08 Juin

Campagne des primeurs : des baisses de prix saluées par le négoce, des achats sur certaines marques

Lancée il y a 10 jours, la campagne des primeurs s’accélère. De très nombreuses sorties à ce jour, une campagne qui démarre, sera-t-elle bonne ou moyenne ? Eléments de réponse avec les négociants de la place de Bordeaux interrogés ce matin par Côté Châteaux.

La présentation du millésime 2019 au Grand Hôtel Intercontinental par L’Union des Grands Crus vendredi dernier © JPS

PONTET CANET OUVRE LE BAL, LA DANSE PEUT COMMENCER

Le 28 mai dernier, une date à marquer d’une pierre blanche pour Bordeaux. Pontet-Canet « donne le la », il est le premier à sortir son prix d’achat du millésime 2019 en primeurs à 68 HT prix acheteur, soit 31% de baisse par rapport à l’an dernier pour le négoce. Les réactions des négociants ce matin sont unanimes : « c’est un prix fracassé, on ne peut que saluer cette démarche », « le premier a montré la voie de manière exemplaire, un accueil unanime », « Pontet-Canet était une marque compliquée, elle sort au juste prix et ça cartonne », ou encore « c’est une vraie réponse économique, un prix parfaitement adapté qui donne le la, avec en prime 2 énormes notes 98 et 100 sorties 48h après. »

Là c’est pour la partie euphorie, mais les négociants sont malgré tout prudents car rien n’est gagné, la campagne primeurs démarre juste, « cela peut être une très belle campagne comme une moyenne », commente Fabrice Bernard de Millésima et vous allez comprendre pourquoi…

Dégustation du millésime 2019 ce 5 juin à Bordeaux © JPS

LES NEGOCIANTS ONT ENCORE BEAUCOUP DE STOCKS

Le contexte des dernières campagnes est ainsi résumé par Thierry Decré de LD Vins : « globalement les 2014 se vendent à terme, les 2015 ont augmenté leur prix et se vendent correctement, les 2016 ont encore augmenté puis les 2017 n’ont pas baissé, et sur les 2018 on a une baisse mais pas suffisante, ce qui fait qu’on se retrouve avec 3 millésimes plantés avec les taxes américaines et les ventes en baisse en Chine. Là, la propriété semble avoir compris, elle est contrainte à baisser les prix et les affaires se font, notamment quand il y a une baisse de prix au niveau du 2014. Sinon, cela ne se vend pas car il y a déjà trop de stocks. Il faut faire attention car il y a une production de vin aujourd’hui dans le monde entier, et ce n’est pas les 6 marques italiennes vendues par la place qui prennent le marché, c’est la multitude de vins vendue dans le monde entier ».

Thierry Decré, le PDG de LD Vins (janvier 2019) © JPS

Une vraie campagne primeurs c’est une campagne où l’on prend des parts de marché, il faut que cela redevienne une affaire, c’est le prix que réclame le marché pour au final aller sur la table de nos clients, c’est une logique implacable », Thierry Decré LD Vins

BEAUCOUP DE SORTIES EN MEME TEMPS

Pour Georges Haushalter de la Compagnie Médocaine des Grands Crus ce « démarrage est encourageant, il y a du monde et beaucoup de sorties… »

Georges Haushalter en avril 2019 sur la précédente campagne © JPS

C’est une campagne qui démarre alors qu’il y a des gens qui disaient qu’il n’y en aurait pas, là tout se met en place. Il y a des gens à l’achat, mais une avalanche de sorties qui j’espère ne va pas désorienter nos clients » Georges Haushalter Compagnie Médocaine des Grands Crus.

Et de poursuivre : « il y a trop de sorties en même temps, on ne peut pas consacrer à chaque cru l’attention qu’il mérite, c’est un peu précipité, il faut beaucoup de temps au client pour présenter chaque vin, mais c’est positif, il y a un mouvement, une dynamique. »

Les sorties s’accélèrent avec souvent des baisses de 20 à 30%, cela signifie-t-il que certains ont peur de cette campagne qui pourrait être plus ramassée dans le temps ? Même certains 1ers crus classés ont sorti leur prix, alors que généralement ils les sortent en derniers… Lafite Rothschild a ainsi sorti les prix de sa gamme et différentes propriétés avec notamment 475€ son grand vin mythique (que Louis XV et sa cour avaient découvert au XVIIIe et vantaient les mérites). On note aussi les sorties de Cheval Blanc (420 prix HT public), Angélus (266 prix HT), Beychevelle (61,80 HT), la Tour Carnet (23,52) ou encore Branaire-Ducru (32,80 HT) ces dernières heures… »Il y a des baisses de prix intéressantes. Pal mal de vins ont un bon rapport qualité-prix intéressant vue la qualité du millésime » selon Georges Haushalter.

Fabrice Bernard lors des primeurs en avril 2017 © JPS

Le consommateur a bien compris que c’était un grand et bon millésime, il est au rendez-vous et fait ses emplettes en fonction des réductions et des marques » Fabrice Bernard Millésima.

LA BAISSE DE PRIX DOIT ETRE SIGNIFICATIVE, PARFOIS CELA NE SUFFIT PAS

Mais il ne faut pas s’y tromper : « si la baisse n’est pas suffisante, cela ne marchera pas, si la baisse est là, cela cartonne, c’est vraiment une question de prix. Le consommateur n’est pas fou, il a compris que c’était un grand millésime, mais il n’est pas impossible que cela se concentre sur un certain nombre de marques »,complète Fabrice Bernard qui reconnaît avoir revendu déjà « 1/3 des vins » qu’il a acheté en primeurs, « donc c’est pas mal. Tous les marchés achètent même les USA, moins l’Asie pour l’instant, même la France est à l’achat ».

Philippe Tapie de HMS Haut-Médoc Sélection se réjouit : « on arrive à faire des primeurs, quelle machine ce Bordeaux, on arrive à avoir des gens au bout du fil; c’est compliqué, on ne le cache pas, mais tout le monde fait le job, pour la première fois depuis 20 ans nos clients n’ont pas goûté, il nous font confiance malgré tout et nous demandent notre avis, il y a un intérêt ».

Philippe Tapie le PDG de Haut Médoc Sélection devant sa Maison de Négoce à Bordeaux (décembre 2018) © JPS

A situation exceptionnelle, campagne exceptionnelle. C’est une campagne de crise, il faut des prix de crise. »Philippe Tapie de HMS

LES REALISTES MIS EN AVANT

« Il y aura deux divisions dans cette campagne : la première, celle des pragmatiques et des réalistes, et les autres… Dans la majorité, on aura des gens réalistes car cela serait terrible de nous couper de nos marchés. Là on décale tout, on fait tout à l’envers, c’est déconcertant mais le job est fait, on envoie des échantillons, on est vraiment sur un millésime 2019 de qualité. Il faut faire ce qu’il faut pour allumer le feu, entretenir la flamme , pour l’instant on est en phase à quelques exceptions près.

Et de reconnaître: « seules 50-60 marques ne pourraient intéresser le marché, ça c’est la dérive dans laquelle on pourrait basculer. Pour le moment, cela fonctionne, c’est modéré, prudent, on n’est fort heureusement pas au fond du seau. Cela marche pour les rock-stars mais avec des baisses, car si la rock-star ne fait pas d’effort en terme de prix, cela ne pourra pas se faire non plus, cela va être impitoyable. » Philippe Tapie reconnaît qu’on n’est « qu’au début des hostilités, mais dans les 15 jours ce sera fini pour nous, sans doute en fin de semaine prochaine. »

La dégustation de l’UGCB vendredi 5 juin au Grand Hôtel Intercontinental de Bordeaux © JPS

Une campagne de crise, rapide, où il faut être à la manoeuvre comme sur le 2008 avec l’effondrement des marchés financiers. Toutefois, certains crus classés qui ont fait un effort significatif ne décollent pas, l’acheteur final fait souvent payer à cette marque l’historique des précédentes campagnes avec une marque qui a du parfois du mal à se valoriser quelques années plus tard. Certains négociants regrettent la démarche de certains châteaux qui ont baissé significativement le prix sur leurs allocations, mais du moment où il y a un supplément demandé, parfois il y a une hausse, hausse que le négociant ne va pas forcément répercuter sur le client…

Les négociants redeviennent certes optimistes mais restent « très prudent, content d’avoir vendu un peu, mais on ne va pas reprendre des caves aussi grosses », me confiait encore un autre.

