13 Fév

40ème Festival du Court-métrage: 5 films à retenir

Certes il y a le palmarès et les choix des jurys qui nous permettent de voir des films que nous n’avions pas forcément remarqués dans les différentes sélections et puis il y a les films qui nous ont touchés en tant que spectateurs. Voici donc les 5 films de la rédaction commentés par les réalisateurs eux-mêmes.

1. Gros chagrin de Céline Devaux

Ça va passer. On s’en remet. Jean fête son anniversaire, boit trop et se souvient du week-end désastreux qui a mené à sa rupture avec Mathilde. Voilà le pitch du dernier film que la réalisatrice Céline Devaux est venu défendre à Clermont-Ferrand. Un film qui nous parle de chagrin d’amour et dont le sujet nous parle autant que celui de son précédent film moult fois récompensé: Le repas dominical.

2. Bonobo de Zoël Aeschbacher

Ce film a reçu les faveurs des festivaliers et couronné du prix du public. Bonobo, c’est un film choral sur différents personnages vivant dans le même logement social et tous à la recherche de bonheur et de sens.

3. Les Ondes noires d’Ismaël Joffroy Chandoutis

En compétition labo, ce documentaire nous raconte de façon magistralement belle comment notre société ultra-connectée où les ondes ont envahi presque tous les espaces ont poussé un certain nombre de personnes à s’isoler du reste du monde. Trois personnes intolérantes aux radiations électromagnétiques témoignent de leur survie au sein d’un monde qui leur semble de plus en plus inaccessible.

4. J’attends Jupiter d’Agathe Riedinger

Liane vient d’apprendre qu’elle est retenue pour le second tour d’un casting de télé-réalité. Persuadée que sa vraie vie va enfin commencer, elle se déleste de tout ce qui l’entoure pour embrasser ce grand chamboulement. Agathe Riedinger nous dresse un portrait radical de la jeunesse.

5. Prends mon poing de Sarah Al Atassi

Pour nous parler de Prends mon poing, la réalisatrice Sarah Al Atassi est venue à notre rencontre accompagnée de son comédien principal, celui qui dans le film interprète un Bilal à fleur de peau, Michel Mhanna Santoni. Bilal est marginal, violent, et vit au milieu de nulle part entre boisson, baise et baston. Il pense avec ses poings. Un jour, il tombe sur un rival qui lui résiste. L’affrontement se dansera à deux.

01 Juin

Le lumineux Philippe Decouflé à la Comédie de Clermont

PILS_Decoufle-00_00_10_17Le chorégraphe Philippe Decouflé est de retour à Clermont-Ferrand pour présenter ses « Nouvelles pièces courtes ». Après « Panorama » et « Contact », l’artiste livre un travail plus personnel et toujours aussi débordant d’idées.

Les histoires se succèdent sur la scène de la Maison de la Culture et le public les dévore des yeux comme des gourmandises. Pas de doute, c’est bien un spectacle de Philippe Decouflé: En trois pas de danses, une idée géniale et des couleurs, l’artiste nous attrape et ne nous lâche plus.

La première pièce courte met en scène un duo de danseurs qui se trouvent être aussi des musiciens et tout se met à tourner sous nos yeux: la musique se déroule au fil des gestes sur un  piano ou sous une flûte traversière. Une nouvelle pièce courte nous montre tout ce qu’on peut faire avec des danseurs quand on les met dans un trou, quand une autre nous emmène en voyage à Tokyo… A priori rien à voir entre toutes ces bulles de bonheur et d’ailleurs le chorégraphe n’a pas cherché à trouver une cohérence entre elles et ne les présentent jamais dans le même ordre. Pourtant, c’est de lui qu’il parle dans chacune d’elles et davantage des ces pièces que dans ses précédents spectacles, nous a-t-il confié. Il convoque Vivaldi, le compositeur préféré de sa mère disparue, il fait dansé son ancien amour, il raconte son voyage au Japon, le chorégraphe est derrière tout ça et pour une fois, nous le montre.

Difficile de ne pas succomber au charme de cet artiste jamais à sec d’idées nouvelles et à Clermont-Ferrand, le premier soir des trois représentations qui affichent complet, Philippe Decouflé a une nouvelle fois envoyé son public au septième ciel.


