21 Nov

Les Pépites Jeunesse : Montreuil livrent des trésors

Lastman de Balak, Michaël Sanlaville & Bastien Vivès - KSTR

Lastman de Balak, Michaël Sanlaville & Bastien Vivès – KSTR

Une semaine avant son ouverture, le Salon du Livre Jeunesse révèlent ses pépites 2013 : huit albums récompensés parmi plus 6 000 nouveautés.

Parmi les lauréats,  Lastman par Balak, Michaël Sanlaville et Bastien Vivès (KSTR) décroche la Pépite de la meilleure Bande Dessinée/Manga. Nous vous racontions l’histoire de ce trio d’auteurs hors du commun ici et  dans leur atelier parisien. Le 3ème tome de ce manfra (un manga à la française) vient de sortir et la qualité est toujours là.

La Pépite du Livre-Ovni récompense Romance, de BlexBolex (Albin Michel) et celle du Roman Ado européen distingue La double vie de Cassiel Roadnight, de Jenny Valentine (L’Ecole des loisirs). La Pépite du Livre d’art est décernée à L’art de l’ailleurs, de Hélène Gaudy (Palette).

La Pépite du Documentaire couronne Israël Palestine, une terre pour deux, de Gérard Dhôtel, illustré par Arno (Actes Sud Junior) et la Pépite de la Création numérique récompense Anne Franck au pays du manga, d’Alain Lewkowicz, Vincent Bourgeau, Samuel Pott et Marc Sainsauve (Arte).

Enfin, la Pépite de l’Adaptation cinématographique distingue Aya de Yopougon, réalisé par Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, d’après les deux premiers tome de la BD du même nom (Gallimard, coll. Bayou).

Anne Franck au pays du manga, d'Alain Lewkowicz, Vincent Bourgeau, Samuel Pott et Marc Sainsauve (Arte)

Anne Franck au pays du manga, d’Alain Lewkowicz, Vincent Bourgeau, Samuel Pott et Marc Sainsauve (Arte)

Les albums lauréats sont à découvrir du 27 novembre au 2 décembre dans la librairie du Salon. Des rendez-vous avec les artistes pour des rencontres et des séances de dédicaces y sont également programmés.

Didier Morel

Le vin : ça m’intéresse et vous ?

Le vin : ça m'intéresse par Murielle Rousseau et Sylvain Frécon - Dargaud

Le vin : ça m’intéresse par Murielle Rousseau et Sylvain Frécon – Dargaud

Le magazine Ça m’intéresse nous propose en images de rencontrer des vignerons, un œnologue et un sommelier. Une BD tannique, riche en arômes et au final gouleyante pour découvrir le monde du vin.

Pline l’ancien affirmait : « In vino veritas ». L’origine de ce breuvage divin remonterait à l’Iran (en – 5400 av. J-C) puis en passant du coté de la Mésopotamie, de l’Egypte, des grecs et des romains, il est arrivé jusqu’à nous autres les gaulois. Aujourd’hui 80% des achats de bouteilles de vin se font en supermarché. Ce qui laisse perplexe de nombreux consommateurs.  Les éditions Dargaud se sont associées au magazine Ça m’intéresse pour nous aider à choisir. Cette enquête fouillée oscille entre C’est pas sorcier, l’émission de France 3, pour la rigueur scientifique, et la série Pour les Nuls, pour la simplicité et l’humour. L’album est présenté comme la première du labo Ça m’intéresse, d’autres suivtont dans le même esprit.

Murielle Rousseau et Sylvain Frécon mettent en images les réponse à toutes les questions ou presque que l’on se pose sur le vin, son histoire, ses terroirs et son mode de fabrication. Des réponses simples accessibles aux néophytes comme aux amateurs de vin. Rabelais l’affirmait : « Le jus de la vigne clarifie l’esprit et l’entendement, apaise l’ire, chasse la tristesse et donne joie et liesse. » Modérément comme il se doit, cet album est à déguster avec un verre de beaujolais nouveau (ce 3ème jeudi du mois), ou bien mieux un vin charpenté à découvrir au fil des planches.