05 Juin

Dégustations primeurs au Grand Hôtel Intercontinental : un format intimiste pour promouvoir le millésime 2019

Si la semaine des primeurs n’a pas pu se tenir fin mars, début avril, l’Union des Grands Crus de Bordeaux a réussi a monter un format plus intimiste, sur invitation, pour permettre aux prescripteurs, courtiers et négociants, mais aussi aux journalistes et critiques français, de venir déguster sans la présence du vigneron, le nouveau millésime 2019. Un millésime de bonne facture dont les premières sorties montrent une baisse de prix de l’ordre de 25 à 30%.

Casques, masques d’un côté, verres et gobelets individuels de l’autre © JPS

C’est une dégustation particulière, un format adapté, contexte oblige. L’Union des Grands Crus de Bordeaux a choisi le Grand Hôtel Intercontinental comme écrin de cette dégustation les jeudi 4 et vendredi 5 juin, traditionnellement celle-ci se déroulait au Hangar 14 et dans les châteaux du bordelais fin mars-début avril lors de la traditionnelle semaine des primeurs où 5000 personnes participaient.

Démarrage des dégustations, jour 2 au Grand Hôtel Intercontinental de Bordeaux © JPS

Avec la crise du coronavirus, l’Union a su s’adapter et prendre d’énormes précautions: une dégustation sur invitation uniquement, un parcours très encadré avec du gel hydro alcoolique à l’entrée de chaque salle, pas plus de 8 personnes dans chaque salon avec 2 ou 3 serveurs de chez Monblanc, enfin des verres et gobelets individuel pour recracher…

« Tout est bien géré, on est très peu nombreux, ce sont des conditions quand même agréables : d’habitude on est 350 ou 400 dans la même pièce, on perd un peu de temps à attendre, à se croiser, à discuter entre nous, là au moins on est très concentré sur la dégustation, cela va être bien, » commente Hugo Boivin responsable export chez « les Vins Fins Anthony Barton »;

Ronan Laborde, le président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux © JPS

On a 7 sessions qui se déroulent en même temps, dans 7 salles différentes, ce qui fait qu’on reçoit en 2 jours 450 personnes sélectionnées, issues du courtage et du négoce de la place de Bordeaux », Ronan Laborde président de l’UGCB.

Au lieu de rencontrer les vignerons, les dégustateurs peuvent être informés par un QR code disposé devant chaque bouteille © JPS

Seuls courtiers, négociants, journalistes et critiques sont présents pour apprécier le millésime 2019. Il y avait tout de même une grosse attente… Dans l’ensemble tout le monde le trouve de bonne facture, parfois hétérogène, parmi les 140 crus dégustés.

Le salon des journalistes et critiques avec ici Mathieu Doumenge de Terre de Vins © JPS

« C’est hétérogène, c’est à dire qu’il y a des belles choses et des moins belles choses… », selon Jean-Marc Quarin, critique en vins, et qui organise chaque année à Paris le Salon des Outsiders. « Ce qui est intéressant c’est qu’il y a un style dans les vins cette année qui est un peu du jamais vu, un style très avenant, presque bourguignon, tout en arômes, on ne force pas sur le corps, il n’y a pas beaucoup de tanins, c’est peut-être parce qu’il y a eu beaucoup de raisins sur les pieds de vignes, mais c’est assez original pour Bordeaux. »

La crise économique déjà présente avant la crise sanitaire avec les taxes Trump sur les vins aux Etats-Unis et la mévente en Chine fait que les premiers prix sortis cette semaine sont en baisse de 25 à 30% en moyenne.

Sarah Vital de la Maison de Négoce Ginestet © JPS

Aujourd’hui il n’y a pas eu beaucoup, beaucoup de sorties, malheureusement même si le prix semble à peu près correct, le marché n’est pas au rendez-vous et je pense que la campagne va se faire sur un nombre très restreint de crus, avec un nombre très restreint de clients, donc un nombre très restreint d’acteurs » Sarah Vital responsables achats grands crus Maison Ginestet.

Aussi pour redonner envie d’acheter, l’Union des Grands Crus va organiser 7 dégustations dans 7 grandes places mondiales habituées à acheter du vin, pour relancer les marchés, à commencer par Paris les 23 et 24 juin au salon Hoche.

Regardez ce reportage réalisé par Jean-Pierre Stahl, Guillaume Decaix et Christophe Varone : 

28 Mai

Primeurs à Bordeaux : les dégustations de l’UGCB démarrent la semaine prochaine

L’Union des Grands Crus de Bordeaux l’avait annoncé: les primeurs vont se tenir, mais dans un format allégé, pour tenir compte des règles de sécurité sanitaire liées au Covid-19. Ce sont donc une cinquantaine de sessions qui seront organisées jeudi et vendredi prochain à Bordeaux, des sessions de dégustations par petits groupes comme me l’explique en exclusivité le président de l’UGCB Ronan Laborde.

Ronan Laborde, en avril 2019 lots de sa première campagne primeurs en tant que nouveau président de l’UGCB © Jean-Pierre Stahl

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour Ronan Laborde, comment ça va, il paraît que vous organisez les primeurs la semaine prochaine ? »

Ronan Laborde : « Oui ça prend forme, on a plusieurs étapes. Ce sont des formats intimistes et privés où les professionnels se sont enregistrés au préalable. On commence la semaine prochaine à Bordeaux, c’est ouvert aux professionnels, courtiers et négociants de la place de Bordeaux…

500 personnes vont pouvoir découvrir, déguster le millésime 2019 à travers des sessions intimes de 5 à 8 personnes, accompagnées de 2 serveur les 4 et 5 juin à Bordeaux », Ronan Laborde président de l’UGCB

« On a précisé un cadre assez strict avec le bureau Veritas pour éviter le risque de contamination ».

JPS : « Je crois savoir que vous allez organiser d’autres dégustations ailleurs sur la planète »

Ronan Laborde : « D’abord, on a collecté des échantillons auprès des producteurs qui ont été envoyés aux critiques et prescripteurs comme le Wine Spectateur, le Wine Advocate, James Suckling ou encore Décanter. C’est en cours d’envoi, ils vont pouvoir perfectionner leur rapport sur le 2019 dans 15 jours ».

« Par ailleurs, on a 8 autres villes Paris, Bruxelles, Zurich, Franckfort, Hong-Kong, Shangai, Tokyo et Singapoure, où entre le 22 et le 29 juin, des petits groupes de journalistes locaux et importateurs de ces pays vont être invités à déguster. On a 3 autres villes pour lesquelles on doit aménager ces dégustations un peu plus tard Londres, New-York et San Francisco, soit parce qu’il y a encore le confinement ou si elles sont en déconfinement cela ne permet pas d’organiser des sessions ».

« Il y a des dizaines de distributeurs qui vont recevoir un set de dégustation de l’ensemble des châteaux de l’Union des Grands Crus de Bordeaux: entre 115 et 120 sur les 134 de nos membres se sont inscrits pour envoyer ce set ».

JPS : « D’habitude la semaine des primeurs à Bordeaux rassemblait 5000 à 6000 personnes, là c’est un contexte particulier, combien au total ? »

Ronan Laborde : « Bonne question, pour l’instant nous n’avons pas de chiffres à communiquer. A Bordeaux, c’est clos. L’an dernier nous avions 520 personnes, là 448 inscrits, il n’y a pas une grosse différence. A l’étranger, on ne sait pas comment les gens vont répondre. On dévoile les dates à nos membres aujourd’hui et on lance aussi aujourd’hui les invitations, les gens ont quelques jours pour s’inscrire et s’organiser. « 

JPS : »J’imagine il y a une grosse attente sur le 2019 ? »

Ronan Laborde : « Oui, surtout depuis que la petite musique dit que les choses se précisent et qu’une campagne s’annonce. On a beaucoup de demandes. Encore ce matin, avant 10h, j’ai du rédiger 3 mails pour répondre à des Bordelais qu’ils ne pourraient pas venir à la dégustation la semaine prochaine. Néanmoins, les propriétés et châteaux sont ouverts, y compris à Clinet, certains l’ont déjà fait. »

JPS : « Alors comment s’annonce ce 2019 ? »

Ronan Laborde : « Comme on l’avait déjà dit, on a eu une bonne floraison, un été plutôt chaud et très sec, des pluies en septembre juste ce qu’il fallait pour parfaire la maturité:

Nous avons des blancs secs éclatants, un millésime solaire sur les vins rouges, avec de belles couleurs et concentrations, des tanins voluptueux, même s’il y a un certain degré d’alcool, il y a de la fraîcheur et une belle précision. »

Pour les liquoreux, le millésime est bon mais les volumes sont à la baisse du fait de l’arrière saison. »

JPS : « Et les prix, ils devraient logiquement baisser ? »

Ronan Laborde : « Oui, malheureusement, on s’attend à se serrer la ceinture, les prix s’adaptent au contexte, il n’y a rien d’inflationniste aujourd’hui et tout ce qui touche au luxe est amené à subir aujourd’hui une déflation. Ce ne sera pas une surprise si aujourd’hui les prix sont à la baisse, certains sont déjà sortis » (comme Pontet-Canet ce jour à 30% de moins), « cela risque même d’être l’affaire de la décennie: de superbes vins avec des prix en baisse. « 

21 Avr

Primeurs 2019 : l’Union des Grands Crus et le négoce envisagent « un format ajusté d’ici la fin de cet été »

Confirmant ce que Côté Châteaux vous avait annoncé en primeur, l’UGCB et Bordeaux Négoce envisagent que les primeurs puissent se tenir d’ici la fin de l’été 2020, dans une formule ajustée, vu le contexte lié au déconfinement et au coronavirus. Sans doute au début de l’été.

