05 Nov

Sorties albums : ok pour Dominique A et Marina Kaye, report pour Calogero, Maître Gims et Jane Birkin

En prévision des fêtes de Noël, plusieurs albums devaient sortir ce vendredi 6 novembre. Avec la crise et la fermetures des magasins jugés non-essentiels, plusieurs artistes et maisons de disque ont préféré reporter ces parutions.

Les rayons de jouets, livre, disques et films sont fermés au magasin de la Fnac de Nevers, novembre 2020 ©Pierre DESTRADE ; ; 03/11/2020 via MaxPPP

Même si la consommation de musique se fait de plus en plus via le streaming, les CD et autres vinyles sont toujours prisés, notamment pour offrir lors des fêtes de Noël. Plusieurs artistes très populaires avaient programmée leur nouveauté pour cette fin d’année. Les rayons disques, livres et DVD des magasins étant fermés, les ventes d’albums de ces dernières semaines pas formidables, que pourrons-nous écouter en ce week-end? Quelles sont aussi les sorties reportées?

Déconfinés ce vendredi 6 novembre

Journée spéciale sur les antennes de France Inter le vendredi 6 novembre, Dominique A aura bien besoin d’un peu de promo pour faire connaître son disque. Privés de concerts, visibilité réduite pour des ventes d’albums, Dominique A comme ses collègues tente de se frayer un chemin. « Vie étrange » est justement le titre de son nouvel album qui n’était pas prévu. Sur sa page Facebook il explique : « Après avoir sortis 2 albums en 2018 et tourné pendant un an, je m’étais imposé une présupposée longue période d’autarcie pour recharger mes batteries ». Mais pendant le premier confinement, il sort une reprise de Marc Seberg « L’éclaircie » puis un 4 titres. « Tout cela formant un tout, porté par une même méthode et imprégné des incertitudes de l’époque. D’où ce titre Vie Etrange dont le désir de garder une trace tangible appelait une sortie physique. »

Dominique A – L’éclaircie

Pour Vianney, l’album prévu ce vendredi « N’attendons pas », ne sera pas différé et sortira bien. Pour Gaël Faye, c’est coup double : le film adapté de son premier roman « Petit pays » et son second album « Lundi méchant ». Un album très attendu, concocté depuis 2 ans « Le Lundi Méchant est un concept venu de Bujumbura, au Burundi. Les gens sortent en boîtes de nuit le lundi soir, presque comme un pied de nez, en décidant de ne pas attendre le week-end pour s’amuser. Par extension, c’est Un album un symbole de liberté, un refus du monde tel qu’il est régi. On se prouve ainsi qu’on est acteur de sa vie. Le Lundi Méchant, c’est se réapproprier sa vie, ne rien se laisser dicter par les autres. Le lundi, tout est encore possible… » Le premier extrait s’appelle « Respire ».

Gaël Faye – Respire


Sur nos platines et nos plateforme du jour : « Disco » pour se changer les idées avec Kylie Minogue, Bilal Hassani propose une « Contre soirée » et Ben Mazué nous amène au « Paradis ». Très attendu également « Twisted » de Marina Kaye avec plusieurs extraits présentés lors du Live stream immersif de la plateforme DAZZLE. Le 13 novembre, ce sera au tour AC/DC de remettre le feu avec Power Up.

AC/DC – Shot in the dark

Des grosses cylindrées au garage

Bloqué au « Centre ville », le nouvel album de Calogero. L’une des meilleures ventes de disque en France peut pas se permettre une sortie de route. Le voilà bloqué avec « Centre ville ».

Sur les sites de la Fnac et d’Amazon, son nouvel album est néanmoins annoncé pour le 11 décembre. « Jusqu’ici tout va bien ». Maître Gims est au générique de la nouvelle série de TF1, en live sur Instagram mais son CD attendra. Sans doute pour la même cause : « Le fléau ». 

https://twitter.com/MaitreGIMS/status/1324350536146165760?s=20

Elle devait fêter son grand retour avec un album de chansons originales pas écrites par Gainsbourg mais par Etienne Daho. Jane Birkin elle aussi renonce. Les 2 icônes pop ont fait la une de Télérama mais la sortie attendra. « Oh ! pardon tu dormais ». Le premier extrait était pourtant prometteur.

Jane Birkin – Les jeux interdits

Des reports qui prouvent bien que les sorties « physiques » sont toujours importantes malgré le streaming. « Les deux derniers mois de l’année représentent en moyenne un tiers à 40% des revenus annuels des produits physiques », explique Alexandre Lasch, directeur général du Snep (syndicat national de l’édition phonographique) dans le journal Sud-Ouest.

Le même syndicat qui est aussi à l’origine d’une pétition en ligne (sur le site change.org)  pour réclamer la réouverture des petits magasins culturels et des rayons culture de la grande distribution. Plus de 7300 signataires, beaucoup d’artistes pour lesquels il est bien difficile aujourd’hui d’exister.

Benoît Roux

03 Nov

Comment soutenir la musique et les artistes avec ce nouveau confinement?

Depuis mars dernier, la plupart des artistes n’ont pas eu l’occasion de se produire en concert. Confinement, déconfinement, reconfinement, la donne reste la même : recettes insuffisantes voire inexistantes. Socialement, c’est aussi difficile pour les artistes de garder un lien avec le public. Lives streams payants, financement durable, concerts drive-in? Comment les artistes pourront-ils vivre encore demain de leur art ?

Marina Kaye lors du premier enregistrement Dazzle. Photo : William Lacalmontie

Lors du premier confinement, les artistes ont tué le temps et chassé leur frustration avec de nombreuses vidéos. Connus, méconnus, inconnus, solo, avec des musiciens, avec l’orchestre, toutes les formules ont été requises. Avec plus ou moins de bonheur.

Seulement voilà, il y a peu de chances que le confinement version 2 ressemble au précédent. Économiquement, la situation n’est plus tenable, ni pour les artistes, ni pour les professions qui gravitent autour. Il faut donc trouver des idées pour diffuser la musique tout en trouvant de nouvelles sources de rémunération.

Des lives streams payants ?

Le confinement épisode 1 a suscité un flot sans précédent de vidéos musicales diffusées en live stream sur les différents réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Mais pour la plupart, elles étaient en accès libre. La question se pose donc d’une possible mais nécessaire monétisation. L’article du Centre National de la Musique rappelle l’historique et le contexte, mais difficile d’en faire un modèle économique viable. Il intéresse les artistes évidemment mais aussi les salles de spectacles et même certains lieux pas spécialement culturels qui pourraient être mis en valeur d’une autre manière. Les internautes et les fans seront-ils prêts à payer un ticket d’accès sans assister physiquement au concert ?

