02 Nov

Mitterrand, un jeune homme de droite

de Philippe Richel et Frédéric Rébéna

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Personnage controversé et mystérieux, figure incontournable de la Cinquième République, Mitterrand n’en finit pas d’intriguer. Philippe Richelle nous propose de découvrir ses années de formation, entre 1935 et 1945 (entre ses 19 et 29 ans). Il sera notamment fait prisonnier pendant la guerre, s’évadera avant de s’impliquer pour l’aide à la réinsertion des prisonniers sous le régime de Vichy. Outre ses rapports avec des figures historiques telles que le maréchal Pétain, Laval ou Giraud, ce roman graphique donne à voir un leader et surtout un fin politicien en construction.

Les auteurs ont fait le choix d’éclairer une période peu connue de la vie de François Mitterrand, ses années de jeunesse. En 1935, étudiant en droit, il hésite à embrasser une carrière d’écrivain. Jeune bourgeois catholique fréquentant la haute société parisienne, il est proche de la droite antirépublicaine de l’époque. Pourtant, il n’est pas encore prêt à s’engager en politique et s’intéresse plus aux femmes et aux belles lettres.

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Il se range aux côtés de Pétain en 1940. Il recevra même « la Francisque » au printemps 1943 qui lui est décernée par le maréchal Pétain. Cette récompense du régime de Vichy est « le symbole du sacrifice et du courage et fait référence à une France malheureuse renaissant de ses cendres ». Quelques années plus tard, ce passé trouble le rattrapera notamment avec le procès de son ami, René Bousquet, secrétaire général de la police française sous Vichy.

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Pourtant, François Mitterrand basculera ensuite du côté de la Résistance. Il se défie alors du monde politique, qu’il méprise. Et c’est un personnage qui selon Philippe Richelle, le scénariste, « évolue et change d’avis ». De François Mitterrand, on a beaucoup écrit. Qualifié souvent de prince de l’ambiguïté ou de Machiavel, on observe ici un personnage en devenir.

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Le récit est préçis et froid, presque clinique, à l’image de son protagoniste. Ce qui n’exclut pas un certain romanesque comme l’ont été les années de guerre pour ce futur Président. Le dessinateur Frédéric Rébéna affirme que « cette personnalité à multiples facettes est très difficile à cerner et donc à saisir par le dessin. » Et il est vrai que le trait de Rébéna n’est pas toujours identique comme si la figure de Mitterrand se dérobait au geste du crayonné.

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L’album se finit de façon assez brutale à la fin de l’année 44. Un second album devrait suivre qui courra de l’immédiat après-guerre à la fin des années cinquante.

M.K.

Fiche technique

Scénario : Philippe Richelle

Dessin : Frédéric Rebena

Edition : Rue de Sèvres

152 pages

28 Oct

L’île de jamais jamais

Les voyages de Jean Sans Terre II

De Javier de Susi

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On retrouve ici Vasco, le héros nonchalant et désabusé des voyages de Jean Sans Terre. On l’avait laissé sur les terres du Chiappas (cf. La pipe de Marcos). Il poursuit sa quête sur les traces de son ami Jean. Ici, il est encore question de Révolution, mais plus précisément des Contras, mouvement financé par les Etats-Unis pour s’opposer au mouvement sandiniste, d’inspiration marxiste, qui a pris le pouvoir au Nicaragua en 1979. Javier de Susi fait à nouveau le choix de traiter d’une histoire qui a été effacée de la mémoire collective par l’indifférence des médias.

Vasco se rend sur l’île d’Omepete située sur le lac Nicaragua. Il y fait la connaissance d’un groupe de jeunes gens réfugiés dans la jungle, d’une communauté vivant dans une grande maison, d’un écrivain en manque d’inspiration et d’un gourou dirigeant un orphelinat. Les références littéraires et cinématographiques s’accumulent à commencer par J. M. Barrie, Peter Pan, les enfants perdus et le capitaine Crochet, sans jamais alourdir le propos.