Ronan Laborde, lors de sa première campagne primeurs en tant que nouveau président de l’UGCB en avril 2019 au hangar 14 pour la dégustation de l’Union © JPS

C’est « une formule nouvelle, exceptionnelle, adaptée et pragmatique » qui sera proposée pour faire déguster le millésime 2019. Une formule qui va tenir compte du déconfinement progressif et la reprise progressive de l’activité.

Elle consisteraient en « sessions de dégustations organisées à Bordeaux et dans d’autres villes du monde », des « sessions adaptées pour offrir les meilleurs garanties sanitaires tout en maintenant le même niveau de professionnalisme », selon l’UGCB

DES CERCLES RESTREINTS POUR DEGUSTER

Cela veut dire un nombre limité de dégustateurs en un même lieu et en même temps, ce que l’Union et le Bordeaux Négoce dépeignent comme « des cercles restreints de professionnels de la distribution, de critiques et de journalistes », avec « plusieurs sessions privatives successives permettant le resect des gestes barrières et des règles de protection sanitaires » Reste à confirmer tout cela vers le 11 mai au moment du déconfinement (progressif).

« L’UGCB et ses membres restent prudents. La priorité aujourd’hui demeure de lutter contre la maladie », commente Ronan Laborde. « Nous ne pouvons cependant pas renoncer à imaginer le jour d’après » (en espérant que cela n’ait aucun rapport avec le film éponyme « the Day After ») Et de poursuivre:

La formule que nous envisageons pour ces primeurs ne sera pas festive, elle sera professionnelle et intimiste » Ronan Laborde, président de l’UGCB.

« Après des moments difficiles, nous souhaiterions pouvoir proposer dans les prochaines semaines à nos amis et partenaires de se retrouver d’une façon un peu différente autour du millésime 2019, qui suscite tant de curiosité et à tant à dire. Cette nouvelle organisation, dont les détails devraient pouvoir être fixés dans » quelques jours, tiendra pleinement compte du caratère progressif et contraint du déconfinement qui devrait intervenir en France après le 11 mai. »

Eric et Andrea Perrin dans le chai de vins blancs du château Carbonnieux  © JPS

LES PROPRIETES PRETES  A S’ADAPTER

Joint par téléphone, Eric Perrin co-propriétaire de château Carbonnieux estime qu’effectivement « il n’y aura pas la place pour 300 châteaux, moi je vois les membres de l’Union (134 membres) et une trentaine supplémentaires, une campagne avec 150 châteaux  ou marques significatives pour un marché primeurs sur Bordeaux. Comment cela va s’organiser, une partie de dégustation et une partie d’échantillons , il faudra forcément imaginer un système différent, avec un système d’envoi et cibler les gros importateurs américains comme KLW ou Wally’s sur la Côte Ouest ou MS Walker ou Frederick Wildman sur la côte est. Je ne voyais pas faire 2 campagne primeurs en 2021, sur la même année pour les négociants ce n’était pas possible. D’un point de vue commercial, c’est clair qu’il va falloir une politique commune à l’extérieur comme avec l’Union. »

Une belle couleur et une belle intensité, pour le 2018 l’an dernier et bientôt le 2019 à déguster © JPS

LES REACTIONS DE COURTIER ET NEGOCIANT

« Pour l’instant c’est un peu prématuré d’en parler maintenant, car on ne sait pas ce qui va se passer le 15 juin. Ce qui est valable le 21 avril à ce jour, ne le sera pas forcément le 15 juin », commente Thimothée Bouffard co-gérant du bureau Ripert à Bordeaux.

« Après, je trouve bien de dire : il faut faire goûter les vins , en début d’été c’est une bonne chose, cela sera ramassé sur un certain nombre de marques, beaucoup moins large que d’habitude, mais tout dépendra de la capacité des clients et du négoce… 

Thimothée Bouffard, du bureau Ripert, courtier en vins depuis 30 ans © JPS

Le phénomène important sera le prix… Avant la crise du covid-19, l’élément prix allait être un élément fondamental, car depuis 3 ans on a une campagne très difficile, là l’impact du prix sera encore plus important » Thimothée Bouffard du cabinet Ripert

Yann Schÿler, PDG de la Maison de Négoce Schröder & Schÿler commente : « si tout le monde s’est mis d’accord, c’est très bien allons-y ! S’il y a du mouvement, cela ne peut être que bon, si tout le monde est partant, tout le monde partira et on fera le maximum.Il faut avancer, on en a marre de piétiner, tout le monde veut faire des affaires et une filière qui est unie, il faut se donner cette chance là, il faut que le coup parte et on l’accompagnera. »

Pour Jean-Pierre Rousseau, manager de la Maison de Négoce Diva à Bordeaux: « cela me va très bien, c’est une très bonne idée, on a besoin de cette campagne, toute la filière, les châteaux ont besoin de faire travailler les équipes. la période la plus adaptée pour moi serait fin juin, la retarder nous handicaperait sérieusement.

Mais faut tout de même s’arrêter et réfléchir un instant, il y a une crise de commercialisation actuelle assez importante et notamment un marché des livrables qui chute avec notamment des acheteurs chinois qui font baisser. « Ce qui est dramatique, c’est la valorisation des stocks du négoce qui a baissé fortement »,  commente Thimothée Bouffard. Elle serait de l’ordre de 15 à 30%, car il y a beaucoup de vin sur la place: « ce qui a été commandé pour le nouvel an chinois n’a pas été consommé, les Britanniques ont beaucoup de vin à vendre et Bordeaux aussi… » Pour Jean-Pierre Rousseau, « pour l’instant la chute des prix n’est pas énorme, on n’est pas encore en négatif comme pour le pétrole…Mais il y a des adaptations et plus le temps passera plus elles seront sévères d’où l’utilité d’une campagne qui permettra de remettre de l’argent dans la trésorerie3

Il y aura toujours des gens intéressés par les vins de Bordeaux, c’est un grand millésime, mais Bordeaux doit s’adapter à la situation...Donc la campagne, on peut la faire si on a un prix: si on trouve des 2019 à des prix inférieurs au 2015, voire en dessous de 2014, cela dépend de chaque marque. Mais en tout cas, il faudra que ce soit beaucoup moins cher que 2016, 2017 ou 2018. Si on a un bon prix, il n’y a pas de raison que nos clients ne soient pas inintéressés. Cela sera fonction de leur capacité financière ».

Yves Beck sur le millésime 2019 à Bordeaux : « quand on a autant d’homogénéité, on est sur une grande année… »

Notre ami Yves Beck, le critique suisse surnommé le « Beckustator », confiné à Bordeaux avant même le début du confinement vient de sortir ses commentaires et notes sur 638 vins de Bordeaux dégustés sur le millésime 2019. Il est un des rares critiques à avoir pu faire cet exercice et à sortir ses notes.Il est l’invité exclusif de « Parole d’Expert » pour Côté Châteaux.

© Yves Beck, le critique en vins suisse, en dégustation début mars

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour Yves Beck, en fait vous êtes confiné en France et à Bordeaux depuis le début du confinement et même bien avant ? »

Yves Beck : « je suis arrivé le 28 février, j’avais un voyage avec des clients suisses pour visiter des châteaux et plutôt que de retourner en Suisse, je me suis dit que j’allais commencer ma session de dégustation du millésime 2019 le 6 mars, un peu plus tôt que d’habitude. Donc entre le 6 et le 16 mars, cela m’a permis de déguster pas mal de vins avant le confinement, entre 200 à 250 vins ».

« A partir du 17 mars, la donne a changé, si je retournais en Suisse, j’étais obligatoirement placé en quarantaine (car venant de France) et mon épouse qui est infirmière ne devait plus aller à l’hôpital, on a trouvé plus judicieux que je reste confiné en France. Cela s’est su et des amis oenologues se sont arrangés pour me faire parvenir des échantillons à Saint-Emilion, au château La Voûte »

Jean-Pierre Stahl : « Vous êtes confiné, confiné à déguster, c’est original…mais avec des conditions de dégustations particulières ? »

Yves Beck : « Les conditions finalement sont optimales. On réceptionne les bouteilles, les gens déposent les échantillons devant le portail, on prend des gants, on les stock et met au chai au moins 24h, avec toutes les règles d’hygiène, elles sont stockées à 13-14° maxi.

