14 Sep

La BD fait sa rentrée. Americana, un trek pour faire le deuil de l’Amérique

Luke Healy a grandi en Irlande, vit aujourd’hui à Londres mais a toujours rêvé d’Amérique au point de tenter à plusieurs reprises de s’y installer. Sans succès. En 2016, il se lance le défi de faire le Pacific Crest Trail, un sentier de grande randonnée à l’ouest des États-Unis. Cinq mois de marche et au bout du compte une autre idée de l’Amérique…

L’Amérique ! De son Irlande natale, Luke Healy en a toujours rêvé. À plusieurs reprises, il essaie de s’y installer, il y intègre même une école de bande dessinée pendant quelques mois. Mais si Luke Healy a faim d’Amérique, l’Amérique, elle, ne veut pas de lui. À l’expiration de ses Visas, c’est retour à la maison, « son pays de chagrins infinis ».

Il traverse à nouveau l’Atlantique en 2016, décidé cette fois à faire le Pacific Crest Trail (PCT), un sentier de grande randonnée allant de la frontière mexicaine à la frontière canadienne, 2650 miles de déserts étouffants, de sommets enneigés et de forêts hostiles, des mois de marche intensive, des millions de pas, des rencontres, beaucoup de rencontres, et la découverte du pays sous un autre angle avec au bout du compte, au bout du chemin, la fin d’un rêve, le deuil d’une Amérique fantasmée.

© Casterman / Luke Healy

C’est ce parcours que Luke Healy met en images et en mots dans cet album conçu comme un carnet de route. Un parcours spatial mais aussi et surtout un parcours intime. Le trek permet à Luke Healy de murir, de passer un cap. « Il s’agit d’une histoire de passage à l’âge adulte, ou comment on grandit à partir d’une expérience et comment, en grandissant, on est obligé de laisser une période de sa vie derrière soi. Moi, n’ai choisi de laisser derrière moi mon rêve américain qui serait comme vivre dans un film ».

© Casterman / Luke Healy

Avec pas mal d’humour et d’un trait léger, réalisé au porte-mine et sur un « papier bon marché » précise l’auteur, Americana nous embarque en douceur – et sans les ampoules de circonstance – dans les pas de Luke Healy. On partage avec lui son enthousiasme des premières heures mais aussi ses galères, ses doutes, ses découragements, ses questionnements, son ennui parfois, oui parfois, et par-dessus tout cette volonté d’aller au bout, au bout du sentier, au bout du rêve, au bout de lui-même.

Americana parle de l’Amérique bien sûr, de l’expérience de l’auteur sur le PCT, mais l’album évoque aussi, entre les lignes et entre les cases, l’Irlande, l’Irlande malmenée par la crise financière de 2008, un taux de chômage dépassant les 20% chez les jeunes, une génération sacrifiée, la « génération immigration » comme on l’a appelée et dans laquelle se reconnaît l’auteur désormais installé à Londres. Une belle découverte !

Eric Guillaud

Americana, de Luke Healy. Casterman. 23€

18 Juil

Voraces : attention une nouvelle race de morts vivants débarque avec Bec et Landini

L’avenir nous appartient. Enfin presque ! D’une épidémie à l’autre, après le coronavirus voici le kuru. Et les masques pourraient bien être inutiles cette fois. Il suffit d’une morsure et nous voilà transformés en morts encore un peu vivants, ou en vivants pas tout à fait morts. Ce qui revient un peu au même…

On les appelle les Voraces. Et pour être voraces, ils sont voraces, et pas une poignée, non, des milliers de zombies qui ont envahi la mégalopole New Dehli en Inde. Et pas seulement. Ils sont partout, agressifs, dévorant tout sur leur passage et menaçant la sécurité intérieure su pays.

Mais il reste un espoir. Un convoi « humanitaire » escorté par des militaires doit rejoindre le gouvernement retranché dans un bunker assiégé et permettre avec son chargement secret de reprendre les choses en main. Le seul hic, car il y a un hic, c’est que le convoi doit parcourir 1350 km pour y parvenir, 1350 km et un désert à traverser, le Thar, un désert pas si désert que ça… Tout le monde le sait dans le convoi, ce ne sera pas une promenade de santé.