Le site Sortiraparis.com dresse une liste d’une bonne dizaine d’événements musicaux qui vont avoir lieu d’ici la fin 2020. On y retrouve du beau monde comme Kylie Minogue, Metallica ou encore Gorillaz.

On est vraiment situés entre le live et le clip

Le 22 octobre à 19H, une nouvelle plateforme originale a fait son apparition. DAZZLE est une entreprise française qui propose des concerts lives streams immersifs dans un lieu original. 20-25 minutes de live avec des morceaux qui sont réalisés un peu comme des clips. Ensuite, un talk-show avec l’artiste et des questions posées par les internautes pendant le live. Première expérience donc : la française Marina Kaye. « On veux proposer une expérience musicale et visuelle différente. On essaie de filmer différemment d’un prime-time télé. Les plans sont plus longs, on crée une atmosphère avec le lieu, les éclairages et les vidéos ». Baptiste Ferrier est le fondateur de Dazzle et son directeur de création. Le numéro 1 a été enregistré à Bagneux, formule piano-voix avec Marina Kaye. « On cherchait un lieu industriel et pratique. Pour les suivants, ce serait bien de trouver des lieux atypiques, étonnants, qui ont déjà un intérêt même sans éclairage ».

Making-off de l’émission

Coût de l’émission : 200 000 € pour cette première accessible gratuitement. Une quarantaine de personnes a travaillé sur cette formule durant 2 jours. Mais l’idée c’est bien de trouver un modèle économique qui permette d’en vivre et de rémunérer techniciens et artistes. Il existe déjà ce type de plate-forme payante, notamment souvent dans le domaine de la musique électro. « Nugs TV » propose aussi beaucoup de musique live payante en streaming comme par exemple Metallica le 14 novembre. On peut d’ores et déjà acheter son billet mais aussi son T-Shirt Metallica moyennant 15 dollar.

Pour Dazzle, suite au concert de Marina Kaye, des discussions sont engagées avec des labels français. « L’idée ce serait de faire des lives sur des formats plus récurrents mais gratuits, puis un concert événementiel avec billetterie chaque mois. Il y a un vrai format à inventer en complément du live. Avec plus de proximité avec l’artiste, en proposant par exemple un accès backstage en amont pour les abonnés. Si nous arrivons à bâtir ce modèle, il peut perdurer au-delà du confinement.  » 

Le résultat est assez différent de ce que l’on peut voir habituellement. Le visuel est intéressant et l’atmosphère prenante. Même si évidemment, la performance ne ressemble en rien à un concert tel qu’il se vivait auparavant. Quelles émotions peut procurer un spectacle auquel on ne peut pas assister physiquement? Et quel est le ressenti de l’artiste qui se produit sans public en face? L’avenir dira si ce nouveau concept peut devenir une ressource complémentaire pour les artistes et autres professionnels du spectacle. En tous cas, cette première avec Marina Kaye est convaincante.

C’est qui le « Patreon »?

L’artiste a besoin du public, mais avec tous les gens qui gravitent autour, ils doivent surtout pouvoir vivre convenablement. Quand l’industrie du disque déjà endommagée s’effondre, quand il n’y a plus de rémunérations liées au concert, quand la musique est largement diffusée mais sans rétribution digne de ce nom, comment continuer à créer? Avec le soutien financier et régulier des fans. C’est le principe de la plateforme PATREON.

Lancé en 2013 aux States, « Patreon » vient de lever 90 millions de dollars pour être présent en France. Relativement méconnu chez nous, on doit cette initiative à Jack Conte, un musicien du duo Pomplamoose.  Las de toucher de maigres pécules via sa chaîne You Tube (100 000 abonnés), il lance ce nouveau modèle. Ses fans s’engagent à le financer avec plus de 5 000 $ par vidéo publiée en exclusivité sur le site dès les premières semaines. En contrepartie de ce financement, l’artiste s’engage à publier de nouvelles choses régulièrement et en exclusivité sur le site. La start-up prend une commission qui oscille entre 5 et 12 % en fonction des formules. Le reste est versé aux artistes. 

Un développement durable pour les artistes

« Patreon » tout comme « Tipee » qui existait en France proposent une sorte de circuit court entre les créateurs et leurs communautés. La formule d’abonnement est de 3 à 25 euros par mois. Pas énorme pour les donateurs, mais une assurance survie pour les artistes. Contrairement à des plateformes de crowdfunding comme « Ulule » qui financent un projet, les fans s’engagent pour du long terme. De quoi permettre de créer un peu plus sereinement, ce qui met aussi une certaine « pression » qu’il faut gérer côté artistes. L’inscription est gratuite pour les artistes, les abonnés peuvent souscrire et arrêter leur abonnement quand ils le souhaitent. Mais en principe, les fans sont plutôt fidèles. Pas encore grand public, mais adopté déjà par certains artistes intéressants comme Jacob Collier, le site a pour l’instant attiré des artistes dans des domaines un peu particuliers. 

Selon le fondateur de « Patreon », il a publié plus de cent vidéos sur YouTube en 2019. « Un million de vues ne m’ont été payées que 166 dollars, indique-t-il dans cet article. De longues nuits, un travail acharné ne rapporte rien ». Toujours selon ce même papier des Echos, depuis sa création ce système a permis à plus de six millions de fans d’apporter 2 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) aux 200.000 créateurs inscrits sur la plateforme.

Il permet aux artistes d’être un peu plus autonomes par rapport à certains diffuseurs et surtout, il casse le sacro-saint principe de la gratuité d’internet. Oui, il faut apprendre à payer si l’on veut voir des choses de qualité. Ecouter de la musique ne doit pas se résumer à des vidéos Youtube ou à des plateformes peu regardantes avec du streaming à bas coût.

La crise profonde et durable va accélérer les changements de modèles économiques pour la culture. Les français accepteront-ils de payer pour de la qualité, de l’originalité et de l’exclusivité pour la musique comme ils le font pour le sport et d’autres domaines ? Question de survie.

DAZZLE

PATREON

Benoît Roux

31 Oct

Le clip d’Halloween qui vous fera sortir du confinement

Déjà mare d’être enfermé? Envie d’évasion, de changer d’air? Le nouveau clip du duo Toulousain sorti spécialement pour Halloween va définitivement vous faire sortir de chez vous. Fait avec les moyens du bord « Do it Yourself » mais avec avec beaucoup d’imagination, il revisite plein de films d’horreurs. Le confinement ? Oubliez de suite !

Pas de fête d’Halloween, un deuxième confinement cette année mais Johanna et Christophe Dorso ont tenu absolument à sortir leur troisième clip. Prévu depuis plusieurs semaines, l’idée était de délirer sur le morceau « Dream or Nightmare » sur le thème d’Halloween. Ils ont donc fait appel au danseur toulousain de hip hop David Dee ainsi qu’à plusieurs danseuses et danseurs.

