03 Avr

Bordeaux: une grosse semaine à combattre le gel

Depuis le milieu de semaine dernière et jusqu’à demain, les viticulteurs sont énormément sollicités. Presque 7 nuits sur 10 où le gel a montré le bout de son nez. Cela a été limite dans bon nombre d’endroits, il y a eu quelques dégâts encore difficile à estimer mais la casse a été limitée.

La lutte anti-gel ce matin dès 5h30 sur les secteurs de Vignonet, mais aussi à Saint-Sulpice de Faleyrens, Saint-Emilion, Pomerol, Saint-Christophe-des- Bardes © Sophie Aribaud

Au chevet de la vigne et proche des vignerons qu’elle conseille, Sophie Aribaud témoigne ce matin encore des moyens déployés sur Saint-Emilion et Pomerol pour combattre le risque de gel : « ce matin sur Saint-Emilion, ça a chauffé, bougies, éoliennes, bottes de paille et hélicos sont ressortis ou ont été mis en route cette nuit; on a eu des températures inférieures à 0° sur les secteurs gélifs ».

Depuis plus d’une semaine, les températures font le yoyo, passant un poil dans le négatif, voire jusqu’à -4° dans les endroits les plus froids, et repassant les après-midi dans des températures largement supérieures à 13-16°, parfois fleurant avec les 20° (excepté lundi dernier). « C’est vendredi qui fut la matinée la plus froide, avec des dégâts sur Vignonet, Fronsac, du côté de Langon » et aussi du côté de Pessac-Léognan. 

Même si les dégâts ne sont pas forcément bien visibles, Sophie Aribaud considère qu’ « il faut attendre 15 jours pour bien évaluer, cela a tapé sur de petits bourgeons, peu développés, quand on touche parfois cela a un aspect papier Craft… »aussi « je prépare le terrain psychologiquement vis-à-vis de mes vignerons » qui pourraient ne pas les voir se développer dans les prochains jours.

Dégâts dû au gel à Saint Pierre de Mons, les feuilles commencent à brunir et se flétrir © Sophie Aribaud

Chez les vignerons de Tutiac, Eric Hénaux me confie qu’il y a eu « quelques parcelles sur Sauternes touchées la semaine dernière surtout mais au final peu de dégâts sur nos 5000 hectares de vigne. Ce n’est pas comme le Var ou la Vallée du Rhône qui ont enregistré 30 à 40% de casse ». Effectivement, tous ses vignerons réunis en coopérative comptent sur une vraie récolte, car « en 3 ans on a perdu une année de récolte », complète Eric Hénaux : « on a perdu 50% en 2017 à cause du gel, 25% en 2018 à cause de la grêle et du mildiou et 30% en 2019 à cause du gel, de la coulure et de la sécheresse… »

Fabien Teitgen, directeur du château Smith Haut Lafitte à Martillac: « ce matin on a mis les éoliennes en route à partir de 5h sur Cantelys quand l’alarme a sonné sur mon portable, je ne dors jamais avec mon portable sauf cette semaine…Mais c’est surtout dans la nuit de lundi à mardi où cela a sonné dès 22h30, je n’avais jamais vu cela, devoir mettre en route le système si tôt dans la soirée; c’est descendu au petit matin à -1,5°C, mais c’est passé peut-être grâce à l’humidité de la veille on a eu de la glace sur les feuilles…On est passé à côté heureusement et au final très très peu de dégâts hormis des complants, grâce au fait d’avoir mis en route les 4 ou 5 nuits où ça gelait. J’espère que cela va continuer comme cela, mais c’est vrai que quand cela pousse tôt on a plus de risques, et on se lèvera tous les matins s’il faut se lever tous les matins… »

Olivier Bernard du Domaine de Chevalier à Léognan reconnaît : « on était en alerte maximum depuis mercredi, jeudi et vendredi de la semaine dernière. C‘est vendredi dernier qui a été le plus dur dans l’ensemble avec des -3° dans les endroits les plus froids. On a redémarré lundi et mardi qui a été le plus marqué jusqu’à -4°. On pensait avoir passé cet épisode à risques et on a redémarré ce matin et c’est prévu aussi demain matin ».