Philippe Decouflé Nouvelles Pièces Courtes


PILS du 2 juin 2017

15 Avr

Richard III tire son irrévérence à Clermont-Ferrand

La troupe de la Schaubühne joue Richard III de William Shakespeare mis en scène par Thomas Ostermeier. ©Arno Declair

La troupe de la Schaubühne joue Richard III de William Shakespeare mis en scène par Thomas Ostermeier. ©Arno Declair

La troupe de Thomas Ostermeier joue Richard III à Clermont-Ferrand (seules dates de province depuis Avignon en 2015) pendant trois soirs. La première, vendredi soir, a été ovationnée par le public, conquis par ce scélérat qu’incarne avec une folie appropriée le comédien Lars Eidinger.

La salle Jean Cocteau était pleine vendredi soir pour voir cette curiosité dont on a tant parlé lors de sa création à Avignon en 2015. Au bout d’une demi-heure pourtant, un spectateur n’y tenait plus et décide de quitter la salle. Il faut dire que la troupe n’a pas été tendre avec le public depuis le début du spectacle: musique hurlante, des comédiens qui sautent comme des cabris d’un bout à l’autre du décor mais aussi d’un bout à l’autre de la salle et un Richard III plus affreux encore qu’il ne l’avoue lui-même au début de la pièce. Sur la scène, Lars Eidinger interrompt sa tirade shakespearienne et interpelle le déserteur pour lui dire « au revoir« . Après ça, difficile pour un autre mécontent de s’extraire de ce royaume nauséabond que le metteur en scène Thomas Ostermeier a édifié sur les vers déjà bien pervers de Shakespeare.

Je suis comme un miroir », Lars Eidinger à propos de son personnage Richard III

A moins bien sûr que ce courageux fuyard n’ait été le seul à vouloir fuir… Car si ce Richard III nous repousse admirablement, il nous embobine aussi diablement. Comme il trompe l’esseulée Lady Anne qu’il a privé d’un père et d’un époux, il nous fascine en gesticulant comme un pantin désarticulé autour de son mic qu’il agite pour tour à tour déclamer, cracher sa haine, livrer ses plans et même rapper like a ripper. « Je suis comme un miroir, nous confie le comédien Lars Eidinger à propos de son personnage, je leur (les spectateurs) renvoie leur propre image. D’abord, ils vont se moquer d’eux-mêmes et à la fin, ils sont choqués de voir leur vrai visage. »  Et c’est vrai que ce n’est pas simple de regarder en face l’ignominie dont l’homme est capable. Car ce Richard III ne cache rien de ses pensées les plus malsaines et se sert de nous comme des pages d’un journal intime sur lesquelles il écrit son Histoire. En laissant son acteur improviser et jouer avec son auditoire, Thomas Ostermeier renforce la perversité du dramaturge anglais qui règle ses comptes avec l’âme humaine en aparté.


Répétitions de Richard III à Clermont-Ferrand

Prochaines représentations: Samedi 15 Avril à 20h30 et dimanche 16 Avril à 17h00. Du 21 au 29 juin 2017 au Théâtre de L’Odéon, Paris. 

18 Nov

Belle envolée de « La Mouette » à la Comédie de Clermont-Ferrand

le comédien Matthieu Sampeur et la Mouette photographié sur le chantier de la future Comédie de Clermont-Ferrand. Novembre 2016 © Jean-Louis Fernandez

Le comédien Matthieu Sampeur et La Mouette, sur le chantier de la future Comédie de Clermont-Ferrand. Novembre 2016 © Jean-Louis Fernandez

La star des metteurs en scène Thomas Ostermeier n’a pas attiré les foules pour la première représentation de La Mouette de Tchekhov à Clermont-Ferrand. Ceux qui ont fait le choix de venir ont néanmoins été conquis par ce drôle d’oiseau dont le cri demeure longtemps après le noir final.

La chanson de Bowie qui ouvre le spectacle est prémonitoire: c’est un suicide très rock’n’roll auquel nous allons assister. D’ailleurs, du rock, La Mouette version Ostermeier en a à revendre. Des Doors au Velvet, chaque acte est ponctué de classiques du rock psyché. Cela commence dès qu’on s’installe dans la salle, les amplis, les guitares et les micros nous attendent sur la scène, avec la même impassibilité que les comédiens, tous assis dans un coin de ce cube gris qu’on croit d’abord sans issue. Cette scène, c’est un tableau qui va se dessiner sous nous yeux pendant plus de deux heures, qui va changer de couleur selon l’humeur de l’artiste pour s’achever en un immense all-over noir.

