le rythmique comme dans la mélodie. Une œuvre plus intime.

Des compositions très variées

Dans le premier album, il y avait une certaine unité, comme une évidence. « Out » est plus surprenant. 14 nouvelles chansons avec de nouveaux complices. Un disque ou elle se livre comme dans ce morceau très abouti « Sober » qui fait référence à l’alcolisme. Une reprise d’un texte de Joy Oladokun très réussie, dans laquelle elle s’est reconnue.

Kimberose – Sober

Pas vraiment de fautes de goût de dans la variété des compositions. Quelques perles mêmes comme « Warning Signs » qui sonne comme un classique. Les musiciens sont impec, les arrangements à la fois classiques et un tantinet inventif. Les cordes apportent de la légèreté, les cuivres et les claviers de la soul, les basses sont lourdes et les morceaux groovent parfaitement à l’image d' »Escape ». Kimberose a fait confiance à son petit frère sur plusieurs morceaux, elle en signe aussi certains avec brio comme « Thin Air » et le magnifique et poignant « We Never Said Goodbye ».

Kimberose – We Never Said Goodbye

A l’écoute de « Out », pas un des quatorze titres est en deçà des autres. Un album soigné réalisé par Régis Ceccarelli (le fils du batteur André Ceccarelli mixé et masterisé par le célèbre Dominique Blanc-Francard au Studio Labomatic à Paris. L’ancienne infirmière Kimberose signe une pop élégante et raffinée. La confirmation d’un vrai talent.

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Benoît Roux

 

 

11 Jan

Thylacine, un artiste qui voyage en électro

Saxophoniste, DJ, metteur en sons, Thylacine aime bien dérouter. Des espaces sonores qu’il revisite, une musique qui porte et transporte. Son nouveau disque electro Timeless revisite les grands tubes du classique avec élégance, finesse et respect.

L’artiste angevin Thylacine lors du festival des 3 éléphants en Mayenne ©PHOTOPQR/OUEST FRANCE via MaxPPP

Gérard Manset « Voyage en Solitaire », William Rezé -alias Thylacine- se balade en électro. Pas vraiment la même musique, mais sans doute une passion identique pour le son et les découvertes. Avec Thylacine, c’est de suite les grands espaces et quelque chose qui vous prend. Sur ce nouvel album, l’artiste angevin revoit ses gammes, lui qui a fait le conservatoire de musique classique. 11 morceaux où il mène au grand air les tubes des grands compositeurs. Dont ce petit chef d’œuvre d’Erik Satie.

Thylacine – Satie 2


La musique intimiste et répétitive de Satie semble écrite pour lui. Magnifique version live de la Gnossienne 1, même timbre, même jeu avec Bravin Karunanithy au piano et Thylacine au Bağlama grec qui donne un côté oriental bienvenu. L’album est du même acabit : des arrangements astucieux, un traitement hyper respectueux avec des samples habilement habillés.

Toujours inspiré sur Satie, avec un beat house très éthéré sur la Gymnopédie n° 1. Un clip très astucieux de sa complice photographe Cécile Chabert.

Thylacine – Satie 1


Thylacine bâti toute une orchestration, des nappes, des rythmes pour mieux mettre en perspective les sons initiaux, les instruments et les voix. Ainsi le titre « Mozart » (chaque morceau porte le nom du compositeur) avec le sample poignant du « Lacrymosa », composition ultime de Mozart pour son requiem.

Une vision très intelligente et sensible des compositeurs français Fauré et Debussy, des cordes splendides et magnifiquement samplées sur Schubert. Même Beethoven se retrouve allégé, aérien, avec le 3ème mouvement de sa 7ème symphonie.

Pour en arriver là, à ce degré de maîtrise et de rendu, Thylacine a parcouru beaucoup de choses, découvert de nouveaux espaces pour se réinventer. Il va dans la profondeur, l’essentiel, l’extase et la retenue. Un savoir-faire sans pareil pour sublimer les silences, casser les rythmes, créer une dimension pour un son et une voix. A l’image du très beau « Debussy ».

Très inspirés, les 11 titres sont de véritables re-créations à partir d’originaux. Avec une très belle ouverture inspiré du compositeur russe Alexander Sheremetiev, piano et chœurs d’hommes. Le cristallin qui s’allie au grave, mélange d’espoir et douce mélancolie où se glissent des petits airs d’Amélie Poulain.  

Thylacine – Sheremetiev


Avant ce périple, Thylacine s’était lancé dans des road trips musicaux, à bord d’un train, sur Transsiberian (2015), ou dans une caravane en Amérique du Sud sur les deux volumes de Roads (2019-2020). Tel un chef d’orchestre sur ses machines, il compose et décompose, façonne les ambiances, structure les montées en puissance, prépare les ruptures de grand silences. L’équilibre est souvent surprenant et parfait.

En plus de cet album, son actualité est aussi la BO qu’il signe pour la nouvelle série de Canal + « d’OVNI(s) » diffusée à partir de ce soir lundi 11 janvier 2021. Encore un nouvel espace pour ce grand artiste voyageur qui sera bientôt en tournée si…

Le nom « Thylacine » vient d’un loup marsupial de Tasmanie aujourd’hui disparu. Il pourrait bien permettre à l’artiste de se faire grandement connaître. 

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Benoît Roux