Laurent Clauzel du château La Grave Figeac en Saint-Emilion, situé juste en face de Cheval Blanc constate : « je pense avoir gelé ce matin sur 20 ou 30 pieds, mais je n’ai pas mis les protections en place car chez moi la vigne n’est pas trop avancée, je préfère attendre un peu plus tard pour mettre les bougies. Car là ce n’étaient pas de très grosses gelées comme celle de 2017 où j’avais gelé à 85-90%. Le but de mettre des bougies en place, c’est pour sauver une récolte entière. »

De nombreuses bougies encore allumées ce matin © Sophie Aribaud

Quant aux moyens engagés par la famille Bernard : « au total, on a 15 tours, des cheminées qui diffusent de l’air chaud, et quelques bougies pas nocives, sur Chevalier et sur Sauternes-Barsac, avec 8 personnes sur le pont, mais on les démarre manuellement, pas de démarrage automatique intempestif, nous devons être vigilants avec les habitants, ils ont un peu raison, on a des droits (pour sauver la récolte) mais aussi des devoirs (le respect du voisinage) » commente Olivier Bernard.

« Cette semaine, ce n’était pas une configuration de gelées blanches -un phénomène très jaloux marqué aussi car à proximité d’une forêt de pins- mais plutôt de gelées noires, avec des vents froids qui descendent du nord et balaient tout sur leur passage. »

Quant aux dégâts : « on a constaté des dégâts mais assez légers, qu’on peut estimer à 5% sur nos deux secteurs –Pessac Léognan et Sauternes avec Clos des Lunes-, une parcelle a bien pris sur Suau à Barsac, mais les gelées les pires sont celles de fin avril ou début mai (mais là plus rares), car là les cabernets n’ont pas poussé, ce sont juste les blancs et les merlots qui sont plus en avance (bourgeons et petites feuilles) et là si ça crame vraiment tu peux perdre 30 à 50% de la récolte… »

Au château Haut-Lagrange, Francis Boutemy admet également avoir enregistré « -2,5° vendredi dernier; lundi alors que le ciel s’est dégagé de 19h à minuit, une brume a permis d’éviter des températures trop froides, on a eu -0,7, donc il n’y avait plus de problème. Sur nos parcelles, on n’a pas eu de dégât. Ce matin on était prêt à redémarrer, mais on a enregistré 1,7°. dans l’ensemble, « c’était limite, car la végétation a 15 jours d’avance…  » Ce qui inquiète aussi le vigneron, c’est la température du commerce actuel : « notre clientèle c’est la restauration et les particuliers, mais là c’est zéro, zéro, depuis 15 jours, tout le monde est confiné. A la sortie du confinement, il faudra être présent pour reconstruire les caves que les gens auront bues. On vit une période pas facile, il faut espérer que les gens retrouvent le chemin des cavistes et des grandes surfaces pour quelques bouteilles… »

Eric Hénaux, confirme aussi le coup de froid sur l’activité des vignerons de Tutiac  en cette période très particulière : « en baisse de 40%, avec les boutiques et le bar à vins à Bordeaux fermés, -80% de ventes sur les hôtels, cafés et restaurants, en revanche la grande distribution progresse et l’export est étal, et la vente d’asperges tourne plein pot… »

Chez les vignerons bio d’Aquitaine, Laurent Cassy, son président: « il y a eu des endroits plus compliqués que d’autres, sur Morizes cela a été juste mais on est arrivé à passer…Dans les Graves, ils ont dégusté plus que nous… On sait que fin avril, on va avoir un nouvel épisode de froid, et comme c’est bien sorti cela risque de faire du mal, car même les contre)bourgeons seront sortis. Quand on écoutait les anciens, ils nous disaient il y a 40 ans, un gros gel cela arrive tous les 15 ans, et même il y a 20 ans tous les 10 ans, et là on s’aperçoit que le gel, la grêle, etc, c’est presque tous les ans dans les vignobles.Il y a quelque chose qui se passe au niveau du climat et sur lequel il va falloir vraiment qu’on réfléchisse et prenne des mesures. »