« Qui est allé en enfer voit le monde et les hommes autrement », Anton Tchekhov

C’est par cette citation que tout commence: « Mon oeuvre est imprégnée du voyage au bagne de Sakhaline. Qui est allé en enfer voit le monde et les hommes autrement ». En inscrivant cette citation au fond de la scène, Thomas Ostermeier nous invite d’emblée à lire la pièce de Tchekhov sous un angle bien particulier. Pourtant, les personnages narcissiques et bourgeois de La Mouette nous semblent bien loin des détenus du bagne que l’écrivain-médecin a rencontrés. Mais plus la pièce avance, plus la détresse humaine dans laquelle se trouvent ces six personnages nous frappe, plus le carcan social auquel ils sont attachés nous étouffe.

La traduction d’Olivier Cadiot et la mise en scène de Thomas Ostermeier nous permettent de constater à quel point le texte de Tchekhov n’a pas pris le siècle qui nous sépare de sa création dans la tronche. L’écrivain s’est tellement attardé sur ce qui se passe dans la tête de chacun de ses personnages, que leur époque peut aussi bien être la nôtre. Et bien que devant nous, on parle d’art et de littérature, on palabre sur la page blanche et sur de futiles désirs de gloire, chacune des phrases prononcées nous renvoie à nos propres névroses.

La modernité du propos tient aussi au jeu d’improvisation auquel s’adonnent les comédiens (tous excellents) lorsqu’ils sortent du texte de Tchekhov. On nous parle de Syrie, on se moque du théâtre contemporain ou de la place que tient la culture dans notre société, on entend parler de Donald Trump et on nous chante Bowie. Tout ça est si proche de nous que le drame qui se déroule sous nos yeux nous touche encore davantage.

La Mouette, Jusqu’au 19 novembre 2016 à la Maison de la Culture, Comédie de Clermont-Ferrand. 

05 Nov

Accro à Robert Lepage avec « Les Aiguilles et l’Opium »

Le comédien Marc Labrèche (sur cette photo) qui endossait le rôle depuis 1994 l'a cédé à un autre comédien talentueux, Olivier Normand. ©Nicola Franck Vachon

Le comédien Marc Labrèche (sur cette photo) qui endossait le rôle depuis 1994 l’a cédé à un autre comédien talentueux, Olivier Normand. ©Nicola Franck Vachon

Le metteur en scène Robert Lepage est venu présenter son spectacle « Les Aiguilles et l’Opium » à la Comédie de Clermont-Ferrand. Créé il y a vingt ans, le spectacle porté par un nouveau comédien époustouflant de sincérité, n’a pas pris une ride. 

C’est la dépendance qui est au coeur du spectacle de la Compagnie Ex Machina. Dépendants à l’Opium, à l’héroïne ou à l’amour, les personnages de cette pièce vont avoir besoin d’un sevrage sévère s’ils veulent en sortir vivant. Le premier, le poète et cinéaste Jean Cocteau, vante les mérites de l’opium pendant que le musicien Miles Davis s’accroche à l’héroïne. Robert, le personnage « fictif » du spectacle, alter ego de l’auteur, lui, est accro à l’amour. Dans cette pièce de théâtre construite comme un film, il y a tous les ingrédients d’un bon Woody Allen: les questions existentielles, le jazz et le recours à la magie quand tout fout le camp.

Car magique, le spectacle l’est assurément. Face au spectateur, un cube se transforme au fil des scènes, renverse la réalité mais aussi les personnages, balance le coeur déjà malmené d’un Miles Davis muet interprété par le comédien acrobate Wellesley Robertson III. Ce cube devient « carrément » l’un des personnages principaux, nous contant le passé, le présent et l’avenir en tournoyant sur lui-même.

Le comédien Olivier Normand reprend depuis cet automne 2016 le rôle de Robert, tenu en 1994 et lors de la reprise du spectacle en 2013 par l’acteur Marc Labrèche. Le comédien est aussi convaincant en amoureux paumé qu’en poète dont le génie frise parfois l’orgueil. Qu’il déclame Cocteau en flottant littéralement dans un ciel étoilé ou qu’il s’échine à doubler une scène de cinéma, le comédien réussit à nous faire passer d’un monde à l’autre avec autant de magie que la machinerie imaginée par Robert Lepage.