Photo du clip

Comme souvent chez le Duo Anadjoh (Johanna et Christophe Dorso), l’imagination et la créativité ne sont pas en reste. Après WHY réalisé pendant le premier confinement, après FROM HELL tourné avec le comédien Pierre Matras, voici donc un troisième morceau et clip de Johanna et Christophe.

Duo ANADJOH – Dream or nightmare

« Carrielise », « Rombie dead », « Margo queen », « Romannaelle », « Celia doll », « Adecat », « Blood Mareva » et même « David Dee the Mummy », les participants enfants et adultes sont nombreux. Ils n’ont pas eu peur des zombies.

Johanna Dorso Duo ANADJOH

« Dream or nightmare », « rêve ou cauchemar », telle est la question du moment. Le duo rêvait e moyens pour réaliser le clip, il n’a pas eu ce qu’il escomptait. Mais ça n’a pas tourné pour autant au cauchemar car le peu de moyens a développé leur créativité. « Le cauchemar est l’épreuve nécessaire du rêve, sa première incarnation. » La citation est de l’écrivain Québécois Yvon Rivard. Plus que jamais, il faut exorciser les peurs. En tous cas bravo à tous les artistes qui ont participé au clip. Pour ceux qui n’ont pas tout compris, le duo organise demain dimanche 1er novembre un Facebook live. Et si la peur vous fait sortir de la maison, n’allez pas trop loin ! Le confinement rôde…

Benoît Roux

FACEBOOK ANADJOH

FACEBOOK DAVID DEE

28 Oct

Fatma Saïd la nouvelle diva du chant

Lorsqu’on écoute Fatma Saïd, on sent de suite la différence. Une voix lumineuse et prenante, une diction parfaite, de la conviction, la chanteuse égyptienne fait partie des révélations du moment. Elle vient de sortir un premier disque « El Nour » où l’on retrouve des morceaux classiques mais aussi des airs traditionnels arabes ou espagnols. Une nouvelle Maria Callas ? Oum Kalsoum? Peu importe, Fatma Saïd est atypique et envoûtante.

Photo : Felix Broede

Elle a tout à peine 30 ans, mais Fatma Saïd s’est déjà produite sur les scènes les plus prestigieuses. Formée à la Hanns Eisler School of Music de Berlin, elle a reçu une bourse pour étudier à l’Accademia del Teatro alla Scala de Milan. Voilà pour son CV. Mais ce qui compte c’est de l’écouter et mesurer tout ce qu’elle en a fait. Et là, la magie opère. Un timbre de soprano, une voix très limpide, une souplesse, un tenu de note exceptionnel, beaucoup voient en elle une future Maria Callas.

Sa diction rend chaque mot intelligible, notamment en français qu’elle parle parmi d’autres langues. De comprendre la langue que l’on chante rend évidemment l’expression du chant plus fine. On perçoit de suite qu’elle maîtrise ce qu’elle chante, sur un plan technique mais aussi et surtout par apport au sens qu’elle donne à chaque parole. Son chant est à la fois intelligent et sensible. Une particularité assez rare qui fait penser à la Libanaise Sœur Marie Keyrouz.

J’adore la musique classique car le chant classique est ma profession. Mais j’aime tellement de genres musicaux différents !

La deuxième chose qui frappe, c’est sa curiosité, sa volonté de ne pas se cantonner à un seul répertoire. Son nouveau et premier disque est dédié à tout le pourtour méditerranéen. Comme une passerelle entre les cultures, une connexion grâce à la qualité émotionnelle de sa voix.  Elle interprète des pièces de Bizet, Ravel et Berlioz, mais aussi des chansons andalouses de Manuel de Falla et les chansons traditionnelles répertoriées par Frederico Garcia-Lorca.

Fatma Saïd – Sévillane du XVIIIe siècle répertoriée par F. Garcia-Lorca

Elle n’a pas le duende d’une chanteuse de flamenco comme  Carmen Linares qui a enregistré aussi ce répertoire. Mais elle colore chaque mot, chaque intonation de sa sensibilité et de son ressenti. Elle personnalise un répertoire déjà entendu mais jamais comme ça. Sans oublier ses racines au travers des découvertes comme le compositeur Gamal Abdel-Rahim ou ce morceau magnifique qu’elle a elle même composé, sublimé dans le disque par sa voix et le Ney, une flûte en roseau au son magique. Dernièrement, elle s’est produite en live à la télé allemande, seule au piano. Magique. 

Dans une interview au journal 20 Minutes, elle déclare : « Je suis une personne, un caractère, une voix, un timbre. Et j’ai une culture. Je ne voulais pas d’un album d’airs de gala, comme c’est la tradition chez les sopranos. Je voulais faire quelque chose de différent. »

Son premier disque (« El Nour », la lumière en arabe) est une pure réussite artistique pétri d’intelligence et d’humanité. La diversité du répertoire démontre aussi son ouverture d’esprit.

Avant d’enregistrer ce disque, les spectateurs du Royal Albert Hall de Londres, du Concertgebouw d’Amsterdam ou tout récemment ceux du spectacle de la Tour Eiffel du 14 juillet dernier à Paris ont pu mesurer son talent et sa manière d’être avec une bonne humeur communicative. Fatma Saïd n’a pas fini d’envoûter et d’illuminer les plus grandes scènes. A écouter, les yeux fermés.   

SITE OFFICIEL

Benoît Roux

23 Oct

Avec son 20e album Bruce Springsteen redevient « The Boss »

Pour son 20e album, Springsteen retrouve son groupe mythique The E Street Band. 12 titres enregistrés dans son studio du New Jersey quasiment en live. En ces temps où beaucoup de choses se délitent, écouter ce nouvel album amène une certitude : Bruce Springsteen est bien redevenu le Boss.

Bruce Springsteen et The E Street Band de nouveau ensemble pour un nouvel album en attendant la scène ? Photo: Andreas Gebert/dpa via MaxPPP

I’m alive and I’m coming home

Dans un New Jersey rudement touché par la pandémie, Bruce Springsteen est toujours vivant et il revient à la maison. Sa maison c’est aussi le E Street Band, son groupe habité par le son du bon vieux rock-blues américain. Et quand la formation prodige revient chez elle, l’esprit demeure. Les musiciens sont excellents, ça déménage à tous les niveaux, les arrangements sont classiques mais riches et efficaces. Reste le Boss. Du haut de ses 71 bougies, Springsteen a gagné en fragilité, en sensibilité. Dès le premier morceau « One minute you’re here », on entend d’abord le souffle, et sa voix émouvante, terriblement humaine, vibrante, déchirante. Le « Boss » se ballade dans toutes les nuances. Une intro et un dernier morceau « I’ll see you in my dreams » pour rappeler que la vie peut s’éteindre à tout instant mais que les morts continuent de nous accompagner.