Didier Morel

Le vin : ça m’intéresse par Murielle Rousseau et Sylvain Frécon – Dargaud

Le vin : ça m'intéresse par Murielle Rousseau et Sylvain Frécon - Dargaud

Le vin : ça m’intéresse par Murielle Rousseau et Sylvain Frécon – Dargaud

Pour deux derniers verres (un Savigny-lès-Beaune et un Clos des Roulliers), retrouver cette excellente Chronique de la Vigne par Fred Bernard et ce roman graphique d’Etienne Davodeau devenu un best-seller Les Ignorants

La B.O à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Wine song par The Cat Empire

16 Nov

Paris Comics Expo : 2ème saison

Comics logoHD4date-2048x10491-e1384547321685Le pari du Comics Expo dans la capitale, des super-héros à découvrir à l’espace Champerret ce week-end

Vous le savez déjà si vous êtes un lecteur assidu de ce blog, nous vous parlons rarement de comics. Sur les quelques 5 000 – et plus ! – BD parues chaque année, nous faisons des choix. Le Comics a pourtant ses lettres de noblesse et ses références comme les Watchmen, pour ne citer qu’un des plus beaux exemples récents. Peut-être est ce dû à la faible, voire de sa quasi inexistence dans l’hexagone, mis à part Masqué, dont nous vous parlions ici quelques mois plus tôt. Toujours est-il que les 23 et 24 novembre prochain seront peut-être l’occasion de se rattraper en rencontrant des auteurs d’outre-Atlantique et leurs héros estampillés made in USA lors du Paris Comics Expo.

La première édition était une session de rodage à taille humaine. Au dire des fans c’était l’idéal pour rencontrer des auteurs loin de la gigantesque Japan Expo. Cette année les organisateurs ont vu plus grand et plus loin, affirment-ils.

Au programme entre autres :

Carlos Pacheco en dédicace pour son Captain America, Avengers Forever et Superman

Stéphane Créty le dessinateur de Masqué

David Finch sera là aussi pour Batman

Et ne manquez pas les conférences Comic Box (le premier magazine professionnel français consacré aux Comics), ils proposent de visiter un Paris bien spécial… Celui des comics ! Pendant une heure ils feront revivre les lieux qui ont un rapport avec la BD américaine dans la capitale. Bureaux d’éditeurs, antres d’auteurs, anecdotes et petits secrets qui se cachent au coin de la rue… les « bonnes adresses » où a été écrite l’histoire de la VF…conférence menée par Xavier Fournier et Jean-Michel Ferragatti le dimanche 24 novembre, 12H00-13H00

Didier Morel

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14 Nov

Les Pépites du Salon du livre de jeunesse à Montreuil 2013

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PÉPITE, Emile Littré nous propose la définition suivante dans son dictionnaire :

« Nom donné à des morceaux d’or natif sans gangue, quand chacun d’eux est plus grand qu’une paillette. ». Autrement dit les pépites, plus rares que les paillettes du métal précieux, attirent notre regard du fait de leur éclat qui diffère du commun.

Ainsi est la sélection finale des pépites BANDE DESSINÉE / MANGA (à partir de 10 ans) du Salon du livre de jeunesse à Montreuil 2013. Sur 31 bandes dessinées et mangas, repérés par le comité de lecture, et issus de la production de l’année, 10 ont été retenus.