Le prolifique scénariste Christophe Bec (Sanctuaire, Carthago, Prométhée...) et le dessinateur italien Stefano Landini nous embarquent dans une histoire de zombies qui ne devrait pas déplaire à tous les amoureux de la série phare dans le genre, Walking Dead, avec ici un graphisme moins noir mais des scènes tout aussi gores. Un album paru dans la collection Flash Bones pour laquelle Christophe Bec a déjà signé Blood Red Lake, Placerville, Sunlight, Winter station et Bikini Atoll. Prolifique le garçon on vous dit !

Eric Guillaud

Voraces, de Stefano Landini et Christophe Bec. Glénat. 9,99€

29 Mai

House Of X : les X-MEN se réinventent encore une fois…

Si vous êtes fans de la maison MARVEL, vous savez que ces fins businessmen aiment régulièrement rebooter leurs séries, quitte à réécrire les personnages, leurs liens ou encore leurs origines et à bousculer les fans. Habituée à ce traitement de cheval, sa série phare les X-MEN s’offre ici un nouveau ravalement de façade assez radical et surtout très adulte.

En même temps, il était temps. De l’avis de nombreux fans, cela fait maintenant des années que la série végétait, enchaînant les scénaristes et les dessinateurs sans qu’aucun ne réussisse à retrouver une certaine flamme. Oui, il fallait foutre un gros coup dans la fourmilière et c’est ce qui se passe avec House Of X.

Alors le point de départ de cette nouvelle version est hautement politique, vu que les mutants se sont réunis sur la même île dans une espèce d’arche de Noé, d’où ils décident de proposer au reste de l’humanité des remèdes contre le cancer ou pour allonger leur espérance de vie… Mais à condition qu’ils soient reconnus comme un pays à part entière. Sauf que personne n’est vraiment qu’il prétend être. Et alors que les Quatre Fantastiques entrent aussi dans la danse, un projet secret baptisé Orchis et caché dans une station spatiale placée en orbite autour du soleil se réveille. Le tout afin de « sauver l’humanité de l’extinction » mais surtout de l’invasion mutante…

© Marvel / Panini Comics – Jonathan Hickman, Pepe Larraz et RB Silva

Bien sûr, cela plus d’un demi-siècle que Jack Kirby et Stan Lee ont lancé la série et qu’elle s’est depuis longtemps détachée de l’esprit un peu béni-oui-oui de ses débuts. Mais la volonté affichée ici est de proposer une série adulte, en prise avec son époque et notamment le pessimisme ambient. Réaliste, noir et quasiment mystique, House Of X joue pas mal avec nos nerfs. Déjà parce qu’elle fait valdinguer les repères des fidèles lecteurs en redistribuant les rôles. Ressuscité, rajeuni mais avec un visage presque tout le temps caché par un casque cybernétique, le professeur X par exemple est désormais aussi froid que calculateur, bien que toujours idéaliste. Tout comme son ancien protégé, et membre historique, Cyclope devenu cynique et radical et l’un de ses plus farouches adversaires.

© Marvel / Panini Comics – Jonathan Hickman, Pepe Larraz et RB Silva

Mais il y a aussi cette temporalité éclatée, l’histoire étant racontée en suivant pas moins de quatre époques différentes, dont une mille ans dans le futur avec un ton SF apocalyptique assez dur. Ou encore ces dialogues très denses ou cette dramaturgie assez emphatique, comme si le scénariste Jonathan Hickman s’était senti obligé de faire dans la surenchère pour être à la hauteur de l’évènement.

© Marvel / Panini Comics – Jonathan Hickman, Pepe Larraz et RB Silva

Bref, pour ce premier des quatre numéros prévus, il va falloir s’accrocher. Â la limite, on se demande même s’il ne faudrait pas mieux attendre que tout cela sorte en intégral pour que l’on puisse, enfin, avoir une vue d’ensemble et donc peut-être comprendre un peu mieux l’intrigue assez complexe. Mais il faut quand même avouer que c’est un vrai pari artistique, porté par un trait très actuel et les couleurs qui pètent de partout, est osé et a de la gueule. Reste à savoir s’il permettra aux X-MEN de retrouver leur place de leaders… Ou pas.

