07 Fév

Crise viticole : les pistes de l’Etat pour venir en aide aux vignerons

Lundi, le Ministre de l’Agriculture Marc Fesneau recevait une vingtaine de responsables de la filière à Paris. L’Etat prévoit de dégager 160 millions pour soutenir ce pan de la viticulture en proie à des difficultés du fait d’une déconsommation de vin, un plan pour financer notamment la distillation de crise. Réactions de Bernard Farges, vice-président du CIVB, et de Bastien Mercier, du collectif des vignerons.

Marc Fesneau a annoncé hier une campagne de distillation de vin, dotée de 160 millions d’euros, pour soutenir les viticulteurs en difficulté, d’autres pistes ont été avancées également pour de l’arrachage sanitaire de vignes en friches…

 La filière vitivinicole traverse actuellement une crise conjoncturelle dans le contexte d’inflation lié à la guerre en Ukraine qui exacerbe des difficultés structurelles dans certains bassins viticoles et couleurs de vins » Marc Fesneau.

A Bordeaux, la crise s’est traduite déjà par une manifestation de plus de 1200 viticulteurs et de toute la filière le 6 décembre dernier. Ceux-ci réclament un vaste plan d’arrachage primé d’au moins 10% (CIVB) à 15% (selon le collectif des viticulteurs de Gironde) du vignoble bordelais de 108000 hectares.

Pour Bernard Farges, du CIVB, présent hier à la réunion : « il y a cette annonce de distillation mais pas que cela , il y a des débuts de réponse pour réduire les surfaces avec des réponses concrètes d’ici 15 jours au salon de l’agriculture, c’est conforme avec ce que nous travaillons avec ses services. Le Ministre a pris acte et conscience des difficulté de toutes les régions viticoles en France et particulièrement des régions de rouge. Ce sont des mesures conjoncturelles qui doivent faire évoluer le vignoble, après il doit y avoir des mesures structurelles comme dans le bordelais. Mais c’est clair que ce sont des sujets qu’on n’aborde pas de gaïté de coeur… »

La distillation, c’est une mesure classique mais les fonds de 160 millions ne suffiront pas pour toute la France. Il travaille dessus pour compléter ces 160 millions », tant il est clair que pas mal d’entreprises ont besoin de renforcer leur trésorerie. », Bernard Farges

Une première campagne de distillation devrait se faire d’ici l’été avec « 40 millions d’euros de crédits nationaux complétés de 40 millions de l’enveloppe de financements européens (FEAGA) », selon Marc Fesneau. La seconde campagne pourrait être organisée d’ici octobre selon le Ministre pour atteindre ces 160 millions d’euros.

Du côté du collectif, Bastien Mercier réagit ce matin : « cela devrait concerner 500 000 hectolitres sur la Gironde, cela pourrait faire 702€ du tonneau, autant dire pas grand chose, pour écouler du stock ; on sait très bien que cela va arranger les caves coopératives qui ont déjà distillé en 2020, moi je ne vais pas distiller un vin médaillé d’or, 4 médailles d’or en 2021, je ne vais pas envoyer ça au bouillon, comme le 2022 très prometteur je n’envoie pas ça au bouillon… On s’attendait à la distillation car c’est le Languedoc Roussillon qui pousse… On a cherché à ce que la distillation dans le cadre de la production soit rémunérateur comme pour faire du vinaigre de vin, mais là ce sont les distillateurs qui vont se faire de l’argent et c’est l’Etat qui paie… Bon en 2020, on a distillé pour 40 millions d’euros, ce qui représente près de 5700 tonneaux, c’est ce qui fallait… » Mais moi, la distillation de masse pour les petits, je n’y crois pas, nous on réclame l’arrachage… Travailler pour balancer, non, c’est trop d’effort, trop d’énergie, pour après balayer d’un revers de main.

Il faut absolument pour le Ministre annoncer des choses sur l’arrachage au salon, mais malgré tout c’est dans longtemps, 3 semaines, il faut savoir qu’au mois de mars les bourgeons sortent et c’est reparti, c’est trop tard, tout cela arrive trop tard. Nous on demande un effort pour les retraités…Pour ceux qui veulent arrêter, qui n’en peuvent plus, ok ils vont vider leur chai avec la distillation, mais à quand l’arrachage ? » Bastien Mercier

Parmi les autres pistes, le gouvernement a étendu et prolongé le dispositif de prêt garanti par l’État (PGE) jusqu’à la fin 2023. Concernant l’allongement de la durée du PGE : « 75% des PGE en agriculture sont des PGE avec tout ou partie de viticole, ce n’est pas rien, nous on demande un allongement de la durée du PGE de 6 à 10 ans. On souhaite trouver des moyens avec Bercy, ou au cas par cas, ou trouver des prêts relais… On demande des intérêts plus faible que le prix du marché… », commente Bernard Farges

« Quand à l’arrachage, pour l’heure, il n’y a pas de dispositif, les textes européens ne le permettent pas; nous Bordeaux nous le demandons, mais pas toute la filière en France, néanmoins le secteur se dégrade et donc je pense que cela bougera.

« Nous essayons de créer des outils, on travail sur le fond de mutualisation sanitaire, avec les services régionaux et le département.  C’est un élément très important que la profession mette des fonds sur la table pour agir aux côtés de l’Etat, de l’Europe et de la région. Il n’y a pas d’autre exemple qui essaie de le faire, c’est un engagement fort de la profession. » Les outils du Faeder (fonds européen agricole pour le développement rural) pour la diversification et l’arrachage sanitaire pour éviter la propagation de maladies comme la flavescence dorée pourraient être mis en oeuvre dès cette année.

Le Ministre a clairement dit la nécessité d’agir sur le structurel, avec la filière, d’ici le début de l’été », selon Bernard Farges. Bastien Mercier et le collectif attendent de rencontrer le préfet ce jeudi matin dans le cadre de la cellule de crise mise en place par la préfecture.

 

06 Fév

Coupe des Crus de Saint-Emilion : voici les 24 coups de coeur 2023

La Coupe des Crus de Saint-Emilion s’est disputée la semaine dernière au Palais de la Bourse, parrainée par Jonathan Choukroun Chicheportiche du Magazine Vert de Vin. 24 nouveaux coups de coeur ont ainsi été désignés et porteront haut les couleurs de Saint-Emilion tout au long de l’année.

La Coupe des Crus de Saint-Emilion © Guillaume Bonnaud  

80 personnes, parmi lesquels des négociants, courtiers, cavistes, sommeliers et journalistes spécialisés, et des amateurs éclairés ont eu la lourde tâche de déguster à l’aveugle 159 vins sur 3 millésimes 2018, 2019  et 2020…

Les crus s’affrontaient par catégorie, à l’aveugle, deux par deux, sur trois millésimes (2018, 2019 et 2020) lors de matchs éliminatoires. A chaque match, trois jurés rassemblés à une table communiquaient leur préférence parmi les deux vins en compétition: c’est le cru le plus régulier sur l’ensemble des millésimes qui l’emportait et passait à l’étape suivante.