Avec Eric Guillaud nous avions attiré votre attention sur certains de nos coups de cœur et plaisirs de lecture. Voici 4 chroniques à découvrir ou à relire avant le choix final le 18 novembre :

Last Man, Balak, ill. Michaël Sanlaville, Bastien Vivès, KSTR

Orignal, Max de Radiguès, Delcourt

Saveur coco, Renaud Dillies, Dargaud

Souvenirs de l’Empire de l’atome, Thierry Smolderen, ill. Alexandre Clérisse, Dargaud

 

1180_SLPJ_ANIMPROMO_vignetteLe reste de la sélection à découvrir :

Cendres, Álvaro Ortiz, traduit de l’espagnol par Alvaro Pablo, Rackham

Dans les Glaces, Simon Schwartz, traduit de l’allemand par Aurélie Marquer, Sarbacane

Iron ou La Guerre d’après, Shane-Michael Vidaurri, traduit de l’anglais (États-Unis) par Chopan, Cambourakis

Jane, le renard et moi, Fanny Britt, ill. Isabelle Arsenault, La Pastèque

Lartigues & Prévert, Benjamin Adam, La Pastèque

Les Ombres, Zabus, Hippolyte, Phébus

Le salon est prévu du 27 novembre au 2 décembre 2013. Nous vous en reparlerons.

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Voici le lien pour connaître les 7 autres pépites décernées aussi dans une semaine, notamment la très étrange pépite du LIVRE OVNI avec des trésors graphiques et à noter l’incursion chez les tout-petits de Zidrou pour une relecture de Boucle d’Or et les deux ours avec l’illustratrice Monika Hanulak dans la catégorie ALBUM Création francophone. Nous vous parlions justement de son éclectisme la semaine dernière ici.

12 Nov

Un Dahlia noir vient de fleurir en novembre

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher - Rivages/Casterman/Noir

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher – Rivages/Casterman/Noir

 

Amateur de polar noir, peut-être avez-vous déjà succombé à l’intensité graphique du fusain de cet américain formé aux Beaux-Arts de Paris. Le Dahlia noir de Miles Hyman est à lire, bien sûr, et surtout à voir …

Avec le scénariste rouennais Matz, le dessinateur Miles Hyman s’est déjà fait remarqué en 2008 pour leur adaptation réussie de Jim Thompson, La Nuit de Fureur. Parisien d’adoption, il expose ses meilleures planches au crayon gras et en couleur dans la Galerie Champaka dans le 3ème arrondissement. Et pas n’importe quelles planches : celles du Dahlia Noir, le polar noir de référence de James Ellroy. Le roman graphique vient d’arriver dans les bonnes librairies et nous en parlons ici

Didier Morel

Galerie Champaka – Arts de la Bande Dessinée – 67, rue Quincampoix 75003 Paris jusqu’au 30 novembre 2013

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher – Rivages/Casterman/Noir

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher - Rivages/Casterman/Noir

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher – Rivages/Casterman/Noir

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de ce roman graphique exceptionnelle :

Ecoutez la voix envoutante de Goldfrapp dans son nouvel album aux tonalités cinématographiques Tales of us

Adapter c’est choisir, et faire des choix ce n’est pas toujours trahir.

 

 

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher - Rivages/Casterman/Noir

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher – Rivages/Casterman/Noir

 

Qu’est ce qui définit une bonne adaptation ? La question est toujours la même quelle que soit l’œuvre de départ et celle d’arrivée. De la BD au roman, de la littérature au cinéma, du film au théâtre, chaque nouveau projet d’adaptation est confronté au même dilemme : être fidèle à la lettre ou à l’esprit de l’original. Cet automne nous fournit trois superbes réponses dans des genres très, très différents : un polar mythique, une étude sociologique et un sommet de littérature classique. Du Dahlia Noir de James Ellroy  à la Recherche du Temps perdu de Marcel Proust en passant par Riche, pourquoi pas toi ? d’après les écrits du tandem Pinson-Charlot, voilà des bulles à hautes valeurs ajoutées, des cases denses et riches de sens.