Il en résulte un spectacle beau et unique qui mériterait peut-être un peu plus d’émotion là où la magie perd de ses effets, on en ressort néanmoins « transformé ».

Pour aller plus loin: « Les Aiguilles et l’Opium » Amour, drogues et dépendances, l’article contient des extraits du spectacle et une interview de Robert Lepage par Michel Field lors de la création du spectacle en 1992.

05 Juin

Une Europe créative à Europavox

Oliver Burslem, chanteur et guitariste du groupe Yak, sur la scène factory d'Europavox

Oliver Burslem, chanteur et guitariste du groupe Yak, sur la scène factory d’Europavox

C’est sur la scène Factory du festival Europavox que l’on fait vraiment un tour d’Europe des musiques actuelles. Belle cuvée pour cette onzième édition et pour ma part, trois groupes m’ont vraiment enthousiasmé: Yak (Royaume-Uni), Repetitor ( Serbie) et Have You Ever Seen The Aerobic Jane Fonda VHS (Finlande).

Le festival a été retenu par Europe Créative, un programme d’aide de l’Union Européenne qui devrait permettre à des groupes des quatre coins du vieux continent d’obtenir une plus large audience. Des festivals « Europavox » sont donc amenés à voir le jour autour des structures partenaires en Belgique, Croatie, Grèce, Lituanie, Autriche et Italie. Bientôt un site internet sera alimenté par des journalistes de tous ces pays pour rendre compte au reste du monde du foisonnement créatif de l’Europe en terme de musiques actuelles. En attendant, la scène Factory installée au coeur du site pendant les trois jours du festival remplit cette tâche avec panache: cette année encore, on a pu découvrir un certain nombre de groupes très enthousiasmants.

Yak, le rock anglais est encore furieux

D’abord repérés par Jack White puis un premier album « Alas Salvation » signé sur le label Fat Possum (Black Keys, Fat White Family ou Dinosaur Jr…), les trois gars de Yak déploient une énergie redoutable sur scène et en studio pour livrer un rock furieusement bon. Les trois anglais n’ont pas trop de souci à se faire pour l’avenir et leur première tournée en France dans les plus beaux festivals du territoire est un grand succès. A Clermont-Ferrand, l’horaire (19h45), quand le public en était encore à l’apéro, était un peu hard mais les londoniens ne se sont pas démontés et ont déchargé un rock enragé sur la foule.

Le groupe Repetitor chante en serbe et ça lui va très bien

Le groupe a commencé en 2005 à la White Stripes, une batteuse et un chanteur-guitariste. Plus tard, la bassiste s’est greffée au groupe pour former définitivement Repetitor. C’est devenu l’une des figures de la nouvelle scène serbe. En France, il a fallu attendre que le festival Europavox nous les ramène sur la scène Factory pour qu’on puisse profiter de leur énergie.

Have you ever seen the Jane Fonda Aerobic VHS? La question méritait d’être posée

Ces finlandais explorent le côté punk de la pop et ça donne une musique entre Nena (si, si, souvenez-vous des 99 Luftballons) et The Dandy Warhols. Leur premier album « Teenage Sweetheart » est un condensé d’énergie brute et sur la scène d’Europavox, même si le chant est approximatif, la manière que ce trio a employé pour livrer la chose a déchaîné les clermontois.

Une Europe Créative à Europavox, un reportage de Richard Beaune, Claude Fallas, Laurent Pastural, Damien Salmon et Brice Ordas

Une scène européenne en force à Europavox

Intervenants: Oli Burslem, Elliot Rawson et Andy Jones du groupe Yak; Milena Milutinovic, Boris Vlastelica et Ana-Marija Cupin de Repetitor; Katia Bouferrache
Chargée de mission coopération internationale Festival Europavox.

 

 

04 Juin

Philippe Katerine donne un spectacle hilarant à Clermont-Ferrand

Philippe Katerine au Festival Europavox à Clermont-Ferrand

Philippe Katerine au Festival Europavox à Clermont-Ferrand

Vendredi soir, alors que la soirée Electrovox Party battait son plein au festival Europavox, à l’auditorium le chanteur Philippe Katerine revisitait son répertoire à la manière de son nouvel album Le Film, en mode piano-voix devant un public hilare.