Paola, une des amies de Vasco, dit dans les premières pages du livre que « Nous sommes ce que nous racontons que nous sommes. » A travers le parcours de Vasco, il s’agit donc ici de l’histoire de chacun. Les personnages racontent tous leur propre histoire, qui est aussi celle d’un peuple, d’un pays, d’un continent. Vasco lui refuse de se raconter. Il est l’antihéros qui deviendra malgré lui celui qui change la permanence des choses.Verso_73791

Conte philosophique, le dessin en noir et blanc de Javier de Susi traduit aussi à merveille les différents niveaux du récit. On y trouve des ruptures de ton qui n’existaient pas dans le premier tome. Notamment quand il s’agit d’illustrer le propos des enfants rencontrés par Vasco, le dessin devient beaucoup plus enfantin. La forme épouse au mieux la narration.

Dans cet ouvrage très convaincant, l’auteur poursuit ce qu’il avait entamé dans le premier tome, une geste politique et poétique à travers les endroits oubliés de l’Amérique latine. Vasco, son personnage principal, est plus que jamais l’héritier du grand Corto Maltese. Et toutes ces références assumées, donne à lire un roman graphique d’une grande qualité.

M.K.

Fiche technique

Scénario et dessin : Javier de Susi

Editeur : Rackham

25 Oct

Point de fuite

de Lucia Biagi

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Sabrina est une jeune italienne de 26 ans au caractère bien trempé, elle vit chez ses parents dans une petite ville de province, mais passe le plus clair de son temps chez son petit ami, Stefano. Mal à l’aise dans son corps et dans sa vie, elle exprime parfois violemment son mal-être et se heurte à sa famille et à son entourage. Confrontée comme tous les Italiens de sa génération à une terrible crise économique, elle affronte également une crise existentielle. Au seuil de l’indépendance et du monde adulte, elle ne se sent pas en mesure de faire face à ces changements. Début décembre, une grossesse imprévue vient bouleverser sa vie déjà passablement mouvementée. Elle décide d’avorter mais le rendez-vous à la clinique est fixé au mois de janvier, du fait des fêtes de fin d’année…

L’italienne Lucia Biagi livre ici un récit tout en finesse. Loin de porter un quelconque jugement sur les contradictions de son héroïne, elle aborde le thème de l’avortement à travers un récit intimiste et nuancé. Perturbée -comment ne pas l’être quand un tel événement vous tombe dessus- Sabrina doit composer avec le chaos psychologique qui s’empare d’elle.

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L’auteur choisit les tons jaunes et bleus –la bichromie- et un trait simple et direct pour transcender une histoire finalement assez banale. A la manière des mangas, les décors sont vite croqués et les personnages rapidement reconnaissables. Dans l’Italie d’aujourd’hui, et pour une génération touchée de plein fouet par le chômage et la précarité, Lucia Biagi aborde la problématique de son personnage sans tabou, en affirmant clairement la liberté du choix d’avorter, sans pour autant esquiver la difficulté de s’y confronter.

Lucia Biagi ausculte le parcours de Sabrina sans jamais prendre parti. Dans un entretien à Télérama paru le 2 juillet 2015, elle affirme que « l’avortement a souvent été abordé, en Italie, d’un point de vue politique ; je souhaitais, de mon côté, mettre en scène le choix d’une personne spécifique. Je n’ai pas voulu expliciter pourquoi Sabrina souhaite avorter de façon si déterminée, parce je pense que ce choix lui appartient, et qu’il ne doit en aucun cas être questionné. »

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Deuxième opus d’une jeune auteur, c’est la chronique d’une jeunesse désenchantée qui ne croit plus aux grands idéaux mais qui tente malgré tout, jour après jour de gagner une liberté difficile à conquérir.

M.K.

