Vous pensiez connaître l’animal sur le bout des griffes ? Avec Zidrou et Frank Pé en nouveaux maîtres, vous pourriez bien être surpris. Prévu en deux volumes, La Bête nous dévoile un Marsupilami beaucoup plus sauvage et réaliste dans le contexte des années 50 encore marquées par la deuxième guerre mondiale…
L’histoire commence un peu comme celle de King Kong, une bête sauvage ramenée vers la civilisation dans la cale d’un cargo. Sauf que la destination n’est pas New York, mais Anvers en Belgique, et que la bestiole n’est pas un gorille. Elle ne ressemble à vrai dire à rien de connu. Singe jaune à pois noirs ? Léopard mal fichu ? Ours affublé d’une queue de huit mètres de long ? Pas le temps de trouver une réponse que l’animal s’enfuit.
C’est un jeune gamin de Bruxelles qui finit par le recueillir. François de son prénom, Franz pour les mauvaises langues qui lui font payer les amours illicites de sa mère pendant la guerre, a une passion pour les animaux, surtout les éclopés comme lui, au point de transformer l’appartement de sa mère en une véritable Arche de Noé.
« Une taupe albinos! Une hulotte idiote! Une caille sans plumes! Un vieux matou qui pète tout le temps! Des salamandres! Un chien à trois pattes! La seule chauve souris diurne au monde! Un aigle même pas fichu de voler ».
En dressant cet inventaire à la Prévert, la mère de François ne cache pas sa lassitude. Tant d’animaux dans si peu de mètres carrés ! Alors, le voir débarquer un beau soir avec cet animal étrange et pas franchement avenant, ça ne contribue pas à la sérénité.
Oubliez les peluches que vous enlaciez tendrement pour vous endormir enfant, ce Marsupilami-là est finalement assez éloigné de la création d’André Franquin même s’il a gardé son pelage tacheté, sa queue démesurée et ses Houba! de circonstance. Le Marsupilami de Zidrou et Frank Pé est foncièrement plus brut de décoffrage comme le reconnaissent les auteurs eux-mêmes : « Le vrai intérêt…. », explique Frank Pé, « n’était pas de faire un hommage. J’ai essayé de faire un tri drastique. Je voulais garder la tendresse et la gentillesse, mais y ajouter un style graphique plus réaliste, bestial. En fait, s’évader de son côté cartoonesque, le ramener à son état sauvage, montrer un animal qui pue! ».
Rassurez-vous, l’album, lui, ne pue absolument pas, il sent même très bon l’aventure dans son beau format carré de 150 pages. Les planches de Frank Pé sont absolument magnifiques, les couleurs apportent une touche nostalgique bienvenue. Quant au scénario de Zidrou, truffé de clins d’oeil aux auteurs du journal Spirou, il est parfaitement huilé et sans failles. Beau boulot !
Eric Guillaud
La Bête, de Zidrou et Frank Pé. Dupuis. 24,95€