Quant à la dégustation elle est vraiment top: je suis seul à un endroit, même si ce n’est pas une méthode de travail que j’aime car j’ai envie d’habitude de rencontrer les gens qui font le vin, mais là je comprends certains critiques, c’est pratique, efficace et pour la sérénité, c’est pas mal. »

JPS : « Par rapport aux détracteurs qui pourraient dire que Yves Beck n’a pas jouer le jeu, Yves Beck au contraire est resté confiné ? »

Yves Beck : « Complètement, depuis le 17 mars, je n’ai plus quitté le château la Voûte. Quand je le quitte, c’est juste pour faire des courses ou marcher un peu, avec mon autorisation de déplacement dérogatoire. Mais je joue complétement le jeu du confinement, c’est tout-à-fait normal ».

« Et je me tiens aussi aux directives de l’Union des Grands Crus de Bordeaux. J’ai dégusté un bon tiers des crus classés de l’UGCB, on m’a demandé, et non imposé, si j’étais OK de ne pas publier mes commentaires et notes, ce que j’ai fait. Mais si un château me demande mes commentaires et notes, je les lui donnerai, ce qu’il en fait cela ne me regarde pas. De toute manière, tous les vins de l’UGCB que j’ai goutés, c’était avant les directives de l’Union. Il n’y a pas eu de château qui disait on donne nos vins à goûter à Yves Beck on s’en fout.  Non, s’ils le font ce sera après le confinement et de manière collégiale et groupé…Sans les vins de l’Union, on m’a présenté 638 vins, cela montre quand même un intérêt… »

JPS : « Alors quels types de vins, Yves ? »

Yves Beck : « J’ai dégusté de tout, de toutes les régions, du Médoc à l’Entre-Deux-Mers, ceux que j’ai dégusté le moins ce sont ceux de Pessac-Léognan (il faut dire qu’il y a beaucoup de crus classés (rires)), beaucoup de Médoc, de Haut-Médoc, Pauillac, Saint-Estèphe, Saint-Emilion en force, Pomerol, Fronsac, et quelques Sauternes mais pas beaucoup, mais cela m’a inspiré, de haut niveau. »

JPS : « Au final quel est votre ressenti sur le 2019 ? »

Yves Beck : « Par rapport au 2019, on a des bons vins partout. Saint-Emilion, Saint-Estèphe ressortent du lot. C’est un indice très important, que ce soit un Médoc, un Entre-Deux-Mers, un Fronsac, un Pauillac, autant en blanc qu’en rouge, en sec qu’en doux…

Quand on a autant d’homogénéité, on est sur une grande année, pas une année exceptionnelle, mais une grande année », Yves Beck.

« On a beaucoup de fraîcheur sur les 2019, de beaux tanins, belles structures, acidités et de beaux équilibres, ce qui fait qu’on va les savourer dans leur jeunesse mais aussi ils ont cette capacité de garde que l’on recherche à Bordeaux, avec des vins sur plus de 20 ans, sans problème. »

2019 est donc une grande année qui arrive dans un contexte malheureux, mais il y a de belles perspectives avec ce millésime »

© Yves Beck avec Eric Boissonot le 10 mars dernier

JPS : « C’est une année en 9 en prime, et souvent ces années en 9 sont réussies… »

Yves Beck : « Tout-à-fait, quand on reprend le 99 c’était une bonne année sur la fraîcheur, 2009 une année chaleureuse avec du gras, du corps, des vins suaves et tanniques…

2019, ce qui le différencie, il a bien plus de corps qu’en 1999 et plus de fraîcheur qu’un 2009″

« La loi des 9 est assurée, avec aussi 1989, si je me souviens bien une année chaude et sèche… »

JPS : « Est-ce que la sécheresse en 2019, cela a joué ? »

Yves Beck : « C’est clair que les terroirs calcaires, ils ont joué leurs atouts. Ce sont eux qui arrivent le mieux à gérer le stress hydrique. Saint-Emilion a profité de son terroir calcaire, tout comme Fronsac qui s’en est bien sorti…

« Si on regarde du côté de Saint-Estèphe, ils ont eu une parfaite maturité des cabernet-sauvignons, difficiles à détrôner, Saint-Estèphe sur 2019, cela donnera de grands vins…A Pomerol, ça a été un peu plus compliqué avec des sols sableux, mais les argiles ont joué, c’est plus en dents de scie que d’habitude. »

En résumé parfaite maturité des cabernet-sauvignons sur la rive gauche et avantage aux beaux terroirs calcaires en Saint-Emilion et Fronsac, il ya une belle complémentarité ».

JPS : « On peut dire que c’est un millésime sauvé des eaux ou plutôt de la canicule, grâce aux mois d’août et septembre ? »

Yves Beck : « Les pluies en août ont été salutaires, on a eu l’impression que la météo était réglée comme une horloge suisse, s’il n’y avait pas eu ces épisodes, cela aurait été encore plus compliqué, cela aurait manqué surtout de fraîcheur et d’équilibre… »

Il y a du pep’s, de la gniaque, dans un style très complet. On a de l’ampleur, de très belles notions d’équilibre avec surtout de la fraîcheur.

JPS : « Et vous avez déjà publié vos notes et commentaires…? »

Yves Beck : « J’ai sorti un premier carnet avant hier avec 638 vins qui sont présentés. Le gros est passé, je ne vais pas attendre, attendre, c’est la première partition. Mais déjà j’ai reçu une cinquantaine d’échantillons supplémentaires, arrivés depuis le 18 avril, évidemment tout le monde n’était pas au courant que j’étais là. il y aura une deuxième carnet avec une centaine de crus et potentiellement un troisième avec la dégustation de l’Union, mais on ne sait pas où ni comment ? Mais je préfère me concentrer sur ce que j’ai à faire. »

JPS : « Et vous notez sur une échelle de 100 comme Robert Parker autrefois. »

Yves Beck : « Je travaille toujours sur des notes potentielles en dégustation primeurs, on déguste à un instant T, on déguste quelque chose en cours d’élevage. Mes meilleures notes on été décernées à Lafleur à Pomerol 98/100 et à Tertre Roteboeuf à Saint-Emilion 98-99/100, mais ce qui est aussi réjouissant c’est château Lousteauneuf qui obtient 95-97 en Cru Bourgeois, cela montre la capacité du propriétaire à produire de grands vins mais aussi la logique d’un grand millésime où l’on voit des crus plus modestes dans la course.

« J’utilise les notes entre 80 et 100/100, en dessous comme 75 cela n’intéresse personne et je suis davantage Das une logique positive. La critique est dans la note, si vous obtenez 90 c’est très bien mais il vous manque 1à pour aller à 100. Je suis plus dans le positif, cela ne m’intéresse pas de dire du mal, il faut être respectueux des gens qui produisent du vin et c’est mon approche.. »

JPS : « Ce n’est pas l’Ecole des Fans tout de même où tout le monde a gagné…? »

Yves Beck : « Non, mais si ton gamin rentre de l’école et te dit qu’il a obtenu juste à 88 sur 100 questions, tu ne vas pas lui foutre une claque, tu vas lui dire bravo c’est bien tu connais bien la matière, mais 88 dans le milieu ça ne vaut pas assez, on commence à s’intéresser à toi si tu as 92 points ou plus, c’est dommage mais c’est comme cela. A 88, j’ai des petits vignerons qui me remercient d’avoir eu 88 points, et y en a d’autres plus grands qui râlent quand j’ai mis 92 à leur vin… »

JPS : « Par rapport à Robert Parker qui a fait la pluie et le beau temps à Bordeaux, et qui a laissé un grand vide, vous êtes plusieurs critiques à vous exprimer aujourd’hui, est-ce que vous l’avez tous remplacé…? »

Yves Beck : « A court et à moyen terme, une telle influence comme Robert Parker a eu, il n’y en aura plus ! C’était mon idole, quand j’étais adolescent j’étais fasciné par ce gars, j’achetais les vins qu’il notait et je les goutais, j’étais un grand fan. C’est un peu grâce à lui et par goût que je suis devenu dégustateur et critique e vins; mais une telle domination et suprématie, c’est dangereux, à l’époque Bordeaux l’a acceptée. 