Fiche technique

Scénario et dessin : Lucia Biagi

Editeur : Ça et là

160 pages

22 Oct

La dame de Damas

De Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès

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C’est le récit d’un amour impossible entre Karim et Fatima dans une banlieue de Damas pendant la révolution qui a débuté en 2011. Karim et sa famille sont engagés contre Bachar Al-Assad, Fatima a dû unir son destin à celui du régime. Ils vont pourtant se retrouver en cet été 2013 où « la mort blanche » frappe la capitale syrienne…

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Après l’ouvrage « Le printemps des arabes », Jean-Pierre Filiu, scénariste et historien et Cyrille Pomès, dessinateur, nous font revivre, à travers ce Roméo et Juliette du Moyen-Orient, le destin de ces hommes et femmes ordinaires qui subirent –et subissent encore- la barbarie au quotidien. Ici, il s’agit de raconter les débuts de la révolution syrienne, et la sanglante répression qui a conduit le dictateur syrien à employer des armes chimiques contre son peuple.dame-de-damas-62-webFiliu emprunte les voies de la fiction et réussit le tour de force de rendre compte de la complexité de la situation, qu’il s’agisse de la chronologie des évènements ou des forces en présence (…), tout en racontant une histoire d’amour sous les bombes. Le réquisitoire contre le régime est sans pitié, loin des clichés véhiculés parfois dans certains médias. Et on comprend mieux ici comment la résistance a pu s’organiser, notamment dans les mosquées. Et comment certains démocrates ont pu progressivement se rapprocher de la religion. Le contexte international est aussi très bien relaté et notamment le rôle de l’ONU, qui jamais ne prendra de position claire en faveur des opposants au tyran.

Pomès fait le choix du sépia pour restituer l’ambiance des rues et des intérieurs de Damas. Le dessin est enlevé, très rythmé, et colle à l’urgence du récit. Les visages expressifs rendent bien compte de la violence des sentiments éprouvés par les différents personnages. Sans trop s’embarrasser de lourds décors, il excelle à esquisser un environnement ou une atmosphère pour en dégager l’essentiel.

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Ce roman graphique est essentiel à lire. Pour tous ceux qui s’intéressent à la situation dramatique que vit la Syrie depuis quelques années. Et aussi pour ceux qui ne la connaissent pas. C’est sans conteste une des découvertes majeures de cette année 2015.

M.K.

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Fiche technique

Scénario : Jean-Pierre Filiu

Dessins : Cyrille Pomès

Editeur : Futuropolis

104 pages

18 Oct

Conquistador

Cycle 1 et Cycle 2

de  Jean Dufaux et Xavier Philippe

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Nous sommes au seizième siècle. Depuis leur débarquement au Mexique, Hernan Cortes et son armée sont considérés comme des divinités par l’empereur aztèque Moctezuma. Cela fait bien longtemps que Cortes œuvre davantage pour son compte que pour la lointaine Espagne… Tandis qu’il part combattre une expédition envoyée par son propre roi pour le rappeler à l’ordre, Cortes missionne un groupe hétéroclite, mêlant soldats et mercenaires, afin de voler l’inestimable trésor de Moctezuma. Parmi eux, le loyal soldat Hernando Royo… Le groupe d’aventuriers sera bientôt décimé par une mystérieuse entité, dieu ou démon, qui les poursuit dans la jungle. On ne s’attaque pas impunément aux ancestrales et puissantes légendes aztèques…

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Voici le résumé du premier tome… Je ne vous dévoilerai pas davantage la suite de cette histoire. Mais vous devinerez sans difficulté que cette série mêle l’histoire des Conquistadors à un récit fantastique emprunté aux traditions des grandes civilisations d’Amérique latine.

Les personnages sont ici assez convenus. Les membres de la petite expédition sont des archétypes du genre : le héros solitaire au passé traumatisant, la guerrière aussi belle que dangereuse, la brute de service, et le moussaillon de l’équipe… Les décors de la jungle et de Tenochtitlan, capitale des aztèques, sont eux oppressants.  Recyclant ses ingrédients habituels –du sang, de la sensualité et du mysticisme- le scénariste, Jean Dufaux passe à côté de sa recette. On reste cantonné à une course poursuite dans la jungle. Quid de la culture ancestrale des aztèques ?

Conquistador2Chaque tome est bien rythmé, le dessin de Philippe Xavier prenant toute sa dimension que ce soit dans les descriptions architecturales des pyramides indiennes ou dans les profondeurs de la jungle sud américaine. Pourtant, l’adhésion ne se fait pas et on reste spectateur d’un grand show sans vibrations.