Les matchs se sont enchaînés au sein de cinq catégories: Puisseguin SaintEmilion, Lusssac Saint-Emilion, Saint-Emilion, Saint-Emilion Grand Cru et Saint-Emilion Grand Cru Classé. Et voici le résultat : 

LES COUPS DE CŒUR 2023

LUSSAC SAINT-EMILION

Château Bel Air Jean & Gabriel

Château La Rose Perrière

Château de la Grenière Cuvée de la Chartreuse

Altéa

PUISSEGUIN SAINT-EMILION

Château Soleil

Château Pontet Bayard

Château Clarisse«Vieilles Vignes»

Château Coudroy Borie de l’Anglais

SAINT-EMILION

LArchange

Clos le Brégnet

Clos Antico

Château RollandMaillet

SAINT-EMILION GRAND CRU

Château Trimoulet

Château Rol Valentin

Château CroqueMichotte

Château Vieux Larmande

Château La Croizille

Château Tour SaintChristophe

Château Carteau Côtes Daugay

Château des Laudes

SAINT-EMILION GRAND CRU CLASSE

Château Soutard

Château de Pressac

Château Dassault

Château Destieu

03 Fév

La Cité du Vin vous dévoile son nouveau parcours permanent

Ouverte le 1er juin 2016, la Cité du Vin à Bordeaux s’est faite une nouvelle beauté ou une deuxième jeunesse. Après quelques travaux, elle dévoile demain samedi au public un nouveau parcours permanent. Certes ce n’est pas une transformation totale de l’existant pas un joli rafraichissement avec de nouvelles scénographies, d’équipements numériques et de productions multimédia. Vivez une nouvelle grande aventure du vin à travers l’histoire, les civilisations, la culture de la vigne, l’art de vivre et les différents continents producteurs de vin. Profitez des vacances, allez-y.

L’EXPOSITION PERMANENTE : UNE INVITATION A VOYAGER A LA DECOUVERTE DU MONDE DU VIN 

Grâce à des technologies numériques et interactives, l’Exposition permanente fait vivre sur 3 000 m² la grande aventure du vin, qui a inspiré les Hommes et façonné leur vie et leurs territoires depuis des millénaires. Histoire, géographie, arts, culture de la vigne, œnologie, art de vivre… le vin se découvre sous ses multiples facettes sur 18 espaces thématiques différents, à parcourir librement (au 2ème étage du bâtiment). Le visiteur, tour à tour actif ou spectateur, assis ou debout, multiplie les expériences individuelles et collectives, pédagogiques, ludiques, immersives, multisensorielles… toutes plus surprenantes les unes que les autres à l’aide de l’indispensable « compagnon de visite », dispositif qui permet le déclenchement des animations et l’écoute des commentaires dans une des huit langues proposées (français, anglais, allemand, espagnol, italien, néerlandais, chinois et nouveauté 2023, le portugais).

18 ESPACES THEMATIQUES A PARCOURIR

A partir d’un nouveau projet scientifique et culturel offrant une large place au Vivant et à l’Homme, la Fondation pour la culture et les civilisations du vin (qui gère et développe la Cité du Vin) entourée d’une équipe créative pluridisciplinaire venant d’horizons divers, a imaginé une Exposition permanente version 2023 composée de 18 espaces thématiques et d’une œuvre d’art monumentale, répartis en 6 Univers.  L’Agence Clémence Farrell (scénographie et design d’espace) et Muséomaniac (conception des installations numériques et direction des productions) accompagnées par le studio Ich&Kar, The Mill (écriture, storyboard, audiovisuel) et Ilusio (animations, multimédia) ont œuvré sur les nouveaux modules thématiques nécessitant un changement de scénographie et un renouvellement des contenus. Pour concevoir et réaliser des dispositifs audiovisuels sur mesure et innovants sans changement de scénographie, la Fondation pour la culture et les civilisations du vin a fait appel à Sim&Sam, Les Films d’ici, Clap 35, Blue Yeti et The Mill.

  • Survol des vignobles: Un voyage époustouflant à la découverte de l’incroyable diversité des paysages viticoles à travers le monde et de leur beauté, grâce à une projection sur 3 écrans géants et qui se prolonge au sol.
  • Planète vins: Un grand planisphère pour comprendre la répartition des vignobles à travers la planète, un abécédaire des pays producteurs avec les chiffres clés de leur activité viticole et deux globes pour présenter la grande diversité des cépages du monde et comment le climat constitue un facteur essentiel pour la culture de la vigne.
  • Terroirs du monde: 10 vignerons de 10 régions du monde présentent les spécificités de leur terroir et leurs impacts sur les vins.
  • La vigne: Un cep spectaculaire et animé montre les interactions entre le sol, la plante et les grappes. 4 écrans dédiés au travail de la vigne complètent le dispositif tandis que sur le mur opposé, les différents cépages du monde s’affichent dans toute leur diversité !
  • L’élaboration du vin: Tous les secrets de fabrication du vin expliqués grâce à un mur interactif où l’on suit le chemin du raisin au vin, de la réception des vendanges à la cave. Une projection au sol d’une cuve avec des grappes permet également, de manière virtuelle et interactive, de fouler le raisin comme à l’ancienne.
  • Six familles de vin: 6 bouteilles géantes, chacune dédiée à une grande famille de vin, explorent trois thématiques : élaboration, dégustation et service, associés à chaque type de vin.
  • L’année vigneronne: De la vigne à la bouteille, une année retracée en images pour suivre la création d’un millésime, aussi bien dans la vigne que dans le chai. Un film musical avec une mise en scène au plafond et des projections à 360° que l’on regarde confortablement installé !
  • La galerie des civilisations: Des tombeaux égyptiens aux soupers du XVIIIe siècle en passant par les banquets grecs jusqu’à nos jours, un dédale pour remonter le temps à la rencontre des plus grandes civilisations du vin.
  • L’allée des tendances: Plongée dans le XXIe siècle pour suivre les dernières innovations et tendances récentes du monde du vin, miroir des évolutions de nos sociétés.
  • Le buffet des 5 sens: Une découverte des clés de la dégustation grâce à un parcours ludique et olfactif autour des arômes et des couleurs du vin.
  • Ça tourne! : Quand des films cultes nous rappellent que le vin est au cœur de nos échanges sociaux et de nos moments de convivialité.
  • Ça peut servir! : Préparation, service et dégustation suivent des étapes, mettent en jeu des outils et des gestes particuliers. Sur un ton humoristique et décalé et grâce à un dispositif multi-écrans, un film donne aux spectateurs les clés d’un service réussi !
  • Modulor: Ce tire-bouchon géant, œuvre de Lilian Bourgeat, interpelle et amuse les visiteurs pendant leur visite. Le lieu idéal pour immortaliser sa découverte de l’Exposition permanente.
  • A table! : Un show immersif autour de la cuisine, du repas et du service du vin amène le visiteur dans des mondes merveilleux ! Assis autour d’une table de banquet, les convives assistent à un spectacle onirique et magique, faits de mappings et de projections.
  • Le vin et moi: Des bornes interactives, des interviews d’experts, des jeux et des quiz pour comprendre de façon ludique sa relation avec le vin.
  • Au fil des fleuves: 5 tableaux animés présentent les grandes routes fluviales et maritimes empruntées depuis des siècles pour transporter le vin.
  • Le vin à la conquête du monde: Embarquement sur un bateau de 50 places, au cœur d’un espace sensoriel avec odeurs, sons, images et animations pour découvrir le transport du vin à travers les époques : des navires antiques aux porte-conteneurs…jusqu’au cargo spatial !
  • Le vignoble de Bordeaux: Une carte en relief s’anime avec facétie pour faire découvrir les différentes régions, appellations et spécificités du vignoble bordelais.
  • La grande saga de Bordeaux: Un film spectaculaire dévoile comment d’un grand port de commerce est née une terre de vins mythiques.