 

 

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher - Rivages/Casterman/Noir

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher – Rivages/Casterman/Noir

26 ans après, le pouvoir vénéneux de ce roman est toujours aussi fort. Magistrale est cette adaptation de l’œuvre la plus hypnotisante de l’écrivain américain James Ellroy. Ceux qui ont découvert l’histoire Elisabeth Short en 1987 n’ont pas oublié le visage du Dahlia Noir. Et c’est bien toute la difficulté d’une adaptation, que ce soit celle filmique réalisée par Brian de Palma en 2006, ou aujourd’hui encore celle de cette version graphique : mettre un visage unique qui ne trahisse pas celui de l’inconscient collectif des millions de lecteurs.

Pari réussi donc pour cet album de la collection Rivages/Casterman/Noir. Au générique, sous la houlette de François Guérif, le passeur de James Ellroy en France, nous retrouvons Matz, de son vrai nom Alexis Nolent, l’auteur rouennais de la série à succès Le Tueur et Cyclopes. Aucun doute, c’est du travail d’orfèvre qu’il nous livre là. Il a ciselé les 300 pages d’un roman réputé inadaptable du fait de sa structure éclatée. En ne se contentant pas de mettre en image les mots d’Ellroy, même si 90% du texte sont d’origine, Matz a recomposé la structure pour lui insuffler sa vision.

Une vision en parfaite cohérence avec le dessin de Miles Hyman (Nuit de Fureur avec matz déjà) Celui-ci déclare : « le plus gros défi pour moi a été de trouver l’approche graphique qui correspondrait vraiment à l’univers « ellroyen » : je ne voulais pas tomber dans le cliché, dans le « déjà-vu » avec des détectives s’habillant en trench et Fedora et des femmes forcément belles et sulfureuses …Je ne voulais pas que ce soit ni de l’illustration ni de la bande dessinée à laquelle on pourrait s’attendre. »

Alors oui, nous sommes surpris ; et même si les femmes dessinées par Hyman sont belles et sulfureuses à leur manière, sa lecture graphique du roman est comme il la souhaitait : « fidèle et inattendue». A noter au générique le nom de David Fincher, le réalisateur américain du Zodiac, Seven et Millenium. Premier réalisateur pressenti pour l’adaptation sur grand écran, il a été le déclencheur de l’envie de Matz de se lancer dans le projet pendant qu’ils travaillaient ensemble à la version cinéma du Tueur. D’où son nom en couverture, aussi surprenant cela soit-il.

Pour aller plus loin, regardez Miles Hyman au travail sur sa planche à dessin – 6 épisodes réalisés par Médiapart

Le Dahlia Noir par Miles Hyman, Matz & David Fincher – Rivages/Casterman/Noir

Riche, pourquoi pas toi ?  de Marion Montaigne avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon - Dargaud

Riche, pourquoi pas toi ? de Marion Montaigne avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon – Dargaud

 

Riche, pourquoi pas toi ?

La question est bonne, tant le désir est partagé de « gagner plus », sans pour autant s’encombrer de la contingence que l’on nous impose : « travailler plus ». Car c’est une des nombreuses idées reçues que le couple Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon démontent : ce qui enrichit, c’est de faire travailler l’argent, surtout depuis qu’il est devenu virtuel.

Les deux sociologues savent de quoi ils parlent, ils se définissent comme monomaniaques. Depuis 30 ans, ils étudient les riches sous leur microscope, des chalets de Gstaad aux planches de Deauville, des HLM du XVIème aux parterres fleuris de Neuilly. Ils connaissent bien cette espèce en voie d’expansion : « 1 426 milliardaires en 2013 dans le monde, on n’a jamais compté autant de riches; en parallèle, il n’y a jamais eu autant de pauvres de plus en plus pauvres ».