Springsteen revient aux fondamentaux avec une certaine nostalgie. Comme une réunion de vieux potes pour voir si tout fonctionne encore, si les cow-boys peuvent toujours braquer la banque. On pense à « Born to Run », enregistré en 1974 mais en beaucoup plus spontané et moins « cuivré ». La fougue, la fièvre, la tension électrique brûlent toujours, comme sur le magnifique « Burnin’train ». Un train lancé à fond, soutenu par la batterie, éclairé par les guitares au très beau son et conduit de voix de maître par Springsteen. Mon préféré de cette nouvelle production.

« Letter to you » dévoilé il y a quelques semaines et qui a donné le titre de l’album est de la même veine. Les vieux démons -mais surtout l’esprit des défunts- rodent toujours à l’instar des « Ghosts » qui viennent habiter ardemment la maison.

« Letter to You est une réflexion et une méditation sur le temps qui passe, la perte d’amis et comment cela vous affecte en vieillissant. Et en même temps, il s’agit d’une célébration du fait que le groupe continue et que nous portons l’esprit des absents avec nous« , a déclaré Bruce Springsteen au micro de Zane Lowe sur Apple Music.

Des reprises de morceaux inédits des années 70

Et comment ne pas faire nostalgique lorsque l’on reprend des titres comme « Janey needs a shooter » que Springsteen avait écrit avec Warren Zevon au tout début de sa carrière. Springsteen a longtemps voulu enregistrer ce morceau mais il n’a jamais été satisfait du résultat. Warren Zevon décédé depuis s’y était attelé et Springsteen avait trouvé les arrangements intéressants. Orgue Hammond rutilant et harmonica enflammé.

Tout aussi mythique et mystique, toujours écrit dans les années 70, le titre « If I Was the Priest » aux accents très dylaniens, interprété avec une voix à la fois puissante et fragile pour faire place à l’émotion. Un titre écarté de son premier album Greetings From Asbury Park N.J. paru en janvier 1973.

Même époque pour « Song of orphans ». Les fans invétérés connaissent cette chanson étant donné qu’une version studio pouvait se trouver.

Dans les reprises, comme dans les créations, dans les ballades comme dans les rocks enfiévrés, cet album signe le retour du Boss dans ce qu’il sait le mieux faire : du bon vieux rock avec des musiciens hors pair.  « Je suis au milieu d’une conversation de 45 ans avec ces hommes et femmes qui m’entourent« , rappelle t-il dans cet article de Francetvinfo. « Nos années à jouer ensemble ont créé une efficacité en studio. Les idées fusent dans la pièce. La confusion règne souvent. Et puis soudain, dynamite!« . Explosif mais pas de surprises, ni de révolution, dans cet album « Letter to You ». Juste le plaisir de constater que tout vieillit bien, sans altération, sans artifice pour le masquer. Vocalement même, l’émotion et l’humanité de Springsteen sont encore plus prégnantes.

ITV en intégralité de Springsteen par Zane Lowe pour Apple music

SITE OFFICIEL

DOCUMENTAIRE VIDEO APPLE TV

Benoît Roux

22 Oct

Qui est derrière « Rockstars du Moyen-Âge », un titre du dernier album de Francis Cabrel ?

Comment Francis Cabrel -le chanteur respecté mais discret- est-il devenu défenseur des régions, admirateur des troubadours occitans, pourfendeur du jacobinisme français? Avec son dernier album, l’artiste est sorti de sa réserve avec des mots très explicites. Derrière cet engagement symbolisé par la chanson « Rockstars du Moyen-Âge », il y a plusieurs artistes dont Jean Bonnefon.

Francis Cabrel et Jean Bonnefon sur scène Octobre 2017

Le journaliste de France Bleu et chanteur occitan Jean Bonnefon est un ami de Francis Cabrel. Voilà presque 40 ans qu’ils partagent une belle amitié pas seulement artistique. Enraciné à Astaffort (47), Francis Cabrel sème des graines d’artistes et les fait grandir avec les « Voix du Sud », des rencontres artistiques régulières dont le président n’est autre que … Jean Bonnefon! 

Quand le groupe périgourdin « Peiraguda » fête lui aussi ses 4 décennies, Francis Cabrel est invité à partager la scène avec Jean et ses complices. Il y a aussi le chanteur de l’emblématique groupe Nadau. Jan de Nadau, Jean Bonnefon et Francis se connaissent bien et leurs points de vues sont souvent communs. Ils se reconnaissent dans ces phrases délivrées par le chanteur lors du JT de France 2 le 18 octobre 2020.

Le français a tout écrasé, et surtout s’est extrêmement centralisé. Il faut qu’on retrouve nos caractères profonds, chaque région a ses coutumes, sa langue, sa cuisine, ses paysages, il faut appuyer là dessus.

Un engagement progressif

Ces mots peuvent surprendre, de la part d’un artiste très respecté mais tout autant discret dans ses engagements. Au travers de sa poésie, pointent souvent les valeurs écologiques. Sous jacentes aussi les critiques fleuries de la société moderne. L’air de rien, au travers des mots, respirent souvent des messages discrets. En 1983, la chanson « Les chevaliers Cathares » ironise sur ces 3 statues en ciment à l’esthétique douteuse qui bordent « l’autoroute des 2 mers ». Cabrel soupçonne son auteur d’être « du dessus de la Loire ».

Les chevaliers Cathares
Pleurent doucement
Au bord de l’autoroute quand le soir descend
Comme une dernière insulte
Comme un dernier tourment

Cette chanson de 1983 marque son premier engagement régionaliste artistique. Mais la langue occitane n’est pas encore là. Francis Cabrel déclare dans l’émission de France 3 « Viure al pais » en 2018 : « Je suis né dans des rues où l’on parlait occitan. … Je ne l’ai pas étudié, puis je m’en suis éloigné. Au fil du temps j’ai rencontré des amis qui s’y intéressaient beaucoup et qui petit à petit m’ont convaincu de m’en rapprocher. » 

Au début de sa carrière, Cabrel dit volontiers : « Je suis un fils d’immigré italien qui vit en Occitanie, qui chante en français des chansons américaines ».

En 2015 paraît son avant-dernier album « In Extremis ». L’occasion d’une nouvelle ode à l’écologie, à la diversité en général et celle des langues en particulier.