L’horizon sur le front du gel semble s’éclaircir comme l’explique Olivier Bernard:  « a priori la semaine prochaine est plutôt bonne au niveau météo, on ne devrait pas rallumer, alors qu’arrive la lune pleine du 8 avril où traditionnellement on craint des gelées blanches, mais là ça ne devrait pas être le cas, ensuite il y a l’autre lune pleine du 7 mai, il faudra qu’on soit vigilant jusqu’au 7 mai… »

02 Avr

Les viticulteurs et maisons de Cognac mobilisés pour produire des solutions hydroalcooliques

Comme le groupe Pernod Ricard ou LVMH, d’autres entreprises et notamment celles liées à la production de Cognac se mobilisent pour produire des solutions hydroalcooliques. les premières bouteilles viennent de sortir des chaînes qui embouteillent d’habitude du Cognac.

Des solutions hydro alcooliques commencent à sortir des chaînes de maisons de Cognac © Cécile Landais- France 3 Poitou Charentes

C’est une ligne d’embouteillage un peu spéciale, une ligne qui met en bouteille de solution hydroalcoolique, juste à côté d’une autre qui continue à embouteiller du Cognac.

En tant de crise, en tant de guerre, l’industrie et les producteurs de Cognac s’adaptent…

Le Cognac fait au maximum 72°, il ne contient pas suffisamment d’alcool pour produire la solution hydroalcoolique, en revanche on est un certain nombre d’opérateurs dans la région à détenir de l’alcool de plus fort degré, qui sert soit à la fabrication de liqueurs, voire des ventes de vodka » Philippe Coste PDG de Meukow

En seulement 10 jours, la mobilisation a été rapide avec notamment le Bureau National Interprofessionnel du Cognac à la manoeuvre et plusieurs viticulteurs et producteurs ont donné de l’alcool.

Plusieurs viticulteurs, plusieurs négociants en avaient à disposition, après il a fallu trouver un partenaire, le laboratoire Calix de La Rochelle pour faire le mélange avec de l’eau oxygénée et du glycérol…Cela a été une belle opération de coordination », Patrick Raguenaud président du BNIC.

La chaîne de mis en bouteille de la solution hydroalcoolique© Bruno Pillet

C‘est un bel élan de solidarité que l’on doit aussi au concours du syndicat des viticulteurs : « on dit souvent qu’on est acteur de notre territoire, aujourd’hui on le montre.Le Cognac est là, il est dans le monde entier, mais il peut aussi accompagner tout ce qui est médical, les hôpitaux, les Ephad ou autres professions.

En tout 8000 bouteilles de 50 centilitres ont déjà été produites en une matinée, des bouteilles distribuées ensuite dans les pharmacies de la Charente et des cabinets médicaux en première ligne pour recevoir des patients dont la pathologie n’est pas trop grave.

Avec mes confrères de France 3 Poitou-Charentes Bruno Pillet et Cécile Landais, regardez leur reportage: 

01 Avr

Quand des chefs cuisiniers se mettent aux fourneaux pour soutenir les personnels soignants du CHU Pellegrin

C’est une nouvelle démarche qui vient du coeur et qui voit le jour ce mercredi. Une bande de copains cuisiniers et pâtissiers du saint-émilionnais se mobilise pour égailler le quotidien des soignants du service Covid-19 à l’Hôpital Pellegrin à Bordeaux en leur préparant de bons petits plats. 

Les chefs de Saint_emilion et alentours mobilisés pour l’Hôpital © Alexandre Baumard

A l’origine, c’est une bande de copains, des chefs qui partagent avec les soignants une tenue blanche. Mais au-delà de l’aspect vestimentaire, il y a aussi l’élan du coeur de ces chefs étoilés ou de restaurants bistronomiques: vouloir « soutenir ces gens qui font un travail remarquable », comme me l’explique Alexandre Baumard le chef étoilé du Logis de la Cadène à Saint-Emilion.