Le monde des critiques doit être coloré et multiple, aujourd’hui il y a beaucoup plus de dégustateurs et de consommateurs qui s’impliquent et qui commentent, cela s’est démocratisé et diversifié, il y a presque autant de dégustateurs que d’entraîneurs en foot »

James Suckling est très actif à plein d’échelles, sur les vins américains Italiens, Bordelais, il joue sur beaucoup de tableaux, il est très suivant aux USA ou en Asie, il y a aussi Neal Martin, Jeb Dunnuck  très influent sur les Usa mais plus axé Vallée du Rhône et Lisa Peretti du Wine Advocate sur Bordeaux.

« Si on regarde, le consommateur est intéressé, c’est fondamental d’avoir différents sons de cloche et c’est bien que ce monde de critiques soit coloré, c’est plus attractif, plus fun, plus dynamique aussi. Cela ne m’intéresse pas d’être un grand critique mondialement reconnu, je vis de mon métier et je partage le plaisir du vin. C’est vrai que j’ai grandi depuis deux ans, mais je n’ai pas de prétention surdimensionnée, vivre de la critique de vin, c’est tout sauf évident mais je me dédie 100% à cela, j’aime mon métier ».

Pour tout savoir et suivre Yves Beck c’est ici

15 Avr

Primeurs à Bordeaux : il y a un certain appétit malgré la crise

C’est une année à marquer d’une pierre blanche. Une première depuis que le système des primeurs existe. Ni les propriétés, ni la place de Bordeaux, ni l’Union des Grands Crus n’ont pu faire déguster dans les mêmes conditions que d’habitude en mars-avril le millésime 2019 aux journalistes, critiques et distributeurs français et étrangers. Une campagne primeurs qui pourrait malgré tout se tenir… Enquête de Côté Châteaux.

Les Primeurs à Bordeaux, c’est la Grand-Messe où le nouveau né est présenté avec sa belle robe rouge ou or à de très nombreux parrains… C’est vrai, c’est quasi cérémonial, avec des  règles définies par l’Union des Grands Crus de Bordeaux qui organise la venue traditionnellement de 5000 à 6000 professionnels du monde du vin en mars et avril, avec une messe qui dure en général 4 jours, sur cette fameuse semaine (officielle) des Primeurs. Elle devait se tenir du 30 mars au 2 avril cette année, mais patatras, il y a eu ce que personne n’aurait imaginé il y a encore un an en arrière, une épidémie, une pandémie même qui a mis à genou l’économie mondiale car d’abord il fallait gérer cette crise sanitaire, que certains ont dépeint comme « une guerre ».

Jacques Dupont, dégustant les crus artisans du Médoc en avril 2018 © JPS

Jacques Dupont, journaliste du magazine le Point, est l’un des grands critiques, dont les paroles et les notes sont bues par de nombreux amateurs de vin; en général il ne fait pas trop de laïus, ce n’est pas le genre curé, il va à l’essentiel car chaque année il déguste plus de 2000 vins pour donner son avis sur le millésime, qui ne sera livré en général que 2 ans après. C’est ça les primeurs, un exercice assez périlleux et pointu, de donner un avis sur un vin qui n’a que 4 mois d’élevage. La propriété va le vendre au négoce, qui lui-même va vendre aux particuliers ou sociétés à partir de mai-juin, pour permettre au château de se faire de la trésorerie, avec en général un petit avantage sur le prix et une livraison près de 2 ans plus tard. Mais cette année a pour lui une saveur particulière…Il n’y aura pas de guide « Spécial Bordeaux » par Jacques Dupont comme de l’accoutumée dans le Point fin mai.

Jacques Dupont dégustant les primeurs en Fronsac et Canon Fronsac l’an dernier © JPS

« On devait démarrer le 15 mars, mais la veille on a entendu Edouard Philippe, avant de partir et avec Olivier Bompas on s’est concerté et on s’est dit on ne va rien faire, on a vu progressivement les châteaux annuler les uns après les autres, du coup on a tout annulé, car on ne voyait pas bien la porte de sortie… D’habitude Olivier part pour 3 semaines et moi 4 à Bordeaux pour déguster, là c’est un retard qu’on ne peut pas combler, même s’il y avait une tentative de sortie en primeurs en juin, je ne vois pas bien comment on pourrait faire. Déjà elle était mal en point cette campagne primeurs avec le marché américain qui a connu une hausse de 25% sur les achats qu’ils ont fait en primeurs sur les 2017 et 2018 avec les taxes Trump, certains qui ont acheté vont vendre à perte. Bon quand le négoce veut faire une campagne primeurs sur une quarantaine d’étiquettes, on peut les comprendre:  les négociants ont déjà goûté, les courtiers aussi, entre eux ils peuvent faire une campagne comme cela, mais la campagne ne sera pas une grande campagne, même si la place de Bordeaux fait toujours un boulot formidable avec les grands crus. Cela va peut-être mener à vendre des vins livrables, moins chers et qui se tournent plus vers la France car le marché de Bordeaux est atone et cela serait bien de faire redécouvrir les Bordeaux aux Français… »

Jane Anson, journaliste anglaise et critique pour Décanter reconnaît que c’est une année aussi particulière: « je ne vais pas publier de notes, je vais publier quelque chose pour donner un feeling global sur le millésime. J’ai pu déguster beaucoup de Crus Bourgeois ou des Crus de Saint-Emilion, ce sont des échantillons qui m’ont été envoyés, on respecte les consignes, on laisse les vins dans le garage pour 24h avant de déguster, je me débrouille ainsi… »

Didier Fréchinet, Miguel Aguirre de la Tour Blanche, David Bolzan de Lafaurie-Peyraguey, Vincent bergère de Rayne-Vigneau et Pierre Montegut de Suidiraut pour la dégustation des primeurs au Chapon Fin en 2019 © JPS

Rare sont ceux qui ont pu organiser des dégustations en public, avant la mise en place du confinement : il y a eu par exemple la dégustation des Fronsac et Canon Fronsac au Grand Hôtel de Bordeaux et des Sauternes comme d’habitude avant la semaine des primeurs comme me le précise Vincent Labergère, directeur du château Rayne-Vigneau (1er cru classé de Sauternes): « on a fait notre dégustation au Chapon Fin le 11 mars et cela s’est arrêté là, c’était le premier maillon de la chaîne des dégustations, mais après aucun client ou journaliste n’a pu déguster. La position de l’Union des Grands Crus était de ne pas faire circuler d’échantillons, mais on sait tous il y avait à droite ou à gauche une demande d’échantillons et de faire déguster. Il y a des notes de journalistes étrangers qui vont sortir car certains auront envoyé des échantillons.

Le millésime est pourtant de grande qualité, mais au niveau de la mise en marché on est arrêté pour le moment. L’idéal serait une mise en marché au mois de juin pour Rayne-Vigneau, plus qu’au mois de septembre où le nouveau millésime va arriver, » Vincent Labergère directeur du château Rayne-Vigneau

Stéphanie de Boüard-Rivoal dans les chais d’Angélus en avril 2019 © JPS

Pour Stéphanie de Boüard-Rivoal, directrice du château Angélus (1er cru classé A de Saint-Emilion): « il faut envisager tous les scénaris, éviter les choses hâtives, Bordeaux est très solide et a montré sa capacité à surmonter les crises. A la propriété, on souhaite qu’il y ait une campagne sur le Millésime 2019, même décalée de quelques mois, dans le courant de l’été ou à l’automne, mais après cela serait trop tard. Juillet serait parfait, il n’est pas impossible d’envisager aussi à l’automne. Même si elle est a minima, elle permettrait de garder la dynamique, si on arrive à la faire cela voudrait dire que la crise est alors surmontée. Jusqu’ici, on n’a jamais fermé la porte aux dégustations à la propriété, demain matin on a un journaliste, mais ce sera le premier, avec des mesures sanitaires, et une personne à la fois. On n’a pas envoyé d’échantillon, mais on n’exclut pas quand cela sera possible de se déplacer dans quelques pays qu’on aura ciblé avec des échantillons, ce sont des hypothèses que l’on a en tête.  2019 est un millésime extraordinaire en profondeur et en densité et en tension apportée par le cabernet franc, qui me fait penser à 2001″.

Fabrice Bernard, le Pdg de Millésima au tasting des crus classés de Saint-Emilion au château Villemaurine  en 2017© JPS

Du côté du négoce, Fabrice Bernard PDG de Millésima me confie que la période est compliquée mais « oui la campagne, il faut qu’elle ait lieu. On a cet énorme avantage à Bordeaux avec ce système de primeurs, si elle s’arrête on va redevenir comme tous les autres vins d’autres régions viticoles. 

Cette campagne, elle aura peut-être lieu en juin ou juillet, il faut la faire, d’autant que ce sont des vins de qualité avec des volumes. Ce n’est pas un petit millésime, mais on a un bon millésime, plutôt sympa », Fabrice Bernard de Millésima.