L’hilarité ne tarde pas à gagner l’ensemble des spectateurs. En fait, dès que Katerine entre en scène en collant vert et paré d’un énorme manteau de plumes, chantant d’un franglais parfait qu’il est « la Reine d’Angleterre et qu’il nous chie à la raie« , il nous fait d’emblée la promesse que le spectacle sera tout sauf sérieux. Pourtant, à l’écoute de son dernier disque, Le Film, on aurait pu s’imaginer un Philippe Katerine plus sage, moins porté sur la déconne voire carrément clown triste. Il nous explique qu’il a enregistré cet album à la mort de son père, qu’au début du disque, « le mec ne va vraiment pas bien, tu vois j’étais nervous breakdown mais quand j’ai fini le disque, ça allait beaucoup mieux. » Sur Le Film, toutes les chansons sont interprétées au piano, seuls par moment quelques bruitages viennent renforcer une atmosphère, un chœur d’enfants se greffe au refrain d’une chanson et quelques violons en parent une autre d’un peu de mélancolie. Sur scène, c’est comme ça qu’il a choisi de revisiter une grosse partie de son répertoire, seulement accompagné de la pianiste Dana Ciocarlie. Dans son plus simple appareil, Louxor J’adore devient une hilarante chanson à texte et la chanson Philippe un sketch à deux voix interminable.


Philippe Katerine à Europavox

Un reportage de Richard Beaune, Laurent Pastural, Damien Salmon et Brice Ordas.

02 Juin

Christophe exhume les vestiges d’une carrière sans fausse note à Clermont-Ferrand

Christophe sur la scène de la Coopérative de Mai, le 1er juin 2016

Christophe sur la scène de la Coopérative de Mai, le 1er juin 2016

Le premier jour de juin était aussi le premier jour du festival Europavox à Clermont-Ferrand qui s’est ouvert avec une icône de la chanson française, Christophe. Pendant une heure, le chanteur des mots bleus a mis en scène les onze titres de son dernier album « Les Vestiges du Chaos » avant de reprendre ses plus grands succès dans un mode plus intimiste.

C’est un concert « in process » que les clermontois ont vu hier soir. Deuxième date de sa tournée, Christophe nous le confie volontiers « je n’ai même pas été aux répétitions, le concert se peaufinera en live, devant les gens. » Reste que la scénographie du spectacle qui illustre Les Vestiges du Chaos, dernier album en date donc, était quand même bien avancée jeudi soir même s’il est vrai que le chanteur semble encore avoir un peu de mal à y trouver ses marques. Du coup, Christophe était moins à l’aise dans cette première partie de concert et son humour légendaire, son recul sur lui-même et son ironie n’était pas forcément au rendez-vous: l’important, c’était de livrer les onze titres de l’album et pour ça le bonhomme était quand même bien entouré et la voix était d’une justesse irréprochable. Pour la deuxième partie, Christophe s’est installé à son piano et a revisité ses plus grands succès, d’Aline aux Mots bleus en passant par Les paradis perdus. Chaque reprise de ses titres était l’occasion de présenter chacun de ses musiciens et d’inviter le public à chanter avec lui.


Christophe en concert à la Coopérative de Mai pour Europavox

28 Mai

Isabelle Huppert, divine dans Phèdre(s) à la Comédie de Clermont-Ferrand

Hier soir, une partie du public s'est levé pour applaudir la prestation des comédiens de Phèdre(s) sur la scène de la Comédie de Clermont-Ferrand (Photo: Jean-Louis Fernandez)

Hier soir, une partie du public s’est levée pour applaudir la prestation des comédiens de Phèdre(s) sur la scène de la Comédie de Clermont-Ferrand (Photo: Jean-Louis Fernandez)

Une fois de plus, Krzysztof Warlikowski a pris un malin plaisir à torturer son public: ses Phèdre(s) n’ont de cesse de nous rappeler notre piètre condition humaine. Trois heures trente de larmes, de discours, d’invectives et de déclarations d’amours habités de bout en bout par une Isabelle Huppert, divine.