« On a l’habitude de se retrouver tous les 2 mois, à faire un repas chez les uns ou chez les autres », commence à m’expliquer Alexandre. Cette bande de copains, ce sont des figures de la gastronomie tout autour de Saint-Emilion: il y a Thomas l’Hérisson de l’Auberge Saint-Jean (*), David Charrier des Belles Perdrix(*) , Kendji Wongsodikromo de la Table de Catusseau à Pomerol, Stéphane Casset du Caffé Cuisine et Jean-Baptiste Depons de château Canon, auxquels se sont ajoutés Damien Amilien chef pâtissier et Mathieu Texier second du Logis de la Cadène (*).

Les chefs étoilés et de restaurants bistronomiques en pleine préparation ce midi © Alexandre Baumard

« Là durant le confinement, on prend notre café en visio par Messenger et un jour je leur ai dit : « cela ne vous dirait pas de récupérer un max de denrées de nos producteurs, avec lesquelles nous travaillons d’habitude, des produits parfois jetés, pour les apporter à l’hôpital. Les amis étaient prêts à me suivre, et en parallèle Stéphanie de Bouard Rivoal (la propriétaire du Logis de le Cadène et d’Angélus) m’a aussi proposé d’apporter un soutien à notre façon auprès des hôpitaux…Elle m’a dit avoir une connaissance au niveau de l’hôpital Pellegrin et qu’elle allait voir ce qu’on pouvait faire. Je suis rentré ainsi en contact avec Frédérique Albertoni, la directrice du mécénat du CHU et après plusieurs échanges avec cette dame fantastique, j’ai présenté le projet, qui a été validé lundi. »

Ainsi on a contacté aussi nos producteurs et éleveurs chez qui je suis passé ce matin chercher les matières premières…

Durant 3 semaines, à raison de 2 fois par semaine, sans doute les mardis et vendredis, on va livrer 120 repas en verrines au CHU Pellegrin » Alexandre Baumard

C’est aujourd’hui mercredi leur première livraison qui doit se faire entre 16h30 et 17, une livraison pour les personnels soignants qui sont dans le service Covid 19.

« En plat, on a fait un flan champignons et épinards avec du saumon deux cuissons, condiments, poivrons, crevettes grises et feuille d’huître et en dessert un crumble de pommes sur une base cacahuète ». Le tout réalisé en verrines, car ici avec la réalisation de paniers repas nous avons l’habitude et l’avantage de pouvoir stériliser avant d’utiliser les bocaux et après, cela fait une protection supplémentaire. »

Le Professeur Denis Malvy à droite qui co-gère la cellule de crise sur le coronavus civid-19 depuis le début

Pour la réalisation, les chefs ont bien sûr pris les protections nécessaires avec masques, gants et respecté un minimum de distance. « C’est l’idée de se retrouver entre copains et surtout de soutenir ces gens de l’hôpital qui font un travail remarquable. »

« En prime, Stéphanie de Bouard Rivoal et son père ont déposé un peu plus d’une centaine de bouteilles de leurs propriétés qu’on va partager sur les 6 prestations qu’on va faire, » complète Alexandre Baumard.

Un grand bravo à tous, chefs, producteurs et viticulteurs.

A Bordeaux, les maisons de négoce continuent de fonctionner dans un marché « compliqué »

Avec la pandémie du coronavirus, le monde économique s’est brusquement ralenti. Pour les négociants bordelais, il a fallu déjà organiser le travail, alléger les équipes présentes, prendre des mesures de précaution, de distanciation, ou faire du télé-travail. Quant aux marchés, ils se sont très fortement ralentis en mars avec des baisses de commandes de 50 à 80%. Comment les chefs d’entreprises de ces maisons de négoce gèrent cette crise, Côté Châteaux les a interrogés ce matin.

C’est une période difficile pour tout le monde et les maisons de négoce qui commercialisent le vin ne sont pas épargnées. « On est un peu comme les capitaines de navire, parés à virer, un coup de barre à droite, un coup à gauche, et on prend des coups de tous les côtés », commente Jean-Pierre Rousseau de Diva à Bordeaux.