« Mais il y a aussi le problème du prix : il faudra attendre cette sortie de crise, il ne faut pas que Bordeaux soit arrogant.Au contraire, les châteaux ont interrogé leurs importateurs britanniques ou américains, pour savoir si ils s’en sortent ou pas. On finira par trouver un consensus au bon moment et au bon prix, un prix raisonnable, en adéquation avec le marché et avec une baisse significative.

Yann Schÿler PDG de la Maison Schröder & Schÿler reste les pieds sur terre et ne veut pas d’une tonalité trop optimiste:

Régis Deltil et Yann Schÿler à la cave Latitude 20 à la Cité du Vin en 2017© Jean-Pierre Stahl

Il faut faire une campagne primeurs quand il y a un marché, et pas quand on a envie de la faire ! » Yann Schÿler de Schröder & Schÿler.

Et de préciser si elle a lieu : « elle pourrait avoir lieu en janvier ou en septembre à la rigueur, mais pas avant quand la moitié des pays sont confinés ou en confinement partiel. Là il n’y a pas d’acheteur ou alors pour une dizaine de marques, mais on ne fait pas une campagne juste pour 10 marques. En bourse, tous les actifs ont chuté, tout le monde a bu le bouillon, tous les opérateurs sont affaiblis, et les personnes fortunées sont confinées, donc c’est une crise qui touche tout le monde ».

« Aujourd’hui, le marché de demain, je ne le vois pas. Premièrement, il faut qu’il y ait des acheteurs, il n’y même pas eu de dégustation, comment faire monter la mayonnaise…? Et deuxièmement, pour faire une campagne primeurs il faut que 70% des vins trouvent preneurs… Les Usa ne vont pas bien du tout, les Chinois s’en remettent à peine et l’Europe n’est pas sortie non plus…Il faut être pragmatique, je pense comme Emmanuel Cruse pas avant septembre, et il ne faut surtout pas prendre ses désirs pour des réalités. »

Ronan Laborde, le président de l’UGCB  © JPS

Tous les regards sont dès lors tournés vers l’Union des Grands Crus de Bordeaux qui a les clés de cette campagne des primeurs. Joint également ce matin Ronan Laborde son président m’a confié tenir demain une réunion de son bureau qui va décider: « comme on avait dit que les primeurs étaient suspendus, on avait envisagé une déprogrammation ultérieure sur une nouvelle formule. Jusqu’à présent on a été très prudent, on avait recommandé de ne pas faire goûter et envoyer des échantillons, pour ne pas partir dans tous les sens, pour que tout se goûte au même moment. On est en concertation avec le négoce et les courtiers.On fera ce que le marché a envie de faire, il ya quand même pas mal d’acteurs qui sont intéressés par une campagne primeurs même une campagne dégradée.

Si les gens ne peuvent pas voyager, les marchandises peuvent voyager, ce sera un format nouveau vraiment exceptionnel, par son ampleur de travail et par les défis à relever. On a une envie et un intérêt sur le 2019″, Ronan Laborde président de l’UGCB.

La semaine des primeurs en 2017 pour déguster le fameux 2016 au château La Louvière © JPS

La campagne de primeurs à Bordeaux pourrait se tenir sur fin juin ou en juillet par exemple, « c’est le bureau qui va en décider, puis on va le soumettre au négoce. Mais on ne peut rien faire jusqu’au déconfinement, tant que les résultats de propagation de l’épidémie se font ressentir aussi, dans les 15 prochains jours, on connaîtra les conditions du déconfinement. On verra si on peut aussi accueillir dans une salle 20, 30 à 50 personnes, mais on sait que tout grand rassemeblement ne peut pas se faire avant mi-juillet. On reste prudent avec la visibilité nécessaire. »

01 Avr

A Bordeaux, les maisons de négoce continuent de fonctionner dans un marché « compliqué »

Avec la pandémie du coronavirus, le monde économique s’est brusquement ralenti. Pour les négociants bordelais, il a fallu déjà organiser le travail, alléger les équipes présentes, prendre des mesures de précaution, de distanciation, ou faire du télé-travail. Quant aux marchés, ils se sont très fortement ralentis en mars avec des baisses de commandes de 50 à 80%. Comment les chefs d’entreprises de ces maisons de négoce gèrent cette crise, Côté Châteaux les a interrogés ce matin.

C’est une période difficile pour tout le monde et les maisons de négoce qui commercialisent le vin ne sont pas épargnées. « On est un peu comme les capitaines de navire, parés à virer, un coup de barre à droite, un coup à gauche, et on prend des coups de tous les côtés », commente Jean-Pierre Rousseau de Diva à Bordeaux.

Thierry Decré, le PDG de LD Vins (archive 2017) © Jean-Pierre Stahl

Déjà, il a fallu organiser le travail qui continue comme me l’explique Thierry Decré Pdg de LD Vins à Bordeaux : « c’est un peu compliqué, nous on a mis une partie en chômage technique, une autre en en garde d’enfants confinée, et une autre au travail. On était trop serré, on avait des gens inquiets et d’autres qui avaient des enfants, on a donc géré en fonction de chacun. Pour la dizaine de collaborateurs qui viennent, tout le monde se déchausse en entrant (ils ont apporté une paire de pantoufles ou de chaussures qui restent à l’intérieur du bureau), on se désinfecte les mains avec du gel hydro alcoolique avant d’entrer, si on doit parler l’un en face de l’autre, on respecte 2 à 3 mètres de distance et autrement pour tenir une réunion, on met alors des masques. On fait une journée continue qui s’arrête à 16 heures ».

Chez Diva, quai de Bacalan à Bordeaux, Jean-Pierre Rousseau témoigne: « je viens au bureau tous les jours, on est 1/3 du staff, chacun son bureau, on fait les gestes barrières… » Chez Twins à Bruges, Anthony Moses m’explique que « la veille de l’annonce du confinement, on a mis tout le monde en télé-travail. Progressivement on va mettre en place du chômage partiel (pas forcément intégralement certains auront une activité de 20 à. 50%), en arrêt maladie ou en garde d’enfants. A distance, on n’est pas capable d’avoir une productivité optimale car on est en open space… »

Quant à la commercialisation, certains me confient « c’est le bordel », les situations sont particulières pour tous. « C’est un ralentissement partout, en France où c’est le confinement; c’est compliqué, la Grande-Bretagne continue de chercher des bonnes affaires au coin du bois, c’est du rail… » selon Thierry Decré. « Jusqu’en février tout s’est tenu, on mars on enregistre une baisse d’environ 50%, dont une partie sera reportée quand cela va repartir. »

Jean-Pierre Rousseau (novembre 2019) © Jean-Pierre Stahl

Jean-Pierre Rousseau était ce matin en ligne avec une Compagnie Maritime : « voilà deux secteurs dans les choux, le duty free et le travel retail. Sur les bateaux de croisière et dans les ports. Comment doit-on récupérer de la marchandise déjà partie et pas livrée car le bateau n’a pas accosté par exemple, ce sont des trucs de folie dont on n’a pas idée ! Là, on a sorti les avirons et on rame à contre-courant…C’est dommage, on avait fait un bon début d’année, et là on sait déjà qu’en avril ce sera Waterloo ! »

« A l’export, en Asie, la situation est diversifiée. Hong-Kong est complètement mort. Tous les petits arrangements de vins qui partaient de Hong-Kong vers la Chine, c’est terminé » explique Jean-Pierre Rousseau. « La situation commence à s’améliorer en Chine, à Taïwan et en Corée, avec des résultats remarquables sur Taïwan et la Corée où il y a eu très peu de morts.Singapour, la Malaisie et les philippines, on espère que cela va repartir…Les opérations internet marchent très bien pour Vivino, tout ce qui est restauration et hôtels c’est mort, en grande distribution cela marche à peu près, malheureusement beaucoup de cavistes sont fermés… » « Enfin aux Usa, Bordeaux est impacté même si ça continue de fonctionner, ce n’est pas la joie car les gens passent devant les rayons de Bordeaux rouge et même de champagne sans s’arrêter, préférant d’autres pays producteurs, avec la taxe de 25% qui a marqué les esprits. » Diva enregistre « une chute en mars de 75% des commandes et on s’attend à ce qu’avril soit du même acabit ».