Néo-expérience 2023, le renouvellement de l’Exposition permanente

Le renouvellement d’une partie de la scénographie, des équipements numériques et des productions multimédia de l’Exposition permanente résulte d’un programme appelé Néo-Expérience 2023, mis en œuvre grâce au soutien financier de l’Europe et de la Région Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de la réponse de l’Union à la pandémie de COVID-19, ainsi qu’aux financements de Bordeaux Métropole, de la Ville de Bordeaux, des mécènes et des ressources propres de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin. Son objectif : permettre à la Cité du Vin de renouveler une grande partie de son offre culturelle et de ses équipements afin de maintenir son attractivité, d’améliorer l’expérience et la satisfaction de ses publics et répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux actuels.

Avec la Cité du Vin

Revoir le dernier Côté Châteaux consacré à la Cité du Vin cet automne réalisé par Jean-Pierre Stahl et Alexandre Berne :

 

 

01 Fév

Des vignerons de Pessac-Léognan et des Graves se mobilisent contre la LGV

En Pessac-Léognan et davantage encore dans les Graves, quelques châteaux seront touchés par le tracé de la LGV Bordeaux-Toulouse. Ils ne l’acceptent pas et souhaite voir ce projet abandonné. Rencontre de ces opposants au château d’Eyran et au château du Grand Bos.

Vieille propriété familiale depuis le XVIIIe siècle, le château d’Eyran a reconstruit son vignoble de 25 hectares en 1984. Jamais Charles Savigneux n’avait imaginé voir s’ériger une LGV à quelques centaines de mètres… Celle-ci devrait écraser 2 à 3 hectares de vigne et être construite au dessus de la voie ferrée existante.

« Au dessus de ces lignes, une hauteur de 6 mètres par dessus…Ce qui fait qu’on va avoir un mur ici avec une largeur de voie qui est encore inconnue… », nous montre Charles Savigneux gérant de la SCEA du château d’Eyran.

On est très en colère, puisque c’est un projet très très ancien et diverses enquêtes d’utilité publique notamment en 2015 ont donné des avis défavorables, des enquêtes monumentales et derrière l’Etat passe par dessus pour forcer ce projet de LGV » Charles Savigneux du château d’Eyran

« On va aussi avoir des nuisances sonores monstrueuses et en plus ces voies qui vont être ajoutées vont passer en plein milieu ici de ces marécages en changeant les trajets de circulation hydraulique et donc en modifiant tout cet écosystème…. »

Pour Michel Lopez de l’association LGVEA qui est venu le voir et le soutient : « c’est lamentable, on s’attaque à la biodiversité, on s’attaque au milieu agricole, viticole, forestier, à la faune, à la flore, l’écosystème va être complétement modifié et également sur la commune de Saint-Médard-d’Eyrans, il va y avoir un impact très important sur la circulation et le cadre de vie des habitants »

Dans les Graves, le château du Grand Bos 12 hectares de vigne et 15 de forêt va voir sa propriété coupée en 2…« Qu’est ce qu’il restera de la vigne après les travaux, à mon avis il ne restera rien » soupire Serge Rochet du château du Grand Bos.

Du portail du château à la bâtisse du XVIIIe siècle, le tracé les touche de plein fouet… «  Théoriquement la ligne rouge va représenter 100 mètres d’emprise » commente Dominique Larrue voisin du château du Grand Bos en montrant le tracé sur son téléphone portable…

Lou Rochet est d’autant plus inquiète qu’elle a repris la propriété familiale depuis 2017 et y a engagé de nombreux projets…

On a ouvert des chambres d’hôtes , mis la propriété en agriculture biologique, on avait l’impression qu’on avait une propriété qui était très belle et qui avait un potentiel assez magnifique et finalement cette LGV va peut-être tout remettre tout en question… » Lou Rochet du château du Grand Bos

Propriétaires, riverains et associations espèrent bien que le projet de LGV soit reporté (ce que préconise le conseil d’orientation des infrastructures)voire enterré au profit de la rénovation des voies existantes, sinon ils n’hésiteront pas à continuer à engager des recours devant le tribunal administratif.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Ludovic Cagnato et Boris Chague :

Côté châteaux consacre son numéro 38 à la crise viticole à Bordeaux

La crise de consommation de vin touche depuis plusieurs années de nombreux vignobles et notamment le plus important en France: Bordeaux. Côté Châteaux est allé sur le terrain à la rencontre de ces petits vignerons qui produisent en Bordeaux et en Entre-deux-Mers pour se rendre compte de leurs difficultés au quotidien. Ceux-ci réclament un plan d’arrachage primé de 15 000 hectares à Bordeaux pour s’en sortir et réguler la surproduction. Un magazine de plus de 27 minutes à voir ce 1er février sur France 3 NOA, réalisé par Alexandre Berne et Jean-Pierre Stahl.

Le 6 décembre dernier, ils étaient 1200 vignerons représentants de toutes les appellations à manifester dans les rues de Bordeaux pour réclamer un arrachage primé de la vigne d’environ 15% du vignoble de Bordeaux.