Olivier Badin

House Of X/Powers Of X #1 de Jonathan Hickman,Pepe Larraz et RB Silva, Marvel/Panini Comics, 8,90 euros  

L’instant d’après : une intrigue illusionniste signée Zidrou et Maltaite

Sorti le 13 mars dans toutes les bonnes librairies de France et d’ailleurs, cet album de Maltaite et Zidrou aurait pu connaître le même sort que ses personnages, disparaître l’instant d’après. Mais le confinement instauré quelques jours plus tard n’a finalement pas réduit à néant le travail de ses auteurs. Et il est encore largement temps de le découvrir…

Des personnages qui disparaissent. Comme ça. Sans explication. D’un coup ! Ils sont là et l’instant d’après ils ne sont plus là. Alors bien sûr, ça effraie, ça interroge et ça commence à faire désordre dans la France des années 60. Surtout que ces disparitions peuvent toucher n’importe qui, intervenir n’importe où, à n’importe quel moment, dans un ascenseur, une salle de classe, une cabine d’essayage, un avion…

Et même une voiture ! Aline, harpiste reconnue, était assise à côté de son mari. En pleine discussion. Tendue la discussion. La Facel Vega fonçait sur l’autoroute, quand la jeune femme s’est évaporée. De quoi troubler son mari qui en perd le contrôle du véhicule et finit les 4 pneus en l’air. Lui se retrouve à l’hôpital, elle nulle part. De quoi éveiller la suspicion des policiers, d’autant que la jeune femme venait de souscrire une assurance vie. De quoi aussi faire revenir la soeurette des États-Unis. Blandine,  petite blonde streap-teaseuse que tout le monde croit hôtesse de l’air dans sa famille, se retrouve au coeur de l’affaire, à essayer de trouver des pistes, démêler le vrai du faux…

Après deux mois de confinement, voilà une histoire qui devrait aérer nos esprits, emmenée par le prolifique scénariste Zidrou et le dessinateur Eric Maltaite, nom associé aux séries 421 et plus récemment Choc. Pour ceux qui aiment les énigmes non résolues ou presque…

Eric Guillaud

L’Instant d’après, de Zidrou et Maltaite. Dupuis. 14,50€

 

25 Mai

Un Travail comme un autre : sublime adaptation en BD du roman de Virginia Reeves par Alex W. Inker

Attention talent ! Alex W. Inker à qui l’on doit déjà trois albums aussi remarquées que remarquables aux éditions Sarbacane revient avec l’adaptation du premier roman de Virginia Reeves, Un Travail comme un autre, une histoire dans l’Amérique des années 20, à la fois belle et tragique…

Terminé le confinement ! Sans reprendre le cours d’une vie tout à fait normale, nous allons enfin pouvoir vaquer à quelques-unes de nos occupations habituelles, notamment retrouver nos librairies préférées et découvrir les nouveautés que nos amis auteurs et éditeurs nous ont concoctées pour ce printemps étrange.

Parmi celles-ci, Un Travail comme un autre, première véritable lecture post-confinement et premier coup de coeur. Il faut dire que l’album a tout pour séduire : une fabrication hyper-soignée, ce qui est souvent le cas chez Sarbacane, près de 180 pages en quadrichromie, un papier de très belle qualité, une couverture magnifique, une dessin savoureusement rétro et légèrement burlesque qui rappellera à certains la bande dessinée américaine du milieu du XXe siècle, et une histoire de caractère signée de l’Américaine Virginia Reeves et magnifiquement adaptée par le Français Alex W. Inker dont c’est ici le quatrième album de bande dessinée après Apache, Prix polar SNCF 2016, Panama Al Brown et Servir le Peuple, tous publiés aux éditions Sarbacane.