Allan Sichel lors de la dégustation des primeurs en avril 2019 de l’Union des Grands Crus de Bordeaux © JPS

Confirmation également auprès d’Allan Sichel de la Maison Sichel : « au fur et à mesure, il y a de plus en plus de confinement, tous les marchés sont confinés, ce qui marche encore un peu ce sont les supermarchés. Notre activité est donc ralentie même s’il y a une poursuite malgré tout sur la Grande-Bretagne et ses supermarchés. Dans ce contexte, on a mis aussi en place un dispositif de télétravail, au bureau nous avons 35 postes de travail d’habitude et là il n’y en a que 3 qui sont occupés, tout le reste se fait par le télé-travail dans des conditions satisfaisantes. On parle d’une reprise en Chine, mais il y a un traumatisme de la population et cela va être long avant que cela ne redevienne normal.Nous avons quelques commandes qui partent, mais il y a une difficulté pour le transport, fortement perturbé, avec la disponibilité de containers vides. Fixo continue à fonctionner, on a avis des craintes à l’approvisionnement de matières sèches, maison arrive à trouver des solutions… On fait tout pour maintenir l’activité existante. »

Anthony Moses dans les chais de Twins Bordeaux © JPS

Pour Anthony Moses de Twins : « l’activité est très légère, on fait essentiellement de l’export. Les ventes au détail sur internet marchent pas trop mal, les gens sont confinés chez eux et boivent, ils se font livrer du vin. C’est vrai en Grande-Bretagne, c’est vrai aux USA, au Canada. Il y a aussi une chute au niveau du prix de vente moyen, les gens achètent des vins meilleurs marchés car ils n’ont pas de visibilité.On ne sent pas poindre de remise en Asie à notre niveau… Notre baisse actuelle est de 70 à 80%, c’est vraiment une petite activité, mais on est habitué à avoir de grosses différences entre les mois. Les grosses maisons de négoce sont quand même capitalisées, mais on est inquiet pour l’avenir surtout pour la restauration, beaucoup auront du mal à s’en remettre.

Et s’il n’y avait que cela, certains déplorent aussi des commandes passées et payées qui n’ont pas été livrées du côté notamment d’un grand château du Médoc, ce qui fait que ces maisons de négoce ne peuvent pas livrer leurs clients…Et par ailleurs, des grands châteaux ne seraient pas accommodant pour étaler des paiements…

« Il faut dire que les vins les plus chers pourraient moins se vendre »aussi comme le souligne Anthony Moses car « les bourses en forte baisse ont un impact important, on est là dans une vraie crise. »

Thierry Decré regrette cette gestion de crise avec « pas de gel Hydro-alcoolique et de masques dans les pharmacies, pas suffisamment de tests comme en Asie; aujourd’hui les membres du Gouvernement peuvent dire ce qu’il veulent, ils n’ont pas fait ce qu’il fallait…Et quand on voit que les violons ne sont pas accordés avec ce professeur à Marseille qui avance avec la chloroquine, c’est une gestion un peu bizarre qui m’agace.. ».

Quant aux primeurs, Thierry Decré n’y est pas favorable pour le printemps, « il faut attendre septembre, car s’il y avait une mise sur le marché en juin, cela ne laisserait passer que les vins les plus demandés et n’aurait pas l’effet habituel d’aspiration des autres vins… » Jean-Pierre Rousseau est lui davantage « favorable à une campagne en juin si les choses le permettent, si elle a lieu », car « en septembre les gens auront la tête ailleurs. » « A mon avis, la campagne primeurs n’aura pas lieu, pense Anthony Moses, « mais cela n’engage que moi, est-ce que cela a un sens de faire une campagne alors qu’on parlera de morts et de faillites, ce ne sera pas un timing opportun… »

Allan Sichel commente : « ce que j’espère c’est que l’on sorte de cette pandémie, et que l’on fasse une campagne très concentrée sur fin mai-début juin, mais bien sûr il faut qu’il y ait un appétit et une sortie de crise pour les différents marchés. On pourrait imaginer une petite campagne sur quelques produits, mais il faut aussi se préparer sur pas de campagne du tout et là ce sera très négatif pour la filière bordelaise. Cela serait encore une complication de plus. »

Le seul point positif « continue Anthony Moses, « c’est que les gens boivent quand même un peu plus, donc chez nos clients en Grande-Bretagne, aux USA et au Canada, ils ont peur d’une pénurie et donc commandent. Mais pour les petits et moyens châteaux, qui souffraient déjà, cela risque d’être terrible, un vrai naufrage. »

13 Mar

#Coronavirus : la Semaine des #Primeurs est finalement suspendue à #Bordeaux !

La nouvelle est tombée ce matin, l’Union des Grands Crus de Bordeaux a finalement décidé de suspendre la semaine des Primeurs concernant la dégustation du millésime 2019; le Premier Ministre ayant interdit les rassemblements de plus de 100 personnes, l’UGCB ne pouvait pas faire autrement, concernant la fréquentation de ces différents lieux de dégustations. Confirmation du président Ronan Laborde auprès de Côté Châteaux.

« On suspend les dégustations et les visites de l’UGCB sur les Primeurs 2019… C’est une décision qui a été prise ce matin. C’est une mesure solidaire avec les décisions prises par le gouvernement. La priorité,c’est quand même la santé des visiteurs et de nos collègues », voici les commentaires de Ronan Laborde à chaud après la décison ce matin de l’UGCB et de ses membres. « Il n’y aura donc pas de primeurs 2019, on parle de suspension, car on pense les reporter un peu plus tard quand la situation se sera améliorée… »

Dans un communiqué envoyé aux participants ce matin,l’Union ajoutait : « nos équipes travaillent actuellement à l’élaboration de solutions qui nous permettront de faire déguster le millésime 2019 à une date ultérieure. Nous les détaillerons dès qu’une évolution positive du contexte le rendra opportun.

Dans l’immédiat, nous allons tous – individuellement et collectivement – nous employer à mettre en œuvre les recommandations de nos autorités pour faire face à la situation, en prenant soin de nos proches et dans un esprit solidaire.

Nous tenons à remercier tous les professionnels – négociants, acheteurs, journalistes, amoureux du vin – qui cette année encore s’apprêtaient à nous honorer de leur présence. Nous savons que dans la période que nous traversons, tous comprennent notre décision et la partagent ».

« Nous souhaitons aussi adresser nos remerciements à toutes les équipes, qui au cours des mois passés se sont consacrées avec passion et sans compter leurs efforts à la préparation de cet évènement.

Cette suspension est une réponse adaptée à un contexte exceptionnel. Notre souhait est que nous puissions très vite nous retrouver autour du millésime 2019″.

Cette annonce intervient moins de 2 jours après la volonté affichée de l’Union des Grands Crus de maintenir la Semaine des Primeurs, que nous avions suivie en exclu pour France 3 et Côté Châteaux, une décision malgré tout courageuse, mais c’était sans compter l’épidémie qui arrive à grand pas dans le pays… Une situation dont il fallait se douter au regard de ce qui se passe en Italie et de la courbe ascendante que l’on devrait connaître en France. La vérité d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui ou comme on disait à l’armée, ordre, contre-ordre…

11 Mar

L’Union des Grands Crus de Bordeaux confirme aujourd’hui la tenue des primeurs à Bordeaux, avec des mesures de précaution

L’Union des Grands Crus de Bordeaux tenait cet après-midi son assemblée générale au château Pape-Clément à Pessac en Gironde. L’occasion d’aborder avec ses membres le rendez-vous des Primeurs. Ceux-ci vont bien se tenir, mais avec quelques bouleversements. L’accent va être mis sur les dégustations, des signalétiques, gels hydro-alcooliques et certaines distances seront respectés, les soirées seront annulées, pour se recentrer sur les fondamentaux à savoir ces dégustations dans les propriétés et avec l’UGCB. 

Ronan Laborde, le président de l’UGCB au sortir de l’AG ce soir  © Jean-Pierre Stahl

Le château Latour-Martillac s’apprête à recevoir dès le lundi 30 mars et jusqu’au jeudi 2 avril quelques 500 professionnels, ou peut-être un peu moins, chaque jour pour déguster ici 50 propriétés de Pessac-Léognan, puis 17 grands crus du mardi au jeudi.

Le château Latour-Martilac va accueillir la dégustations des vins de Pessac Léognan le 30 mars et de l’UGCB les 3 autres jours © JPS

La famille Kressmann prévoit avec les organisateurs (syndicat viticole de Pessac-Léognan et Union des Grands Crus de Bordeaux) les mesures appropriées pour recevoir les importateurs et journalistes dans de bonnes conditions.

« On va les recevoir dans cet espace d’accueil, dans cette boutique avant de les conduire dans l’espace de dégustation… »

En ce qui concerne le virus, on va proposer des solutions hydro-alcooliques, faire en sorte de garder un peu plus d’espace entre les gens… De toute façon les verres sont lavés régulièrement, c’est un verre par personne, il y a un service qui est prévu depuis très longtemps même avant ce virus de nettoyage des verres en permanence… » Edouard Kressmann.