Le premier reportage revient sur le cas de Fabien Ribeireau qui a fait le choix d’arracher une partie de sa vigne, sans aide, pour maîtriser ses coûts et sa surproduction au château Bellevue à Cadarsac : « c’est triste car c’est de la vigne que j’ai plantée avec mon papa quand il était encore de ce monde… »

Fabien Ribeireau, vigneron du château Bellevue à Cadarsac © JPS

C’est toujours un crève-coeur, réduire la production pour rééquilibrer les marchés, l’offre et la demande, je pense que c’est du bon sens, cependant c’est quand même un aveu d’échec… » Fabien Ribéreau vigneron château Bellevue à Cadarsac

Il lui reste 50 hectares qu’il cultive fièrement, à l’heure de la vendange, il vend à 1€ du litre mais certains ont vendu à 70 centimes: « c’est ridicule, c’est pas possible qu’on accepte que Bordeaux implose, c’est un fleuron national… »

Manifestation du 6 décembre dernier à Bordeaux © JPS

De retour au Pian-sur-Garonne, chez Didier Cousiney, le porte parole des viticulteurs de Gironde : « la chambre d’agriculture va sortir les chiffres bientôt du questionnaire envoyé aux viticulteurs, 1500 ont répondu  (1320 ont reconnu être en difficulté pour être exact). Il y a plein de mesures menées par la chambre d’agriculture, le CIVB, les organisations professionnelles de la filière, mais nous

Nous prônons toujours l’arrachage primé car s’il n’y a pas un arrachage primé, définitif, rapidement dans les 2 mois qui viennent jusqu’à fin mars, cela va être une catastrophe, car déjà il y a des ruptures de contrats chez des viticulteurs qui comptaient dessus, et qui se retrouvent du jour au lendemain dans une catastrophe financière qu’ils n’ont jamais vue… » Didier Cousiney porte parole des viticulteurs 33.

Le problème de l’arrachage primé était autorisé par l’Europe jusqu’à 2008 et puis cela a été abandonné, alors comment retrouver cette négociation avec l’Europe ? « Ça va être très long, durer peut-être des années, car changer des textes européens ça ne se fait pas du jour au lendemain…Mais il faut absolument cet arrachage, il faut qu’il y ait quelque chose qui se passe pour sauver la viticulture bordelaise, alors même si parfois le collectif s’y prend mal, il faut que tous ensemble, toute la filière trouve rapidement des solutions parce que c’est tout un pan qui va s’écrouler… »

Didier Cousiney, l’organisateur de la manifestation de décembre et porte-parole du collectif des vignerons © JPS

L’autre jour en conseil d’administration, nous avons proposé à ce que tout le monde mette la main à la poche, entre la filière viticole , la Région et l’Etat pour arriver à ces 150 millions d’euros, » Didier Cousiney porte parole des viticulteurs 33.

Frédéric Arino vigneron coopérateur à Pujols © JPS

A Pujols, le collectif nous a emmené chez Frédéric Arino qui a 65 ans et voudrait bien prendre sa retraite, il ne vit qu’avec 10 000 euros de revenu annuel et du coup souhaite arracher ses 19 hectares de vigne avec la prime souhaitée de 10 000e à l’hectare. « Je ne peux pas prendre la retraite car je n’ai pas de repreneur et trop de surface en vigne qui me reste pour demander mes droits à la retraite, je suis dans un statu quo, je ne peux plus avancer, reculer, je ne peux que subir… » Et de nous montrer le terrain d’un papy « il a proposé des fermages et personne n’en voulait », il a bien été obligé d’arracher à ses frais…

Sébastien Léglise, vignobles Falgueret-Léglise © JPS

A Castelviel, nous voici chez un vigneron qui n’a pas encore la cinquantaine et qui travaille bien ses vins, comme bon nombre. Sébastien Léglise, 48 ans, 4e génération de vignerons, est à la tête de 60 hectares en Bordeaux et en Entre-deux-Mers avec ses vignobles Falgueret-Léglise: « oui, c’est de plus en plus dur de vendre notre vin effectivement… J’ai encore la fougue de ma jeunesse même si elle s’éloigne un peu et en même temps je me dis que l’avenir s’assombrit de jour en jour… »

Pour s’en sortir, il a choisi la voie de la diversification : « depuis quelques années on voyait bien que les ventes commençaient à stagner ou se réduire, donc on s’est tourné un petit peu vers l’oenotourisme avec mon épouse on a monté un 1er gîte et on aimerait bien en monter un second voire un troisième, on voit qu’il y a vraiment un attrait pour cela, et en parallèle j’ai arraché quelques vignes pour planter une culture céréalière… »

Quant à se reconvertir, il n’en est pas encore à ce stade fort heureusement, mais il y pense : « on l’a dans le coin de la tête, on se dit si on n’arrive pas à vendre notre production, il faudra peut-être arrêter et vendre, et pourquoi pas trouver un emploi fixe, un CDI chez quelqu’un… Mais je garde espoir, espoir que mes enfants reprendront cette propriété mais pour l’instant je n’en suis pas sûr… »

« Ça eu marché, mais ça marche plus » complète sur un trait d’humour Didier Cousiney, « aujourd’hui c’est la réalité on a des jeunes qui sont au bord du gouffre, même si les banques disent non non c’est pas vrai, la réalité c’est du jour au lendemain débrouillez-vous on ne peut plus rien pour vous…Donc on est dans une situation alarmante… et des vignobles de 4 ou 5 générations comme cela peuvent ou vont s’éteindre. C’est dommageable et ce qui est dommageable, c’est que personne ne fait rien pour les sauver… »

La solution serait-elle de faire davantage de vins blancs secs quand on voit la baisse de consommation surtout sur les rouges ? « Vous savez dans l’Entre-Deux-Mers, on faisait beaucoup beaucoup de blancs, là c’est vrai il y a un effet conjoncturel où les blancs ont le vent en poupe, mais si on revient à un niveau de production correct les prix es blancs vont redescendre, il ne faut pas se leurrer il y a une méconsommation du vin, à nous de réadapter notre produit à ce que demandent les futurs consommateurs, il faut que la profession se remette en question, sauver ce qui est sauvable et il va falloir un plan Marshall »

 

Chaîne d’embouteillage de la Maison Bouey © JPS

Petit focus sur les courtiers et le négoce bordelais qui essaient de commercialiser au jour le jour et sur le moyen et long terme ces vins: « chaque fois qu’une génération ancienne disparaît, la nouvelle génération qui arrive consomme moins », explique Stéphane Lefebvre directeur général de la maison de négoce Bouey, une maison de négoce familiale. « En France, la consommation de vin va continuer à baisser et devrait se stabiliser à 25 litres par tête d’habitant d’ici une dizaine d’années » 

Aujourd’hui on veut des vins qui sont sur le fruit, sur le gourmand, on ne veut plus des vins trop sophistiqués avec beaucoup de tannins qu’on doit garder dans sa cave 10 ans, parce plus personne n’a de cave, ou très peu, et surtout pas à Paris », Stéphane Lefebvre directeur Maison Bouey.