Francis Cabrel au « 40 ans de Peiraguda » – In extremis

Les mots se font alors plus abrupts. Dans la chanson qui a donné son titre à l’album, Cabrel parle d’un « génocide par précaution » de la langue occitane à la faveur de la française. Dans une interview à Paris-Match il déclare : « C’est une chanson sur la langue occitane que je défends. Le français l’a piétinée et, pour être sûr de son hégémonie, on en a fait table rase. On peut voir cette chanson comme un hymne à tous ceux qui résistent et qui arrivent à avoir gain de cause. »

2017, « Peiraguda » fête ses 40 ans. Evidemment, Francis Cabrel est de la fête, avec Jan de Nadau et « Los Pagalhos ». « Là, il a vu que cette culture, cette langue, étaient encore vives et que l’on pouvait faire de belles choses. Les 2 soirées qui ont suivi les concerts l’ont peut-être fait réfléchir et achevé de le convaincre », suggère Jean Bonnefon.

Peiraguda, Francis Cabrel, Jan de Nadau – Mon dieu que j’en suis à mon aise

 

Pour défendre son nouveau disque « A l’aube revenant », il n’hésite pas à passer des paroles aux actes en déclarant au journal de France 2: 

Je suis du Sud, partout c’est l’Occitanie autour de moi, des gens se battent pour la langue occitane et je suis à leurs côtés

La découverte des Troubadours, ces « Rockstars du Moyen-Age »

Amoureux des Lettres, Francis Cabrel ne pouvait pas passer à côté des troubadours ces grands poètes, musiciens et interprètes apparus au XIe siècle. A l’époque, ils ont d’abord écrit en occitan et tout ce pan de culture a été diffusé dans les plus grandes cours européennes. A Toulouse, les Troubadours sont Fabulous et Claude Sicre va faire des émules dans le Lot-et-Garonne. Jean Bonnefon raconte : « Claude est venu à Astaffort chez Francis Cabrel pour enregistrer des chansons réalisées par le guitariste et arrangeur Freddy Koella (grand musicien qui a joué avec Bob Dylan, Willy Deville, … ex-membre de Cookie Dingler). Claude Sicre lui porte alors plein de livres sur les troubadours ».

Une chose attire particulièrement l’attention du chanteur; une phrase précisément d’un texte de troubadour : « Se as pas res, as pas res a perdre » (si tu n’as rien, tu n’as rien à perdre). Cabrel, grand fan de Dylan que l’on qualifie volontiers de « troubadour » trouve là une résonnance de la célèbre chanson « Like a Rolling Stone » : « When you ain’t got nothing, you got nothing to lose ».  Plus qu’une simple coïncidence. 

Cabrel tombe sous le charme de ces écrivains. Il achète d’autres livres pour approfondir ses connaissances. Il reconnaît volontiers connaître leur existence mais découvre la beauté et la profondeur de leur littérature. « Il projetait même de consacrer tout son nouveau disque à ces poètes« , précise Jean Bonnefon. Finalement, il y aura 4 titres du nouvel album qui y feront référence.

En 2018, Claude Sicre invite l’artiste à se produire sur la scène de l’Estivada, le festival occitan de Rodez. Il y chantera son répertoire en français, mais aussi en occitan grâce aux traductions de Jean Bonnefon. Il accompagnera les enfants de la calandreta (école en occitan) pour une version en occitan de sa chanson « Il faudra leur dire ». Il se livrera aussi à une joute verbale et poétique avec Claude Sicre avant de présenter une nouveauté : « Rockstars du Moyen-Age ». Le titre de la chanson et l’expression viennent de Claude Sicre. De l’aveu même de Cabrel :  « il m’a donné la phrase qui a mis le feu aux poudres. »

Francis Cabrel à l’Estivada (Rodez) 2018

La version que l’on écoute aujourd’hui sur le nouveau CD est différente de celle de 2018.

Rockstars du Moyen-Age et la recherche des 3 S

Un jour, le natif d’Agen appelle le Périgourdin Jean Bonnefon. « Je vais t’envoyer un texte. Je voudrais que tu en traduises une partie… » Le co-fondateur de « Peiraguda » va faire une adaptation du texte en français plus qu’une simple traduction. « Quand je lui ai montré le texte, ça n’allait pas. Ca ne sonnait pas assez car chez Francis, il faut toujours qu’il y ait les 3 S : du Sens, du Son et du Swing!  » Jean cherche alors la bonne formule, pour la rime, pour le rythme inhérent du mot. Pour traduire « Moyen-Age », il prend quelques libertés en écrivant « Media d’Atge » au lieu de « Edat majana ». « Ca sonne quand même mieux »! Il fait d’ailleurs valider son travail par Daniel Chavaroche et Jean-Michel Espinasse, 2 références gasconne et languedocienne de la langue occitane. A l’arrivée, le refrain et un couplet en occitan. Une première pour Cabrel. 

Francis Cabrel – Rockstars du Moyen-Age

Depuis, les messages de félicitations abondent et l’émotion gagne : « Quand il m’a demandé pour la première fois d’écouter l’enregistrement, c’était déjà très émouvant de l’entendre en occitan. Mais quand Francis cite les troubadours lors d’un couplet, j’avoue qua ça m’a donné le frisson ». 

De là à imaginer une suite…? « Je ne sais pas s’il y en aura une. Mais on continuera de lui souffler des choses à l’oreille » ! Le souffle poétique, puissant et inaltérable des troubadours.

Benoît Roux

17 Oct

Vox Bigerri : la recherche du son en commun

C’est devenu LA référence du chant polyphonique pyrénéen. Vox Bigerri sort son 7ème album « Jorn ». Un mélange de créations, chant traditionnels, reprise jazz. 4 hommes dans le vent pour un disque de très haute volée. Guidés par la recherche du son commun.

C’est un temps suspendu, contemplatif. Se poser, fermer les yeux, écouter, observer. Un disque de Vox Bigerri, ça se savoure, durablement. Pascal Caumont, Fabrice Lapeyrère, Régis Latapie et Bastien Zaoui sortent aujourd’hui leur 7ème album. Ils sont devenus LA référence du chant polyphonique traditionnel et contemporain. Un travail historique, scientifique et artistique avec des chants collectés dans les vallées pyrénéennes, des adaptations et des créations.

« Jorn » un disque de polyphonies de tous les temps

Ce qui frappe en premier lieu, c’est la puissance du son. Un son qui va au-delà de l’écoute, avec beaucoup de force et de sérénité. Jusqu’à présent, ils étaient 5. Mais la voix la plus haute (Olivier Capmartin) s’est envolée. Ce qui n’est pas un problème car dans la polyphonie traditionnelle, il y a 3 registres de voix. Désormais, les 4 compagnons de voix voyagent sur tous les tons. « Dans nos chants, il y avait souvent 3, 4 voix maxi, rarement 5. Donc nous alternons les registres, avec plus de souplesse. » Pascal Caumont est à l’origine de cette formation masculine.