L’histoire justement. Un Travail comme un autre nous embarque dans l’Amérique des années 20. Ce n’est pas encore la Grande Dépression, laquelle débutera avec le krach boursier de 1929, mais déjà, à cette époque, de nombreux fermiers endettés pour assurer la modernisation de leurs exploitations ne parviennent plus à honorer leurs emprunts et sont jetés sur les routes du pays, errant à la recherche d’un nouveau boulot.

Roscoe T Martin aurait pu être un de ces paysans ruinés s’il n’avait pas eu l’idée, l’audace ou le courage, appelez ça comme vous voulez, de détourner une ligne électrique de l’Alabama Power. Non seulement, lui, l’ancien électricien devenu fermier contre son grès lorsque sa femme hérita de l’exploitation familiale, évite la faillite mais trouve le moyen de développer son activité agricole, au point de devenir un homme des plus respectable et respecté des environs.

Jusqu’au jour où un employé de la compagnie d’électricité en question s’électrocute sur l’installation illicite de Roscoe. Pour lui, c’est le début de la fin. Á défaut de connaître l’errance sur les routes comme nombre de ses pairs, Roscoe T Martin va connaître les affres de l’emprisonnement dans un pénitentier d’état. Vingt ans de prison, abandonné par sa femme, violenté par les geôliers, vingt ans… et toute un vie qui fout le camp.

Beau et tragique, sensible et violent, Un Travail comme un autre trouve illustration à sa juste mesure sous le pinceau d’Alex W. Inker. Plus de 180 pages à dévorer, une immersion totale dans l’Amérique des années 20 avec son cortège de douleurs et d’injustices, de brutalités et de lâchetés. Indispensable pour les amoureux de Steibeck, fortement conseillé pour les autres. Du super boulot !

Eric Guillaud

Un Travail comme un autre, d’Alex W. Inker. Sarbacane. 28€ (en librairie le 27 mai)

© Sarbacane / Inker

19 Mai

L’histoire d’une jeune juive déportée racontée en BD par la Nantaise Stéphanie Trouillard

Elle s’appelait Louise Pikovsky, avait 16 ans, pensait que l’avenir lui appartenait. Mais en janvier 1944, elle est déportée et gazée à Auschwitz. En 2010, une correspondance entretenue avec une de ses professeurs est retrouvée au fond d’un placard. Elle est à l’origine de cette bande dessinée…

© Sarah Leduc – France 24

« Si je reviens un jour…  » : ces mots sont les derniers écrits par Louise Pikovsky, une jeune Parisienne juive de 16 ans, qui sera, avec sa famille, arrêtée, déportée et gazée à Auschwitz au début de l’année 1944.

C’est aujourd’hui le titre d’une bande dessinée qui raconte son histoire. Ces mots, terribles, nous accompagnent tout au long de la lecture. Et si elle était revenue, si elle avait pu reprendre le cours de sa vie, continuer de correspondre avec cette professeur, Mme Malingrey, qui l’avait prise sous son épaule, et si elle avait pu retrouver son école où elle était reconnue comme une très bonne élève. Et si, et si, et si…

Malheureusement, Louise Pikovsky n’est jamais revenue. Ses lettres, soigneusement rangées dans un placard du lycée Jean de la Fontaine à Paris, ressurgissent en 2010 à la faveur d’un déménagement au sein de l’établissement. C’est là que Stéphanie Trouillard intervient.

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05 Mar

De Spirou à Supergroom : quand les Nantais Fabien Vehlmann et Yoann carburent au super !

Le temps d’une petite dizaine d’années et de cinq albums, Fabien Vehlmann et Yoann ont animé la série Spirou et Fantasio. Ils reviennent aujourd’hui avec Supergroom, les aventures d’un super-héros qui se rêve ordinaire. Rencontre…

Si vous vous demandez comment naît un héros de papier, la réponse est ici assez simple. Supergroom est apparu pour la première fois dans une histoire courte publiée dans le journal Spirou. Coup de foudre des lecteurs et des éditeurs, Supergroom ne pouvait pas disparaître comme ça, d’un coup de cape.

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