Un négoce qui a vu les ventes en Chine, 1er marché à l’export, chuter sur les 3 dernières années à cause du covid, du repli sur soi, et de la concurrence, encore -27% sur les 12 derniers mois. Même si la baisse moyenne à l’export est de 9%, bon nombre de négociants essaient de travailler de nouveaux débouchés comme Jean-Pierre Durand de la Maison Antoine Moueix-Jules Lebègue : « vous verrez autour de vous certaines palettes qui sont à destination de l’Afrique, du Moyen Orient et de l’sérique du Sud, ce sont de nouveaux marchés sur lesquels on se déploient pour conquérir des parts de marché…. »

Yves D’Amécourt du château Bellevue à Sauveterre-de-Guyenne © JPS

La suite de notre vadrouille nous emmène chez Yves D’Amécourt au château Bellevue à Sauveterre-de-Guyenne : « oui, c’est la crise dans toute notre région de l’Entre-Deux-Mers en fait; les aléas climatiques se succèdent et notre production diminue et il y a une mévente de vin au niveau national ce qui fait que les prix du vin diminuent, donc on a une perte de production et une baisse des prix donc on boit le bouillon. »

« En France, les anciens qui buvaient du vin tous les jours, disparaissent tous les jours, ils sont remplacés par la jeune génération qui boit beaucoup de bière, ou d’autres choses mais peu de vin… »

A l’étranger, on souffre d’un manque d’ambition de la France pour aider la filière viticole à exporter et aussi le contexte international, avec les années Trump on a perdu beaucoup de ventes à cause des taxes sur le vin » Yves D’Amécourt château Bellevue

« Et on n’a pas retrouvé les parts de marchés qu’on avait perdues quand Joe Biden a été élu, et puis il y a des pays qui sont très agressifs pour vendre leurs vins comme le Chili, l’Argentine, l’Australie… »

La crise sanitaire n’a pas aidé non plus : « le covid ça a été compliqué car en France 1 bouteille sur 3 est consommée en restauration, les restaurateurs étaient fermés, les restaurants ont été aidés par le gouvernement mais leurs fournisseurs n’ont pas été aidés, comme les producteurs de viande, de légumes, etc…Et à l’étranger ce sont 2 bouteilles sur 3 qui sont consommées dans les pubs et les restaurants….Et les restaurants ont aussi vidé leurs stocks, il y a eu une compensation car les gens étaient chez eux et ils ont eu tendance à acheter plus et consommer plus…mais ça n’a pas compensé les pertes en restauration. » Tout ça sans parler de la hausse des prix de l’énergie (« on est entre +200 et +400% d’augmentation en fonction des heures ») et des matières premières (« +45% sur le verre »)… Des charges difficiles à supporter : « on exploite 111 hectares et il faut qu’on sorte 100 000€ par mois pour payer nos factures….Aujourd’hui, c’est compliqué, très compliqué, « on a fait 30 hectos à l’hectare cette année, notre point d’équilibre c’est 50 hectos à l’hectare, c’est très tendu…C’est dommage parce que c’est un beau métier, le plus beau métier du monde, on a fait énormément de choses pour améliorer la qualité de nos produits et respecter davantage l’environnement, on a eu aussi des meilleures qualités, et cela ne se retrouve pas du tout dans notre bilan… »

Vous ferez aussi connaissance avec Bastien Mercier, jeune vigneron à Camiran, qui reprend la propriété de son père Daniel mais dans un contexte des plus difficiles…Le domaine a été placé en redressement judiciaire en décembre dernier, ce qui n’obère en rien l’idée pour lui de rebondir. Juste à redéfinir le périmètre de son vignoble de 65 hectares.

Sur 65 hectares de vigne, il y a une partie en fermage que nous allons devoir abandonner… Sur les 2 autres tiers, une partie sera vouée à l’arrachage…Et le dernier, on le garde car nous sommes en capacité de vendre à la clientèle particulière cette production… », Bastien Mercier vigneron à Camiran.

En redressement judiciaire depuis 2 mois, il prévoit d’implanter des panneaux photovoltaïques pour payer les dettes, car pas question pour lui d’y laisser la bâtisse.

Daniel et Bastien Mercier, fiers de leur vin © JPS

Les Mercier produisent en moyenne 3000 hectolitres de vin à l’année, une production, une passion qu’ils voudraient bien vendre et partager avec une gamme de vins bien faits, représentant toutes les couleurs de Bordeaux et avec des étiquettes originales.

Et de nous faire déguster leur crémant de Bordeaux, la Marquise de Lavardac : « on a sorti cette méthode traditionnelle qui est réalisée avec du sauvignon blanc, et qui est passée en étage entre 9 et 18 mois, quand on en a besoin… », selon Daniel Mercier le papa.

La diversification, nous l’avons commencé en 2016 avec un nouveau rosé et d’un blanc qui ne fait pas partie du cahier des charges de l’appellation,  qui est un vin de table mais qui fait partie du goût du client aujourd’hui », Bastien Mercier.

Outre leur rosé aussi le Tête à Tête, chez les Mercier on en a dans la tête car il vont se tourner ver les panneaux photovoltaïques : « c’est de l’agrivoltaïsme, c’est de pouvoir continuer à travailler une culture et compléter par une production énergétique, pouvoir cultiver de nouvelles variétés de plantes, se dégager un salaire et de compléter par de l’agrivoltaïsme pour faire en sorte que notre structure reste pérenne et sereine, et de faire en sorte que nous puissions passer au remboursement de nos dettes… »

Voilà de beaux projets de la part de vignerons qui sont fiers de leur métier : vigneron, une passion qu’ils veulent partager, tout en souhaitant simplement s’en sortir dignement dans cette crise viticole à Bordeaux.

Côté Châteaux n°38 Spécial Crise Viticole à Bordeaux, à voir ce mercredi 1er Février 2023 à 20h30 sur France 3 NOA ( sur les box Orange 339, Free 326, SFR 455, Bouygues 337) ou encore dimanche 5 février à 13h45 et 20H20 sur France 3 NOA

 

22 Jan

Couchey, en Côtes de Nuit, va accueillir la 79e Saint-Vincent tournante les 28 et 29 janvier

Pour la deuxième fois de son histoire, Couchey va accueillir la fête de la Saint-Vincent tournante, célèbre fête vigneronne en Bourgogne. 90 sociétés vont défiler dans les rues de ce village de Bourgogne qui compte 90 hectares en AOC Marsannay, une manifestation de convivialité et de partage remise au goût du jour par la confrérie des Chevaliers du Tastevin

Prochaine Saint-Vincent à Couchey

Chaque année, c’est à la fin du mois de janvier que la Bourgogne célèbre Saint Vincent, le patron des vignerons. Les premières manifestations de la Saint Vincent apparaissent au Moyen Âge avec les Sociétés de Secours Mutuels des viticulteurs, créées dans le but d’aider les vignerons malades, dans l’incapacité de s’occuper seuls de leur vigne.

En 1938, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin remet au goût du jour cette manifestation sous forme de fête: procession des confréries de Saint Vincent dans le village, Office religieux, intronisation des «vieux» vignerons et dégustations. La fête devient rapidement le temps fort des manifestations viticoles de la région et garde aujourd’hui encore ses principales valeurs basées sur la convivialité et le partage.

Les festivités débuteront le samedi matin avec le traditionnel défilé rassemblant plus de 90 sociétés de secours mutuels dans les rues du village, le tout, ponctué par une cérémonie solennelle au Monument aux mort rendant hommage aux défunts de Couchey avant la célébration de la messe en l’église de Saint-Germain d’Auxerre.