Vox Bigerri – La nòvis n’a la corona li tomba

 

Jusqu’alors, les disques étaient thématiques : le chant sacré (Cap aus Sorelhs, vers les soleils), le chant festif (Ligams, liens), la rythmique jazz avec l’intrusion du batteur américain Jim Black (Tiò). Dans le nouveau CD « Jorn » (jour), il y a un peu de tout. Le morceau « Jorn » justement est une création, des paroles de Pascal Caumont mises en « musique » par Fabrice Lapeyrère. N’allez pas croire que ça parle de bergers, de troupeaux égarés et de femmes éplorées ! « Cette création me plaît beaucoup. Elle parle des valeurs de notre société. Nous avons beaucoup de forces en nous pour affronter la mauvaise période que nous traversons. Il nous faut aller de l’avant pour bâtir une société plus juste et plus coopérative ». Avec la période que nous traversons, la résonnance est évidente.

Le son commun

« SON » : pronom personnel possessif. Une définition qui vaut pour la langue française. Mais Vox Bigerri chante surtout en occitan! Alors le SON est bien « personnel » dans le sens d’unique, propre, mais il n’a rien de « possessif ». Il serait plutôt synonyme de partage. C’est la recherche perpétuelle du son commun. Aucun doute à l’écoute de ce nouveau CD. En studio, sur scène, il y a cette manière d’être ensemble, de faire communion. Les 4 voix s’harmonisent parfaitement, servant d’écho et de support les unes aux autres. Un chant à l’unisson rempli de résonnances.

Sur la pochette de ce nouveau CD, les anneaux de Saturne (le lien) et sa lune Rhéa, la femme de Cronos, maître du temps. Les chansons interprétées sont en effet moins soumises au temps, la rythmique pourtant complexe se fait discrète pour porter l’ampleur des voix. Tout est aérien et suspendu. Comme le temps qui s’arrête pour faire place aux voix. Les chanteurs remplissent l’espace. La polyphonie sonne alors comme une plénitude. On se retrouve transporté hors du temps.

Vox Bigerri – Jorn (Création 2020) from Pirèna Immatèria on Vimeo.

« Nous voulons être dans le son de la voix, une connexion pour faire accord, entrer en harmonie. Quand nous chantons comme ça, nous ressentons des vibrations dans tout le corps. Le rythme est organique, pas mécanique », explique Pascal Caumont. Et ce n’est pas une gasconade !

Le chant comme un ballon de rugby

Chaque langue a sa musicalité mais Vox Bigerri passe aisément de l’occitan au français, parfois dans le même chant comme « Aquesta neit n’èi hèit un rève » (Cette nuit j’ai fait un rêve). Dans la très réussie reprise de « Strange fruit » (Fruit étrange) de Billie Holiday puis Nina Simone, ils s’approprient la mélodie, tantôt en anglais, tantôt en occitan. Autant dire que le chant du groupe Vox est protéiforme, dans son univers pour les traditions, dans les cieux pour le chant religieux (« Sanctus-Benedictus », « Kyrie Eleison »)), transcendé par le rythme quand pointe le jazz (« Strange Fruit »).

Un travail de funambule, toujours en équilibre, à la recherche du bon rebond vocal.

Il faut être concentrés, posés, regarder ce qui se passe chez l’autre. Nous sommes tout le temps en connexion, toujours à regarder où va tomber le chant de l’autre, comme le rebond aléatoire du ballon de rugby!

Ce son commun toujours en osmose, Vox Bigerri en a fait sa marque de fabrique.

Réinventer la tradition en se nourrissant de l’Histoire

Dans l’album « Jorn », il y a aussi matière à réfléchir. Comme avec cet air traditionnel, un tube pyrénéen « Sendèrs de tèrra nera » (Sentiers de terre noire) que l’on doit à Jean-Claude Coudouy. Le mémorable interprète du « Hilh de puta! » a fait une magnifique mélodie mais le texte d’un autre auteur un peu macho, parle de « race », incompatible donc avec l’esprit et la vision du groupe. Alors, Pascal Caumont prend la décision de le réécrire, et ces sentiers sont désormais propice à l’admiration de la voûte céleste, prétexte à s’interroger sur le devenir de la planète.

Vox Bigerri – Sendèrs de tèrra nera

L’Histoire est très présente avec « Lo purmèr de març » (Le premier mars), le moment où les jeunes garçons partaient travailler en Espagne pour gagner un peu d’argent du XVe jusqu’au XVIIIe. Histoire encore avec « La cançon de Grangèr » (La chanson de Granger) sur la fugue d’un jeune voulant échapper au service militaire (7 ans à l’époque!) qui réussit à désarmer et mettre en fuite les gendarmes.

Et puis il y a « Montségur », lieu du massacre qui mit fin à l’hérésie cathare en 1244. Ils avaient déjà mis en musique le célèbre poème de René Nelli écrit 700 ans après sur une blessure plus vive que jamais. Sur ce disque, c’est une nouvelle version de « Montségur », sur un poème de la Catalane Susanna Rafart. « Nous avons rencontré Susanna Rafart à Barcelone. C’est un écrivain très connu en Catalogne et en Espagne aussi. Elle nous a montré ce poème qui a résonné comme une suite au Montségur de Nelli. Je l’ai mis en musique. Le premier Montségur s’achève sur un cri. Ici le chemin est plus apaisé. Dans le ciel, on regarde les aigles voler au dessus du château ». L’aigle, qui peut voler très haut, et dont les larmes ne peuvent pas geler car elles sont faites d’huile…

Un disque aérien, au son ample, qui nous laisse en lévitation, apaisés et transportés par les voix.

Vox Bigerri – Jorn

Le travail de Vox Bigerri est remarquable, tant sur un plan artistique que technique et historique. Le groupe ne se répète pas d’un disque à l’autre mais va explorer toujours de nouveaux espaces. Ils préparent déjà une nouvelle création « Milharis » qui mélangera musique électronique, jazz avec des flutes traditionnelles, le tout accompagné par l’orchestre de chambre de Toulouse. Rien n’arrête ces explorateurs de sons.

SITE VOX BIGERRI

PIRENA IMMATERIA

Benoît Roux

16 Oct

Les entreprises de l’événementiel et du spectacle ont perdu 70% de leur chiffre d’affaires à Toulouse

« Events 31 » qui regroupe 200 entreprises de la filière événementielle toulousaine a fait une enquête sur l’impact de la Covid 19. En moyenne, ces structures ont perdu 70% de leur chiffre d’affaires. 3 entreprises sur 5 pourraient déposer le bilan dans les prochains mois. Le point avec Laurent Chabaud qui a coordonné l’Alerte Rouge à Toulouse.