Les indiens sont les grands perdants de l’Histoire. Alors qu’ils ont été les victimes de la conquête espagnole, ils sont aussi montrés ici comme des êtres sanguinaires, qui adorent des divinités monstrueuses… On en omettrait presque que les Conquistadors ont exterminé tout un peuple.

M.K.

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Fiche technique

Cycle 1 : Tome 1 & 2

Cycle 2 : Tome 3 & 4

Scénario : Jean Dufaux

Dessin : Philippe Xavier

Couleurs : Jean-Jacques Chagnaud

Collection : Grafica

Editeur : Glénat

15 Oct

Undertaker

de Ralph Meyer et Xavier Dorison

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Jonas Crow, croque mort de son état, est sollicité par un ancien mineur, devenu millionaire, pour s’occuper de son propre enterrement. Avant de se suicider, ce dernier avale tout son or pour qu’il disparaisse avec lui dans la tombe. Bientôt la rumeur se répand dans la petite ville de l’Ouest et provoque la fureur des mineurs…

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Undertaker, c’est sous ce nom que Jonas Crow est connu. Accompagné de son vautour, il sillonne le pays sur son chariot prêt à enterrer le premier venu pour un steak ou quelques dollars. C’est un homme qui ne s’embarrasse pas de sentiments.

Les auteurs de ce western s’inscrivent dans la lignée des maitres du genre. Le dessin signé Ralph Meyer, se situe dans la veine de Jean Giraud, la référence en la matière. C’est une réussite. Le découpage est fluide, le rythme enlevé. Que ce soit dans les visages ou le traitement des décors, on retrouve l’ambiance des dessins du lieutenant Blueberry.

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Côté scénario, on n’est pas en reste. Xavier Dorison, se réapproprie les codes du genre. Et nous propose là une belle variation autour du Farwest avec ce qu’il faut de bagarres, de têtes cassées et de répliques cultes. Le personnage principal, drôle et mordant passe son temps à inventer des citations « bibliques ». Comme cette réplique alors qu’il est dans une situation critique :

« Dieu a dit : tu éviteras de faire chier un type qui braque un calibre 44 sur toi.

Et pour une fois … Feriez mieux de l’écouter»

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Les personnages secondaires sont traités avec soin et chose plutôt rare pour un western, les figures féminines sont à l’honneur. Rose la jeune et jolie comptable du millionnaire et Mademoiselle Lin, sa gouvernante chinoise, tiennent ici un rôle important. Quant au héros, la fin de ce premier épisode lève le voile sur quelques unes de ses zones d’ombres. Et surtout, elle nous laisse entrevoir une suite pleine de promesses.Undertaker 1

Undertaker, une série à suivre.

M.K.

 

Fiche technique

Dessin : Ralph Meyer

Scénario : Xavier Dorison

Couleurs : Delabie / Ralph Meyer

56 pages /  7   Edition : Dargaud

12 Oct

Gazza 1956 En marge de l’histoire

de Joe Sacco

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Joe Sacco, journaliste et auteur, enquête à Gaza sur des évènements qui se sont déroulés en marge du conflit de 1956 qui opposaient l’Egypte à une coalition regroupant l’Angleterre, la France et l’Israël. La Palestine est alors le théâtre de tueries orchestrées par l’armée d’occupation. Ce qui ne constitue que « des notes de bas de page dans les livres d’histoire » selon Joe Sacco, devient ici le récit des évènements survenus dans les localités de Rafah et de Khan Younis.

Pour cela, Sacco s’installe plusieurs mois dans la bande de Gaza et tente de rencontrer ceux qui ont vécu les évènements de l’époque. Composé en deux parties, Khan Younis et Rafah, cet ouvrage nous plonge dans une page ignorée de l’Histoire. Sacco nous fait aussi partager son quotidien en Palestine en traduisant admirablement la vie au jour le jour, ponctuée d’attaques des chars et des hélicoptères, les Palestiniens tués, les maisons de Rafah démolies par les bulldozers israéliens, la difficulté de circuler dans les territoires palestiniens et toutes ses rencontres…

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Sa démarche est remarquable car elle met en perspective le déroulement de l’enquête, les difficultés à recueillir des témoignages fiables, ses incohérences parfois, et finalement la grande détresse des Palestiniens qui ont subi cette guerre de conquête. 1956–2005, cinquante ans ont passé et pourtant rien n’a changé. La Palestine est toujours occupée. La pression des colonies israéliennes n’a fait que s’accroitre. Le blocus imposé à Gaza est plus dur encore.