Thierry Decré, le PDG de LD Vins (archive 2017) © Jean-Pierre Stahl

Déjà, il a fallu organiser le travail qui continue comme me l’explique Thierry Decré Pdg de LD Vins à Bordeaux : « c’est un peu compliqué, nous on a mis une partie en chômage technique, une autre en en garde d’enfants confinée, et une autre au travail. On était trop serré, on avait des gens inquiets et d’autres qui avaient des enfants, on a donc géré en fonction de chacun. Pour la dizaine de collaborateurs qui viennent, tout le monde se déchausse en entrant (ils ont apporté une paire de pantoufles ou de chaussures qui restent à l’intérieur du bureau), on se désinfecte les mains avec du gel hydro alcoolique avant d’entrer, si on doit parler l’un en face de l’autre, on respecte 2 à 3 mètres de distance et autrement pour tenir une réunion, on met alors des masques. On fait une journée continue qui s’arrête à 16 heures ».

Chez Diva, quai de Bacalan à Bordeaux, Jean-Pierre Rousseau témoigne: « je viens au bureau tous les jours, on est 1/3 du staff, chacun son bureau, on fait les gestes barrières… » Chez Twins à Bruges, Anthony Moses m’explique que « la veille de l’annonce du confinement, on a mis tout le monde en télé-travail. Progressivement on va mettre en place du chômage partiel (pas forcément intégralement certains auront une activité de 20 à. 50%), en arrêt maladie ou en garde d’enfants. A distance, on n’est pas capable d’avoir une productivité optimale car on est en open space… »

Quant à la commercialisation, certains me confient « c’est le bordel », les situations sont particulières pour tous. « C’est un ralentissement partout, en France où c’est le confinement; c’est compliqué, la Grande-Bretagne continue de chercher des bonnes affaires au coin du bois, c’est du rail… » selon Thierry Decré. « Jusqu’en février tout s’est tenu, on mars on enregistre une baisse d’environ 50%, dont une partie sera reportée quand cela va repartir. »

Jean-Pierre Rousseau (novembre 2019) © Jean-Pierre Stahl

Jean-Pierre Rousseau était ce matin en ligne avec une Compagnie Maritime : « voilà deux secteurs dans les choux, le duty free et le travel retail. Sur les bateaux de croisière et dans les ports. Comment doit-on récupérer de la marchandise déjà partie et pas livrée car le bateau n’a pas accosté par exemple, ce sont des trucs de folie dont on n’a pas idée ! Là, on a sorti les avirons et on rame à contre-courant…C’est dommage, on avait fait un bon début d’année, et là on sait déjà qu’en avril ce sera Waterloo ! »

« A l’export, en Asie, la situation est diversifiée. Hong-Kong est complètement mort. Tous les petits arrangements de vins qui partaient de Hong-Kong vers la Chine, c’est terminé » explique Jean-Pierre Rousseau. « La situation commence à s’améliorer en Chine, à Taïwan et en Corée, avec des résultats remarquables sur Taïwan et la Corée où il y a eu très peu de morts.Singapour, la Malaisie et les philippines, on espère que cela va repartir…Les opérations internet marchent très bien pour Vivino, tout ce qui est restauration et hôtels c’est mort, en grande distribution cela marche à peu près, malheureusement beaucoup de cavistes sont fermés… » « Enfin aux Usa, Bordeaux est impacté même si ça continue de fonctionner, ce n’est pas la joie car les gens passent devant les rayons de Bordeaux rouge et même de champagne sans s’arrêter, préférant d’autres pays producteurs, avec la taxe de 25% qui a marqué les esprits. » Diva enregistre « une chute en mars de 75% des commandes et on s’attend à ce qu’avril soit du même acabit ».