A partir de leurs écrits comme le Président des riches ou Sociologie de la bourgeoisie, la dessinatrice Marion Montaigne (Tu mourras moins bête, prix du public Angoulême 2013) met en scène avec un humour aussi débridé que contagieux ces « deux zigotos », caricaturés avec des espadrilles magiques achetées à la Fête de l’Huma. Avec leur accord les voici projetés dans le quotidien d’une famille les Brocolis. Philippe, le père, futur chômeur, se voit poser une drôle de question : cela vous plairait d’être riche ? Devenus millionnaires de la chance grâce au loto, sa femme, son fils et lui découvrent, à travers divers exercices pratiques – comme se rendre dans une bijouterie de la place Vendôme ou chez Drouot lors d’une vente aux enchères – qu’il ne suffit pas d’avoir beaucoup d’argent pour être riche, qu’il existe différentes richesses et qu’il est plus facile de devenir un nouveau riche qu’un grand bourgeois.

Enrichi d’infos sur l’actualité des grandes familles et autres dynasties (Bettencourt, Bolloré, Wendel), cet album réussit l’exploit de nous faire rire de la misère des riches et de leur petit tracas. Et bien que tout leur profite, la crise parfois plus que la croissance, nous faisons le constat que cette situation n’est pas à envier. Ce qui l’est, comme le souligne le couple de sociologue à la fin de l’ouvrage, c’est la capacité des ultra-riches à être « solidaires, organisés et mobilisés ». Une leçon paradoxale en ces temps où l’individualisme est vanté.

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon - La Découverte

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon – La Découverte

Riche, pourquoi pas toi ? de Marion Montaigne avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon – Dargaud

À la recherche du Temps perdu - Noms de pays : le nom par Stéphane Heuet - Delcourt

À la recherche du Temps perdu – Noms de pays : le nom par Stéphane Heuet – Delcourt

 

« Les photos de Proust en marcel sont rares ! » disait un auteur humoriste. Le voici représenté enfant dans le plus pure style de la ligne claire en costume d’époque avec son canotier. Stéphane Heuet est devenu l’auteur de référence pour qui souhaite découvrir sous forme graphique À la recherche du Temps perdu et l’univers de Marcel Proust. Publié dans le monde entier, à 300 000 exemplaires en France, étudié dans les lycées et les universités, son travail d’adaptation est remarquable de précision.

La série comporte aujourd’hui 6 tomes. Stéphane Heuet vient de faire paraître cet automne Nom de Pays : le nom, dernière partie du  tome 1 de la Recherche :  Du coté de chez Swann. La qualité de son travail se retrouve aussi dans les 18 pages illustrées qu’il ajoute au récit, afin d’aider le lecteur à mieux comprendre par exemple ce que sont le questionnaire de Proust, les lieux et monuments disparus évoqués dans l’œuvre, et ce qui peut être très utile l’inventaire de tous les personnages avec la généalogie du narrateur. Parfait pour une première approche de cette oeuvre monumentale, souvent citée mais rarement lue dans sa totalité …

A noter la parution simultanément de l’intégrale des 4 tomes qui composent Du coté de chez Swann : Combray, Un Amour de Swann, Noms de pays : le nom.

À la recherche du Temps perdu - Noms de pays : le nom par Stéphane Heuet - Delcourt

À la recherche du Temps perdu – Noms de pays : le nom par Stéphane Heuet – Delcourt

À la recherche du Temps perdu – Noms de pays : le nom par Stéphane Heuet – Delcourt

Didier Morel

 

08 Nov

Une année avec Zidrou

Zidrou - Dargaud / Rita Scaglia

Zidrou – Dargaud / Rita Scaglia

 

Il nous a déjà subjugués en ce début d’année avec un récit émouvant autour d’une piscine ( Le Beau Voyage ), puis convaincus avec une histoire improbable de rédemption amoureuse dans la prostitution espagnole (Le Client). Revoici l’auteur aux multiples facettes Zidrou pour le démarrage d’une série historique dans la lagune vénitienne : Marina (t1)– les enfants du Doge et un album au titre plus qu’étrange : Pendant que le Roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ?