Et divine, Isabelle Huppert l’est d’entrée de jeu en campant sur de hauts talons et en guêpière une Aphrodite sans pitié pour nous, pauvres mortels. Elle ne donne pas cher de notre peau ni de celle de Phèdre qu’elle a condamnée à aimer à mort son beau-fils Hippolyte. Elisabeth Costello, l’héroïne de J.M Coetzee, troisième personnage incarnée par la comédienne dans la même soirée, évoque la possibilité que les dieux seraient jaloux de notre condition mortelle car elle alimenterait notre fureur de vivre. Mais cette condition nous pousse aussi aux pires vilenies et nous rend, vus de haut, on le comprend, si misérables. Krzystof Warlikowski n’est pas tendre avec nous pour nous mener à bout de son idée, voire pour nous mener à bout tout court: le corps de la danseuse Rosalba Torres Guerrero se déhanchant à s’en défaire les vertèbres sur un crescendo de percussions ou ce chien hurlant à la mort pendant toute une scène entre Thésée et Hippolyte, tout ça est aussi insupportable que sont beaux le chant de Norah Krief où le corps d’Isabelle Huppert se dévoilant sans pudeur au spectateur.

Tour à tour, le metteur en scène nous embarque et nous débarque, nous largue totalement puis nous happe à nouveau. Krzysztof Warlikowski oublie l’intrigue de Phèdre: il convoque trois auteurs contemporains pour bâtir toute une réflexion autour du mythe et poser ça et là quelques questions existentielles. Tout au long de cette réflexion qui ne se donne pas aussi facilement que la Phèdre de Sarah Kane, Isabelle Huppert se métamorphose et passe d’une Phèdre à l’autre sans broncher et sert magistralement ces trois textes aux antipodes. Mythique dans le texte de Wajdi Mouawad, lynchéenne dans celui de Sarah Kane qui, contrairement à ce qu’on a pu entendre, n’est pas vain, car le cri de cette dramaturge des années 1990 qui s’est suicidée à l’âge de 28 ans, cette violente critique de la bourgeoisie n’a pas encore atteint sa date de péremption. Enfin, la comédienne est drôle quand elle chausse les lunettes d’Elisabeth Costello et c’est alors que Phèdre devient claire, lumineuse et tellement humaine.


Phèdre(S) avec Isabelle Huppert

Images du Spectacle réalisées par le Théâtre de l’Odéon.

27 Mai

La magie d’Elysian Fields a encore opéré au Tremplin

Le dernier album d'Elysian Fields s'intitule Ghosts of No, dans les bacs depuis fin avril 2016

Le dernier album d’Elysian Fields s’intitule Ghosts of No, dans les bacs depuis fin avril 2016

Jeudi soir, le duo Elysian Fields est venu interpréter une bonne partie de son nouvel album Ghosts of No sur la scène du Tremplin. C’était le deuxième passage du duo new-yorkais dans la salle beaumontoise et c’était tout aussi magique que la première fois.

Les deux artistes qui forment Elysian Fields sont d’abord une allure: Il y a d’abord Oren Bloedow, casquette vissée sur la tête, nonchalance très masculine et la guitare accrochée au corps comme un prolongement de lui-même et puis il y a Jennifer Charles, elle aussi nonchalante jusqu’au bout des talons qu’elle jette en arrière de temps à autre pour nous enflammer, un sourire chaleureux qui se meut en moue sexy en moins d’une seconde et une robe littéralement cousue sur elle. C’est la deuxième fois qu’on a la chance de voir le duo se produire dans la salle beaumontoise et le plaisir est toujours le même. Accompagnés de la contrebassiste française à tomber raide Sarah Murcia et de l’excellentissime batteur Matt Johnson, les deux new-yorkais ont livré une quinzaine de chansons dont une grande partie était puisée dans leur dernier album en date Ghosts of No. Plus « jazz » que sur microsillon, les mélodies pop de cette dernière livraison, toujours plus subtiles qu’elles en ont l’air au premier abord, révèlent toute leur intelligence grâce à la virtuosité et la complicité du quartet. Le groupe reviendra pour plusieurs rappels tous aussi inventifs les uns que les autres, avec des solos de dingues qui peuvent envoûter tout un public avec bien plus d’efficacité que Stars sous hypnose. Bref, une belle soirée au Tremplin.