À l’issue de la matinée, les membres du Grand Conseil de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin procéderont à l’intronisation des anciens vignerons du village et le nouveau Grand Maître, Jean-François Curie annoncera le nom du prochain village qui accueillera la 80e édition de la manifestation en 2024.

Au cours du week-end, trois blancs, trois rouges et un rosé issus de l’appellation Marsannay seront mis à l’honneur auprès des dizaines de milliers de participants attendus.

À la fin de ce week-end de festivités, le Saint de Couchey sera accueilli pendant toute l’année au Château du Clos de Vougeot tandis que le Saint de la Confrérie sera reçu à Couchey jusqu’à l’année prochaine.

20 Jan

Crise viticole : 1320 vignerons en difficulté selon le recensement de la Chambre d’Agriculture de la Gironde

Voici le résultat publié ce jour de l’enquête réalisée durant un mois auprès des viticulteurs de Gironde, suite à la manifestation du 6 décembre dernier et dans le cadre de la cellule de crise viticole mise en place par la Préfète. Il s’agissait d’évaluer le nombre de viticulteurs en difficulté et distinguer ceux qui souhaitent arrêter totalement leur activité, ceux à la recherche d’une reconversion partielle ou totale et les propriétaires bailleurs sans fermier. Voici le communiqué de la Chambre d’Agriculture.

« 1 320 : c’est le nombre de viticulteurs qui se sont déclarés en difficulté. Ce nombre élevé reflète l’ampleur de la crise qui touche le vignoble bordelais.

Si plus d’un quart d’entre eux veulent arrêter leurs activités et procéder à l’arrachage total de leurs vignes, la très grande majorité des exploitants souhaite, malgré les diificultés actuelles, poursuivre la viticulture, en procédant pour certains à des arrachages partiels, dans l’objectif de diversifier leurs productions. Beaucoup envisagent de s’engager vers d’autres productions végétales (oliviers et noisetiers étant les plus citées). Ils sont également nombreux à souhaiter développer des démarches d’oeonotourisme et d’agritourisme.

Les résultats détaillés de cette enquête seront présentés lors de la prochaine cellule de crise qui réunira l’Etat, la Région, le Département, les représentants et les organisations professionnelles.

Dès à présent la Chambre d’Agriculture va contacter les viticulteurs intéressés par une diversification de leur activité pour leur proposer un accompagnement à la fois technique, économique et financier. Ses conseillers vont également se rapprocher de ceux qui envisagent une cessation complète et ceux qui ont exprimé des demandes spécifiques. »  

19 Jan

Crise de Bordeaux : négociants et courtiers font aussi face à la crise

La crise de mévente des vins de Bordeaux est structurelle et dure depuis un certain temps… Les vignerons sont les premiers touchés et l’ont fait savoir lors de la manifestation du 6 décembre et en remplissant l’enquête de la chambre d’agriculture. En parallèle, le négoce bordelais ressent cette baisse depuis des années, ce qui explique des achats qui ne se font pas. Les courtiers essaient de jouer leur rôle dans un contexte très difficile. Regardez l’analyse et l’adaptation du négoce de Bordeaux et de courtiers.

Chaîne d’embouteillage de la Maison Bouey © JPS

Quand on parle de crise viticole, bien sûr on pense avant tout aux petits vignerons qui vendent en vrac et aussi en bouteilles. Leurs ventes sont au ralenti depuis plusieurs mois et années. Ils essaient de s’en sortir et réclament aujourd’hui un plan d’arrachage primé concernant 15 000 hectares sur les 108 000 à Bordeaux.

Parallèlement les négociants font aussi face à la crise. A Bordeaux, les ventes ne cessent de baisser, certains négociants me parlaient des années fastes où il y a 15-20 ans « on vendait 6 millions d’hectolitres, là Bordeaux vend 3,8″… (3,83 source CIVB sur 12 mois à fin octobre 2022) (4,22 l’an dernier à la même époque (fin octobre 2021)). Le vrac paie le plus lourd tribu : -23% sur 12 mois contre -9% sorties tous vins.

Le constat est sévère, le Français ne boivent plus comme avant, « comme un trou » j’allais dire, 120 litres par an et par habitant en 1960 contre un peu plus de 40 litres de vin aujourd’hui… Divisé par 3 !

En cause, la disparition progressive d’anciennes générations fidèles au goût de ces petits vins de Bordeaux (tanniques, boisés, etc) remplacées par des jeunes qui boivent davantage de bière que de vin déjà et quand ils boivent du vin, les voilà plus exigeants (avec un goût plus sur le fruit, des vins plus légers, des vins en agriculture bio, des vins naturels, ou des vins de « vignerons » où on leur raconte une histoire) et changeants (partant pour goûter des vins de Loire, du Languedoc Roussillon, de Bourgogne, etc…et même d’autres pays du monde (au moins 90 pays producteurs de vin)

« Chaque fois qu’une génération ancienne disparaît, la nouvelle génération qui arrive consomme moins », explique Stéphane Lefebvre directeur général de la maison de négoce Bouey, une maison familiale. « En France, la consommation de vin va continuer à baisser et devrait se stabiliser à 25 litres par tête d’habitant d’ici une dizaine d’années », poursuit-il.

Stéphane Lefebvre directeur général de la maison Bouey © JPS

Aujourd’hui on veut des vins qui sont sur le fruit, sur le gourmand, on ne veut plus des vins trop sophistiqués avec beaucoup de tannins qu’on doit garder dans sa cave 10 ans, parce plus personne n’a de cave, ou très peu, et surtout pas à Paris », Stéphane Lefebvre directeur Maison Bouey.

Parmi les 300 maisons de négoce, Diva, sous pavillon chinois, explique aussi cette baisse par une chute des ventes en ChineCe 1er marché à l’export a sauvé Bordeaux durant 15 ans, mais depuis 3 ans l' »Empire du milieu » est la plus forte baisse des marchés des vins de Bordeaux exportés….

Sur les 12 derniers mois, -27% en Chine, -9% en général pour tout l’export… Avec comme autres baisses : -7% en Allemagne, -4% en Belgique, -9% en Grande-Bretagne, -4% au Japon et -4% aux USA.

Jean-Pierre Rousseau, président de la Maison Diva © JPS

On a connu des années très fastes, 2012, 2013, à 2015, il y avait une demande énorme, et puis ça s’est tassé, évidemment le covid est passé par là et puis aussi la concurrence des vins étrangers qui ne font pas de cadeaux », Jean-Pierre Rousseau Président de Diva

Pourtant les courtiers aussi se retroussent les manches… « Ça c’est notre suivi où on a essayé de casé ce 2020…Au moins là on a un vin qui tient la route et on doit pouvoir le travailler par ailleurs », commente Charles Ripert en dégustation avec Thimothée Bouffard.