Ne cherchez pas l’explication de ce titre abscons. Ou plutôt si, en vous plongeant dans les deux dernières cases du prologue de la 8ème planche. Une fois de plus, Zidrou, le prolifique auteur belge qui vit en Espagne, développe son talent de narrateur sensible en choisissant un point de vue original sur un sujet de société : le handicap chez l’adulte. Comment vivre et s’occuper d’un « enfant » de 43 ans ? Toute l’histoire est racontée du point de vue de cette mère de 72 ans qui ressemble à une granny, une grand-mère au regard tendre et à la peau qui commence à se rider. Aucun détail des épreuves qu’elle accepte n’est mis de coté  (les manies de son garçon, son jeu puissance 4, ses besoins sexuels …), aucun de ses doutes, de ses peines mais aussi de ses joies et de ses petits bonheurs qui font que cette vie centrée sur cet enfant encombrant est possible avec la solidarité de son entourage. Par petites touches, une vie d’amour se dessine au quotidien avec humour, oui beaucoup d’humour, pour raconter ce qui fait peur à beaucoup : le handicap. Un thème qu’il avait traité différemment avec l’album très fort : Lydie, l’histoire au ton juste d’une jeune maman simple d’esprit dans les années 30.

Pendant que le Roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? de Zidrou & Roger - Dargaud

Pendant que le Roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? de Zidrou & Roger – Dargaud

Changement d’horizon et d’époque, le caméléon Zidrou, de son vrai nom Benoît Drousie, conserve l’humour mais avec beaucoup de violence cette fois-ci. Il nous entraîne sur les traces de Marina, la fille du Doge, à Venise en 1342. Avec son frère, ils sont pris en otage et conduits sur l’ile où des pirates retiennent tous leurs prisonniers pour obtenir de fortes rançons. Payer ou ne pas payer, arrêter ou encourager indirectement ce trafic, la question se posait déjà à cette époque. Ce récit historique se construit en parallèle sur deux époques : d’un coté celle de Marina, violée, mutilée, trahie par son père, sa vengeance trouve écho de nos jours avec l’exploration d’une épave retrouvée dans les eaux de la lagune de Venise.

Marina (t1)– les enfants du Doge de Zidrou & Matteo - Dargaud

Marina (t1)– les enfants du Doge de Zidrou & Matteo – Dargaud

 

Avec cette tragédie vénitienne et ce récit intimiste, le gagman reconnu grâce au succès de son élève Ducobu, nous surprend et nous séduit. Dans une récente interview pour ActuaBD, il explique cette multiplicité et diversité :

«Pendant des années, personne ne voulait publier mes histoires réalistes… Le hasard de la programmation a fait que cinq de mes histoires ont pu sortir de manière rapprochée. C’est dû au fait que telle histoire a traîné douze ans dans un tiroir avant d’intéresser quelqu’un. Ou qu’un dessinateur a été rapide sur tel scénario. Tel autre a, par contre, mis beaucoup plus de temps à dessiner le sien… Bref, tous ces aléas sont à l’origine de l’enchaînement des publications de mes albums. »

Zidrou n’abandonne pas les albums pour jeune public (Tamara, Tueurs de mamans). Avec ces récits pour adultes qui abordent des thèmes rares en BD (le deuil, la prostitution, le handicap) il nous prouve qu’il est un auteur complet sur lequel nous pouvons compter pour alimenter notre réflexion tout en nous faisant rire à chaque fois que le besoin s’en fait sentir.

Didier Morel

Pendant que le Roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? de Zidrou & Roger – Dargaud

Marina (t1)– les enfants du Doge de Zidrou & Matteo – Dargaud

Pour en savoir plus sur Zidrou, n’hésitez pas à lire ou relire 3 articles d’Eric Guillaud : Le beau voyage, La peau de l’ours, Tueurs de mamans

Des Fourmis dans les Jambes par Arnaud Gautelier et Renaud Pennelle - Emmanuel Proust Editions

Des Fourmis dans les Jambes par Arnaud Gautelier et Renaud Pennelle – Emmanuel Proust Editions