Laurent Chabaud lors d’un enregistrement

Laurent Chabaud est à la tête de « Concept Group », une entreprise de prestation technique. Il emploie 42 personnes en CDI et tout autant d’intermittents en ETP (Equivalent Temps Plein). Ses 4 bâtiments de Toulouse, Bordeaux, Marseille et Brignoles sont remplis de matériel. 8 000 m2 de matériel son, lumières, structures, distribution électrique, réseau, qui attendent de partir sur un festival, un spectacle…Mais les événements s’annulent les uns après les autres. « Depuis le mois de mars 2020, nous assistions à une mise à mort de notre filière. Avec les annonces du Président de la République mercredi soir 14 octobre, c’est une décapitation. »

3 entreprises sur 5 pourraient déposer le bilan dans les prochains mois

Pendant le confinement, les 200 entreprises rassemblées sous la

bannière « Events 31 » n’ont pas travaillé et ont donc eu 100% de pertes. Depuis le déconfinement, l’activité a du mal à reprendre. Et c’est très long. Car un festival, un congrès, une manifestation événementielle, ne se lancent pas au dernier moment et mettent du temps à s’organiser. Alors les protagonistes hésitent. Encore plus maintenant ou un couvre-feu est instauré dans les 37 communes de Toulouse Métropole à partir de 21H.

Selon les prévisions de leur enquête publiée début octobre, le chiffre d’affaires de ces 200 entités est estimé à 150 M€ pour 2020 contre 500M€ pour l’exercice 2019. Elles perdraient en moyenne 70% de leur chiffre d’affaires sur 12 mois à partir de mars 2020. Un chiffre qui monte même à 90% pour les prestataires techniques comme Laurent Chabaud. Pour les Agences événementielles, c’est du 100%, sans compter les traiteurs, les prestataires divers et les hôtels spécialisés dans l’événementiel.

Non seulement l’activité ne reprend pas, mais tous les jours, leur « patrimoine technique » perd de la valeur. « Notre parc matériel doit être renouvelé à 80 % tous les 5 ans. Le son, la lumière, tout vieillit vite et devient obsolète. Si nous avions investi dans l’immobilier, notre inactivité aurait moins d’impact car le patrimoine garderait sa valeur. Si nous sommes en liquidation, notre matériel ne vaudra presque rien et ne permettra pas de rembourser les dettes. »

Laurent Chabaud au volant de son camion de matériel technique

D’habitude, nous mettons du matériel pour les artistes en résidence. Là, notre nouvelle résidence sera le tribunal de commerce!

Résultat : 3 entreprises sur 5 réalisant plus de 500K€ de chiffre d’affaires pourraient déposer le bilan dans les 6 prochains mois.

« Alerte Rouge », l’exemple de Toulouse

Le mercredi 16 septembre, la filière événementielle de la Haute-Garonne a lancé l’Alerte Rouge. Plusieurs façades ont été illuminées en rouge (Conseil Régional, Départemental…) et les acteurs de ce secteur se sont retrouvés au Bikini pour lancer l’alerte. « Notre collectif à Toulouse est assez unique. Il y en a seulement à la Réunion, et à Marseille. Depuis une dizaine d’années il existe un Bureau des Congrès sur Toulouse, avec des représentants de la mairie, mais tous les acteurs privés sont associés. On organise beaucoup de réunion pour promouvoir le tourisme d’affaires. On a appris à se fédérer, se rencontrer. Quand la crise du Covid est arrivée, le collectif est né de ça, d’où le succès rencontré. Les 30 prestataires techniques de Toulouse ont tous répondu présent. »

Alerte Rouge devant la salle du Bikini (Toulouse) Photo : Master Films

Des aides insuffisantes et trop conditionnées

Depuis mars 2020, des aides se sont mises en place progressivement. Il y a d’abord eu la prise en charge par l’Etat de l’activité partielle qui se poursuit jusqu’à la fin de l’année. D’autres sont venues compléter le dispositif, mais les bénéficiaires potentiels doivent avoir une perte de chiffre d’affaires supérieure à 70%.

Dans le collectif toulousain, 30% des adhérents ne les percevront pas à cause de ça. Idem pour la région Occitanie qui soutient également le secteur. Mais l’une des conditions de l’octroi des aides est que l’entreprise ait un chiffre d’affaires inférieur à 500K d’€. Résultat : 75% de ces entreprises toulousaines ne peuvent pas en bénéficier. « A l’heure des logiciels informatiques, nous ne comprenons pas que l’on ne mette pas en place une dégressivité du montant de ces aides. C’est ce que nous demandons. Car que l’on soit à 60% ou 70% de pertes, la situation est quasiment la même », regrette Laurent Chabaud. « Que les entreprises soient petites, moyennes ou grosses, les dégâts économiques et sociaux sont tout aussi graves, avec néanmoins des charges de structure qui montent en flèche selon l’importance de l’entreprise et qui réduisent notre durée de vie. »

Vendredi dernier, le gouvernement a assoupli les conditions et abaissé les seuils. La région n’a pas encore remodifié les conditions des aides.

Autre problème, ces entreprises toulousaines de l’événementiel dépendent beaucoup du secteur de l’aéronautique, d’Airbus et ses sous-traitants. Autant dire que c’est la double peine pour eux. « Nous avons eu AZF en 2001. On a mis 3 ans à s’en remettre. 2006 : Power 8 (plan social) chez Airbus; 2007 les subprimes… 2012-2015, les attentats en France et Mohammed Merah à Toulouse. Mais la crise du Covid est beaucoup plus puissante. Impossible pour nous de s’adapter!

Les adhérents d’Events 31 ont fait leur calcul : ils ont 135M€ de charges incompressibles par an, soit 11,25 par mois. Or pour l’instant, les différentes aides leur permettent de couvrir seulement 10% de ces charges. Et encore, certaines ne sont que reportées et devront être payées en mars 2021. Les loyers de leurs bâtiments par exemple doivent être payés à nouveau au premier octobre.

Comment payer 150% de charges quand on perd 80% du chiffre d’affaires?

Oubliés pendant des mois de cette crise, la filière de l’événement a fini par être prise en compte dans les négociations à Paris. Ils sont désormais rattachés au secteur du tourisme. Mais quand Roselyne Bachelot débloque 2 milliards en septembre pour les producteurs et organisateurs du secteur culturel, ils n’en voient pas la couleur au prétexte qu’ils bénéficient du plan tourisme.

En 2019, le secteur de l’événementiel comptait 3000 CDI sur Toulouse. Ils ne seraient plus que 2100 aujourd’hui, soit une chute de 30%.

Alors l’Alerte Rouge est toujours allumée. « On sensibilise nos députés. On ne bloque pas le périph, on reste courtois. C’est le poids des mots et le choc des totaux que l’on a fait avec notre enquête. Mais on sent la pression pour descendre dans la rue car on ne peut plus vivre longtemps comme ça », prévient Laurent Chabaud.