Allan Sichel lors de la dégustation des primeurs en avril 2019 de l’Union des Grands Crus de Bordeaux © JPS

Confirmation également auprès d’Allan Sichel de la Maison Sichel : « au fur et à mesure, il y a de plus en plus de confinement, tous les marchés sont confinés, ce qui marche encore un peu ce sont les supermarchés. Notre activité est donc ralentie même s’il y a une poursuite malgré tout sur la Grande-Bretagne et ses supermarchés. Dans ce contexte, on a mis aussi en place un dispositif de télétravail, au bureau nous avons 35 postes de travail d’habitude et là il n’y en a que 3 qui sont occupés, tout le reste se fait par le télé-travail dans des conditions satisfaisantes. On parle d’une reprise en Chine, mais il y a un traumatisme de la population et cela va être long avant que cela ne redevienne normal.Nous avons quelques commandes qui partent, mais il y a une difficulté pour le transport, fortement perturbé, avec la disponibilité de containers vides. Fixo continue à fonctionner, on a avis des craintes à l’approvisionnement de matières sèches, maison arrive à trouver des solutions… On fait tout pour maintenir l’activité existante. »

Anthony Moses dans les chais de Twins Bordeaux © JPS

Pour Anthony Moses de Twins : « l’activité est très légère, on fait essentiellement de l’export. Les ventes au détail sur internet marchent pas trop mal, les gens sont confinés chez eux et boivent, ils se font livrer du vin. C’est vrai en Grande-Bretagne, c’est vrai aux USA, au Canada. Il y a aussi une chute au niveau du prix de vente moyen, les gens achètent des vins meilleurs marchés car ils n’ont pas de visibilité.On ne sent pas poindre de remise en Asie à notre niveau… Notre baisse actuelle est de 70 à 80%, c’est vraiment une petite activité, mais on est habitué à avoir de grosses différences entre les mois. Les grosses maisons de négoce sont quand même capitalisées, mais on est inquiet pour l’avenir surtout pour la restauration, beaucoup auront du mal à s’en remettre.

Et s’il n’y avait que cela, certains déplorent aussi des commandes passées et payées qui n’ont pas été livrées du côté notamment d’un grand château du Médoc, ce qui fait que ces maisons de négoce ne peuvent pas livrer leurs clients…Et par ailleurs, des grands châteaux ne seraient pas accommodant pour étaler des paiements…

« Il faut dire que les vins les plus chers pourraient moins se vendre »aussi comme le souligne Anthony Moses car « les bourses en forte baisse ont un impact important, on est là dans une vraie crise. »

Thierry Decré regrette cette gestion de crise avec « pas de gel Hydro-alcoolique et de masques dans les pharmacies, pas suffisamment de tests comme en Asie; aujourd’hui les membres du Gouvernement peuvent dire ce qu’il veulent, ils n’ont pas fait ce qu’il fallait…Et quand on voit que les violons ne sont pas accordés avec ce professeur à Marseille qui avance avec la chloroquine, c’est une gestion un peu bizarre qui m’agace.. ».

Quant aux primeurs, Thierry Decré n’y est pas favorable pour le printemps, « il faut attendre septembre, car s’il y avait une mise sur le marché en juin, cela ne laisserait passer que les vins les plus demandés et n’aurait pas l’effet habituel d’aspiration des autres vins… » Jean-Pierre Rousseau est lui davantage « favorable à une campagne en juin si les choses le permettent, si elle a lieu », car « en septembre les gens auront la tête ailleurs. » « A mon avis, la campagne primeurs n’aura pas lieu, pense Anthony Moses, « mais cela n’engage que moi, est-ce que cela a un sens de faire une campagne alors qu’on parlera de morts et de faillites, ce ne sera pas un timing opportun… »

Allan Sichel commente : « ce que j’espère c’est que l’on sorte de cette pandémie, et que l’on fasse une campagne très concentrée sur fin mai-début juin, mais bien sûr il faut qu’il y ait un appétit et une sortie de crise pour les différents marchés. On pourrait imaginer une petite campagne sur quelques produits, mais il faut aussi se préparer sur pas de campagne du tout et là ce sera très négatif pour la filière bordelaise. Cela serait encore une complication de plus. »

Le seul point positif « continue Anthony Moses, « c’est que les gens boivent quand même un peu plus, donc chez nos clients en Grande-Bretagne, aux USA et au Canada, ils ont peur d’une pénurie et donc commandent. Mais pour les petits et moyens châteaux, qui souffraient déjà, cela risque d’être terrible, un vrai naufrage. »