 

Pour aller plus loin sur la BD et le handicap, regardez la sélection d’albums présentée par l’association Sans Tambour Ni Trompette, qui a remis au début de l’année pendant le Festival d’Angoulême, son 3ème trophée « Des BDs qui font la différence » à Arnaud Gautelier et Renaud Pennelle pour Des Fourmis dans les Jambes, un roman graphique témoignage sur la sclérose en plaque. Zidrou a d’ailleurs été primé en 2011 pour Lydie. dans le cadre du mois Extra-Ordinaire, une exposition est organisée à Paris sur ces BDs qui font la différence.

 

03 Nov

La Bande Dessinée regarde le monde

Festival Forum des imagesOu comment le 9ème art s’associe au 7ème pour la 5ème édition du festival Un état du monde … et du cinéma au Forum des Images. Du 8 au 17 novembre 2013, ce festival a pour vocation d’analyser et de questionner le monde par le prisme du cinéma. Cette année, il accueille dans ces salles obscures « la BD, celle qui crayonne l’actualité et esquisse la marche du monde », dixit Laurence Hesberg, la directrice du forum des Images.

Chroniques historiques, romans graphiques ou reportages dessinés, tous les genres seront présents pour rendre compte de la vitalité d’un art pour raconter des histoires actuelles et les mettre en images.

Au programme, six rencontres appelées, tenez vous bien, apéros géopolitiques.

 

Je vous recommande :

–         l’excellent Patrick Chapatte. Suivant les traces du père de la BD-reportage Joe Sacco, le cartooniste helvète se met lui aussi en scène dans ses albums aux quatre coins du monde (Mexique, Liban, Palestine …) Le lundi 11 nov. à 19h avec Erwan Desplanques (Télérama), Patrick Chapatte (Le Temps) présentera BD Reporter : du Printemps arabe aux coulisses de l’Elysée .

–         Bertrand Tavernier sera aussi pour parler de son nouveau film adapté de la BD multi-primé Quai d’Orsay avec dessinateur Christophe Blain. Samedi 9 nov. à 18h

–         Vous pourrez prendre des Nouvelles d’Alain (édition les Arènes XXI) avec le dessinateur Emmanuel Guibert et bien sur le reporter photographe Alain Keler, lui qui a visité pendant 10 ans les villages de Roms au volant de sa vielle Skoda. Un thème toujours autant d’actualité. Mardi 12 nov. à 19h

–         Peut-être avez vous apprécié la nouvelle Revue Dessinée. Le vendredi 15 nov. ce sera l’occasion de rencontrer de des auteurs qui ont participé à ce premier numéro en enquêtant sur Les Pionniers du gaz de schiste : Daniel Blancou et Sylvain Lapoix.

Pour compléter ce regard porté sur le monde, à voir également sur place une exposition en partenariat avec la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image d’Angoulême et des films adaptés de BD (Aya de Youpougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, Couleur de peau : miel de Laurent Boileau et Jung Sik-jun)

Didier Morel

Plus d’info sur le programme : Forum des Images

31 Oct

Scary Godmother, une marraine effrayante pour Halloween

 

Scary Godmother par Jill Thompson - Delcourt

Scary Godmother par Jill Thompson – Delcourt

 

L’illustratrice Jill Tompson le sait bien : les enfants adorent avoir peur … et se faire peur. Affronter les monstres aide à grandir et c’est exactement ce que va faire pour sa première soirée d’Halloween Hannah Marie.

Elle est la plus jeune de la bande de kids du quartier. Son grand cousin se retrouve contraint de se coltiner celle qu’il considère comme un gros bébé. Mais dans la course aux bonbons, c’est elle qui osera faire face aux milieux des monstres, comme celui de la cave aux multiples yeux, ou le chat ahuri, ou encore le squelette dégingandé.