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L’une des grandes qualités des dessins de Sacco est de faire le parallèle entre les deux époques. Son trait est d’une rare précision. Il détaille personnages et décors avec la même préoccupation. On peut ainsi mesurer le passage du temps sur les visages, ou le changement des constructions et des paysages. Sacco mêle avec brio la description de la période contemporaine, son enquête et le rappel des faits historiques. Et le lecteur, sur les pas de l’auteur, est guidé dans la découverte de ce pays occupé, à la rencontre de ces personnes pour qui la survie est quotidienne.

Gaza 1956 est sans conteste un ouvrage majeur dans le genre de la BD documentaire. Il a fait date en 2009 au moment de sa sortie et restera comme la référence dans le domaine. Jamais idéologique, questionnant en permanence la cohérence de sa propre démarche, Joe Sacco livre ici un véritable chef-d’œuvre.

M.K.

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Fiche technique
Scénario et Dessin : Joe Sacco
Edition : Futuropolis
Nombre de pages : 424 pages

09 Oct

Le constat

d‘Etienne Davodeau

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Ecrasé par la chaleur, le vieux break fonce sur l’autoroute. Vincent, trente ans, vient de tenter un gros coup de poker. Assis à côté de lui, un vieil homme, il a traversé le siècle, ses contradictions et ses errements. Ces deux types n’ont rien en commun, pourtant, ensemble, ils foncent vers des ennuis et des désillusions qu’ils n’auraient pas imaginés dans leurs pires cauchemars. Heureusement sur leur route, il y a Rose, cette jeune femme sans attaches ni à priori…constat2

Réédité en 2014, cet album est paru pour la première fois en 1996. Préfigurant la suite de l’œuvre d’Etienne Davodeau, « Le constat » emprunte la forme du road movie et du polar, et tout en suivant les codes du genre, il parvient à les dépasser. Vincent veut changer de vie… Abel la retrouver… Quant à Rose, l’autostoppeuse qu’ils croiseront sur leur chemin, elle semble fuir la routine et la monotonie… Ce trio hétéroclite va se retrouver lié et obligé de coexister.constat 3

En installant son récit, l’auteur distille peu à peu ce qui fera le sel de ses ouvrages à venir. Raconter l’histoire de ces gens qui a priori n’en n’ont pas. Révéler l’existence de ceux qui sont généralement des oubliés. Peu à peu au fil du récit, les trajectoires des personnages se révèlent les uns aux autres. Et de ces moments partagés, de ces confidences que l’on se fait, émerge la compréhension de l’autre et l’amitié.

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Le scénario fait de rebondissements et de révélations est captivant. Lorgnant déjà du côté de la chronique sociale, le dessinateur, alors presque débutant, réussit le pari de tenir le lecteur en haleine. Mais la grande force de Davodeau est surtout de profiter des interstices du récit pour distiller chaleur et humanité. Bienveillant avec ses personnages, sans pour autant les ménager, Davodeau esquisse un monde sans pitié, où pour autant, il n’est pas interdit d’espérer.

M. Krim

Fiche technique
Dessin et scénario : Etienne Davodeau
Editeur : Dargaud
100 pages

06 Oct

Centaurus

T1 – Terre Promise

de Léo, Rodolphe et Janjetov

Dans un vaisseau-monde, un petit groupe est désigné pour participer à une mission d’exploration sur une planète qui pourrait être le salut de ces derniers terriens. Après avoir traversé l’immensité de l’espace pendant 400 ans, ils croient enfin atteindre leur but. Ils envoient donc un petit groupe en reconnaissance…

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Sur un canevas déjà largement éprouvé… Les derniers terriens partis à la conquête d’une autre terre, les scénaristes Léo (Les mondes d’Aldebaran), et Rodolphe (Kenya/Namibia) mettent en place un récit efficace où les surprises et le suspens ne manquent pas.

