» Quand vous avez des vins comme ça, ce sont des grands, grands millésimes ». Olivier Bernard, propriétaire du Domaine de Chevalier et Président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, se confie à Côté Châteaux en exclusivité sur le millésime 2016. Il est l’invité de parole d’expert.
Jean-Pierre STAHL : « Olivier Bernard, tout le monde parle du 2016 comme d’un millésime exceptionnel. Est-ce un nouveau millésime du siècle ? »
Olivier Bernard : « Bordeaux a parfois la réputation de raconter des histoires, mais là il n’y a pas d’histoire. Quand vous avez des vins comme ça, ce sont des grands grands millésimes. Cela fait partie des quelques millésimes que l’on produit dans la vie d’un homme. On a eu la chance de produire 2009 et 2010, il n’y a pas si longtemps, et 2016 c’est du même niveau. Est-ce que c’est meilleur que 2015 ? Chez nous oui, certains vous diront que non, mais sur l’ensemble du bordelais j’ai l’impression que 2016 dépasse un peu 2015. «
Ce millésime 2016, il est très Bordeaux… Il est très vertical, structuré, puissant et droit. »
« On ne sent pas l’alcool, ni une certaine sucrosité, ni de la barrique, ni de la surmaturité ou de la surextraction, ce sont des vins très bien définis, très purs, très droits, c’est ça les grands Bordeaux. »
« Et en plus, il y a ce petit supplément d’âme, qui des fois sur des vins un peu trop droits peuvent frôler l’austérité. Sur ce 2016, on a des couleurs profondes, des vins puissants et verticaux à la fois, mais en même temps il y a un charme. On le sent dès le nez, on a un côté aromatique étonnant. Ce côté aromatique s’il se révèle très tôt, c’est qu’il y a une très belle maturité et ce côté équilibre ».
Les grands vins comme les grands hommes ne s’expriment bien que s’ils sont en parfait équilibre, on est su des notes de terroir et de cerise noire »
Jean-Pierre Stahl : « Quant au système des primeurs, est-il relancé, et à quels prix faut-il s’attendre ?
Olivier Bernard : « Le système des primeurs est passé par deux excès : il est passé par deux grands millésimes 2009, 2010 avec la surchauffe chinoise qui a fait que l’on est monté sur le millésime 2010, sur certains crus, trop haut. Je me rappelle des vins qui se sont vendus très chers en sortie de propriété mais qui coûtaient le double 15 jours plus tard. Cela veut dire que c’est le marché qui a aspiré ces vins à un peu n’importe quel prix. Donc une folie non maîtrisée du marché. Et nous qui aimons les très grands vins, qui partent à des prix de folie, on est un peu énervé…Donc 2010 a été un des premiers éléments qui a participé au Bordeaux bashing ».
« Et puis derrière manque de chance : 2011, 2012 et 2013, trois millésimes de consommation rapide, des beaux millésimes mais pas des grands millésimes de Bordeaux. Ces 11, 12, 13 ont été un deuxième élément qui ont fragilisé les primeurs. Donnez moi une bonne raison d’acheter des 2013 en primeur, il n’y en avait pas beaucoup ».
« Avec 2014, 2015 et 2016, on est revenu dans un cycle tout-à-fait normal à Bordeaux et ceux qui ont acheté des 2014 ont fait de très bonnes affaires, aujourd’hui cela vaut au moins 30% plus cher qu’en primeur. 2015, on a fait un très grand millésime qui s’est vendu au bon prix ».
« Bien sûr on va parler des exceptions. Je veux rappeler que Bordeaux, c’est 6000 châteaux. Dans une année comme 2016, sur ces 6000, il y a 400 châteaux qui vont se vendre en primeur. Sur ces 400, admettons qu’il y en ait 10% qui pètent un peu les plombs, ça fait 40. Peut-être qu’il y a une quarantaine de crus qui peuvent un peu sortir des prix. Bordeaux c’est 6000 châteaux, 5960 seront au bon prix, j’aime bien parler de la règle, plutôt que de l’exception. Et trop souvent en France, on parle de l’exception, parlons de la règle. »
Regardez l’interview d’Olivier Bernard, le président de l’UGCB réalisée par Jean-Pierre Stahl et Sébastien Delalot :
Jean-Pierre Stahl : « Pour ces primeurs, il y a de nombreux étrangers de retour, non ? »
Olivier Bernard : « Le millésime 2014 et le millésime 2015 ont redonné confiance au marché, les gens ont gagné de l’argent, globalement 2014 et 2015 se sont vendus au bon prix avec de très bons niveaux de qualité. En 2014, c’était l’année où on pouvait acheter des grands crus, y compris des 1ers crus. Ils étaient à un prix raisonnables ».
« 2015 et 2016 sont des années plus cotées, plus chères, et c’est normal. Car en 2016, on va avoir beaucoup de gens qui vont s’intéresser à ce millésime. On le voit, en tant que président de l’Union des Grands Crus, on a déjà 6500 inscrits, professionnels du monde entier, contre 4500 précédemment. Ca peut créer une forte demande. Après les propriétaires de châteaux devront faire extrêmement attention et il y a un avantage très marqué sur ce millésime, c’est qu’on a fait de la production, un certain volume. Et quand un propriétaire a fait un certain volume, il doit vendre au bon prix, sinon le marché ne lui prendra pas. Parce que dans un marché comme celui-là, comme il y a du vin, eh bien on ira acheter chez le voisin.
« Donc je suis assez confiant sur la mise en marché de ce 2016. Sur les 122 crus présentés ce matin à l »Union des Grands Crus, je peux déjà vous dire qu’il y en a déjà cent qui ne seront pas chers ».