Les membres de l’Union prêts pour l’AG à 14h à l’Orangeraie du château Pape-Clément © JPS

Cet après-midi, l’Union des Grands Crus de Bordeaux tenait son assemblée générale au château Pape-Clément. L’occasion de rassurer et confirmer la tenue des primeurs du 30 mars au 2 avril et de détailler les dispositions sur les différents lieux de dégustation.

« Il y aura des annulations, c’est évident compte tenu du contexte, on suit la situation heure par heure avec les autorités sanitairesOn est extrêmement vigilent », commente Ronan Laborde, président de l’Union au sortir à 18h10 de sa réunion. « Demain nous avons une réunion avec la préfecture pour établir un plan de sécurisation maximum.On est déjà en contact avec une société dont c’est la spécialité et on a parlé à nos membres des mesures les plus contraignantes qui seraient prises dans ce cadre… » me précise Ronan Laborde le président de l’UGCB.

 

Et de poursuivre : « aujourd’hui, il y a encore des événements qui se tiennent malgré ce contexte difficile et préoccupant. On est obligé d’en tenir compte et de mettre le plus haut niveau de sécurité pour les gens qui vont venir nous voir dans quelques semaines…Déjà il y aura une signalétique, telle que vous l’a voyez dans la rue ou à la télévision, invitant à ne pas s’embrasser ou se serrer la main, à se laver les mains,

On régule l’affluence de manière draconienne, on recentre et on revient sur les fondamentaux, tous les événements festifs seront éradiqués, pour nous concentrer sur le coeur de notre métier faire déguster les vins en primeur aux professionnels, » Ronan Laborde président de l’UGCB.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Sylvie Tuscq-Mounet et Olivier Pallas: (intervenants : Edouard Kressmann, Ronan Laborde et Wilfrid Groizard)

Durant la campagne des primeurs, ce sont ici au château Latour Martillac 80% des vins qui sont commercialisés. Un moment à ne pas rater.

« Nos vins sont prêts, nos assemblages sont prêts, donc on recevra les professionnels qui voudront venir déguster à Martillac, ensuite il faudra qu’on trouve des solutions pour ceux qui ne voudront pas venir, peut-être envoyer directement des échantillons ou alors nous nous rendre directement auprès de nos principaux clients, avec nos partenaire négociants pour pouvoir leur faire déguster nos échantillons sur leurs marchés, » selon Wilfrid Groizard directeur commercial et marketing au château Latour-Martillac.

Cette année, les primeurs vont avoir une saveur particulière, on ne connaît pas encore le nombre de participants, les années passées c’était 5000 à 6000 participants. Là, impossible de dire exactement, cela va se gérer jusqu’à la semaine des primeurs au jour le jour. Mais certains ont déjà fait part de leur annulation ayant notamment peur de se voir placer en quarantaine à leur retour de France par leur pays d’origine. On verra bien, néanmoins les membres de l’Union restaient sereins et positifs aujourd’hui, et ils vont faire le job comme chaque année.

Regardez l’interview de Ronan Laborde le président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux par Jean-Pierre Stahl et Sylvie Tuscq-Mounet:

24 Mai

Les coups de coeur et les bonnes notes de Jacques Dupont sur le millésime 2018

C’était hier soir la présentation du Guide de Jacques Dupont au Bistrot du Sommelier à Bordeaux. Tout le monde du vin était là pour déguster et féliciter les heureux lauréats qui avaient obtenu un coup de coeur, des petits et des crus classés, une belle diversité du vignoble de Bordeaux. Dans ce nouveau guide établi parJacques Dupont et Olivier Bompas, 745 vins sélectionnés dont 131 à moins de 10€.

 Laure de Lambert Compeyrot de Sigalas-Rabaud, Olivier Bompas du Point, Martine Cazeneuve de Paloumey et Marie-Laure Lurton de Villegeorge © JPS

C’est un travail de longue haleine comme le soulignait encore hier soir Jacques Dupont, où lui même est resté 4 semaines dans le vignoble et Olivier Bompas, 3 semaines, à déguster chacun de leur côté les primeurs sur le millésime 2018 : « on a dégusté très lentement, on sait que c’est une dégustation un peu injuste car les vins ne sont pas terminés, mais les vins que vous dégustez ce soir semblent vous plaire et c’est noter récompense. » 

Un millésime marqué par de fortes pluies jusqu’à début juillet, puis une chaleur et une sécheresse importante jusqu’à fin octobre. Un millésime qui se souviendra aussi des intempéries comme les épisodes de grêle du 26 mai et du 15 juillet, sans oublier les attaques de mildiou, d’une rare violence.

Jacques Dupont, journaliste-critique, Olivier Bompas, journaliste-sommelier, et Mathieu Bensch stagiaire au Point © JPS

Au final, le résultat est pas mal pour ces heureux lauréats invités par le Point à présenter leur 2018 et un vin d’un autre millésime de leur choix, pour cette traditionnel rendez-vous de fin mai. Les copies de Jacques et Olivier étant rendues, voici leurs notes sur 20 publiées dans le Point, sorti ce jeudi 23 mai, ainsi que les commentaires sur le millésime et des coups de coeur éventuels pour d’heureux chanceux qui ont somme toute bien travaillé.

Romain Ducolomb de Beychevelle et Bruno Baylet de Landereau © JPS

Au tableau d’honneur, tout d’abord, le premier à l’entrée qui aussi pourrait être 1er de la classe, Landereau et sa cuvée Prestige qui obtient un 15,5-16

« Cela fait plaisir, c’est la meilleur note en Bordeaux et Bordeaux Sup », commente Bruno Baylet.  « Cela fait partie des vins bien notés tous les ans, habitué ? Non, cela doit être notre 3e coup de coeur… » Son 2018 a été réalisé avec « 95% de merlot, 5% de cabernet francs, les amlos en barriques neuves, 15 à 17 mois d’élevage en barrique sans aucun soutirage. »

Le principal c’est de durer et de montrer que l’on peut avoir de grands terroirs, notamment à Sadirac, à des prix abordables » Bruno Baylet du château Landereau.

Parmi les autres vignerons qui savent faire du vin, sans forcément être classé, Dominique Raimond du château Monfollet qui a obtenu un 15,5-16 et un coup de coeur pour son Grand Vin. Un millésime sauvé de la grêle, car Blaye avait pas mal été touché, comme les Côtes de Bourg juste à côté. Ce ne sont que 16000 bouteilles produites, par rapport au Monfollet le Valentin réalisé à 150 000 flacons, énormément référencé dans la grande distribution; mais pour ce grand vin, c’est une sélection de vieilles parcelles, fermentations malos en barriques, élevage de 12 à 14 mois, en barriques; un grand vin commercialisé auprès des particulier et beaucoup à l’export.

Parmi les crus classés présents, Léoville Barton, 2e cru classé de Saint-Julien (noté 18,5) avec Michel Sartorius marié à Lilian Barton : « nous sommes sortis ce matin au prix de 61,80 pour le professionnel, 72 pour le particulier, entre le prix de 2015 et celui de 2016, cela a très bien marché dès la sortie car moins cher que les 2016; la période est vraiment difficile et il faut faire attention à quel prix on sort. On est aussi très content de Langoa… On est sorti à un prix suffisamment attractif pour le négoce et à un prix raisonnable pour le consommateur. »

Il y a aussi Clerc-Milon, 5e cru classé à Pauillac (noté 17), un millésime 2018 à l’assemblage subtil selon le maître de chai Frédéric Faure, en poste depuis 10 ans, avec « 60% de cabernet sauvignon, 27 % de merlot, 9% de cabernet-franc, 3% de petit verdot et 1% de carménère. Clerc Milon est sorti la semaine dernière au prix pour le négoce de 50€.

Mr Cuvelier du Château le Crock, Jean-Pierre Rousseau de Diva, Philippe Dalhuin directeur technique général des Propriétés Mouton Rothshild-Armailhac-Clerc Milon, Jean-Emmanuel Danjoy et Frédéric Faure, directeur et maître de chai de Clerc Milon © JPS

Du côté des négociants, aussi présents, Jean-Pierre Rousseau, dirigeant de la Maison Diva quai de Bacalan à Bordeaux, décripte ces sorties en primeurs sur le 2018 : « c’est une campagne un peu compliquée car les prix sont plutôt partis dans les sphères supérieures et nos clients ne sont pas au mieux de leur forme… Les Chinois sont aux abonnés absents et la « guerre cino-américaine » fait des dégâts », à l’heure actuelle. « Il y a des vins de qualité qui ont parfois du mal à trouver leur public. »

Nul doute que le lecteur et amateur de vin trouvera dans ce guide de Jacques Dupont et d’Olivier Bompas des repères dans leur futurs achats tant en primeurs qu’en livrables.

Le Guide de Jacques Dupont, avec le magazine Le Point du 23 mai 2019 chez tous les marchands de journaux.