La coupe du monde de rugby et les JO en ligne de mire

Pour 2021, les entreprises de l’événementiel et du spectacle ne se font pas d’illusion : la Covid sera toujours là. 2022, les élections présidentielles laissent peu de place à de grands événements car tout le monde attend de voir les intentions de l’hôte de l’Elysée. Mais en 2023, la France accueille la coupe du monde rugby. En 2024, les JO seront là aussi.

Des moments de fête, de partages et de joie où l’on comptera sur ces entreprises. Mais tiendront-elles jusque là? « Tout le monde aura besoin de ces manifestations pour oublier la crise et se retrouver. Si nous ne sommes plus là, il n’y aura pas ces événements. Nous aurons perdu notre savoir-faire au moment où l’on aurait le plus besoin de nous ». 

Enregistrement d’une émission à Sud Radio

Laurent Chabaud a horreur que l’on dise que nul n’est indispensable car selon lui, beaucoup de personnes le sont. La crise du Covid pourrait bien lui donner raison.

A LIRE AUSSI ; L’EXEMPLE DE SPEEDOS E D’UNE SOCIETE TOULOUSAINE

Benoît Roux

11 Oct

Le festival Jazz sur son 31 soutient les artistes de la région

C’est la 34ème édition du Festival Jazz sur son 31. Soutenue par le Conseil Départemental de la Haute-Garonne cette manifestation fait place aux artistes américains (James Carter), aux français (Thomas Dutronc) mais aussi aux artistes locaux. La plupart des concerts sont gratuits.

Commencé le 7 octobre, le festival Jazz sur son 31 est l’un des rares à être maintenu. Certes la programmation a été réduite de moitié (33 événements cette année contre 72 l’an dernier), mais les grandes affiches sont présentes : James Carter, Thomas Dutronc, Jacky Terrasson, Jeff Ballard. Comme d’habitude, une place importante est réservée aux artistes français avec Thomas Dutronc, la saxophoniste Sophie Alour et  les pianistes Jacky Terrasson, Andy Emler, Rémi Panossian, Laurent Coulondre ou encore Yaron Herman.

Des « concerts clubs » dans plusieurs villes du département

Mais l’originalité, ce sont aussi des artistes locaux qui se produisent dans différentes salles d’une dizaine de communes de Haute-Garonne. Pour le coup, les scènes deviennent une sorte de club de jazz avec des artistes de la région toulousaine. Jeudi 8 Octobre, Serge Lopez et Pascal Rollando (2 musiciens de Bernardo Sandoval) ont ouvert le bal à Fenouillet.

Jeudi prochain 15 octobre, place à la poésie et à l’émotion avec ce spectacle où l’on retrouvera 2 artistes hors-pairs : tout d’abord l’accordéoniste aveyronnais Lionel Suarez et le chanteur et guitariste JeHaN. Une soirée en hommage au chanteur Allain Leprest disparu sans avoir eu la reconnaissance qu’il méritait. C’était un ami des 2 artistes. Lionel Suarez qui a accompagné beaucoup d’artistes -notamment Claude Nougaro- va mettre sa virtuosité au service des mots de Leprest et de la voix touchante de JeHaN.

JeHaN & Suarez – Je ne te salue pas

Ils seront le 15 octobre à la salle Georges Brassens d’Aucamville.

Le lendemain, le « Mystère trio quartet » sur un registre plus festif sera au foyer de Larroque. Jazz, blues, soul, manouche, les voilà sur les traces de Django Reinhardt.

Mystère Trio quartet – Ondine

Toujours manouche et tout aussi jazz, mais en quartet, Benjamin Bobenrieth Travels. De la fougue, de l’audace, les influences de Mingus et Coltrane sont bien là. A voir samedi 17 octobre à Lasserre-Pradère.

Et pour clôturer le festivale le dimanche 18 octobre, place aux Filibusters. Les cuivres rutilent et la Nouvelle Orléans s’approche. 3 saxs de toutes tonalités, 4 cuivres en tout et un batteur. Embarquement à 17H dimanche à Gratentour.

Toutes ces manifestations sont gratuites comme la plupart de la programmation du festival où seulement 6 spectacles sur les 33 seront payants. Raison de plus pour aller redécouvrir ces artistes et soutenir le monde du spectacle et de l’événementiel qui en a bien besoin.

En savoir plus sur le festival 

Renseignements et réservations pour les concerts payants

Benoît Roux

 

09 Oct

Shaken Soda, le nouveau groupe pop rock de Toulouse qui bouge

C’est punchy, frais et bien fait. Les 3 gars de Shaken Soda sont un peu secoués mais le cocktail musical est éclectique. Du pop-rock un peu français et très british qui donne la pêche. Leur tout nouveau clip est en ligne. Le nouvel EP des toulousains sortira le 16 octobre avec un live-stream depuis Toulouse.

Shaken Soda © Katty Castellat

C’est l’histoire de 3 musiciens à l’énergie communicative. Ils se connaissaient mais devaient se trouver. Pierre Boulay était parti en Angleterre, d’où le côté très anglais dans l’approche et dans le son. C’est un chanteur à la voix de ténor très timbrée anglais et un bassiste rebondissant. Olivier Castellat a été bluffé par l’une de ses performances. Le hasard fait bien les choses : le violoncelliste de formation classique assure désormais les guitares et les chœurs de Shaken Soda. Mikaël Torren est un ami d’Olivier. C’est lui qui signes la batterie et les samples. 3 gars faits pour se rencontrer et qui seront réunis le 11 décembre 2018 pour jouer ensemble à Toulouse. Le groupe est monté.

crédit photo : Fabrice Morand

Sans prise de tête mais avec beaucoup d’à propos et de virtuosité, le cocktail de ces 3 shakers musicaux va devenir enivrant. Ce qui frappe à l’écoute de leurs morceaux, c’est la variété des compositions et l’énergie déployée. Tout ceci est assez jouissif et énervé. Le rock l’emporte mais les influences sont multiples. Ca respire la pop anglaise genre Artic Monkeys, un côté rock-punk revisité qui Clash, mais aussi des inspirations classiques. Une identité complexe à l’énergie libératrice.

Shaken soda – Complex Identity

Un clip co-réalisé par Mikaël Torren et Charlie Couteau, filmé par Céline Kalidjian, qui montre bien l’inventivité du groupe. Des identités ambivalentes déclinées en plusieurs scènes assez délirantes, un hymne à la liberté, une invitation au lâcher-prise.

Le groupe sortira son premier EP le 16 octobre. Pour l’avoir déjà écouté la diversité sera de mise et la danse de rigueur. Pour l’occasion, Shaken Soda donnera un live-stream depuis le Connexion Live à Toulouse. Le public ne sera pas présent mais il pourra voir le concert et l’interview en direct sur Facebook et une retransmission dans plusieurs bars partout en France. On en reparlera. En attendant, écoutez Shaken Soda et… Shake it baby !

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Benoît Roux