Ces intermédiaires entre les petits vignerons (qui travaillent aussi avec les moyens et grands crus classés), et le négoce cherchent en permanence des débouchés pour ces petits vins bien faits.

Thimothee Bouffard et Charles Ripert dirigeants du bureau Ripert © JPS

« On n’a pas arrêté de vendre du vin à Bordeaux. Il y a un marché, sauf que ce marché se réduit… », commente Charles Ripert secrétaire général du Syndicat des Courtiers de Bordeaux. « Cela fait peut être 20 ans qu’un vin est dans une enseigne, on faisait 100 000 bouteilles, après on n’en faisait plus que 80 000 et maintenant on n’en fait plus que 60 000 par an et le problème c’est les 40 000 restantes ! A Bordeaux, il y a des créneaux de distribution à retrouver, mais cela prendra du temps… »

Le Cuvier de la Maison Antoine Moueix-Jules Lebegue © JPS

A Bordeaux, Libourne ou Saint-Emilion, le négoce est mobilisé. Chez Antoine Moueix-Jules Lebegue par exemple on commercialise 15 millions de bouteilles à l’année, pas question de dormir…Du coup, on cherche aussi des acheteurs en dehors des marchés traditionnels de Bordeaux comme l’Europe ou les USA : 

« Nous sommes en permanence en train d’essayer d’ouvrir de nouveaux marchés, puisque Bordeaux a été essentiellement commercialisé en France et en particulier en grande distribution, et vous pouvez voir autour de vous certaines palettes à destination de l’Afrique, du Moyen Orient ou encore de l’Amérique du Sud… « 

Jean-Pierre Durand, président Maison Antoine Moueix-Jules Lebegue© JPS 

L’Afrique, le Moyen Orient ou encore l’Amérique du Sud… Ce sont de nouveaux marchés pour nous sur lesquels on se déploie le plus fréquemment possible pour aller conquérir de nouveaux marchés… »Jean-Pierre Durand, président de la Maison de Négoce Antoine Moueix-Jules Lebegue. 

Et pour séduire ces nouveaux consommateurs, on n’hésite plus à imaginer des étiquettes plus jeunes avec des têtes d’animaux, plus flashies couleur orange, ou originales avec des noms « rock » qui sont plus accrocheurs envers les jeunes, chez les cavistes, dans les bars à vins ou en grande distribution.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Laure Bignalet et Rémi Grillot :

06 Jan

Pour bien commencer l’année, voici le numéro 37 de Côté Châteaux spécial Bordeaux Tasting

Une bonne année à vous tous et aux amateurs de pépites… Côté Châteaux a choisi de mettre en avant ce grand rendez-vous de la dégustation de vins de  Bordeaux, de Champagnes, Cognac et autres spiritueux. Un bel engouement qui a réunit quelques 6500 personnes du côté de la place de la Bourse les 11 et 12 décembre dernier.

Le Côté Châteaux n°37 est consacré à Bordeaux Tasting, le grand rendez-vous de la dégustation des pépites de Bordeaux, de Champagne et d’ailleurs, place de la Bourse qui a rassemblé 6500 amateurs le week-end des 10 et 11 décembre dernier.

Un vaste succès populaire organisé par le magazine Terre de Vins pour cette 11e édition qui a retrouvé sa vitesse de croisière. Les amateurs en témoignent : « on vient déguster tout plein de bonnes choses… Et là on va aller voir les vins rouges, passer un bon moment avec des amis… » Oui c’est un rendez-vous dont on parle depuis un moment… Effectivement on l’a calé depuis plusieurs mois… »

Pour moi Bordeaux Tasting, c’est un rendez-vous entre amis où on déguste du vin, on découvre des vins qu’on n’aurait pas bu au quotidien…« , un habitué

« Cela fait 8 ans qu’on vient, entre copains, c’est une bonne journée qu’on partage… » Et Anne Melchior de faire déguster ses 2012 et 2018 du château Lamothe-Bergeron en Haut-Médoc : « ils sont curieux de découvrir, de déguster de nouveaux vins, voir ce qui se fait dans la région et connaître l’histoire des propriétés, c’est un beau week-end et de belles rencontres. »

C’est aussi  l’occasion de revenir sur la crise viticole qui secoue actuellement Bordeaux avec plus de 1200 vignerons qui ont manifesté le 6 décembre et réclament un plan d’arrachage primé. L’occasion d’en parler avec Xavier Leclerc directeur commercial du château Leroy-Beauval en Bordeaux Supérieur, lui-même était responsable du sourcing chez Auchan avant de devenir directeur commercial de Leroy-Beauval : « nous on est sur un terroir magique, en prix de sortie en rouge comme en blanc on est dans les 14€, prix public, et le rosé sort à 9€, et on s’aperçoit qu’il y a une demande dans cette catégorie de vin par le grand public qui est hyper importante à partir du moment où la qualité s’y retrouve… C’est vrai que j’arrive dans un secteur qui est en difficulté, voire très en difficulté, mais je suis là pour voir plutôt le côté positif, on ne veut pas se taire, la preuve c’est qu’on sait faire de très grands vins et même si le secteur est en difficulté, on doit pouvoir faire de très grands vins et pouvoir le dire… J’ai envie de fédérer un certain nombre de propriétés pour pouvoir se dire allez Bordeaux, c’est autre chose que le Bordeaux bashing et je pense qu’il va falloir vraiment se battre… »

Christophe Chateau directeur de la communication est également l’invité de ce numéro pour évoquer largement cette crise : « Bordeaux souffre aujourd’hui… Il y a deux phénomènes : déjà, la baisse de consommation en France : depuis une cinquantaine d’années la consommation de vin et notamment de vin rouge est en perpétuelle baisse, et forcément cela impacte les grandes régions de production de vin rouge dont Bordeaux. Et puis Bordeaux exportait énormément en Chine et la Chine est quasiment à l’arrêt ou au ralenti depuis 3 ans, donc nos deux premiers marchés sont en baisse et on a aujourd’hui un phénomène de déséquilibre entre l’offre et la demande… »

Quant à savoir s’il y a un million d’hectolitres en trop  ? « Non ce n’est pas tout-à-fait cela, la production moyenne sur les 4 dernières années c’est 4,3 millions d’hectolitres, et la commercialisation l’année dernière c’est 4 millions d’hectolitres donc on serait en sur production d’environ 300 000 hectolitres », poursuit Christophe Chateau. « On estime qu’il faut arracher environ 10% de notre vignoble. On est en train de mettre en place des plans stratégiques pour retrouver des équilibres offre et demande, notamment en réduisant l’offre avec de l’arrachage pour aider des gens qui sont en grande difficulté notamment des vignerons qui ont travaillé toute leur vie, qui veulent partir à la retraite et qui ont besoin d’être aidés pour partir décemment à la retraite…Donc on travaille là-dessus avec les pouvoirs publics, avec la région, avec l’Etat et avec l’Europe… » Oui mais pour l’heure en Europe les textes n’autorisent plus l’arrachage... « Oui, ils autorisent l’arrachage mais plus l’arrachage primé depuis 2008 donc il faut trouver de nouvelles solutions réglementaires pour aider ces gens à partir à la retraite… Malgré cela il ne faut pas oublier l’avenir, il y a 90% du vignoble dynamique, qui avance et on le voit à Bordeaux Tasting, les allées sont pleines avec plein de jeunes qui sont passionnés qui viennent déguster du vin… Donc il faut aussi travailler pour l’avenir, continuer à commercialiser et travailler sur des marchés prometteurs USA, Asie du sud-est ou encore l’Afrique marché assez dynamique aujourd’hui. »

Peut-être explorer aussi des marchés plus porteurs ceux des vins d’apéro blancs, rosés ou crémants ? « C’est déjà le cas, puisque la consommation de vin rouge est en baisse, les blancs les rosés, les crémants progressent, la production de crémants a été multiplié par 4 en 10 ans ».