La grande réussite de ces histoires, c’est bien sûr la Scary Godmother, cette marraine terrifiante qui règne sur ce monde de spectres et de monstres. Une sorcière qui effraie les enfants mais dont la fillette saura se faire une alliée précieuse.

Dans ce recueil de 5 histoires publiées initialement entre 1997 et 2010, Jill Thompson révéle l’étendue de son talent graphique. Loin des modes et des tendances du moment, elle a su créer son propre univers visuel. Son travail a été récompensé par le trophée Will Eisner Award de la meilleure peintre illustratrice. Un livre à dévorer comme il se doit avec une lampe de poche sous les couvertures …

Didier Morel

Scary Godmother par Jill Thompson – Delcourt

Scary Godmother par Jill Thompson - Delcourt

Scary Godmother par Jill Thompson – Delcourt

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cet album :

This is Halloween re-cut par Marilyn Manson d’après L’étrange Noël de Mr Jack

29 Oct

Wizzywig, Portrait d’un hacker en série par Ed Piskor – Dargaud

Wizzywig, Portrait d’un hacker en série par Ed Piskor – Dargaud

Wizzywig, Portrait d’un hacker en série par Ed Piskor – Dargaud

 

Wizzywig n’existe pas, ce livre n’est pas le récit de sa naissance à son emprisonnement pour hacking aux Etats-Unis. Et pourtant chacun des détails de cette histoire fait écho à des éléments d’actualité sur le piratage informatique (les affaires Manning, Snowden…). Le dessinateur américain Ed Piskor a réussi à faire sonner vrai, très vrai ce Portrait d’un Hacker en série.

Enfant solitaire, Kevin Phenicle a un seul ami : Winston Smith. Toute l’histoire est racontée du point de vue de cet ami devenu animateur sur une radio indé : comment Kevin a pris le pseudo de Boingflop, comment il a truqué son premier ticket de bus, comment il a passé ses premiers appels téléphoniques longue distance gratuitement en sifflant ou en composant des séries de chiffres (en référence à celui qui est considéré comme le premier des hackers John Draper alias Cap’n Crunch, marque de céréales où il a trouvé un jouet sifflet utilisable sur le réseau Bell). De l’enfance d’un gamin avide d’expériences à l’adolescence d’un élève qui découvre les possibilités des premiers ordinateurs personnels, ce vrai faux documentaire retrace toutes les étapes de ce surdoué. Un récit en noir et blanc sobre et tout en retenue, quels que soient les tracas ou les violences que Kevin traverse.

Aujourd’hui souvent associés aux cybercriminels, Ed Piskor, l’auteur américain de cet album, nous rappelle à juste titre que seule l’expérimentation était le moteur des premiers hackers. Pas encore subversifs, ni tout à fait rebelles…juste des bidouilleurs en quête d’innovation, qui cherchent à dépasser les limites de la technologie, le sens originel du mot hacker.

Entre internet et liberté individuelle, ce récit pose la question de ces rapports de plus en plus conflictuels, en rassemblant dans un seul personnage des éléments biographiques de 6 hackers qui ont vraiment existé. Entre autres : Kevin Poulsen, connu pour être entré dans l’ARPAN, réservé à l’armée, aux grandes écoles et grandes entreprises, ancêtre de notre internet ; Robert Tappan Morris, auteur d’un des premier virus, le ver Morris ; ou encore Kevin Mitnick, recherché pendant 6 ans par le FBI et accusé d’avoir volé des logiciels et de s’être introduit dans des systèmes protégés.

Il est bon de se souvenir que grâce à l’esprit de recherche qui les anime, nous leur devons entre autres rien moins que les ordinateurs personnels, les RFC des standards qui permettent le fonctionnement d’internet, le wifi, les logiciels libres, le navigateur Firefox …

Au final, un album dense de 280 pages qui dépeint sur plusieurs décennies la société américaine dans sa course à la sécurité. Une chronique entre réalité et fantasme qui consacre un jeune auteur, à lire et à suivre assurément.