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Au dessin, Janjetov (Les technopères/Avant l’Incal) met tout son savoir faire au service du propos. Utilisant une palette de couleur déjà vu dans ses réalisations précédentes, il a le souci du détail, particulièrement quand il s’agit de dessiner le vaisseau spatial ou autre éléments technologiques.

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Le récit se déploie donc pour installer des décors imposants et introduire une galerie de personnages qui sont autant d’archétypes. Ce premier épisode répondant d’abord au souci de mettre en place le début d’une grande série. Le contrat est rempli. Et la fin de ce premier tome se conclue sur un certains nombres d’interrogations qui incitent à lire la suite.

Un début prometteur   pour une bande dessinée qui gagnerait à sortir des sentiers battus du genre emprunté ici.

M.K.

Fiche technique

Scénario : Rodolphe / Léo

Dessin : Zoran Janjetov

Couleurs : Zoran Jr. Zanzetov

Collection : Néopolis

Edition : Delcourt

03 Oct

Fraternités

de Jean-Christophe Camus et Ramon Rosanas

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1792, L’ORDRE GUILLOTINE

Septembre 1792, Paris est en ébullition. La monarchie vit ses dernières heures et s’apprête à céder devant la République, mais, déjà, des hommes complotent pour renverser le jeune régime. Leur atout : le propre cousin du roi déchu. Leur cible : les francs-maçons, qu’ils entendent accuser de tous les maux de la France. Au même moment, Gaston Baudecourt, rédacteur du journal Fraternités, enquête sur un club qu’il soupçonne d’être anti-révolutionnaire. Il ne tardera pas à apprendre à ses dépens que ses fils et lui sont aussi surveillés…

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Ce premier tome d’une série de quatre, mêle habilement la petite et la grande histoire. 1792, c’est l’année de l’exécution du roi Louis XVI -on croise des personnages célèbres : Voltaire, le roi, Choderlos de Laclos…-  mais le récit se concentre surtout sur le parcours de Gaston Baudecourt et de ses fils. Membre d’une loge maçonnique, la loge des « neufs sœurs », ils vont devoir faire face à un secret de famille qui remonte à 1778. La période révolutionnaire et la franc-maçonnerie servent ici de toile de fond à une intrigue qui, en se concentrant sur les Baudecourt, apporte une vraie dimension humaine et dramatique.

Si la narration est parfois complexe – références historiques obligent-, le dessin de Ramón Rosanas est quant à lui assez classique. D’une lecture fluide plutôt agréable à lire, ce premier tome, sans révolutionner le genre, se situe dans la lignée des productions habituelles de la bande dessinée historique.

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1804 – L’ORDRE MANIPULE

Dix années ont passé, mais politique, intrigues et ambitions sont toujours au cœur de cette nouvelle intrigue. Gaston Baudecourt est souffrant. Paul, l’ainé de ses fils, a disparu depuis près de onze ans et c’est René, son cadet, qui est devenu le numéro deux du journal. Le puissant ministre de la police, Joseph Fouché, compte bien utiliser Fraternités et les Francs-maçons comme soutiens sans faille à Napoléon Bonaparte dont le sacre est proche. Pour ce faire, Fouché noyaute et surveille toutes les loges maçonniques…

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Ce second volume, dessiné cette fois par Bernardo Munoz, poursuit la veine entamée dans le premier tome : on y retrouve les mêmes ingrédients mais l’époque a changé. Une charnière historique –ici, le sacre de Napoléon-, un complot ourdi contre les frères Baudecourt, le journal Fraternités menacé dans ses fondements d’indépendance et de critique du pouvoir en place, une intrigue familiale… La franc-maçonnerie, au centre du récit, est encore une fois objet de déstabilisation de la part des dirigeants politiques.

La longue ellipse entre ces deux premiers épisodes peut être déconcertante, mais comme avec le premier chapitre, on arrive ici au terme de la lecture en attendant les prochains albums de la série.

M. Krim

Fiche technique
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Scénariste : Jean-Christophe Camus
Dessinateur :Ramon Rosanas
Coloriste : Dimitri Fogolin
Série : FRATERNITES
Collection Histoires et Histoires / Edition Delcourt