Mais Bordeaux, c’est aussi un joli millésime 2022 qui va sortir des chais et peut-être permettre de relancer aussi les ventes de vin de Bordeaux comme vous le découvrirez aussi dans un reportage.

« Le millésime est très beau, cela redonne le moral aux vitis, en terme d’équilibre d’acidité, d’alcool, de buvabilité, de fraîcheur et de couleur tous les oenologues nous annoncent un millésime magnifique ! » Christophe Chateau du CIVB

La suite de ce Côté Châteaux nous emmène  à l’Ecole du Vin de Bordeaux qui a proposé durant ces 2 journées une petite vingtaine d’ateliers, permettant  une meilleure approche des goûts du vin et des associations mets et vins. « Là durant ces ateliers on a souhaité présenté le crémant de Bordeaux, car il y a un engouement sur ce produit qui est plébiscité, il y a aussi un effet de mode, il représente aujourd’hui 1% du volume mais avec une réelle augmentation…Blanc ou rosé, à l’occasion des fêtes il peut aussi remplacer le champagne ».  Et pour les professionnels, on vous propose de découvrir ce focus sur une formation très pointue sur la dégustation avec le DUAD, le diplôme d’aptitude à la dégustation…

Bordeaux Tasting c’était aussi la possibilité pour certains privilégiés de déguster des Bordeaux de Légende comme les châteaux Trolong Mondot, Pichon Baron et les Carmes Haut-Brion avec leurs directeurs lors d’une master class de haut vol. « Trolong-Mondot fait partie des vins assez mythiques à Saint-Emilion et on a surtout un terroir et un vin très très différent des autres et on est là aujourd’hui pour pouvoir le montrer… », affirme Aymeric de Gironde son directeur. Pour Pierre Montégut dir technique de Pichon Baron dans le Médoc à Pauillac : « c’est un grand terroir, avec un autre cépage, différent de mes 2 collègues, une autre expression des grands Bordeaux » Il y a aussi Guillaume Pouthier pour les Carmes Haut-Brion « On a la chance d’être intra-muros dans un clos avec une dimension atypique , singulière où se fait le grand vin… » Un focus fera également découvrir château Lascombes racheté par un milliardaire américain.

Enfin ce numéro se terminera à l’espace des champagnes avec 20 maisons de champagne réunies pour fêter cette nouvelle année. A consommer avec modération.

Regardez le Côté Châteaux n°37 Spécial Bordeaux Tasting : 

04 Jan

Crise viticole à Bordeaux : portrait d’un vigneron en difficulté

Bastien Mercier est en phase de reprise de l’exploitation familiale. Un challenge double car il reprend le vignoble de son père qui vient d’être placé en redressement judiciaire. Néanmoins le combat continue avec son projet de panneaux photovoltaïques et avec le collectif des vignerons. Témoignages poignants de Bastien et Daniel Mercier.

Bastien Mercier, au coeur du combat © JPS

Des vignerons dont l’horizon est en plein brouillard… A 34 ans, Bastien Mercier reprend l’exploitation de son père mais dans un terrible contexte de baisse de la consommation. D’habitude en janvier, il commence à tailler sa vigne, là il attend…

Sur 65 hectares de vigne, il y a une partie en fermage que nous allons devoir abandonner… Sur les 2 autres tiers, une partie sera vouée à l’arrachage…Et le dernier, on le garde car nous sommes en capacité de vendre à la clientèle particulière cette production… », Bastien Mercier vigneron à Camiran.

En redressement judiciaire depuis un mois, il prévoit d’implanter des panneaux photovoltaïques pour payer les dettes, car pas question pour lui d’y laisser la bâtisse.

« Ce chai date de 1837, plusieurs générations se sont succédées et ce que l’on redoute comme beaucoup d’agriculteurs c’est de perdre ce bien familial et historique… »

Chez les Mercier, depuis 5 génération non n’a pas peur d’affronter les crises et les aléas climatiques, mais celle-là est sévère.

J’ai foncé, j’ai bossé avec mon père et on a créé cela. Malheureusement aujourd’hui je vais souvent me recueillir sur la tombe de mon père, et quand je lui dis ce qui se passe cela me fout les glandes », Daniel Mercier vigneron.

Avant toute chose, ils paient leurs dettes, leurs créances, Bastien lui se paie un smic, pour son père Daniel c’est aléatoire… « Forcément c’est difficile de se dire comment on peut vivre quand on se verse un salaire sur deux…On en est là… »

« Il va falloir qu’on aille sur un arrachage parce que la consommation de vin baisse de plus en plus…. », renchérit Daniel…

Mais comme une lueur d’espoir des clients viennent à frapper à la porte pour acheter ces bons petits vins de Bordeaux à moins de 6 €… « On est venu passer les fêtes ici à Bordeaux… C’est très bien de venir voir notre région et puis surtout relancez Bordeaux parce que c’est très très dur… »

« Je ne savais pas qu’ils étaient en telle difficulté, c’est triste parce que c’est des vies entières, non ça me touche ça me fait mal au coeur… »

« Ca c’est la crème de la crème… » Dans les chais, encore trop de cuves pleines, la restauration, la grande distribution et les Chinois ont fait trop défaut ces derniers temps » « C’est fondu, c’est rond…ah ouais, ça sent bon… »

Il y a 3 ans, ils ont encore investi…« Regardez ça… On a avait l’intention de bien travailler de faire les choses bien comme il faut… » 10 cuves inox achetées d’occasion à une coopérative, une nouvelle station d’épuration, une station de lavage et des équipements plus modernes…

Daniel et Bastien Mercier, fiers de leur vin © JPS

« Maintenant on a un outil comme il faut pour travailler et c’est là que tout à coup on n’arrive plus à vendre le vin ! »

Les Mercier produisent en moyenne 3000 hectolitres de vin à l’année, une production, une passion qu’ils voudraient bien vendre et partager…

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Guillaume Decaix et Christophe Varone :